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Debout sur son bureau, les joues en feu et agitant nerveusement une brosse à cheveux devant elle, Dilys semblait à la fois étonnée, mortifiée et un peu en colère.

Lihanna le savait, son amie n'avait pas l'habitude de faire d'esclandres, ni d'être le centre de l'attention. Pourtant, c'était un fait, elle venait de clouer le bec d'au moins six personnes. Six personnes aux caractères bien trempés et qui – en plus – étaient lancées dans une dispute dont le but était surtout de crier plus fort que son adversaire et non d'écouter ce que l'autre avait à dire.

L'exploit de Dilys était donc à souligner.

Mais... Bon... Elle attendait quoi, au juste ? Maintenant que tout le monde la regardait, il était peut-être temps qu'elle s'exprime. Sinon, le silence né de son éclat de voix, n'allait pas tarder à être à nouveau remplacé par les cris et les sarcasmes.

D'ailleurs – pour ne pas être prise de court – Lihanna commençait déjà à se détourner de son amie pour réfléchir à la phrase exacte qu'elle avait été sur le point de balancer à Liam pour avoir le dernier mot. Elle était sûre que les termes « cerveau » et « atrophié » y figuraient, mais elle était incapable de se souvenir de la tournure exacte qui lui était immédiatement venue à l'esprit et qui semblait maintenant se dérober à elle.

Oh par les Quatre ! Peut-être que Liam avait raison – sur ce point – et que ses capacités cognitives étaient réellement en train de se désintégrer ? Si tant est que des capacités cognitives soient capables d'une telle chose cela dit, mais...

— Vous... vous voulez bien essayer de garder votre calme pour que l'on puisse tous discuter ?

Lihanna sursauta et accorda à nouveau toute son attention à Dilys.

Mais – sa capacité de concentration étant ce qu'elle était – elle se surprit tout de même à noter de façon totalement incongrue, que son amie était vraiment jolie avec ses longs cheveux laissés libres pour une fois. Et que dire de ses immenses yeux noirs encore plus beaux que d'habitude, car brillant d'un éclat particulier ? Ou de cette jolie rougeur sur les joues qui rehaussait à merveille son teint cuivré ?

Alors oui, bien sûr qu'elle pensait à des choses totalement futiles, alors même que le sujet qui les occupait était grave. Mais pour sa défense, elle avait découvert récemment que c'était surtout un bon moyen pour se distraire et garder son calme. Spécialement quand elle avait très peur de ne pas être capable de se contrôler.

Et là, on pouvait dire qu'elle était carrément flippée à l'idée de perdre les pédales. Car, comment allait-elle réagir si tous ses amis – et notamment Dilys – lui demandaient de devenir la tortionnaire de sa sœur ? Son côté obscur allait-il se réveiller malgré tous les progrès faits pour parvenir à le contrôler ?

Parce que, si toutes les personnes qui l'avaient aidée à sauver Erin – toutes ces personnes qu'elle aimait beaucoup – lui demandaient de lui faire du mal, elle n'était vraiment pas certaine de réussir à contenir encore longtemps, les émotions négatives qui la faisaient généralement basculer dans la folie destructrice.

Sans oublier le fait qu'avec son nouveau pouvoir – enfin, son supposé nouveau pouvoir pour être plus précise – elle avait développé une angoisse supplémentaire. Ainsi, qu'arriverait-il si elle commençait à s'imaginer des choses horribles pour « punir » ses amis ? Est-ce que ses toutes récentes capacités télékinésiques allaient – par exemple – donner vie à une chaise, une lampe ou n'importe quoi d'autre, pour que ces mêmes objets se mettent à poursuivre ses amis et à les frapper à sa place ? Parce que oui, elle savait qu'elle était totalement capable de se représenter en pensées et de façon extrêmement réaliste, une scène où Liam – exemple pris tout à fait au hasard ici aussi – était attaqué par un balai rageur lui assénant des coups sur la tête.

Alors – comme pour celui concernant Macha tout à l'heure – est-ce que son fantasme de balai vengeur allait se réaliser dès que son envie de taper Liam se manifesterait ?

Et puis – tant qu'on y était – autre question très importante qu'elle n'avait cessé de se poser depuis tout à l'heure : pour que cela fonctionne, fallait-il qu'elle cligne des yeux comme Prue dans Charmed pour faire bouger ledit objet ? Qu'elle tende la main devant elle comme le faisaient les Jedi pour atteindre et utiliser la Force ? Ou, une petite formule magique peut-être ? Au fait, avait-elle désormais la capacité de léviter ? Du coup, fallait-il qu'elle brandisse le poing comme Superman pour s'envoler ? Ou pouvait-elle se permettre de faire les choses plus sobrement, à la manière d'une Jean Grey ? Oh ! D'ailleurs – maintenant qu'elle pensait à la X-Men – était-elle capable, comme elle, de créer des champs de force ? Ou...

Stop.

Elle était à nouveau en train de s'égarer. D'autant plus qu'elle n'était même pas sûre de posséder cette télékinésie alors... il fallait qu'elle se concentre.

Mais... bon... impossible parce que – sérieux ! – ce serait vraiment top d'avoir tous les pouvoirs de la mutante, non ?

Même si – en y réfléchissant plus posément – cette dernière aussi était capable de véritablement perdre les pédales...

Mouais... finalement, cela n'arrangerait pas beaucoup ma situation. Peut-être devrais-je effectivement me concentrer sur mes propres pouvoirs, avant d'en vouloir des supplémentaires qui risquent de me rendre encore plus dangereuse que je ne le suis déjà et...

— Liha ? Tu es toujours avec nous ?

Hein ?

Bon, il fallait avouer que son stratagème pour penser à autre chose avait sacrément bien marché. Parce que, si Dilys la regardait à présent avec cet air interrogateur et limite implorant, c'est qu'elle venait sûrement de louper un truc important. Un truc qui aurait sans doute fait réagir la Lihanna attentive d'une façon légèrement différente.

Là, comme elle avait été très occupée à débattre avec sa conscience, le regard bovin à tendance égaré qu'elle était en train de retourner à son amie, ne devait être flatteur pour personne. Ni pour elle qui devait ressembler, ben... à une vache ignorante, ni pour son amie qui devait être un peu vexée de ne pas avoir été écoutée.

Comme elle hochait précautionneusement la tête – en ne sachant pas trop si c'était la bonne chose à faire ou non – Dilys lui sourit.

Elle allait lui sourire en retour avec soulagement quand celle-ci enchaîna :

— Alors, que penses-tu de cette idée ?

Euh...

— Que... quelle idée ? demanda-t-elle en essayant de maîtriser la méfiance qui s'était à nouveau emparée d'elle.

— Celle de repeindre votre chambre en rose fuchsia, rétorqua Liam en lui lançant son fameux regard moqueur. Et d'y accrocher des tableaux avec mon portrait.

— Liam... prévint Duncan au moment même où Iain lâchait dans un soupir un « Liha » réprobateur.

— Quoi ? Vous voyez bien qu'elle n'a pas la moindre idée de ce que Dilys lui demande ! J'en déduis donc qu'elle a l'esprit bien trop occupé à penser à moi et je ne faisais que proposer mon aide pour lui faciliter la tâche.

— Tu n'es qu'un sale gamin prétentieux... grommela Kenneth en levant les yeux au ciel. Merde Liam, pourquoi est-ce que tu la provoques sans arrêt ?

— D'une, je n'ai qu'un an de moins que toi grand frère. Et de deux, je la provoque pour qu'elle réagisse, bordel ! Ça fait une heure qu'on est dans cette chambre. Une heure qu'on attend le bon vouloir de mademoiselle ! Et elle se permet de rêvasser ?

— Hé... s'indigna-t-elle en ne sachant pas trop quoi dire.

Parce que oui, elle était vexée. Mais il fallait bien avouer que Liam n'avait pas tout à fait tort.

Même si un peu quand même.

Alors oui, elle était en train de rêvasser, mais c'était surtout pour éviter de péter les plombs et de tous les tuer. Son attitude était pardonnable, non ?

— Arrêtez vous deux, intervint calmement Connor en s'interposant entre ses deux frangins, dont les paires d'yeux gris respectives, lançaient des éclairs. On est tous sur les nerfs parce qu'on parle d'Erin là. Notre Erin que nous aimons tous, ne l'oubliez pas. Et nous avons cette conversation parce que nous voulons tous son bien et que nous avons peur pour elle.

— Mais elle va bien, plaida Kenneth sur un ton nettement plus doux, tout en ne quittant pas Liam des yeux.

— Si tu savais comme pour une fois, j'ai envie d'avoir tort Ken, soupira Liam radouci lui aussi.

Curieusement soulagée que le ton soit si rapidement redescendu entre les deux frères – elle qui était plutôt du genre à s'énerver d'abord et réfléchir ensuite – Lihanna trouva ce moment vraiment très touchant.

Ils semblaient se demander pardon rien qu'avec leurs yeux et...

— Dites, une fois qu'on aura réussi à parler comme des adultes responsables et à prendre une décision, est-ce qu'on pourra rediscuter de cette idée de peindre cette chambre en fuchsia ? Je crois qu'on tient un truc là...

Euh...

— Un truc sur... quoi ? L'amélioration des conditions de vie des apprentis ?

Connor était le premier à avoir retrouvé l'usage de la parole et le seul qui ne fixait pas Brianna d'un air ahuri. Le petit sourire en coin qu'il arborait était d'ailleurs la copie conforme de celui si sexy – dans ses bons jours – de son aîné.

— Exactement...

— Bordel, Bri ! s'exclama Jack au bord de l'explosion. Tu sais que tu viens d'interrompre un truc vachement plus important que la décoration d'une chambre là ? Je...

— Ne jure pas s'il te plaît, le coupa-t-elle royale. Et je te signale que ce sujet du bien-être des apprentis – certes secondaire en ce qui nous concerne à l'heure actuelle – reste véritablement une idée à creuser. Je suis sûre que ça rendrait la majorité des élèves de la Garde, beaucoup moins maussades, hargneux et apathiques en cours. Et ainsi – ou plutôt devrais-je dire « et surtout » – ma vie serait beaucoup plus belle. Tout le monde est si négatif en ce moment... il n'y a qu'à nous regarder nous étriper ! Oh par les Quatre... je sens déjà le désastre que toutes ces disputes vont causer sur mon visage et croyez-moi, je vais avoir beaucoup de mal à vous le pardonner.

— Puta... punaise, Bri ! Tu n'as que dix-neuf ans ! On n'a pas de rides à dix-neuf ans bord... sapristi !

Lihanna nota avec amusement que, bien qu'étant hermétique à la tentative d'apaisement général    orchestrée par sa sœur, Jack se gardait tout de même de jurer de façon trop violente.

— Peut-être que c'est effectivement très rare, accorda-t-elle de façon – du point de vue de Lihanna – très magnanime, mais...

— ... mais même si ça t'arrivait, tu serais toujours aussi magnifique, intervint Morgane dans un grand éclat de rire salvateur.

— Évidemment, répliqua la belle Sorcière avec un gracieux haussement d'épaules et un clin d'œil.

Alors que – exception faite de Jack qui ne semblait pas décidé à accorder un point à sa frangine – tout le monde souriait enfin après ces moments de tension, Lihanna croisa le regard de Liam. Et elle oublia pendant quelques instants pourquoi elle lui en voulait tant. À lui et à – peut-être – la quasi-totalité des autres personnes présentes dans cette pièce...

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