Chapitre 3.4
— Tiens, tiens... on dirait bien que quelqu'un s'est coupé en se rasant ce matin. Mince Lihanna, je ne pensais pas que ton système pileux était développé à ce point. Je peux te donner l'adresse du barbier de mon père si tu veux ? Il fait des miracles...
Alors que Macha et l'une de ses poules de copine ricanaient bêtement devant l'allusion très subtile aux coupures héritées de sa cession d'entraînement matinale, Lihanna se laissa tomber sur la chaise du pupitre qu'elle occupait avec Arthur pendant le cours de télépathie, en poussant un profond soupir. En découvrant ses mains bandées, son ami lui lança un regard compatissant.
— Ça va ? lui demanda-t-il en lui tendant un bout de réglisse confite au miel.
— Hum, hum... marmonna-t-elle en fourrant la confiserie préférée d'Arthur dans sa bouche.
Le jeune homme en avait toujours sur lui et – bien qu'étant une vraie crème en règle générale – il n'était d'ordinaire pas très partageur lorsqu'il s'agissait de sa friandise favorite.
S'il lui en avait proposé une, sans qu'elle n'ait besoin de le supplier, c'est qu'elle devait vraiment avoir une sale tête et inspirer la pitié...
— N'empêche, c'est vraiment dommage que tu ne te sois pas coupée plus franchement au niveau du cou. Et couic ! susurra Macha en mimant un égorgement alors que Lihanna s'était retournée pour la dévisager avec un air blasé. Une Sang-Mêlée en moins pour bien débuter l'hiver...
Alors que l'autre garce lui adressait un sourire mauvais, Lihanna se força à ne pas répliquer de manière impulsive – surtout devant toute la classe et alors que Iain lui jetait un regard d'avertissement – et décida de continuer de la scruter avec une curiosité feinte.
Bon... Vu que la patience n'était pas ce que l'on pouvait appeler sa principale qualité, elle fut soulagée de constater que les joues de la pimbêche se coloraient rapidement sous le coup de la colère. Parce que, même si c'était pile-poil le résultat qu'elle recherchait en la fixant ainsi, son envie furieuse de la frapper était toujours beaucoup plus persuasive que son bon sens.
— Mais qu'est-ce que tu regardes comme ça à la fin, MacCormac ? siffla une Macha mal à l'aise, en la foudroyant du regard.
— Ben à vrai dire, répondit-elle très calmement en penchant la tête sur le côté pour faire semblant de mieux l'étudier, j'étais juste en train de me demander laquelle des deux options qui s'offraient à moi pour te faire ravaler ta langue de vipère, était la plus adaptée à ma volonté de t'aider à mieux harmoniser les traits de ton visage. Qu'est-ce que tu en dis toi ? Tu préfères un nez pété ou des dents en moins Macha ?
Tandis que la poule à ses côtés émettait un hoquet d'indignation et qu'Arthur manquait de s'étouffer avec sa réglisse, le visage de Macha prit une réjouissante couleur rouge vif, qui illumina enfin la matinée mouvementée de Lihanna. Elle se permit donc de lui adresser un sourire carnassier en attendant qu'elle explose. Parce que c'était ce que l'autre gourde allait faire, elle en aurait mis sa main à couper. Et elle n'attendait que ça.
— Je vous croyais plus maline que cela apprentie MacCormac-Kerid'El'Wen. Vous aussi apprentie Rhys'El'Kane.
Hein ?
Lihanna sursauta et se retourna rapidement vers son pupitre. Sans leur accorder un regard, le professeur Te'Kelin entra dans la salle de cours et s'installa à son bureau.
— Vous auriez au moins pu vous crêper le chignon par télépathie. Car, bien qu'étant toujours aussi bête et futile, cela aurait été – si ce n'est plus utile – au moins en rapport avec mon enseignement. Qu'en dites-vous Lihanna ? demanda-t-elle en la regardant directement dans les yeux avec un sourire poli.
Sentant que – horreur ! – son visage devait être en train de prendre la même nuance écarlate que celui de la saleté derrière elle, elle décida que pour une fois, répondre à une question rhétorique par pure provocation ne servirait pas sa cause, et acquiesça.
— Bien, approuva Te'Kelin avec un signe de tête.
Puis, clôturant ainsi la discussion en s'adressant au reste de la classe :
— J'espère que vous avez tous passé d'excellentes vacances du solstice d'hiver et que votre retour à la Garde s'est bien passé.
Elle jeta tout de même en disant cela, un petit coup d'œil compatissant vers Lihanna et ses très récentes blessures. Derrière elle, Macha ricana.
— Il semblerait qu'Erin soit absente aujourd'hui, poursuivit la télépathe comme si elle n'avait rien entendu. L'un de vous deux pourrait-il me dire ce qui lui arrive ? demanda-t-elle en les regardant tour à tour, Iain et elle.
Bien sûr, Te'Kelin savait très bien pourquoi sa sœur n'était pas là, puisqu'elle les avait – en quelque sorte – aidés à la retrouver. Mais comme personne d'autre n'était censé être au courant, la professeure de télépathie jouait son rôle à la perfection.
— Elle était souffrante ces derniers jours, répondit Iain très pro lui aussi. Le médecin lui a conseillé de se reposer encore quelque temps avant de revenir en cours.
— Très bien, je le note. Rien de grave j'espère ?
— Ce n'est pas la pire des trois, murmura Macha à l'intention de sa copine et en sachant très bien que Lihanna pouvait l'entendre. Mais moi, j'espère plutôt le contraire...
Alors que Iain répondait à Te'Kelin en décrivant le mauvais rhume imaginaire d'Erin – et en inventant des symptômes qui suscitèrent la compassion de nombre de leurs camarades – Lihanna décida de prendre sur elle et de ne pas mettre sa menace de tout à l'heure à exécution. Péter le nez – et les dents – à cette espèce de garce qui se réjouissait du malheur de sa sœur, n'était peut-être pas la meilleure chose à faire pour ne pas trop attirer l'attention. Mais – sérieux ! – il fallait tout de même noter qu'elle méritait une médaille pour faire preuve d'autant de maturité et d'abnégation. Car c'était plus fort qu'elle, elle ne supportait pas que quelqu'un dise du mal d'Erin. Même s'il s'agissait – comme cette fois-ci – d'un stupide souhait, fait par une personne non moins stupide, désirant qu'elle succombe à une tout aussi stupide maladie imaginaire !
Bref. Toute cette histoire était beaucoup trop... stupide pour qu'elle s'énerve et entre ainsi dans le collimateur de ses professeurs. Elle prit donc une profonde inspiration et chipa un nouveau bout de réglisse à Arthur, pour se calmer. Son ami n'osant pas le lui reprocher, elle se promit d'aller lui en acheter une pleine cargaison, dès le prochain jour de repos, pour se faire pardonner.
— Savez-vous quand elle reviendra en cours ? questionna encore Te'Kelin.
— Si seulement la réponse à cette question pouvait être jamais, commenta à nouveau Macha de sa langue de vipère. Même si, je préférerais que ce soit l'autre teigne devant nous qui disparaisse pour toujours, il ne faut pas se montrer trop difficile. Une Sang-Mêlée en moins – même si ce n'est pas la pire – ça reste quand même la meilleure nouvelle de l'année...
Oh bordel ! Si elle continue je vais...
Consciente que se retourner pour la frapper n'était toujours pas la bonne solution – mais d'où lui venaient ces soudains accès de maturité ? – elle se força une nouvelle fois à garder son calme.
Respire Lihanna, respire...
Tandis que Iain répondait une nouvelle fois à la question de leur professeure, elle s'autorisa tout de même à imaginer une situation où Macha serait remise à sa place comme elle l'aurait mérité. Alors, même si cette garce ne perdait rien pour attendre et qu'elles règleraient ça toutes les deux à un moment donné, Lihanna ferma les yeux et visualisa dans sa tête une punition à la hauteur de sa méchanceté.
Elle commença par l'imaginer en train de se balancer sur sa chaise avec son sourire arrogant – chose que la vraie Macha ne ferait jamais, se considérant bien trop distinguée pour se comporter de façon si nonchalante – puis basculer tout à coup en arrière et se cogner le crâne sur le pupitre derrière elle. Mais alors que – pour bien compléter le tableau – elle était en train de visualiser l'encre d'écriture de l'apprenti, à qui appartenait ce même pupitre, se déverser sur la tête de cette pimbêche, le mal de tête qui la faisait souffrir par intermittence depuis ce matin, se réveilla avec une force redoublée.
C'était vraiment très douloureux ! Elle fut prise d'un léger vertige et son estomac se contracta. Pour éviter de vomir, elle ouvrit brusquement les yeux en poussant un petit cri étranglé.
Mais personne ne l'entendit, car il fut immédiatement recouvert par un gros bang ! suivi d'un Iiiiii ! d'un Aïe ! puis d'une sorte de Plic Ploc étouffé, qui plongèrent la classe dans un silence qui semblât soudain assourdissant.
Le seul point positif de ce calme qui précédait forcément une tempête, fut que sa migraine disparut instantanément.
Oh bon sang... Mais que venait-il de se passer ?
(...)
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