"surprise partie" (partie 5)
Cela faisait près de deux heures qu'elle se prêtait avec plus ou moins bonne grâce aux nombreuses sollicitations dont elle faisait l'objet. Erin ne s'était pas trompée, ils étaient bel et bien l'attraction principale de la soirée du professeur Lorcan.
Toutes les personnes présentes – professeurs comme haut-gradés – se pressaient pour pouvoir s'entretenir personnellement avec les enfants du nouveau roi qui, en plus, maîtrisaient trois formes de magie. Lihanna ne comptait même plus le nombre de fois où on l'avait félicitée, conseillée et obligée à donner son avis sur la façon dont elle envisageait de briser la malédiction. Et elle en avait marre de répéter qu'il valait mieux attendre d'avoir la confirmation qu'ils étaient bien les Trois de la prophétie mais que, si c'était le cas, ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver Orcam.
Cette réponse ne semblait pas vraiment satisfaire ses interlocuteurs, mais qu'aurait-elle pu dire d'autre ?
Je suis sans doute la descendante de vos ennemis ancestraux – que la plupart d'entre vous ont oubliés – et mes pouvoirs sont si puissants que si vous continuez à me prendre la tête, la malédiction qui menace Orcam sera le dernier de vos soucis.
Mouais... Pas sûr que cela soit la bonne solution si elle voulait conserver sa bonne côte de popularité auprès du gratin de la Garde.
Elle avait remarqué avec soulagement que la plupart des personnes présentes leur étaient favorables. Ainsi, beaucoup voyaient les triplés en sauveurs de leur monde. Mais elle avait également senti les regards hostiles de certaines personnes qui n'hésiteraient pas à la faire enfermer – ou pire – s'ils détectaient le moindre faux pas, le moindre danger.
Voilà pourquoi elle n'arrêtait pas de toucher nerveusement le bracelet inhibiteur de magie que Liam lui avait donné. Elle avait décidé de le porter ce soir car elle n'avait plus du tout confiance en ses émotions et en sa capacité à les maîtriser. Ou plutôt, elle ne se faisait plus du tout confiance... Sans oublier qu'elle avait pensé pouvoir affronter la soirée en compagnie de son frère ou de sa sœur, mais elle ne les avait pas revus depuis un moment.
Ils n'avaient tout de même pas pu quitter la soirée sans la prévenir, si ?
Elle profita d'un moment de répit pour essayer de les retrouver parmi les invités et elle aperçut Iain qui discutait avec le général Brewal en personne. Elle ne savait même pas que ce dernier serait présent à la petite sauterie organisée par son professeur.
Rassurée de voir que Iain était toujours présent, elle se détourna de son frère – ouais, elle n'avait pas trop envie de discuter avec le général – et se mit en quête de trouver Erin. Elle laissa errer son regard sur la foule toute vêtue de noir, essayant de repérer les cheveux blonds de sa sœur, en vain.
Un serveur passa à sa portée et Lihanna saisit un verre de vin sur son plateau doré. Au moins, l'alcool l'aiderait peut-être à calmer la nervosité qu'elle ressentait depuis ce matin et la découverte de ses origines plus que probables.
Coïncidence ou non, elle croisa le regard du professeur Pal'Cavan au moment où elle se faisait cette réflexion. Le Métis était en train de parler avec l'un de ses collègues, mais ses yeux bleus perçants étaient indéniablement fixés sur elle. Il ne la regardait pas avec concupiscence comme d'autres l'avaient fait au cours de cette soirée, mais l'intensité de son regard la mit néanmoins mal à l'aise. C'était comme si son professeur d'histoire cherchait à lire en elle. Elle renforça instinctivement les barrières autour de ses pensées. Pal'Cavan étant un Métis mi-Faë mi-Métaïr, nul doute qu'il soit un grand télépathe. Lihanna était persuadée qu'il était en train d'essayer d'accéder à son esprit.
Pourtant, cet homme ne lui inspirait aucune méfiance, bien au contraire. Il lui faisait plutôt penser à un sage, un peu loufoque mais bienveillant, à l'image de Merlin l'enchanteur, Dumbledor ou maître Yoda. Avait-elle déjà mentionné son amour pour le fantastique ou la science-fiction ? Non ? Bon ben, elle était une grande fan et encore plus depuis qu'elle vivait sur Orcam où elle avait découvert que la magie existait réellement. À chaque fois qu'elle rentrait sur Terre, elle faisait des razzias dans les librairies ou des marathons télé...
Euh... Elle s'égarait de nouveau là.
Enfin bref. Tout ça pour dire que le professeur Pal'Cavan lui inspirait plutôt confiance, voilà.
Mais une chose était sûre, cet homme savait quelque chose. Sur elle ? Les Th'Eos ? La malédiction ?
Elle n'en avait pas la moindre idée. Mais il fallait qu'ils aient une petite discussion.
Elle s'apprêtait à rejoindre son professeur d'histoire quand quelqu'un se glissa derrière elle.
— J'espère que c'est moi que tu cherchais avec autant d'insistance, murmura une voix amusée tout contre son oreille.
Avant qu'elle n'ait le temps de répondre, le jeune homme la contourna en la frôlant pour venir lui faire face, lui masquant ainsi la vue sur le professeur Pal'Cavan.
Et crotte...
— Dun... Non... je... balbutia-t-elle en se penchant pour tenter d'apercevoir le Métis avec qui elle avait soudain une furieuse envie de s'entretenir, comme si c'était une question de vie ou de mort.
Mais ce dernier avait disparu et elle poussa un soupir de frustration. Pour la deuxième fois de la soirée, elle avait le sentiment d'avoir laissé passer sa chance, comme une sorte d'acte manqué qu'elle était sûre de regretter, sans savoir vraiment pourquoi.
Argh... Pourquoi les gens s'échinaient-ils à l'empêcher de suivre ses intuitions, nom d'un chien ? Ils étaient pénibles à la fin ! Même s'ils ne le faisaient vraisemblablement pas exprès.
— A priori, je vois que tu cherchais effectivement quelqu'un d'autre, lança Duncan d'une voix dure. Désolé de t'avoir importuné, Lihanna.
Hein ?
Prenant véritablement conscience de la présence du jeune homme en cet instant, elle cligna des yeux et le regarda. Il affichait un air blessé qui la toucha.
— Oh, Dun... souffla-t-elle mortifiée. Je suis vraiment désolée. J'avais juste quelque chose d'important à demander au professeur Pal'Cavan. Je... Excuse-moi. Je suis vraiment contente de te voir, je t'assure.
Les traits de son ami s'adoucirent immédiatement. Elle poussa un petit soupir de soulagement. Dun était bien la dernière personne avec qui elle avait envie de se prendre la tête.
— Excuses acceptées, Liha, lui dit-il avec un sourire. Si c'est important et que tu veux encore aller lui parler, vas-y. Pas de souci, je comprends.
— Non, laisse tomber. De toute façon je ne le vois plus et je préfère rester avec toi. Tu es sans doute la première personne dans cette soirée avec laquelle je vais pouvoir discuter normalement, tu sais ?
Elle ne mentait pas. Elle avait tout le temps de s'entretenir avec son professeur une autre fois. Au moins, avec Duncan, elle allait pouvoir souffler un peu. Sans doute ravi d'être considéré comme un sauveur contre son ennui mortel, Duncan lui adressa un sourire éclatant qu'elle lui rendit.
Ah... Si seulement elle avait pu tomber amoureuse de lui au lieu de...
Au lieu de quoi au juste ?
Rien, absolument rien.
— Je suis heureux de pouvoir rendre ta soirée moins pénible, Princesse, susurra-t-il en la dévorant des yeux. Mais laisse-moi te dire que c'est toi qui illumines la mienne. Tu es magnifique, Liha !
L'admiration qu'elle vît briller au fond de ses prunelles grises lui fit monter le rose aux joues et elle en perdit presque tous ses moyens.
— Mer... merci... balbutia-t-elle timidement.
À vrai dire, elle ne savait pas trop comment réagir avec lui. Elle savait qu'il avait des sentiments pour elle et cela ne la laissait pas complètement indifférente. Et puis... Duncan la traitait vraiment comme une princesse et à chaque fois qu'il posait les yeux sur elle, son faible taux de confiance en elle reprenait du poil de la bête. Sous son regard, elle se sentait toujours belle.
Pourtant, tout cela n'était pas suffisant, elle le savait. D'autant plus qu'à chaque fois qu'elle regardait Dun dans les yeux, le visage d'un autre Ruadhan s'imposait à elle avec une force déconcertante.
Elle secoua légèrement la tête pour sortir Liam de ses pensées.
— Tu vas bien, Liha ? s'inquiéta Duncan. Quelque chose te contrarie ?
Hum... voyons voir... Quelque chose la contrariait-elle ?
Ouais, deux ou trois trucs... Elle ne mit pas longtemps à faire la liste.
Alors... Pour commencer, ma stupidité. Ah ! Et ton insupportable frère à qui je pense jour et nuit, que je déteste, qui me déteste, mais qui est le seul à qui je puisse me confier. Quoi d'autre ? Voyons... Mes petits soucis avec mon arbre généalogique. Quelques contrariétés avec mes pouvoirs qui deviennent incontrôlables. Ton frère qui me prend maintenant pour une manipulatrice égoïste. L'hostilité de certaines personnes qui commence à légèrement me faire flipper. Mes nouvelles prédispositions pour les visions et les pressentiments. Ton frère qui souffre de problèmes bipolaires en ce qui me concerne. Mentir à mes proches sur mes pouvoirs. Mon obsession pour ton frère. Le sentiment de faire partie d'un truc que je ne comprends absolument pas. Mon envie soudaine d'aller retrouver ton frère parce que je recommence légèrement à angoisser sévère – au cas où tu n'aurais rien remarqué – et qu'il est malheureusement le seul à pouvoir m'apaiser. Ah, et accessoirement, la bouffe de la cantine qui commence à me donner des aigreurs d'estomac...
— Non, ne t'inquiète pas, Dun. Je vais bien. Je suis juste un peu fatiguée... finit-elle par répondre.
Ben quoi ? Quand les gens vous demandaient si tout allait bien, en réalité, ils s'en contrefichaient, non ?
Bon, ce n'était peut-être pas le cas de Dun qui tenait réellement à elle. Ce qui ne changeait rien puisqu'elle ne pouvait tout de même pas lui dire la vérité.
— Je comprends, lui dit-il avec un petit sourire. Mon année d'apprentissage n'était pas non plus de tout repos. Heureusement, tu vas pouvoir profiter de ces prochains jours pour te détendre.
Hein ?
Ah, oui. Les vacances du solstice d'hiver. Elles commençaient demain.
— Vous faites l'aller-retour sur Terre cette année ? demanda Duncan.
— Non... répondit-elle en soupirant. Mes parents ne sont pas là de toute façon. Ils font le tour des principautés pour rencontrer leurs Peuples. Obligations royales, ajouta-t-elle en haussant les épaules.
Encore une chose qu'elle pouvait ajouter à sa liste de contrariétés.
Elle qui – ce matin encore – pensait pouvoir rentrer, avait vu ses projets tomber à l'eau quand Iain lui avait annoncé qu'ils ne passeraient pas les vacances à Eliëval. Sur ordre de leur père, les triplés devaient rester à la Garde pour leur sécurité. Or, le portail menant à leur maison terrienne se trouvant dans la capitale de la principauté Faë. Il leur serait donc impossible de rentrer.
— Je suis désolé, Liha, compatit le jeune homme en voyant la déception se peindre sur son visage. Je sais que tu adores rentrer sur Terre à cette période...
Lihanna ne put s'empêcher de sourire à cette remarque. Duncan était quelqu'un de bien et il se souciait vraiment d'elle. Sinon, comment expliquer qu'il se souvienne de détails aussi futiles que sa passion pour les fêtes de Noël ?
Non pas qu'elle soit croyante, loin de là ! Mais elle adorait l'ambiance qu'il y avait chez elle au mois de décembre. Les lumières scintillantes et les sapins décorés, les odeurs des épices et des petits gâteaux tout juste sortis du four... Tout cela allait effectivement beaucoup lui manquer.
— Bah, se força-t-elle à répondre en souriant, ce n'est pas si grave. Je suis sûre que ce n'est pas si terrible de devoir passer ses vacances dans un lieu si enchanteur. Tout ce blanc, ce noir, ce gris, c'est tellement... reposant ! On dirait presque... En fait non, laisse tomber, ça craint.
— Un peu oui, se moqua gentiment Duncan. Mais ne t'inquiète pas, vous ne serez pas seuls. La famille Ruadhan sera là pour égayer vos journées.
— Je sais, oui... soupira-t-elle un peu dépitée quand même. Dilys, ma coéquipière, reste aussi. Non mais, attends, ajouta-t-elle brusquement en relevant la tête comme si une lumière venait de s'y allumer. On vous a forcé à rester avec nous, c'est bien ça ? Oh Dun... je suis désolée.
Elle venait seulement de réaliser que les vacances de ses amis allaient aussi être gâchées parce que des personnes de confiance devaient rester auprès d'eux. Liam avait raison, elle était vraiment égoïste parfois.
— Ne t'en fais pas pour ça, Liha, répondit Duncan avec un sourire indulgent. De toute façon, pour ma part, je dois rester ici. Un commandant de la Garde ne prend pas beaucoup de vacances, tu sais ? Et c'est pareil pour Liam et Kenneth. Quant à Eiline et Connor, je suis sûr qu'ils préfèrent rester en compagnie de leur famille et de leurs amis plutôt que de rentrer seuls à Laguro. D'autant plus que notre père ne sera pas là lui non plus, puisqu'il accompagne tes parents dans leur voyage. Tu vois, pas la peine de te blâmer, princesse, conclut-il avec un petit sourire charmeur.
Mais comment fait-il pour être aussi gentil ? songea-t-elle en lui rendant son sourire. Duncan avait vraiment un don pour mettre les gens de bonne humeur.
— Tu sais que quand tu souris, tu ressembles vraiment à un ange ? reprit-il au bout d'un moment d'une voix rauque.
Surprise – autant par le son de sa voix que par le brusque changement de sujet – Lihanna rougit violemment.
— Liha... continua-t-il en soupirant, mais sans la lâcher des yeux
Euh... Était-il sur le point de l'embrasser ? D'ailleurs... En avait-elle envie ?
— ... je voulais te demander...
Alors oui, si Duncan n'avait pas été Duncan, elle en aurait eu furieusement envie.
Parce qu'il était beau, gentil, drôle, attentionné et que – comme elle l'avait dit plus tôt aux filles – elle était frustrée. Mais elle ne pouvait pas se permettre de se laisser aller avec lui. Pas quand elle savait que des sentiments étaient en jeu de son côté.
Liam avait tort, elle n'était pas si égoïste !
— ... tu en es où avec mon frère ?
Hein ?
Il voulait... parler de Liam ? Maintenant ?
Comment avait-elle pu se planter à ce point sur ses intentions ?
— Je...
Non mais sérieux ? À ce stade, ce n'était même plus de la frustration. Ça devenait même carrément pathologique. Depuis quand ne parvenait-elle plus à avoir une simple conversation avec un mec sans s'imaginer pendue à son cou ?
Oh bon sang ! C'était pathétique.
Honteuse d'avoir laissé son esprit divagué vers de telles futilités, elle se mura dans un silence gêné.
De toute façon, tout ça, c'était de la faute de Liam.
— Liha ? l'interpella à nouveau Duncan un peu perplexe. J'ai juste besoin de savoir... vous êtes ensemble oui ou non ?
Hein ?
Elle faillit recracher la gorgée de vin qu'elle venait de prendre.
— Quoi ?! s'écria-t-elle surprise par la question. Mais t'es pas bien ! Tu sais bien que non, Dun !
Le jeune homme eut l'air soulagé par sa réponse, mais elle n'avait pas fini.
Parce que – même si elle ne comprenait pas pourquoi – s'il voulait parler de Liam, eh bien, elle allait parler de Liam ! Et elle pouvait en avoir pour un moment.
— Comment pourrait-on être ensemble si on ne se supporte pas ? continua-t-elle énervée. Même si on fait des efforts pour travailler ensemble, ça se finit toujours par une dispute. Il me rend dingue, je te jure ! Je ne sais plus sur quel pied danser avec lui. Dans la même journée il peut se montrer sympa avec moi – et je t'avoue que c'est plutôt... déconcertant – et l'instant d'après, il redevient le parfait connard que j'ai toujours connu. Il... il...
Elle s'interrompit brusquement en voyant la tête que le jeune homme était en train de faire.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je sais que je ne devrais pas parler de lui comme ça puisque c'est ton frère et mon lieutenant, mais...
— Je ne parlais de Liam, la coupa-t-il d'une voix sèche.
Hein ?
— Quoi ?
Oui... Dans ces moments de totale incompréhension, son vocabulaire se résumait souvent à ces deux mots.
— Je ne te parlais pas de ta relation avec Liam, répondit-il en soupirant. Mais de ce qu'il s'est passé avec Connor.
Pardon ?
Ah, ça !
Elle avait oublié que la dernière fois où il les avait vus, Connor était sur le point de l'embrasser. Duncan ne pouvait pas savoir ce qu'elle avait appris depuis.
— Connor et moi, on est simplement amis, expliqua-t-elle soulagée d'avoir enfin compris à quoi rimait cette conversation. Tu devrais d'ailleurs discuter avec lui à l'occasion. Mais... Duncan, tout va bien ?
C'est vrai ça... Pourquoi faisait-il une tête pareille ? Il semblait si triste tout à coup.
— Non mais quel idiot ! s'exclama-t-il soudain. Je n'en reviens pas de n'avoir pas vu venir un truc pareil !
Euh...Oh mais, c'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'elle avait encore loupé ?
— Pourtant, en y repensant, ajouta-il en secouant la tête avec un petit sourire désabusé, c'était tellement évident...
Alors, évident... Ben, ça dépend pour qui, mon vieux !
Mais pourquoi les gens faisaient-ils constamment comme si elle avait le pouvoir de lire dans leurs pensées ?
Bon, à vrai dire, oui, elle l'avait. Mais ils pourraient au moins avoir l'obligeance de lui indiquer à quel moment la conversation devenait mentale ! Parce qu'elle en avait vraiment marre de passer pour une abrutie qui ne comprenait rien.
— Dun... Est-ce que ça va ? demanda-t-elle tout de même en posant la main sur son bras.
À son contact, il sursauta violemment et la repoussa. Lihanna ne s'attendait tellement pas à ça, qu'elle n'eut presque aucune réaction.
Enfin, aucune réaction mis à part un lamentable petit hoquet de surprise.
— Excuse-moi, Lihanna, mais... il faut que je prenne l'air. Je...
Et sur ce il la planta là.
(...)
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