Chapitre 5.2
(...)
— Pour ma part, je déteste le rose fuchsia et je m'oppose absolument à ce qu'on accroche des portraits de mon frère dans ma chambre. Désolée Liha.
La mention de son prénom la sortit immédiatement de la douce torpeur dans laquelle les yeux de Liam l'avaient plongée.
— Ça n'a jamais été mon idée, maugréa-t-elle en jetant un regard indigné à Eiline qui venait de se rapprocher de Iain.
— Je sais, rigola-t-elle en passant ses bras autour de la taille de son petit ami. Une idée aussi mégalo ne peut venir que de Liam lui-même.
Alors que ce dernier répondait à sa sœur par une grimace, elle eut soudain une furieuse envie de faire comme son amie avec Iain et de le prendre dans ses bras. Et tandis que Iain embrassait affectueusement sa copine sur la tempe, son cœur se serra de façon complètement ridicule à l'idée qu'elle n'aurait peut-être jamais ce genre de relation avec Liam.
Ridicule parce que – franchement ! – ce n'était pas du tout ce qu'elle voulait avoir avec le mec dont elle était stupidement tombée amoureuse.
Si ?
— Mais sinon – à part pour le rose – je trouve ton idée excellente Bri ! reprit Eiline totalement inconsciente du débat intérieur hautement philosophique, que ses gestes tendres envers Iain avaient pu provoquer chez son amie.
Furieuse de s'être une nouvelle fois laissée aller à tant de mièvrerie, elle détourna brusquement la tête. Et qu'elle ne fût pas sa surprise en découvrant que l'objet de ses prises de tête quotidiennes avec ses hormones, était lui aussi en train d'observer le couple idéal d'un air pensif.
Mais ce petit moment de flottement bien que très – mais alors vraiment très – furtif, fut tout de même suffisant pour que son traître de cœur se gonfle... d'espoir.
Bon sang de bon sang de bordel de... non mais quelle idiote je vous jure !
Se sentant sans doute observé – et maudit par la pensée pour ce délire romantique – il se tourna dans sa direction et lui décocha son plus beau regard noir du type ne supportant pas d'avoir été pris en flagrant délit d'introspection sentimentale.
Du moins, c'est ainsi qu'elle décida de traduire son expression agacée.
Et non, ce n'était absolument pas un autre faux espoir extrêmement pathétique !
— Hum hum...
Toujours debout sur le bureau pour surplomber l'arène des fauves, Dilys tenta une nouvelle fois de se faire entendre et de ramener le vrai sujet de cette réunion sur la table.
— Et si nous écoutions tous la demoiselle sans l'interrompre cette fois-ci ? suggéra Connor pour venir en aide à la timide Métisse.
Euh... OK... mais... Le fait qu'il insiste sur le tous en lui lançant un regard appuyé était-il un message caché... ou pensait-il réellement qu'elle n'avait pas compris que tout dépendait d'elle ?
Vexée, car sachant pertinemment que son ami ne cherchait pas à avoir une conversation codée, elle plissa le nez et se retint juste à temps de lui tirer la langue. Après tout, elle avait constaté récemment – quand elle avait réussi à se contenir, plusieurs fois d'affilée, de ne pas frapper Macha – qu'elle avait beaucoup mûri ces derniers temps. Et il était hors de question qu'elle régresse. Elle haussa donc royalement les épaules avec un petit reniflement hautain et se tourna vers Dilys.
Et oui ! Bien sûr que c'était beaucoup plus mature comme réaction !
Comprenant que la principale concernée était enfin tout ouïe, Dilys se lança sans attendre dans la retranscription orale complète, de la conversation que Brianna, Jack, Duncan et elle, avaient eue ce matin au réfectoire. Au bout d'un long moment – presque abasourdie de ne pas avoir été interrompue une nouvelle fois – elle conclut en expliquant l'idée de Jack sur un vote à bulletin secret, pour déterminer si oui ou non la majorité des personnes concernées étaient d'accord pour demander à Lihanna – simplement lui demander – de tester elle-même la mémoire d'Erin.
Quand Dilys se tut, le silence qui s'installa sembla presque assourdissant. Lihanna sentait bien que l'assistance était fébrile. Ils la regardaient tous en attendant sa réaction. Peut-être avaient-ils peur qu'elle n'explose et qu'elle ne déclenche l'apocalypse dans la pièce, comme elle avait failli le faire dans le bureau de son père pendant les recherches pour retrouver Erin ?
Et pour être honnête, pendant un moment qui lui avait semblé interminable, elle-même avait bien cru que c'était ce qu'elle allait faire.
Car, pendant que Dilys parlait, elle ne pouvait pas nier avoir senti cette colère sourde – couplée à cette pointe de haine synonyme de ténèbres libératrices – se frayer un chemin vers son cœur.
Elle avait d'ailleurs pressenti avec une acuité nouvelle et salvatrice – pour elle, mais surtout pour les autres – avec quelle simplicité cette part sombre de sa personne aurait été capable de reprendre possession de ses pensées, de ses émotions, de ses pouvoirs... si elle l'avait laissée faire. Si elle avait préféré – comme les fois précédentes – choisir la facilité pour moins souffrir. Si elle s'était focalisée sur les paroles qui lui avaient fait du mal et si elle s'était laissé submerger par ses sentiments négatifs.
Mais comme elle l'avait dit plus tôt, elle savait mieux se contrôler à présent. Et – toutes plaisanteries mises à part – oui, elle avait effectivement mûri. Assez en tout cas pour être capable de peser le pour et le contre avant d'agir. Assez pour réfléchir de façon plutôt – et pour elle, c'était déjà un grand pas – rationnelle. Assez pour ne pas laisser le sort d'Evan – dont elle sentait les griffes lui lacérer le bide – brouiller son jugement. Et assez, surtout, pour ne pas déverser sa haine dévastatrice sur ses amis qui, au final, ne voulaient que le bien d'Erin.
Même s'ils avaient tort.
— Liha ? appela Dilys, brisant le silence d'une voix presque tremblante.
Ce ton mal assuré, traduisant une certaine peur à son encontre, la tira de ses sombres pensées. Mais il accentua également le sentiment de honte qui s'était emparé d'elle, au moment où elle avait compris être toujours capable de faire du mal aux gens à qui elle tenait, si elle relâchait sa vigilance.
Et cela, juste pour des questions de divergences d'opinions...
Pour tenter de se faire pardonner – alors qu'elle savait pertinemment que ses amis n'avaient aucune idée des doutes qui l'animaient, ni des constantes luttes intérieures auxquelles elle devait faire face pour garder le contrôle – elle ébaucha un pâle sourire que lui retourna immédiatement son amie.
— Tes yeux étaient plus sombres...
Elle sursauta en entendant cette voix rauque et assurée qui éveillait en elle une foule d'émotions contradictoires. Car la personne à qui appartenait ce timbre si familier savait – au contraire des autres – quel combat quotidien elle était obligée de mener...
En levant les yeux vers lui, elle fut d'abord surprise. En proie à ses batailles contre elle-même, elle ne s'était même pas aperçue que Liam s'était approché si près.
Si près que son cœur se gonfla d'un sentiment de soulagement et d'angoisse mêlés quand elle croisa les prunelles grises brillant d'une fierté non dissimulée.
Angoisse, parce qu'elle était tout de même entrée dans cette sorte de transe qui la transformait normalement en monstre dénué d'émotions. Et soulagement, car elle avait réussi à s'en sortir toute seule, sans l'intervention de celui – le seul – qui comprenait ce qu'elle venait d'endurer et qui la regardait avec admiration.
— ... mais tout est rentré dans l'ordre maintenant. Ils ont retrouvé leur magnifique et bizarre – note bien que j'insiste sur le bizarre – couleur améthyste.
Sentant naître sur ses lèvres un sourire qu'elle espérait assez parlant pour lui signifier sa reconnaissance, il ajouta :
— Tes progrès sont fulgurants, ma jeune apprentie !
Euh...
Son sourire « reconnaissant » se figea. Car l'image d'un Liam affublé d'un costume de Jedi vint immédiatement s'immiscer dans son esprit... et elle eut beaucoup de mal à retenir un gloussement se situant finalement à mi-chemin du sanglot et de l'éclat de rire, plutôt que du discret petit étirement des lèvres signifiant un doux et timide « merci ».
Semblant un peu désarçonné par sa réaction, le sourire de Liam vacilla également. Puis le jeune homme fourra ses mains dans ses poches pour se donner une contenance.
Oubliant instantanément les personnages de Star Wars, elle fut à nouveau prise de l'envie furieuse de lui sauter dans les bras. Pulsion récidiviste qui se terminait bien souvent par un baiser fougueux, destiné à le remercier de ne pas être un gros connard aux moments les plus opportuns...
Si elle ne le fit pas, c'est uniquement parce qu'il avait dit que ses yeux étaient bizarres... et qu'il lui souriait à présent comme un gamin – un poil arrogant – ayant très bien compris qu'il allait recevoir une récompense qu'il ne méritait pas forcément.
Et peut-être – aussi – parce que les paires d'yeux de neuf autres personnes la fixaient toujours intensément.
(...)
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