Le Bal (Partie 4)

À l'autre bout de la salle de bal, l'homme en rouge venait de remarquer qu'une des filles d'Aedan Kerid'El'Wen se trouvait seule. Son cavalier – un Fils de la Terre – n'était nulle part en vue. Il s'agissait peut-être d'une chance inespérée de mettre son plan à exécution dès ce soir. Les membres de la famille Kerid'El'Wen semblant toujours être entourés de plusieurs personnes, cela compliquait considérablement les choses pour lui. Et voilà que l'une d'entre eux se retrouvait seule. La fortune lui souriait enfin. À présent, il était sûr que les Quatre étaient de son côté. C'était un signe que sa lutte était juste.

La jeune fille se dirigeait vers la sortie qui conduisait aux appartements des dirigeants et autres invités de marque.

Parfait, songea-t-il. Il ne devait pas avoir grand monde dans cette partie du palais. La tâche allait s'avérer finalement plus facile qu'il ne le pensait.

D'un imperceptible mouvement de la tête, il fit signe à l'un de ses hommes. Ce dernier acquiesça discrètement et se faufila à la suite de la jeune fille.

Confiant sur la suite des évènements, l'homme en rouge reporta son attention sur sa partenaire. Il lui sourit tendrement et l'entraîna sur la piste de danse.

Soudain, il avait envie d'en profiter jusqu'au bout de la nuit.

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— Tu m'as l'air bien tendu...

Le ton était taquin et annonçait que sa compagne était bien décidée à le détendre.

En temps normal, Liam aurait été ravi. Brianna était experte dans l'art de dénouer les tensions. Mais, bizarrement, il n'en avait pas vraiment envie ce soir. Tout ce qu'il voulait, c'était noyer sa colère sous des litres et des litres de whisky et oublier jusqu'au prénom de l'insupportable petite Faë qui lui gâchait la vie.

— Hé oh, Liam ! Tu es avec moi ?

Tiré de ses sombres pensées par le ton quelque peu cinglant de la belle Sorcière, il ne comprit qu'à cet instant qu'elle avait cessé son massage et qu'elle attendait une réponse. Le problème, c'est qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle venait de lui demander...

— Non mais, je rêve ! s'écria-t-elle visiblement en colère. Tu t'imagines que je n'ai que ça à faire ?! C'est toi qui m'as invitée à monter avec toi, je te signale ! Je ne suis pas une de tes petites poules qui gloussent dès que tu dis un mot, Ruadhan ! Si tu n'es pas à cent pour cent avec moi, je me casse ! D'autres sauront apprécier mes charmes à leur juste valeur et ils ne penseront pas à une autre pendant qu'ils sont avec moi !

D'un geste rageur, Brianna le repoussa et entreprit de réajuster sa robe avant de remettre ses chaussures. Honteux, Liam se précipita vers elle pour tenter de la calmer.

— Excuse-moi, Bri. Je sais, c'est une excuse merdique, mais ce n'est pas du tout ce que tu crois...

— Tu ne pensais pas à une autre, peut-être ?

Euh...

Liam réfléchit quelques instants à ce qu'il pourrait bien répondre pour ne pas aggraver son cas. Finalement, il opta pour la vérité.

— Si. Mais je te le répète, ce n'est pas du tout ce que tu crois.

Il s'attendait à ce qu'elle lève les yeux au ciel et qu'elle lui rie au nez, mais touchée par son honnêteté – ben quoi ? On pouvait toujours rêver – elle se calma.

— Liam, mon chou, je sais très bien que notre relation n'est pas exclusive – loin de là – et je sais aussi que ce soir, ta petite princesse t'a mis très en colère...

Il tiqua légèrement sur cette utilisation abusive d'un pronom possessif. Lihanna n'était absolument pas sapetite princesse !

Mais avant qu'il ne puisse rétablir la vérité, Brianna lui adressa un sourire carnassier.

— ... mais quand tu es avec moi, tu es avec moi. Suis-je claire ?

Alors qu'il acquiesçait docilement, la jolie Sorcière se rapprocha de lui et – dans un geste aussi provocant que calculé – effleura sa bouche de ses lèvres pulpeuses et ourlées de rouge.

— Bien, murmura-t-elle d'une voix rauque tout en faisant glisser ses doigts sur son torse nu, parce que je ne le répèterai pas deux fois.

Brusquement, elle tourna les talons et sortit de la chambre, non sans lui avoir adressé une dernière fois son sourire le plus aguicheur.

Bon sang... Elle savait y faire !

Mais une fois la porte refermée derrière elle, il poussa un soupir où se mêlaient le soulagement et la frustration. Le soulagement parce qu'il pouvait enfin laisser libre cours à sa rage en buvant tout son saoul, et la frustration parce qu'il n'aurait pas été contre une petite partie de jambes en l'air, finalement.

En y repensant posément, cela avait été particulièrement idiot de demander à Brianna de le rejoindre alors que ses pensées étaient clairement accaparées par une autre. Il savait que la jeune Sorcière avait un caractère légèrement impétueux et qu'elle ne supportait pas de ne pas être le centre d'attention. Et, même si les intentions qu'il nourrissait à l'égard de Lihanna relevaient plus du meurtre que du sexe, il n'en demeurait pas moins qu'il pensait à elle.

Il venait de commettre un impair envers sa petite amie et elle n'était sans doute pas prête de le lui pardonner.

Mais, quel con... Pourquoi n'avait-il pas demandé à une inconnue, plutôt ? Elle aurait été ravie et il aurait pu prendre son pied avant de la congédier.

Passablement énervé, il se dirigea vers le bar qui se trouvait dans sa chambre et se servit une bonne dose de whisky. Il laissa l'arôme acre du liquide ambré remplir sa bouche et le dégusta lentement, savourant chaque gorgée.

Il se sentait déjà mieux et s'apprêtait à se servir un deuxième verre, quand il perçut la présence de Lihanna.

Alors oui, c'était plutôt bizarre dit comme ça – surtout qu'il ne savait pas du tout comment cela était possible – mais, c'était un fait. Il sentait qu'elle ne se trouvait pas loin. Il ressentait même l'urgence qu'elle éprouvait de le voir et cela le troubla légèrement. Il avait l'impression d'être connecté avec elle et il savait – sans aucun doute possible – qu'elle voulait lui parler. À lui.

Elle devait se trouver dans le couloir qui menait à sa chambre – il avait l'impression qu'elle se rapprochait – quand, tout à coup, plus rien. Le lien... mental venait de se rompre brusquement.

Encore déboussolé par ce qu'il venait de vivre, Liam se redressa vivement et – mû par un mauvais pressentiment – se précipita hors de la chambre. Il courut vers l'endroit où il pensait la trouver, tout au bout de l'immense couloir qui menait à ses appartements.

Il ne parvenait pas à s'expliquer pourquoi il était si inquiet, mais quand il distingua un mouvement furtif à l'extrémité du corridor, il sut qu'il ne s'était pas trompé. Quelqu'un était en train de s'enfuir et une forme gisait, inerte, au milieu du couloir. Jurant entre ses dents, il accéléra le pas pour rattraper le fuyard, mais il s'arrêta net quand il arriva à la hauteur du corps de la victime.

Lihanna était étendue sur le sol, inconsciente. Du sang s'écoulait d'une blessure à l'arrière de son crâne et le liquide rouge formait déjà comme une auréole autour de sa tête. Paniqué, Liam s'accroupit à ses côtés et s'assura qu'elle respirait encore. Le pouls était faible, mais régulier. Néanmoins, il devait se dépêcher. Elle continuait à perdre beaucoup de sang.

Bon sang ! Le salopard qui avait fait ça n'y était pas allé de main morte !

Putain ! Il ne savait pas quoi faire ! Il ne pouvait pas la déplacer, mais il ne pouvait pas se résoudre non plus à la laisser toute seule.

Soudain, Lihanna remua légèrement. Soulagé, il s'aperçut qu'elle avait entrouvert les yeux et qu'elle cherchait visiblement à lui dire quelque chose. Mais son inquiétude redoubla d'intensité quand elle lui adressa un sourire éclatant – enfin, aussi éclatant que possible quand on venait de se faire assommer et qu'on gisait dans une mare de sang – parce que, si elle souriait ainsi, c'est qu'elle ne devait pas le reconnaître ! Et ça, c'était plutôt grave, non, comme symptôme ?

Elle chercha à se relever, mais il la maintint fermement sur le sol.

— Tu ne dois pas bouger, Mac, lui expliqua-t-il d'une voix douce. Tu as reçu un violent coup à la tête et tu saignes. Reste allongée et attends-moi là, je vais chercher du secours.

Toujours avec le sourire, elle acquiesça faiblement.

Bon... Au moins, elle comprenait toujours ce qu'il disait.

Mais alors qu'il allait se relever, elle le retint par le bras et l'attira à elle.

— Liam, souffla-t-elle d'une voix faible et pâteuse, je... je venais te dire que... je suis désolée... pour tout à l'heure... tu avais raison... je suis désolée.

Et elle sombra dans l'inconscience.

Étonné, il la fixa quelques instants sans oser bouger.

Bon sang... Elle venait de l'appeler Liam ou avait-il rêvé ? Parce qu'elle ne le faisait jamais – c'était un peu leur façon de se prouver à quel point ils se méprisaient – et bizarrement, il aimait plutôt bien la façon dont son prénom sonnait dans sa bouche et...

Non mais sérieux !? Mais quel genre d'abruti s'attardait sur des détails aussi niais alors que la personne qui venait de les prononcer était en train de se vider de son sang, nom de nom ?!

Il secoua la tête pour se remettre les idées en place avant de se relever et de se mettre à courir aussi vite que possible pour aller trouver de l'aide.

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