Chapitre 5.7
— Tu le savais ?
Lihanna n'avait pas osé lui poser la question jusqu'à maintenant. Mais alors que leur journée de recherches touchait à sa fin, elle venait de décider qu'elle ne pouvait plus tenir une minute de plus et qu'elle était incapable d'attendre jusqu'à ce soir, quand elle se retrouverait seule avec lui, pour lui poser cette question qui lui brûlait les lèvres.
— Tu savais ? Pour ma famille ? précisa-t-elle devant le regard incrédule que lui lança Liam.
Bon, à sa décharge, il devait se demander pourquoi elle lui posait cette question maintenant, alors qu'ils avaient passé toute la journée ensemble et qu'ils étaient en train de rebrousser chemin à travers les tunnels.
— Je savais quoi ? rétorqua-t-il avec un petit sourire narquois. Que tu tenais ton caractère de merde à tendance psychotique du côté paternel de ta famille ?
Lihanna stoppa net dans le couloir et faillit être percutée par Iain qui avançait tête baissée derrière elle. Celui-ci se redressa, lui lança un regard surpris, puis il la contourna et alla rejoindre Morgane qui les attendait un peu plus loin, à proximité d'une intersection.
Elle jeta un regard noir à Liam qui s'était retourné pour lui faire face. Mais sa colère fondit instantanément quand elle vit ses beaux yeux gris pétiller de malice et son irrésistible petit sourire en coin qui la mettait désormais dans tous ses états.
— Tu dis ça parce que tu ne connais pas ma mère quand elle est en colère, répondit-elle en lui adressant à son tour son sourire le plus éclatant.
Liam poussa un petit soupir amusé et il se remit en marche. Lihanna mit quelques secondes à reprendre ses esprits puis elle trottina pour se retrouver à nouveau à sa hauteur. Ils marchèrent en silence, suivant Morgane et Iain qui avançaient dans le tunnel devant eux.
— Alors ? redemanda-t-elle au bout d'un moment. Tu savais ?
Liam lui jeta un regard en coin tout en continuant d'avancer.
— Pour ta mère ? Non. Mais rappelle-moi de ne jamais la mettre en colère, hein...
— Liam... gronda-t-elle pour lui signifier qu'elle commençait à légèrement s'énerver.
— Tout doux, princesse, rétorqua-t-il en réprimant un sourire. Oui, je savais que Sean était un Sang-Pur. Mais jusqu'à aujourd'hui, je n'en savais pas plus.
— Tu penses qu'il a quelque chose à voir avec l'enlèvement d'Erin ? Il était présent le soir de sa disparition. C'est une piste solide, non ?
— D'après ce qu'a dit ton père, Sean n'est pas un extrémiste. Et jusqu'à preuve du contraire, les modérés ne kidnappent pas les gens pour les torturer, Liha. Alors franchement, je ne sais pas...
Lihanna voyait bien que Liam ne partageait pas son avis sur la probable implication de son oncle dans l'enlèvement d'Erin. Mais elle savait qu'elle était sur la bonne voie. D'où lui venait le sentiment ressenti ce matin qu'ils étaient proches de retrouver sa sœur, sinon du fait que leur nouvelle piste – Sean donc – était la bonne ?
— Mais tu te rends compte que ce type a été capable de se fâcher à mort avec sa sœur jumelle quand elle lui a annoncé qu'elle allait épouser un Métis ? insista-t-elle. Et qu'il a pété un câble quand son frère aîné lui a dit qu'il était amoureux d'une Terrienne qui avait accouché de ses enfants ? Et qu'il allait les ramener un jour, tous les quatre, sur Orcam pour vivre avec lui ? Un type pareil est capable du pire, non ?
— Il n'a pas vraiment pété un câble, Mac, répliqua-t-il avec son petit sourire qui commençait à sérieusement l'agacer. Ça c'est ce que tu fais toi quand tu es énervée ! Lui, il s'est juste contenté de claquer la porte du château d'Eliëval en disant à ton père qu'il ne pourrait jamais vivre sous le même toit qu'une Terrienne et ses rejetons Sang-Mêlés. Relativise, princesse !
À nouveau, Lihanna stoppa net et ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. Elle était tellement estomaquée que les mots restèrent bloqués en travers de sa gorge.
Liam se tourna une nouvelle fois vers elle avec son air taquin, mais cette fois-ci, au lieu de la faire fondre, ce petit sourire en coin lui donna l'irrésistible envie de lui envoyer une baffe monumentale en pleine face.
Il se fout de ma gueule, là ? se dit-elle alors que la physionomie du jeune homme était en train de changer. Relativise princesse ? Sérieusement ? Il venait vraiment de lui demander de relativiser l'enlèvement de sa sœur ? Non mais c'était quoi son problème à ce mec ? Et puis, surtout, c'était quoi son problème à elle pour être tombée amoureuse d'un tel connard ?
Quoi qu'il en soit, elle était tellement déçue qu'elle n'arrivait pas à formuler tout ça à voix haute. Et pour la première fois de toute sa vie, elle ne parvint pas à insulter Liam.
Oh putain, ça y est... Sa relation avec le jeune homme l'avait déjà transformée ! Elle était en train de devenir faible et fragile... et aussi bien élevée qu'une jeune fille de bonne famille. Et ça ne faisait même pas un jour !
La vache ! C'était rude.
— Putain, Liha... J'ai merdé c'est ça ? demanda-t-il soudain d'une petite voix qu'elle aurait sans doute trouvée charmante en d'autres circonstances.
Mais là, elle lui donnait surtout envie de le frapper. À la place, elle leva les yeux vers lui et le foudroya du regard.
Et ce qu'elle vit la fit immédiatement fondre et sa colère retomba d'un coup.
Par les Quatre ! Ce mec allait vraiment finir par la rendre folle.
Liam la fixait avec une expression à mi-chemin entre l'incompréhension la plus totale et l'angoisse absolue, et cet air de petit garçon désolé le rendait particulièrement craquant.
— C'est bien ça, hein ? reprit-il le regard inquiet. Putain... je suis désolé ! s'exclama-t-il en passant nerveusement la main dans ses cheveux avant de les fourrer dans ses poches. Je voulais... je me comporte toujours comme un abruti quand je suis avec toi, hein ? Mais à ma décharge, n'oublie pas que c'est nouveau pour moi.
Comme elle ne répondait toujours rien, il ajouta précipitamment :
— C'est pourrie comme excuse c'est ça ? Bon allez vas-y, princesse, insulte-moi un bon coup qu'on en finisse... je te donne ma permission.
Il se redressa en écartant les bras, un petit sourire penaud accroché aux lèvres, comme s'il était prêt à encaisser des coups mais que, quand même, il ne fallait pas se montrer trop dure avec lui.
Et merde... Elle était plus atteinte que ce qu'elle pensait. Comment parvenait-il à l'attendrir avec ses ruses de tombeurs aussi niaises qu'éprouvées ? Elle était même à deux doigts de glousser, c'est dire.
— C'est bien là le problème, Ruadhan, bougonna-t-elle au bout d'un moment. Mon extraordinaire capacité à te pourrir la vie en te traitant de tous les noms semble s'être faite la malle en même temps que mon bon sens...
Le regard de Liam s'éclaira immédiatement et son sexy petit sourire en coin étira rapidement ses lèvres parfaites. Elle les fixa pour la seconde fois de la journée avec une irrépressible envie de les embrasser.
Mais merde euh !!! Pourquoi avait-elle soudain la furieuse envie d'éclater de rire et de lui dire à peu de choses près : « si tu savais comme je t'aime, espèce d'abruti » ?
— Oh mais ne te réjouis pas trop vite ! ajouta-t-elle néanmoins, en se reprenant in extremis.
Non, tu n'es pas une de ses poules qui glousse ! Non, tu n'es pas complètement accro ! Oui, tu as encore un cerveau ! Et oui, tu es encore capable de le rembarrer ! Ressaisis-toi ma fille, nom d'un chien !
— Tu m'avais bien sûr prévenue que tu ne pourrais pas t'empêcher de tout foutre en l'air, mais je n'aurais jamais imaginé que tu le ferais si rapidement.
À son grand soulagement, Liam réagit d'une manière qui lui réchauffa le cœur. Il perdit instantanément son sourire ravageur et une lueur d'inquiétude s'alluma dans ses beaux yeux gris.
Fière d'elle, elle le contourna et reprit sa marche dans les tunnels sans lui accorder un regard.
Non mais !
Morgane et Iain n'étaient plus en vue, ils devaient avoir pris pas mal d'avance et elle décida d'accélérer le pas.
Le bilan de sa journée était mitigé, songea-t-elle pour lutter contre la furieuse envie qu'elle avait de se retourner pour voir ce que Liam pouvait bien fabriquer. Le pressentiment qu'elle reverrait bientôt sa sœur était toujours présent, mais le fait de ne pas savoir quoi faire pour accélérer les choses la rendait folle. Elle avait voulu accompagner son père pour questionner son oncle, mais il avait refusé, leur ordonnant à tous de continuer les recherches comme si aucune nouvelle piste ne s'était présentée. Lihanna s'était résignée plutôt facilement à lui obéir – ce qui n'était clairement pas dans ses habitudes – parce qu'elle avait aussi eu envie d'expérimenter l'idée qui avait germée dans son esprit la veille. À savoir, se servir de ses capacités de télépathe – enfin de super télépathe pour être plus précise – et du lien de sang qui les unissait Iain, Erin et elle, pour essayer de déterminer si l'endroit où était détenue sa sœur se trouvait à proximité. Malheureusement, aujourd'hui, cela n'avait rien donné et son attention s'était à nouveau tournée vers Sean.
Elle en était là de ses réflexions quand ce dernier la rattrapa et lui saisit le bras pour la faire pivoter vers lui.
— Tu déconnes là, Liha ? demanda-t-il mi- amusé, mi- inquiet. Quand tu dis que j'ai déjà tout fait foirer ? Allez, dis-moi que tu déconnes...
Ravie d'avoir réussi à l'inquiéter un tant soit peu, elle reprit bien vite le fil de leur joute verbale. Elle haussa les sourcils en le regardant de haut en bas puis elle le fixa d'un air moqueur.
— Et si ce n'est pas le cas ?
Contre toute attente, Liam lui adressa à son tour son petit sourire narquois.
— Eh bien je te ferai changer d'avis, Mac. Maintenant que je sais quelles parties de ton corps il faut toucher pour te rendre docile et malléable, ça ne devrait pas être très compliqué...
Quoi ?!?! Non mais attendez... quoi ?!
— Tu... commença-t-elle en sentant le rouge de la colère lui monter aux joues. Tu n'es...
Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase parce que Liam l'attira subitement à lui et il l'embrassa.
— Qu'un sale con ? termina-t-il à sa place, tout contre ses lèvres quand la vision qui les frappa immédiatement laissa sa place à la réalité. Oui, je sais. Tu me l'as déjà dit...
À nouveau, la partie de son cerveau censée contrôler ses capacités cognitives et la rendre apte à parler venait sans doute de décider que le moment était mal choisi pour continuer à faire son boulot correctement, puisqu'elle se retrouva une nouvelle fois dans l'incapacité de lui rétorquer quoi que ce soit de sensé, ni de le rembarrer.
— Bon et maintenant ? reprit-il avec un sourire taquin. Si nous reprenions cette conversation sur le colonel Sean Kerid'El'Wen là où nous l'avions laissée ?
****
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top