— Tu plaisantes, j'espère ?

Pour toute réponse, Liam éclata de rire.

À vrai dire, il s'attendait à cette réaction quand il lui avait proposé de venir dormir près de lui. Elle ne l'avait pas déçu.

Son visage était passé par toutes les émotions possibles. Et – la vache – elle aurait fait une sacrée bonne actrice. La surprise, la panique, l'incompréhension et la colère s'étaient ainsi succédées sur son joli visage. Mais ce qu'il avait préféré, c'était quand il avait brièvement vu ses joues s'empourprer et ses yeux s'assombrir. Il savait à quoi elle avait pensé à ce moment-là et, en bon mâle orgueilleux qu'il était, il s'était senti flatté.

Pour l'heure, elle le fixait en fronçant les sourcils.

— Sérieusement, Ruadhan, c'est une blague, non ?

— Pas vraiment...

Comme le froncement de sourcils s'accentuait et qu'il pressentait l'explosion imminente d'un flot d'insultes, il décida de calmer le jeu. Cela ne servait à rien qu'ils commencent à se disputer maintenant. Cela serait même plutôt contre-productif. Et puis, il était vraiment claqué et il n'avait qu'une envie, dormir. La cerise sur le gâteau serait effectivement que la petite Faë veuille bien venir se blottir contre lui pour lui permettre d'avoir plus chaud. Mais il pouvait tout aussi bien faire sans.

— Écoute, Mac, reprit-il en soupirant, cette soirée est une trêve, tu te souviens ? Je te promets que je ne suis pas en train de te provoquer. Mais il va vraiment faire froid pendant la nuit et notre feu ne tiendra plus longtemps. Je veux juste... je veux juste dormir, Liha, pas te sauter dessus !

Elle semblait vraiment hésitante, mais comme pour lui donner raison, dehors la pluie redoubla d'intensité. Des courants d'air froid réussirent même à s'infiltrer dans la grotte. Et pour couronner le tout, leur feu n'était désormais plus qu'un tas de braises rougeoyantes.

Or, Lihanna ne semblait toujours pas décidée. Liam s'impatienta.

— Bon écoute, dit-il plus sèchement, fais comme tu veux. Bonne nuit.

Il se coucha en s'emmitouflant le plus possible dans sa couverture. Il avait fini de discuter. Il décida de se rapprocher de ce qu'il restait de leur foyer. Lihanna n'avait toujours pas bougé. Malgré lui, il bloqua sur son visage.

Elle était... belle. Vraiment. La douce lumière des braises flattait son teint hâlé et ses yeux n'en paraissaient que plus brillants dans ce visage aux traits... parfaits.

Et merde... La dévisager ainsi n'était clairement pas une bonne idée. Il changea de position en pestant contre lui-même et tourna le dos à la jeune fille.

— Liam... l'entendit-il soudain murmurer.

Oh bon sang ! Elle allait le tuer !

Il poussa un soupir de frustration et se redressa vivement.

— Quoi ? demanda-t-il en se tournant vers elle, un peu plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

Il la vit relever fièrement le menton et prendre une profonde inspiration pour garder son calme.

— C'est bon, répliqua-t-elle piquée. Je vais venir.

— À la bonne heure !

— Oh ça va, hein ! Et je te préviens que si...

— Bordel, Liha ! Je veux juste dormir ! Dormir, tu comprends ?

Lihanna le foudroya du regard et se leva en bougonnant.

— Pousse-toi ! lui ordonna-t-elle en installant son couchage.

Liam la fixa un instant sans comprendre.

— Quoi ? Tu crois que parce que t'es une fille je vais te laisser la meilleure place ? demanda-t-il agacé.

— Non, répondit-elle simplement en le regardant comme s'il était un demeuré. Mais tu es mon lieutenant et tu dois prendre soin de tes apprentis.

Que...

Exaspéré, il se décala néanmoins.

— Ah et une dernière chose, reprit-elle en s'agenouillant près de lui. Si tu en parles à qui que ce soit...

— Sérieux, la coupa-t-il, tu crois vraiment que c'est une chose dont je vais avoir envie de me vanter ? Tu prends vraiment tes rêves pour la réalité, ma pauvre fille !

Ah ben voilà ! Leur relation était vraiment revenue à la normale. Il n'avait plus besoin de s'inquiéter quant à d'éventuelles conséquences qu'aurait pu engendrer leur rapprochement de la soirée.

En guise de réponse Lihannapoussa un soupir mêlant rage et frustration.

— T'es vraiment con, maugréa-t-elle en s'installant rageusement.

Et, effectivement, comme le pauvre con qu'il était, il ne put s'empêcher de sourire.

— Pour vous servir, Princesse...

Lihanna fronça les sourcils. Elle s'allongea sans rien ajouter et lui tourna le dos. Il secoua la tête, amusé.

— Lihanna, reprit-il plus doucement.

— Quoi ? répliqua-t-elle toujours renfrognée.

— Je vais me glisser derrière toi maintenant, alors ne panique pas, ok ?

Joignant le geste à la parole, il s'allongea derrière elle, son torse appuyant contre son dos.

À l'endroit où leurs corps entrèrent en contact, il ressentit immédiatement ces petites décharges désormais familières. Il la sentit se raidir, mais elle ne bougea pas.

— Donne-moi ta main, murmura-t-il près de son oreille.

La respiration de Lihanna s'accéléra.

— Pour... pourquoi... balbutia-t-elle doucement.

— Liha, il faut qu'on ait cette foutue vision maintenant, expliqua-t-il.

Et, sans attendre qu'elle lui obéisse, il enroula ses doigts autour des siens.

Dès qu'il eut repris ses esprits, il glissa rapidement son bras sous sa tête et l'attira encore plus étroitement contre lui, encerclant sa taille de son autre bras. Sa tête reposait sur le sommet de son crâne et dans cette position il sentit la respiration de la jeune fille s'affoler.

— C'est bon, murmura-t-il. On va dormir maintenant. Juste dormir, Liha...

Bon, pour être honnête, il n'était pas sûr de pouvoir y parvenir. Sentir son corps pressé contre le sien était une véritable torture et il se demandait vraiment ce qui lui avait pris.

Non mais, franchement ! Il s'attendait à quoi ? À pouvoir faire abstraction du désir que lui inspirait la fille qu'il tenait dans ses bras ? Bon sang ! Quel abruti ! Il savait qu'il était loin d'être un moine !

— Ok, Liha, réussit-il à marmonner tendu. Je crois que ce n'était pas vraiment une bonne idée...

Il commença à se dégager, mais elle lui saisit le bras et le maintint fermement contre elle.

— Ne bouge pas, Ruadhan ! lui intima-t-elle nerveusement. Ou... ou je te jure que je t'en colle une et que je t'assomme !

Liam se figea.

Euh... Elle venait de lui dire quoi ?

Il savait qu'elle ne pouvait pas le voir alors, il lui répondit par un petit sourire.

— Maintenant, tu fais comme moi, continua-t-elle en se contractant. Tu fermes tes putains d'yeux et tu dors !

Cette fois-ci, il éclata de rire, la remerciant intérieurement d'essayer de détendre l'atmosphère. Même si pour cela, il fallait qu'elle jure comme un charretier. Ce qui – tout bien réfléchi – ne changeait pas vraiment de d'habitude...

— Ok, Princesse, murmura-t-il plus calmement. Bonne nuit...

Il avait dû s'endormir sans s'en rendre compte, parce qu'il fut réveillé le lendemain matin par la lumière du jour qui perçait à travers les pierres.

Il mit plusieurs minutes à se rappeler où il se trouvait, mais une chose était sûre. Il se sentait parfaitement reposé. Cette constatation inhabituelle – il ne dormait jamais très bien en règle générale – finit par le réveiller complètement. Il prit alors rapidement conscience du corps qui se pressait contre le sien. Lihanna dormait encore, tout contre lui. Sa respiration était lente et régulière et elle semblait détendue.

Oh bon sang !

Ils avaient dû bouger au cours de la nuit, parce qu'il était maintenant sur le dos et Lihanna reposait contre son flan. Elle avait la tête sur son torse, leurs jambes étaient entremêlées et il tenait toujours sa main dans la sienne. C'était une position vraiment intime et, à cette simple pensée, son souffle s'accéléra et son corps réagit violemment.

Malheureusement – ou heureusement il n'aurait su le dire – Lihanna dut sentir sa réaction, car elle se mit aussitôt à remuer dans son sommeil. Puis elle se figea. Sa respiration n'était plus du tout paisible et Liam compris avec fierté qu'elle réagissait à sa présence aussi intensément que lui.

Sans réfléchir à ce qu'il était en train de faire, il pivota brusquement en la prenant dans ses bras et la plaqua sur le sol. Si Lihanna fut surprise par ce geste, elle n'en laissa rien paraître. Elle se contenta de lever son visage vers lui et de planter son regard dans le sien.

Encouragé par sa réaction, Liam prit cependant le temps de détailler chaque parcelle de son visage. De ses cheveux – qui s'étaient détachés pendant la nuit et dont il adorait la couleur caramel si proche de son précieux whisky – à ses magnifiques yeux gris-mauve, tout en s'attardant sur ses lèvres pleines et entrouvertes.

Il n'arrivait pas à détacher son regard d'elle et face à lui, Lihanna faisait de même. Il sentait contre son torse la poitrine de la jeune fille se soulever de plus en plus rapidement et les battements de son propre cœur s'accélérèrent.

Liam ne savait pas depuis combien de temps ils se fixaient ainsi, mais il savait une chose. Il allait l'embrasser là, maintenant, tout de suite. Tant pis pour les conséquences.

Sa décision prise, il se pencha vers elle et...

— Hé oh ! Y'a quelqu'un là-dedans ?

Comme si entendre son frère l'avait instantanément replongé dans la réalité, Liam s'éloigna brusquement de Lihanna. Elle fut d'ailleurs aussi prompte que lui à reprendre ses esprits et ce fut avec soulagement qu'il l'entendit répondre à l'appel de ses coéquipiers.

Par les Quatre ! Si ça ce n'était pas un coup de bol – sérieux – qu'est-ce que c'était ?