(...)
— Excuse-moi, reprit-elle. Je suis un peu stressée. Tu as eu le temps de tout ranger, constata-t-elle en regardant l'état de la chambre. Pas trop de dégâts ?
— Un peu de casse, mais rien de bien méchant.
— Et le livre des MacEwen ?
— En parfait état.
Lihanna poussa un soupir de soulagement.
— Tu es toujours d'accord pour y jeter un œil ?
Pendant quelques instants Liam ne répondit rien et se contenta de la fixer d'un air énigmatique.
— Tu crois que je vais y trouver quoi au juste ? demanda-t-il au bout d'un moment.
Euh...
Surprise par sa question, Lihanna écarquilla les yeux.
— Tu le sais très bien. Une preuve que je suis une Th'Eos.
— Une autre que celle de ta démonstration de tout à l'heure ?
— Oui. Une preuve irréfutable.
Liam se leva du lit et se dirigea vers la fenêtre – désormais dépourvue de vitres – pour regarder dehors. Le ciel était limpide. Plus aucune trace des nuages noirs destructeurs qu'elle avait invoqués avec son pouvoir.
— Et si je la trouve, Liha ? demanda-t-il sans se retourner. Qu'est-ce que je suis censé faire d'après toi ?
Elle se leva à son tour et vint se placer quelques pas en retrait derrière lui.
— Tout ce que tu jugeras nécessaire pour la sécurité d'Orcam, murmura-t-elle au bout de quelques instants.
À ces mots, Liam se figea et se retourna d'un bloc pour la regarder.
— Tu veux que je te tue, c'est ça ? fit-il abasourdi.
Lihanna sentit immédiatement que l'atmosphère amicaledans laquelle ils évoluaient jusqu'à maintenant était en train de se refroidir. Elle tenta donc de prendre tout ça sur le ton de la plaisanterie.
— À vrai dire, non, répondit-elle en grimaçant. Je suis encore jeune et s'il fallait choisir, je t'assure que je préfèrerais rester en vie !
— C'est pour ça que tu m'en as parlé à moi ? continua-t-il incrédule comme s'il ne l'avait pas entendue. C'est pour ça que tu m'as montré tes pouvoirs ? Tout était calculé ? Parce que tu penses que quand j'aurai une preuve irréfutable, je te tuerai ?
Bon... Elle se faisait des idées ou il avait l'air sincèrement déçu ?
— Alors en fait, non, pas tout à fait... reprit-elle enjouée pour tenter de retrouver l'atmosphère détendue de tout à l'heure. Non, ce n'est pas pour ça que je t'ai montré mes pouvoirs. C'était vraiment une gaffe de ma part. Donc non, ce n'était pas calculé. Mais oui, je pense que si cela est nécessaire, pour le bien du royaume, tu me tueras.
Liam lui jeta un regard mi-choqué, mi-dégoûté.
— Tu penses vraiment que ça serait si facile pour moi de te tuer ?
Euh...
Oh bon sang ! Mais pourquoi s'entêtait-il à conserver son air indigné ? Allez, un petit effort Liam ! Détends-toi, s'il te plaît...
— Ah ben ça oui, alors ! continua-t-elle avec le sourire. Je te signale que tu me promets la mort depuis que je nous ai liés ! Sois content, je te donne mon feu vert.
Sa plaisanterie ne produisit pas l'effet escompté.
— Arrête... dit-il en s'approchant d'elle, le visage fermé. Je suis sérieux. Tu crois vraiment que je vais te tuer si tu es une Th'Eos ? Tu as une si piètre opinion de moi ?
Bon, il fallait se rendre à l'évidence, elle l'avait énervé. En même temps, ce qu'elle lui avait dit n'était pas totalement faux. Il l'avait menacée plusieurs fois de la tuer et pour des raisons bien moins graves que ça.
Oui, bon... Peu importe qu'elle ne l'ait jamais vraiment cru une seule seconde !
— Sérieusement, Liam ? répliqua-t-elle légèrement agacée. Je n'en ai pas la moindre idée ! Et oui, je préfèrerais croire que tu chercherais plutôt à m'aider. Parce que, comme je te l'ai dit, je ne veux pas mourir. Mais, si c'est la seule solution, bon sang ? Si la seule chance de sauver Orcam de cette malédiction était de me tuer ?
Elle le vit serrer les poings et un éclair de colère passa dans ses yeux gris. Mais c'est avec un sourire las qu'il demanda :
— Toi, tu me tuerais sans hésitations j'imagine ?
Hein ?
Lihanna sursauta comme s'il l'avait giflée.
— Bien sûr que non ! s'écria-t-elle sans réfléchir. Je ne pourrais jamais...
Elle se tut avant de dire des bêtises qu'elle était sûre de regretter.
— C'est bien ce que je pensais, fit-il avec un petit ricanement blessé.
Puis ses traits se durcirent. Il ne restait plus rien du Liam doux et protecteur qui se trouvait encore à son chevet quelques instants plus tôt.
— Donc, pour résumer, tu veux que je te tue si je découvre, sans le moindre doute possible, que tu es une Th'Eos. C'est bien ça ?
— Oui, mais...
— Et, pas une seule seconde, ça ne t'est venu à l'esprit que tu me demandais d'agir comme ces enfoirés d'extrémistes ? Tu me méprises au point de croire que je pourrais te tuer juste à cause de tes origines ?
Hein ? Mais il parlait de quoi, là ? Qu'est-ce que les Sang-Purs venaient faire dans cette discussion, bon sang ? Et puis, c'est qu'il commençait à la faire flipper à parler comme un robot, d'une voix froide et dénuée d'émotions. Elle qui pensait qu'il allait trouver son sacrifice – enfin, son probable sacrifice – admirable... Là, il lui donnait plutôt l'impression d'être en train d'imaginer toutes sortes de tortures qu'il pourrait lui infliger avant de l'achever.
— Tu n'as même pas pensé que je puisse agir différemment de ces monstres alors que je les exècre ? Que je puisse penser que ce qui fait une personne ce ne sont pas ses gênes, mais plutôt ses actes ?
Ouh là là ! Mais il craquait complètement, là ! Jamais elle n'avait voulu dire ça.
Sérieux, cette conversation était la preuve que beaucoup de leurs disputes auraient pu être évitées au cours de ces dernières années. Parce qu'il était très clair à présent que la plupart de leurs prises de becs venaient d'un sérieux problème de compréhension mutuelle. Pas étonnant qu'ils passent leur temps à se bouffer le nez s'ils s'évertuaient à interpréter si mal les paroles de l'autre, bon sang ! Ça n'allait pas du tout !
— Je... commença-t-elle pour lui faire comprendre qu'il se plantait complètement.
— Non, la coupa-t-il dégoûté. Non, toi tu as pensé que je n'étais qu'une espèce de salaud barbare et sans cervelle qui te tuerait de sang-froid dès qu'il apprendrait la vérité. Tu m'as rangé dans le même sac qu'eux !
— Ce n'est pas vrai ! s'écria-t-elle surprise par la tournure qu'avait prise leur conversation.
— Alors quoi, Mac ? gronda-t-il en se rapprochant d'elle. C'est toi qui penses comme eux ? Ça ne t'est jamais venu à l'esprit que les Th'Eos n'étaient pas tous les monstres que tu sembles croire ?
— Tu ne comprends pas, répliqua-t-elle soudain au bord des larmes. J'ai peur...
— C'est toi qui ne comprends pas, la coupa-t-il froidement.
Il l'accula contre la commode qui se trouvait derrière elle et rapprocha son visage du sien, si près qu'en d'autres circonstances elle aurait pu croire qu'il allait l'embrasser.
— Je ne te tuerai pas parce que tu es une Th'Eos, reprit-il en la dévisageant durement. Mais, tu as raison sur un point. Je pourrais bien te tuer si tu fais le choix de devenir ce monstre que tu redoutes tant. Et d'après ce que je vois, c'est bien parti pour.
Puis il se recula vivement, les traits déformés par la rage et le dégoût, la laissant complètement abasourdie.
Oh par les Quatre !
Jamais elle n'aurait imaginé que la conversation puisse prendre une tournure aussi catastrophique.
Liam s'était senti insulté alors qu'au contraire, elle voulait lui montrer qu'elle avait une confiance aveugle en lui. Qu'elle le voyait comme le seul capable de l'aider, mais aussi de faire le nécessaire pour sauver leur monde. Malgré tous leurs différends, jamais elle ne l'avait considéré comme un monstre sanguinaire et sans cœur ! Elle était même prête à remettre sa vie entre ses mains...
— S'il te plaît, Liam... commença-t-elle implorante.
Elle voulait vraiment qu'il comprenne son point de vue et tant pis si elle devait le supplier de l'écouter. Elle ne voulait pas que cette conversation se termine sur un malentendu.
Elle se demanda brièvement depuis quand l'opinion de Liam était si importante pour elle, mais elle chassa vite cette question de son esprit quand il lui apparut clairement que la seule réponse évidente était depuis toujours.
Elle se rapprocha de lui et elle déglutit quand son regard froid croisa le sien.
— Arrête, Mac, tu deviens ridicule, cracha-t-il en lui adressant le petit sourire narquois qu'elle détestait tant.
Hein ?
Choquée par le ton vindicatif, Lihanna ouvrit des yeux ronds.
— Pardon ?
— Tu n'as pas besoin de te comporter comme une petite chose larmoyante pour que je t'aide, ajouta-t-il en haussant les épaules. Je t'ai fait une promesse et je la tiendrai. Tu viendras tous les soirs après les cours pour qu'on s'entraîne. Alors, arrête de jouer la comédie. Arrête de te comporter comme si tu ne me méprisais pas et que tu voulais être... mon amie. On sait tous les deux que ce n'est pas crédible.
Si Liam n'était pas Liam, elle aurait tout fait en cet instant pour le détromper. Pour lui prouver qu'elle ne jouait pas et qu'elle avait véritablement besoin de lui, pas seulement de son aide. Mais leur relation étant ce qu'elle était, il était hors de question qu'elle lui donne cette satisfaction et qu'elle se ridiculise.
Oh bon sang...
Comment en étaient-ils arrivés là ? En l'espace d'une fraction de seconde, Liam était redevenu le garçon froid et méprisant qu'elle détestait tant. Pourquoi ne la laissait-il jamais s'expliquer ? Pourquoi fallait-il toujours que cela se termine aussi mal entre eux, alors que tout se passait bien ? Et surtout... Pourquoi était-elle si déçue alors qu'elle aurait plutôt dû bouillir de rage ?
Comme elle ne bougeait toujours pas, il lui montra la porte, lui signifiant ainsi clairement qu'il était temps pour elle de dégager. Elle s'exécuta alors sans broncher et vit une pointe d'incrédulité briller dans ses yeux gris. Une fois arrivée sur le pas de la porte, elle ne put s'empêcher de dire quelque chose. Libre à lui de l'interpréter comme il le voulait.
— Je voulais juste préciser, lui lança-t-elle en soutenant son regard moqueur, pour que les choses soient bien claires entre nous, Ruadhan. Je n'ai jamais voulu être ton amie...
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