Les présentations (Partie 2 )

Dilys ne lui avait pas menti. Son affreuse décoction commençait déjà à faire effet et elle se sentait beaucoup mieux. Ce qui n'était pas du luxe au vu de la matinée qui l'attendait.

D'après leur emploi du temps, sa classe commençait la journée avec trois heures d'entraînements aux techniques de combat. Elle allait clairement avoir besoin de toute son énergie.

Le cours avait lieu dans une sorte de grand gymnase entièrement gris et il était supervisé par les cinq lieutenants qui géraient leur classe. Cela voulait aussi dire que Liam serait là et qu'il allait être son professeur.

Comment ce cauchemar a-t-il pu devenir réalité ? se plaignit-elle mentalement pour la millième fois.

Par les Quatre ! La vie était vraiment injuste...

Bon, en fait non... La vie n'était pas à proprement parler injuste. Mais sur ce coup-là, il fallait avouer qu'elle avait quand même sacrément merdé.

Pour lui donner raison, le lieutenant Niven annonça qu'ils allaient se répartir par équipe et que chaque lieutenant allait s'occuper de son propre groupe. Cela éviterait à tout le monde de se marcher dessus et le travail n'en serait que meilleur car plus personnalisé.

Ouais, tu parles... Pour elle, cela voulait surtout dire qu'elle allait se retrouver en quasi tête-à-tête avec la haine de sa vie. Elle esquissa un petit sourire devant son jeu de mot tout pourri. Oui. Elle était plutôt bon public.

Son équipe alla s'isoler dans un coin du gymnase. Elle connaissait déjà Liam, Dilys et Connor, mais les deux autres membres étaient encore des inconnus.

Le premier était un Sorcier du nom de Declan Laserian. Grand, beau gosse au regard légèrement hautain, elle fut surprise en reconnaissant son nom de famille. Par curiosité – l'un de ses principaux défaut/qualité – elle lui demanda carrément s'il avait un lien de parenté avec Jack et Brianna. Surpris par sa question, il finit par lui apprendre qu'ils étaient cousins. Après cela, il lui jeta constamment des regards en coin. Elle espéra qu'elle ne venait pas déjà de se mettre à dos un membre de sa nouvelle équipe. Ce qui, tout bien réfléchi, n'était pas impossible...

Le Métaïr du groupe était un garçon à l'allure dégingandé et à l'air timide qui s'appelait Arthur Te'Awen. Avec ses cheveux roux et ses yeux verts lumineux, il lui rappelait un peu sa mère. Et puis, il semblait surtout très sympathique. Et comme il était censé devenir un membre de sa « nouvelle » famille, c'était finalement le principal.

Elle reporta son attention sur celui qui allait devoir chapoter tout ça. La première chose qui lui vint à l'esprit était certes stupide, mais totalement incontrôlable. Elle pouvait se résumer – en gros – à : La vache ce qu'il est sexy !

Ouais... C'était pathétique.

Pourquoi – mais pourquoi ?! – ressemblait-il autant au prince charmant et pas au crapaud gluant de son histoire ? Enfin, pas vraiment au prince charmant, bien sûr, puisqu'il avait plutôt l'apparence d'un méchant – sexy, le méchant, évidemment – mais...

Bref. Ce n'était pas important.

Ce qui l'était en revanche, c'était que l'objet de cette fixette savait depuis peu qu'il ne la laissait pas complètement indifférente. Il était donc hors de question qu'il la surprenne en train de baver d'admiration devant son physique de dieu celte.

Malheureusement, cette journée ne faisait pas exception car Liam était – si cela était possible – encore plus charismatique que d'habitude. L'habit noir de la Garde mettait particulièrement bien en valeur sa musculature d'athlète et ses yeux gris – légèrement en amande – brillaient d'un éclat envoûtant. Il émanait de lui une telle autorité, une telle assurance qu'elle eut toutes les peines du monde à se retenir de pousser un soupir digne d'une ado énamourée.

Bon, à vrai dire – et cela la rassura quelque peu – elle n'était pas la seule à le fixer avec des yeux de merlan frit.

— Oh par les Quatre, murmura Dilys en se penchant vers elle, comment je vais me concentrer moi, pendant les entraînements ? Il est... exceptionnellement agréable à regarder. Tu ne trouves pas ?

— Mouais, si on veut... marmonna-t-elle avec une totale mauvaise foi.

Dilys lui décocha une œillade interloquée.

— Tu plaisantes, j'espère ? Ce mec ressemble à... un dieu vivant, tiens ! Bon, un dieu de la guerre ou de la discorde, je te l'accorde mais, n'est-il pas trop... sexy ?

Oh par les Quatre... Si sa coéquipière s'y mettait aussi, elle n'allait pas s'en sortir. Elle parlait de Liam, bon sang ! Pas d'un quelconque beau gosse du campus aimable et souriant !

Dépitée, un soupir à la limite du gémissement et du grognement lui échappa.

— Tu es sûre que ça va, Lihanna ? lui demanda sa camarade qui semblait sincèrement inquiète pour sa santé mentale. Je pensais pourtant que tu étais d'accord avec moi, vu la façon dont tu le regardes...

Que... quoi ?! Com... Ça se voyait tant que ça ?

— N'importe quoi... commença-t-elle en bougonnant. Je...

Un raclement de gorge irrité l'interrompit avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit.

— Ces demoiselles ont-elles des remarques pertinentes à faire avant que le cours ne commence ?

Et zut... Liam n'avait vraiment pas l'air content. Lihanna rougit immédiatement et secoua la tête en signe de négation. Dilys eut exactement la même réaction.

— Bien, reprit-il d'une voix ferme en gardant son regard acéré fixé sur elle, puisque j'ai désormais l'attention de tout le monde, je me présente. Je suis le lieutenant Liam Ruadhan et je serai, durant toute cette année, votre superviseur et votre formateur en ce qui concerne les techniques de combat et la stratégie militaire.

Sa voix claire et assurée fit taire en elle toutes velléités de protestations. Elle en eut limite des frissons.

Euh... Quel degré de ridicule atteignait-elle si elle avouait que même sa voix était trop sexy ? Stratosphérique, hein ? Elle s'en doutait...

— Que les choses soient claires, ajouta-t-il en continuant étrangement de la fixer, en tant que lieutenant, je suis votre supérieur hiérarchique et vous devrez appliquer mes ordres à la lettre.

Lihanna déglutit péniblement. Était-ce normal qu'elle se sente particulièrement visée par ce petit rappel à l'ordre ?

— Mais, reprit-il en la quittant momentanément des yeux pour s'adresser au reste du groupe, je suis aussi un membre à part entière de votre équipe et cela implique également des devoirs pour moi. Vous ne devrez jamais hésiter à me dire les choses qui vous gênent. Le but est de faire de vous les meilleurs combattants possibles, mais aussi de devenir un groupe soudé où le respect, la camaraderie et la confiance doivent primer. Est-ce que c'est compris ?

Comme tout le monde acquiesçait, il reprit :

— Comme je viens de vous le dire, l'honnêteté est importante pour moi. C'est de là que naît la confiance et c'est cette confiance qui soude un groupe. C'est pourquoi, je préfère mettre cartes sur table dès le début et vous prévenir que deux d'entre vous font partie de mes proches.

À nouveau, Lihanna sentit les battements de son cœur s'accélérer. Non pas qu'être qualifiée de proche par Liam lui-même lui fasse quoi que ce soit. Mais un peu quand même.

— D'ailleurs, continua-t-il immédiatement en captant son regard et celui de Connor, c'est surtout à vous deux que je voulais rappeler les usages en cours au sein de la Garde.

Bien sûr, ses yeux quittèrent rapidement le visage de son frère et il reporta toute son attention sur elle.

Bon... S'il voulait lui faire comprendre qu'il ne lui laisserait strictement rien passer cette année, il s'y prenait comme un chef. Et si les autres membres de son groupe ne l'avaient pas – eux aussi – compris, ils avaient un sérieux problème d'observation. Ce qui serait plutôt inquiétant. Heureusement – façon de parler – les regards à la dérobée qu'ils lui lançaient démentaient cette option. Pas de doute... Ils avaient bel et bien compris qui était le mouton noir de cette nouvelle équipe. C'était rassurant...

— Ainsi, continua Liam en commençant sérieusement à lui taper sur le système, ici, on s'adresse à son supérieur en utilisant son grade et son nom de famille. Pour vous, je serai donc Lieutenant Ruadhan. En retour – et parce que le respect marche dans les deux sens – je m'adresserai à vous en utilisant vos noms de famille, précédé parfois de votre grade d'apprenti. Est-ce clair pour tout le monde ?

Comme de l'eau de roche.

— Bien, reprit-il une fois qu'ils eurent tous acquiescé, on va donc pouvoir commencer les choses sérieuses. Les premiers entraînements porteront sur les techniques de combat au corps à corps, puis, progressivement, on introduira les armes. Mais pour commencer, vous allez tous devoir mettre ce bracelet.

Comme les autres, Lihanna saisit le bijou qu'il lui présenta et le passa à son bras. Il était fait d'une sorte de métal noir, très lisse et froid au toucher.

— Il s'agit d'un inhibiteur de magie, leur expliqua Liam en anticipant les questions. Ici, vous apprendrez à vous battre seulement avec votre corps. Je veux que vous soyez des combattants complets et j'ai déjà remarqué que certains d'entre vous avaient tendance à se reposer trop sur leur pouvoir en l'utilisant à tort et à travers. Même si cela vous est complètement interdit.

Lihanna releva vivement la tête pour croiser le regard gris acier qui commençait à sérieusement l'énerver.

Non mais ! Il allait la lâcher à la fin !

Elle avait de plus en plus de mal à ne pas répliquer. Heureusement – pour une fois – il eut l'intelligence de ne pas trop lourdement insister et il reporta son attention sur d'autres membres de l'équipe.

— Maintenant que nous sommes tous équipés, vous allez vous mettre deux par deux, pour commencer l'exercice.

Soulagée, Lihanna se tourna rapidement vers Dilys – qui avait d'ailleurs eu le même réflexe – mais elle fut interrompue dans son élan par la voix sèche et cassante de son lieutenant préféré.

— MacCormac, toi tu restes sur le côté et tu regardes. Pal'Comgal, tu fais équipe avec Te'Awen.

Hein ?

Dilys lui lança un regard navré avant d'aller rejoindre Arthur qui l'attendait en souriant.

Tandis que Liam donnait les premières instructions aux quatre autres, Lihanna attendit les bras ballants qu'il daigne s'intéresser à elle. Ce qui l'obligea à faire appel à toute sa maîtrise pour ne pas se ruer sur lui et exiger des explications.

— Tu peux... commença-t-elle quand il reporta son attention sur elle et qu'il la rejoignit dans son coin.

— Tu ne devrais même pas être là, l'interrompit-il avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit. Tu es blessée et encore convalescente. Il est hors de question que tu participes à mon cours dans cet état. Tu commenceras l'entraînement dans une semaine. En attendant, tu t'assieds et tu regardes.

Hein ?

Non mais attendez... quoi ? Il était sérieux, là ?

— Mais, Ruadhan... protesta-t-elle en commençant à légèrement s'énerver.

— Lieutenant Ruadhan, la coupa-t-il froidement.

Oh bon sang ! Est-ce qu'elle avait le droit de le frapper ?

— Très bien, Lieutenant Ruadhan, siffla-t-elle sarcastique. Sachezque je me sens très bien. Tu ne peux pas me virer de cours pendant une semaine, c'est injuste.

— Je ne te vire pas de cours, Mac... commença-t-il en utilisant le même ton que s'il s'adressait à une ado capricieuse qui ne comprenait rien à la vie.

— Apprentie MacCormac.

Oui, bon... Cette petite provocation n'était peut-être pas utile. Surtout le premier jour de cours et devant tous ses coéquipiers qui n'arrêtaient pas de leur jeter des regards en biais. Mais c'était de sa faute aussi ! Oui, parfaitement. Il s'attendait à quoi en la provocant comme il l'avait fait depuis le début ? À ce qu'elle opine docilement du bonnet et qu'elle se laisse houspiller sans broncher ?

Les vieilles habitudes ont la vie dure, lui avait-il dit. Eh bien, l'une des siennes, c'était précisément de mordre quand il la maltraitait ! Et il le savait, nom de nom !

Quoi qu'il en soit, il fut rapidement évident qu'il n'avait pas beaucoup apprécié sa petite correction apportée à son erreur de langage. Il fixa donc sur elle des prunelles aussi froides et polaires qu'un soir d'hiver sur la banquise.

— Je vais te donner un conseil, MacCormac, lâcha-t-il soudain d'un ton calme, beaucoup plus flippant que celui qu'il utilisait d'ordinaire quand il était en colère contre elle. Ne me provoque pas. Ici, tu n'es pas à la hauteur et tu as plus à perdre que moi. Tu me suis ?

La vache... C'est qu'il pouvait être intimidant quand il voulait.

Elle se força à ravaler la réplique cinglante qui ne demandait qu'à sortir – elle n'était pas suicidaire – puis hocha la tête, même s'il venait ouvertement de la menacer de la faire renvoyer de la Garde. C'était... il était... Oh bon sang ! Si elle avait pu, elle lui en aurait collé une tant sa menace la révoltait.

Mais le problème, c'était qu'il avait raison. Ici, c'était lui qui donnait les ordres et il pouvait très bien la faire renvoyer si cela lui chantait. Même s'il avait besoin d'elle pour trouver le livre qui leur permettrait de briser le lien, elle savait – le connaissant – qu'il préférerait encore rester lié plutôt que de perdre la face.

— Parfait, apprentie MacCormac, approuva-t-il avec un petit sourire narquois quand il comprit qu'elle rendait les armes. On se comprend.

Comme il ne l'avait toujours pas lâchée des yeux, elle eut beaucoup de mal à se retenir quand elle vit briller la lueur moqueuse et triomphante qui signifiait sa défaite.

Mais franchement, l'enfoibip... Il aurait au moins pu faire semblant de ne pas jubiler !

— Maintenant, reprit-il d'une voix suave qui lui hérissa les poils, tu vas aller gentiment t'asseoir. Et sois attentive...

Reprenant ses mauvaises habitudes de parfait connard qu'il avait mises de côté ces derniers jours, il se rapprocha d'elle. Elle dut lever la tête et se tordre le cou pour pouvoir continuer à le regarder dans les yeux. Elle détestait cette position. C'était humiliant et pas très confortable, en plus.

Liam lui décocha alors son sourire spécial j'adore-me-foutre-de-ta-gueule-et-ça-ne-fait-que-commencer-ma-cocotte. Bien sûr, on pouvait également l'interpréter par « tu-n'es-qu'un-misérable-insecte-et-je-vais-t'écraser ».

Où était donc passé le mec presque sympa qui avait accepté ses excuses quelques jours plus tôt ? Ou alors, simplement celui d'hier qui était seulement agacé par sa présence ?

Là, elle se retrouvait en présence du Liam qui la détestait fondamentalement et qui adorait lui faire comprendre à quel point il la méprisait.

Son cœur se serra en même temps que ses mâchoires.

— ... parce que, continua-t-il comme si de rien n'était, la semaine prochaine, ton partenaire de combat... ce sera moi.

****

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top