Chapitre 4.6
Trois fois. Il lui avait déjà fait l'amour trois fois cette nuit.
La première, contre le mur de la salle de bain, à l'endroit même où elle avait accepté d'être à lui. Une étreinte passionnée, rapide, explosive... une sorte de signature de contrat en somme. Un contrat qu'on aurait galéré à remporter et qu'on se dépêchait de signer pour éviter qu'il finisse quand même par vous passer sous le nez !
La deuxième, c'était juste après le repas. Après l'épisode de la salle de bain, il lui avait refait son pansement et ils s'étaient rendus dans le salon pour manger un peu. Elle ne lui avait pas parlé, se contentant de grignoter en silence. Cela l'avait un peu refroidi, mais elle était si craquante vêtue simplement de sa chemise noire et d'une de ses petites culottes en dentelles qu'il affectionnait tant... il n'avait pas pu résister. Il lui avait sauté dessus et fait l'amour sur le tapis devant la cheminée, faisant de sa peau, de ses lèvres, de son corps en entier, son nouveau dessert préféré.
Après ça, elle s'était enfin décidée à lui adresser la parole. Ils étaient restés assis devant l'âtre, leurs deux visages tournés vers les flammes et elle lui avait expliqué qu'elle avait senti la présence d'Erin, plus tôt dans la soirée.
— Je pense qu'Erin, Iain et moi, on fonctionne un peu comme des liés. Je suis connectée avec eux Liam. Comme je le suis avec toi. Je pense que c'est pour ça que j'ai réussi à sentir sa présence.
Liam avait réfléchi et avait acquiescé. Après tout, c'était logique. Les triplés étaient liés. Par la naissance et par le sang. Ce lien était sans doute même encore plus fort que celui qui unissait deux personnes qui s'aimaient.
— Tu sais, la nuit où j'ai été agressée ? Tu m'as bien dit que tu avais senti que j'étais proche de toi, n'est-ce pas ? Tu penses que je pourrais me servir de ça pour localiser Erin ? L'utiliser comme une sorte de radar qui m'indiquerait si je brûle ou si je refroidis ?
— C'est-à-dire ?
— Ben, je ne sais pas... Par exemple, en essayant de me connecter à elle quand on explore les tunnels, à intervalles réguliers, pour déterminer si on se rapproche ou si on s'éloigne de l'endroit où ils la retiennent ?
— Peut-être... Tu peux toujours essayer. Mais, n'oublie pas ce que je t'ai dit. Les deux fois où je t'ai sentie, je ne l'avais pas vraiment contrôlé. Ce qu'il s'est passé dans la salle de bain, quand tu as détecté Erin, c'était peut-être comme ça aussi, un simple coup de bol.
— Je sais... J'y ai pensé. Mais, je me dis aussi que tu n'es pas un télépathe et que, peut-être, cette capacité à sentir ton lié est amplifiée quand on possède ce type de magie ? Et puis, d'après mon père et Te'Kelin, je suis même sacrément puissante dans ce domaine. Alors... qu'est-ce que tu en dis ?
— Peut-être. C'est même fort possible. Mais...
— Mais, ne te fais pas trop de faux espoirs ou tu pourrais le regretter. Je sais. Mais je me dis aussi qu'on ne sait jamais. Qui sait ? La vie est pleine de surprises...
C'était à ce moment-là qu'elle avait tourné ses magnifiques yeux améthyste vers lui et qu'elle s'était penchée pour l'embrasser. Baiser auquel il avait, bien évidemment, tout de suite répondu. Puis il l'avait prise dans ses bras pour la porter jusqu'à son lit et lui faire l'amour pour la troisième fois, en prenant cette fois-ci, tout son temps.
Après ça, il s'était endormi comme un bienheureux et il pensait sincèrement pouvoir dormir à poings fermés jusqu'au petit matin. Mais le claquement répété des volets malmenés par le vent avait fini par le réveiller.
Putain ! Il en avait marre de ses orages à répétition qui sévissaient sur Hériali depuis hier. On était bientôt en hiver, bordel de merde ! Des tempêtes de neige, il aurait compris – même si le climat plutôt clément et doux de la capitale ne s'y prêtait pas vraiment – mais des orages ?
Enfin bref, passons...
Après avoir essayé de se rendormir en grognant, il se résigna à ouvrir les yeux... pour se retrouver nez à nez avec un ange qui le fixait intensément.
Oh la vache... Est-ce que c'était normal d'être aussi heureux juste en ouvrant les yeux ?
Si c'était comme ça pour tous les couples, il allait finir par regretter sa vie de débauché incapable de dormir toute une nuit avec une fille.
Bon, en même temps, il n'y avait que Lihanna capable de lui faire cet effet-là et jusqu'à hier, s'endormir toutes les nuits avec elle n'était clairement pas envisageable, donc, pourquoi regretter ?
— Salut, lui lança-t-elle avec un irrésistible petit sourire en coin qui lui fit tout de suite oublier ses questions existentielles.
Putain ce qu'elle est belle !
Sérieux, il pouvait être fier d'avoir réussi à résister aussi longtemps à une déesse pareille !
Mais hier soir, il avait craqué. Impossible de ne pas lui dire à quel point elle l'obsédait, de ne pas lui montrer l'intensité avec laquelle il la désirait. Quant à ses sentiments eh bien... il n'avait pas vraiment envie d'y penser. Il refusait toujours d'admettre qu'il puisse – peut-être – être amoureux d'elle. Ou qu'il puisse simplement lui pardonner ce qu'elle lui avait fait. Il savait que son caractère de merde, sa fierté et la rancune qui lui bouffait le bide depuis sept ans allaient tôt ou tard refaire surface et qu'il allait immanquablement finir par se comporter à nouveau comme le parfait connard qu'il était. Parce que, malgré tout ce qui s'était passé entre eux ces derniers jours, il était toujours hors de question pour lui de perdre la face.
Alors, à moins que Lihanna ne lui dise clairement qu'elle s'excusait et qu'elle l'aimait, il savait déjà que tout cela allait se terminer en véritable drame et que leur petite guéguerre personnelle allait devenir beaucoup plus sanglante qu'elle ne l'avait été par le passé.
Et c'était pour ça qu'il n'avait pas envie d'y penser ! C'était toujours la merde quand des sentiments venaient s'en mêler. Et puis ça, encore, il pensait être capable de gérer. Mais c'était sans compter cette putain de prophétie, ces foutus pouvoirs phénoménaux que Lihanna ne parvenait à maitriser que grâce à lui, ni son double maléfique carrément flippant et qui menaçait de tout détruire. Quoi qu'il fasse, quelle que soit la manière dont il allait s'y prendre pour tout foutre en l'air – parce que c'était ce qu'il allait faire – il savait aussi qu'il ne pourrait pas simplement ignorer la jeune fille. Même quand il aurait foutu la merde, ils allaient devoir continuer de coopérer. Pour le bien d'Orcam. Et cela s'annonçait pour le moins... sportif.
Et puis merde !
Pour l'instant, il fallait surtout qu'il arrête de réfléchir. Il fallait qu'il profite de cette trêve bien méritée. La bulle de bonheur dans laquelle ils se trouvaient exploserait bien assez tôt.
Comme il ne voulait rien laisser paraître quant au débat intérieur – ô combien intéressant – qu'il était en train de mener, il se força à lui sourire aussi.
— Salut, finit-il par répondre à son tour. T'es réveillée depuis longtemps ?
Lihanna haussa les épaules.
Putain...
Même ça c'était trop sexy.
— Cinq minutes environ...
— L'orage ?
Elle acquiesça.
— Et pendant ces cinq minutes, tu me matais ? C'est un peu flippant ça, tu sais ?
— Ouais, je sais... répliqua-t-elle avec un petit sourire narquois. Désolée. Mais, je t'avoue que je te trouve plutôt pas mal quand tu dors. À vrai dire, j'étais en train de me demander si c'était vraiment toi sans ton air constamment renfrogné. Encore un peu et j'appelais à l'aide...
Liam ne put s'empêcher de pousser un petit soupir amusé.
— Arrête ton char, MacCormac, rétorqua-t-il avec un sourire charmeur. Toi et moi, on sait très bien que tu me trouves canon dans n'importe quelle situation.
La jeune fille écarquilla les yeux, faussement offusquée.
— Hé ! Je te signale que tu n'es pas censé en parler durant toute mon année d'apprentissage ! On a conclu un pacte Ruadhan, tu te rappelles ?
Liam accentua encore son sourire carnassier.
— Oh t'inquiète ! Je n'ai pas oublié. Mais les termes de l'accord sous-entendaient plutôt que je ne devais pas utiliser cette information contre toi pour t'humilier devant les autres. Pas que je ne pouvais pas te taquiner et me faire mousser quand j'étais seul avec toi...
La jeune fille lui adressa une petite moue dépitée.
— Mouais... ça t'arrange bien on dirait.
— Clairement ! Je t'avoue que depuis ce soir-là je n'arrête pas de fantasmer sur la façon d'utiliser cette faveur que tu me devras à la fin de l'année. Ah... Lihanna MacCormac obligée de m'obéir sans broncher, de faire tout ce que je lui demande sans pouvoir dire non...
Cette fois-ci, Lihanna afficha une petite mine dégoutée.
— Pervers.
Liam fit semblant de se sentir blessé, puis il éclata de rire.
Peu à peu, un adorable petit sourire amusé étira les lèvres de Lihanna et il sentit les battements de son cœur s'accélérer.
Et merde...
Il se sentait bien. Vraiment très bien.
Son hilarité se calma instantanément.
— À quoi tu penses ? lui demanda-t-elle au bout d'un moment alors qu'il était en train de la fixer sans rien dire.
À toi. À nous. Je pense que j'aime te voir me regarder comme tu le fais maintenant, sans aucune animosité et que ça va beaucoup me manquer quand tu recommenceras à me détester. Je pense que, finalement, malgré ce que je t'ai dit, je ne serai jamais rassasié de toi et que je vais sacrément morfler quand tout ça s'arrêtera. Je pense que je suis amoureux de toi et que ça me fait vraiment chier de devoir tout gâcher.
Mouais...
Il aurait dû lui dire tout ça. Il aurait pu... s'il n'était pas un gros connard.
— À demain soir, finit-il par répondre. À la fête du solstice d'Hiver.
Les yeux de Lihanna se voilèrent légèrement et son cœur se serra immédiatement.
Putain... Sa vie allait devenir vraiment galère s'il ne pouvait plus supporter de la voir triste et blessée.
— Je me disais, enchaîna-t-il rapidement en plaquant sur ses lèvres un petit sourire moqueur, que c'était la première fois en sept ans que je ne souhaitais pas de toutes mes forces te voir franchir le portail d'Eliëval et ne plus jamais revenir.
Face à lui, Lihanna affecta un air choqué et lui adressa une grimace digne d'une petite fille vexée.
— Plus jamais ? Ben dis donc, comme tu y vas ! Moi je me contentais simplement d'espérer que tu ne sois plus là à notre retour.
Devant son air dépité, il poussa un petit soupir amusé.
— Ouais, c'est bon, j'abuse un peu. Sincèrement, je t'avoue que j'attendais toujours avec beaucoup d'impatience le solstice d'été. Savoir que tu partais pour trois mois loin d'Orcam, c'était toujours la meilleure nouvelle de l'année !
En guise de réponse, Lihanna lui tira la langue, mais un petit sourire vint rapidement éclairer son visage.
— T'as raison. Pour moi aussi c'était un véritable soulagement de me dire que je n'allais pas te croiser pendant trois mois ! Malheureusement, t'étais toujours là le jour de l'équinoxe d'automne quand on rentrait...
— Hé ! Ce n'est pas ma faute si c'est le jour de votre anniversaire ! Et je te signale que je ne venais sûrement pas pour te voir toi. Encore une fois, ce n'est pas ma faute si Iain et Erin ont eu la malchance de t'avoir pour frangine.
Lihanna ne répondit rien, mais ses yeux pétillaient de malice.
Putain... Ce qu'il se sentait bien.
— N'empêche, reprit-il au bout d'un moment, ça m'a vraiment fait bizarre de ne pas avoir à penser à tout ça ces deux dernières années. Finalement, c'était comme un petit rituel pour moi. Les seuls moments où j'adressais une prière aux Quatre pour qu'ils trouvent le moyen de te garder éloignée de moi le plus longtemps possible.
— Et tu vois, ils ont fini par t'écouter ! Deux ans sans se voir ! La vache... les deux plus belles années de ma vie, si tu veux mon avis !
Les deux plus belles années de sa vie. Moouui...
Il ne lui avait jamais demandé si elle aussi avait ressenti cette sensation de manque qui lui avait pourri la vie pendant les deux ans où ils ne s'étaient pas vus.
Et c'était clair qu'il ne lui demanderait jamais. Il n'était pas sûr de beaucoup aimer la réponse qu'elle pourrait lui donner.
— Pourquoi n'êtes-vous pas revenus à Eliëval avec ton père ces deux dernières années ?
Liam haussa les épaules.
— Duncan, Kenneth et moi, on était vraiment trop pris par la Garde et les missions qui nous étaient affectées. On n'est pas non plus rentrés très souvent à Laguro, tu sais. Quant à Eiline et Connor eh bien... comme tu le sais, ils ont eux-mêmes pris la décision de faire leurs deux dernières années d'études avant leur entrée dans la Garde, dans un pensionnat très strict au fin fond de la principauté de Guilaro. Mon petit frère et ma petite sœur veulent être des professeurs de la Garde, non mais je te jure ! Quoi qu'il en soit, la formation dispensée par cet établissement leur laissait peu de temps pour venir vous faire un petit coucou à Aëlia. Mais, tout ça, tu le savais déjà...
Lihanna lui adressa un petit sourire espiègle.
— Oui. Mais t'es plutôt pas mal quand tu parles sans crier ou m'insulter. Et puis, en fait, ce que je voulais savoir c'est pourquoi tu n'étais pas revenu. Pour les autres, je le savais déjà, effectivement.
— Ah, ah ! Allez, avoue, je t'ai manqué ? Tu aurais aimé que je vienne te voir, Liha ? demanda-t-il en ponctuant sa remarque d'un sourire charmeur.
— Non ! Pas du tout ! C'est pas ça... mais... le lien... je... tu n'as pas ressenti... Oh puis, oublie ça. Ça n'a pas d'importance pour le moment.
— Une sensation de manque ?
Elle écarquilla les yeux de surprise.
— Euh... oui. Toi aussi ?
Liam hocha la tête.
— Et ça s'est arrêté quand on s'est revus ?
Cette fois-ci, ce fut elle qui acquiesça.
— Ça craint, non ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils et en plissant le nez. Tu crois que ça veut dire qu'on ne pourra jamais être séparés ? Du moins, tant qu'on sera liés ?
Liam poussa un profond soupir.
— Oui. Mais t'as vraiment envie de parler de ça maintenant ?
Lihanna esquissa à nouveau son adorable petit sourire amusé qui faisait s'accélérer dangereusement les battements de son cœur.
— Non. Pas vraiment.
— Parfait. Parce que moi non plus...
Non... Il n'avait absolument pas envie de parler d'un sujet aussi sensible que leur lien. Même dans l'état d'esprit où ils se trouvaient aujourd'hui, il savait qu'une discussion comme celle-ci finirait immanquablement par se terminer en dispute.
(...)
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