Chapitre 4 : Tant que cela durera
— Qui sont ces hommes ?
À la fin de cette journée de recherches, Liam et son équipe s'étaient rendus comme chaque soir dans le bureau d'Aedan pour faire leur rapport.
— Comme je te l'ai dit, ils se font appelés Os'Tra. Ils disent n'appartenir à aucun Peuple et ils ne portent aucun signe distinctif, aucune couleur qui auraient pu nous permettre de les relier de près ou de loin aux Faës, aux Sorciers, aux Métaïrs, aux Fils de la Terre, ni même aux Métis. La seule chose que nous avons notée, c'est que les trois hommes avec qui nous avons dialogué avaient tous les yeux d'une couleur remarquable et inhabituelle. Mais à part ça, rien.
Liam conclut sa tirade par un haussement d'épaules qui signifiait clairement qu'il n'en savait pas plus.
— Quel type de magie ont-ils utilisé ? demanda Ross qui, comme toujours, se trouvait aux côtés d'Aedan.
— Aucune, répondit Liam. Ils n'ont pas fait usage de magie devant nous. Ils utilisaient des armes, des épées.
Tous semblaient dubitatifs et épuisés. La journée avait été longue et – comme les jours précédents – les recherches n'avaient rien donné. Liam voyait bien que ces échecs successifs, ainsi que les journées à rallonge passées dans les souterrains, commençaient à leur porter un sérieux coup au moral. D'ailleurs, ils seraient déjà tous partis se coucher depuis un petit moment – la tête basse et les traits tirés – si Liam et son équipe n'étaient pas tombés sur ces Os'Tra.
— C'est étrange... commenta Aedan. Pas de magie... quelqu'un d'autre a-t-il noté des traces suggérant que les tunnels étaient habités ?
Tous secouèrent la tête en signe de négation.
— En même temps, intervint Duncan, l'équipe de Liam est la première à s'aventurer dans les souterrains de la partie Est de la ville. Ces Os'Tra ne se risquent sans doute pas à approcher de trop près les bâtiments officiels. Surtout s'ils veulent rester discrets.
Liam regarda son frère avec lassitude. Depuis leur altercation de ce matin, il n'avait pas daigné lui adresser un regard. Ni à lui, ni à Lihanna...
Une fois que toute cette histoire serait terminée, ils devraient s'expliquer. Liam ne voulait pas rester fâché avec son aîné. Surtout pour une stupide histoire de jalousie.
— Liam ? l'interpella son père en le sortant momentanément de ses pensées. Penses-tu que ces hommes nous aient, en quelque sorte, infiltrés ? Après tout, ils semblaient connaître les triplés, non ?
Il réfléchit quelques secondes, puis secoua la tête.
— De noms, mais il est clair qu'ils ne les avaient jamais vus. Je pense qu'ils ont certains contacts au sein de la population, mais il est peu probable qu'ils nous aient infiltrés à proprement parler. En tout cas, ce n'est pas le cas des hommes que nous avons rencontrés. Parce que, crois-moi, ils ne sont pas du genre à passer inaperçus.
— Comment les ont-ils reconnus d'après toi ? intervint à son tour Kenneth.
À nouveau, Liam haussa les épaules pour signifier qu'il n'était sûr de rien.
— À cause de certaines informations que nous leur avons involontairement données, sans doute. Comme le fait que nous recherchions leur sœur – ce qui les a sans doute conduits à la conclusion qu'il s'agissait de triplés. Ça, plus deux ou trois autres détails physiques qu'ils devaient connaître. Comme la couleur d'yeux de Mac, par exemple.
— C'est effectivement une possibilité, admit Aedan. Mais, dis-moi, malgré ce qu'ils vous ont dit, penses-tu qu'ils aient quelque chose à voir avec la disparition d'Erin ?
Liam poussa un profond soupir et secoua une nouvelle fois la tête.
— Sincèrement ? Je pense qu'ils nous ont dit la vérité. Ces hommes n'ont pas enlevé Erin.
Aedan et Ross hochèrent la tête. Ils avaient confiance en son jugement.
— Bien, soupira Aedan, cela nous évite au moins de nous lancer sur une fausse piste. Encore une chose, Liam. Après je vous laisse tous aller vous reposer. Ces hommes sont-ils dangereux ? Vont-ils nous poser des problèmes ?
Liam avait l'impression de tourner en rond et de se répéter. Même s'il comprenait parfaitement qu'Aedan se pose toutes ces questions. Le roi était à bout. Obnubilé, angoissé par la disparition d'Erin. Elle restait sa priorité et il voulait éviter de disperser son énergie avec d'autres problèmes. Cependant, il restait le roi d'Hériale. Le roi de tout le peuple, de tous les Peuples. Il ne pouvait tout simplement pas fermer les yeux si un danger les guettait.
— À mon avis, répondit-il, pas dans l'immédiat. Mais oui, ils sont dangereux. Néanmoins, je pense qu'ils respecteront leur engagement de ne rien faire contre nous tant que dureront les recherches. Après... je ne sais pas qui sont ces hommes, ni ce qu'ils veulent. La seule chose dont je sois sûr, c'est qu'ils ne veulent pas que le gouvernement d'Hériale s'intéresse à eux de trop près.
Liam savait que cela voulait dire tout et n'importe quoi. Si cela se trouvait, les Os'Tra désiraient simplement qu'on leur fiche la paix et qu'on les laisse vivre comme ils l'entendaient. Mais, franchement ? Il en doutait. Ces hommes étaient des guerriers bien entraînés et ils défendaient avec passion une idéologie qui s'opposait clairement à la politique exercée par les gouvernements d'Hériale depuis des centaines, voire des milliers d'années. Les Os'Tra ne resteraient pas indéfiniment cachés sous terre, Liam en aurait mis sa main à couper. Parce que, quoi qu'ils en pensent, ces hommes aussi étaient des extrémistes, sans doute pas si différents que ça des Sang-Purs – qu'ils semblaient pourtant exécrer – notamment dans leur manière d'agir. D'après ce qu'il avait vu, les Os'Tra ne semblaient pas rechigner à tuer s'ils vous considéraient comme des étrangers qui n'adhéraient pas à leurs idées. Même si – il fallait bien l'avouer – Liam considérait leur idéologie beaucoup plus compréhensible et défendable que celle prônée par ces fanatiques de Sang-Purs, obnubilés par leur soi-disant supériorité.
Enfin bref. Dans l'immédiat, les Os'Tra ne les empêcheraient pas de retrouver Erin et, pour l'instant, c'était tout ce qui importait.
Aedan dût arriver à la même conclusion que lui. Il hocha la tête et une lueur de détermination s'alluma à nouveau dans ses yeux gris.
— Bien, annonça-t-il de sa voix ferme, je te remercie, Liam. Nous nous occuperons donc de cela plus tard, quand ma fille sera en sécurité à nos côtés. En attendant, regagnez vos chambres, vous l'avez bien mérité. Rendez-vous demain matin, même heure.
En sortant du bureau à la suite des autres, Liam croisa furtivement le regard de son père. Celui-ci hocha la tête dans sa direction, puis reporta son attention sur les cartes qu'Aedan et Eana étaient déjà en train d'étudier.
La lueur de fierté qu'il vit briller dans ses yeux si semblables aux siens pendant ce bref instant, lui redonna l'espoir qu'il ne s'était même pas aperçu avoir perdu.
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