Comme un air de famille (partie 4)

(...)

Fergal...

Jusqu'à aujourd'hui, elle était persuadée n'avoir jamais entendu ce nom. Et pourtant, elle en avait rêvé pas plus tard que la nuit précédente. Était-il possible que cela soit aussi une simple coïncidence ? Elle savait bien que non, mais comment cela était-il possible ? Comment avait-elle pu imaginer le nom de ce roi dans l'un de ses rêves ?

À moins que... À moins que ce dernier ne fût en réalité pas un rêve, mais plutôt une sorte de... de vision ? Après tout, elle était en train de s'entraîner à la télépathie juste avant de s'endormir. Elle avait peut-être utilisé une des facultés liées à ce don sans s'en rendre compte.

Il fallait qu'elle en touche un mot à Donna Te'Kelin, sa professeure. Était-il vraiment possible qu'un télépathe ait des visions du passé aussi réelles ? Si oui, c'était troublant.

Elle était en train d'hésiter entre lire le chapitre consacré au roi Fergal et prendre ses jambes à son cou quand on l'interpella.

— Bonjour, mademoiselle MacCormac-Kerid'El'Wen.

Lihanna sursauta et faillit tomber de sa chaise. Son cœur cognait furieusement dans sa poitrine quand elle se retourna vers la personne qui lui avait foutu une peur bleue.

— Bonjour, Professeur Pal'Cavan, réussit-elle tant bien que mal à articuler dans un souffle.

Son cœur avait encore un rythme quelque peu anarchique, mais les battements assourdissants commençaient à se calmer. Après tout, l'homme ne ressemblait pas du tout à une créature démoniaque, plutôt à un magicien de conte de fée.

— Je vois que je t'ai fait peur, jeune fille, remarqua son professeur d'Histoire avec un petit sourire qui illumina ses yeux bleus perçants. Toutes mes excuses, je ne voulais pas t'effrayer. Mais que fais-tu ici toute seule à une heure si matinale ? Et pendant ton jour de repos qui plus est !

Lihanna lui adressa un petit sourire hésitant. Elle aimait bien le professeur Pal'Cavan, mais - la vache ! – ce qu'elle avait pu avoir peur !

— Je n'arrivais plus à dormir, lui avoua-t-elle. J'me suis dit qu'un peu de lecture ne me ferait pas de mal. Et de toute façon, à cette heure-ci... ajouta-t-elle en haussant les épaules pour signifier qu'elle ne voyait pas trop quoi faire d'autre.

Le vieil homme lui adressa un sourire bienveillant. C'était plus fort qu'elle, mais depuis la rentrée, elle avait une furieuse envie de l'appeler Merlin. Il ne lui manquait que le chapeau pointu. Et les lunettes. Et la robe bleue. Et la chouette qui l'accompagnait partout...

Enfin bref. La ressemblance était en réalité surtout due à la longue barbe et aux cheveux blancs hirsutes, mais il n'en demeurait pas moins qu'il était le sosie du Merlin l'Enchanteur imaginé par Disney. Quoique habillé tout en noir.

— Et quel ouvrage te passionne au point de ne pas remarquer la présence d'un autre lecteur ? demanda-t-il en la tirant une nouvelle fois de ses pensées.

Une sensation de malaise l'envahit soudain. Sans savoir pourquoi, elle ne voulait pas que son professeur sache ce qu'elle était en train de lire. Elle essaya de cacher le bouquin comme si de rien n'était, mais elle ne parvint qu'à attirer encore plus l'attention du vieil homme sur l'ouvrage.

« La dynastie des MacEwen. », énonça-t-il à voix haute, un peu perplexe.

Eh ben pour le coup, sa tentative de discrétion était complètement ratée.

— Euh, oui, répondit-elle en affectant un air détaché. Grâce à vos cours, j'avoue être devenue une passionnée d'Histoire ! Vous l'avez lu ? demanda-t-elle faussement enjouée.

Pitié, dîtes non... Parce que si son prof avait lu ce livre, elle était sûre de ne plus être la seule à avoir noté l'étrange coïncidence sur la couleur de ses yeux.

Pal'Cavan la fixa quelques instants avec un air énigmatique et Lihanna se sentit pâlir.

— Oui, lui répondit-il au bout d'un moment interminable. Oui je l'ai lu, Lihanna.

Son cœur recommença aussitôt à tambouriner comme un cinglé dans sa poitrine. Mais le professeur affichait toujours un visage impassible et elle était incapable de dire à quoi il pouvait bien penser.

— Rassure-toi, ajouta-t-il avec un petit sourire, je dois bien être le seul à avoir touché ce bouquin depuis des siècles ! Plus personne ne s'intéresse vraiment aux Th'Eos de nos jours...

Ok.

Lihanna n'était pas sûre de comprendre ce que Pal'Cavan sous-entendait par là. Il arborait toujours son air énigmatique et il ne semblait pas disposé à ajouter quelque chose. Elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser. Savait-il ? Ne savait-il pas ? Ou plutôt, s'il savait, en était-il arrivé à la même conclusion étrange – et légèrement délirante – qu'elle ?

Quelle que soit la réponse, le professeur d'Histoire semblait vouloir en rester là. Il lui adressa un sourire bienveillant, s'apprêtant à prendre congé.

— Eh bien, bonne lecture, Lihanna. Puisses-tu y apprendre des choses utiles.

Il tourna les talons et commença à s'éloigner.

— Professeur ! l'interpella-t-elle sur un coup de tête.

Le Métis s'arrêta et reporta son attention sur elle.

— Oui ?

Euh... Elle ne savait pas vraiment ce qui lui avait pris, mais après tout, cela ne coûtait rien de demander.

— Avez-vous... commença-t-elle hésitante. Avez-vous déjà mentionné des membres de la famille MacEwen dans un de vos cours sur la Grande Guerre des Origines ?

Pal'Cavan fronça les sourcils avant de secouer la tête.

— Non. Je n'ai pas le souvenir de vous avoir jamais parlé de Fergal MacEwen. Ni d'aucun autre membre de sa famille d'ailleurs. Pourquoi cette question ?

Lihanna poussa un soupir déçu, mais se reprit rapidement.

— Pour rien, répliqua-t-elle nerveusement. J'ai juste eu l'impression d'avoir déjà vu son nom quelque part...

— Dans ce cas, ce n'était pas dans mon cours, jeune fille. Désolé. Mais si tu as besoin de quoi que ce soit ou si tu as des questions auxquelles tu penses que je pourrais répondre, n'hésite pas à venir me voir, Lihanna.

Sur ce, il lui fit un petit signe de tête pour lui dire au revoir et s'éloigna.

Lihanna le fixa jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière les rayonnages. Quand elle ne le vit plus, elle se prit la tête entre les mains, complètement dépitée. Son professeur s'était montré vraiment énigmatique, mais il savait quelque chose, elle en était certaine. C'était déjà lui qui lui avait parlé de la prophétie au début de l'année, mais encore une fois, il était resté très mystérieux.

En plus, elle ne comprenait pas vraiment ce qui la perturbait autant. Ou plutôt si, mais elle ne pouvait tout simplement pas supporter l'idée d'être liée de près ou de loin à quelque chose qui la dépassait complètement. Avec un peu de chance, elle se faisait juste de très, très gros films.

En tout cas, pour l'une de ces choses, elle voulait en avoir le cœur net.

Elle ouvrit le livre au dernier chapitre et parcourut rapidement l'introduction dédiée au roi Fergal MacEwen. Elle ne mit pas longtemps à trouver la réponse à sa question. Comme elle s'en doutait – ou plutôt comme elle le savait déjà – le Th'Eos avait deux filles.

Enya et Eiliana.

Son rêve n'en était donc pas un.

Se sentant soudain oppressée, Lihanna referma rapidement l'ouvrage et le cacha à l'aide de sa cape. Elle venait de décider qu'il était hors de question qu'elle le laisse ici au risque qu'une autre personne ne tombe dessus.

Si quelqu'un faisait un jour le rapprochement entre elle et les Th'Eos – quelqu'un d'autre que le professeur Pal'Cavan qui ne semblait d'ailleurs pas soupçonner le tiers de ce qu'elle lui cachait – eh bien... elle ne donnait pas cher de sa peau. Déjà que les Sang-Purs voulaient l'éliminer pour des raisons idéologiques si – en plus – on leur apportait la preuve qu'elle était certainement le fléau engendré par les Th'Eos pour détruire Orcam, ils n'auraient plus aucun mal à convaincre des milliers de personnes de rejoindre leur cause. Ni de se débarrasser d'elle.

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