Comme un air de famille (partie 2)

Lihanna se réveilla en sursaut. Elle se trouvait dans son lit, mais elle se sentait glacée jusqu'aux os.

Oh la vache ! se dit-elle en se redressant. Ce rêve lui avait paru si... réel. C'était comme si elle s'était trouvée dans cette grotte en compagnie de ces personnes qu'elle n'avait jamais vues et qu'elle assistait à la scène en tant que spectatrice invisible. Elle ressentait encore le froid qui régnait dans cette cavité. Elle toucha ses doigts. Ils étaient gelés. Pourtant, elle se trouvait bien dans son lit, chaudement emmitouflée dans ses couvertures et la température de la chambre était douce et agréable.

Elle secoua la tête pour chasser les dernières traces de ce rêve bizarre et un mal de crâne digne d'une gueule de bois lui vrilla instantanément le cerveau. Elle se laissa retomber sur son oreiller en poussant un petit gémissement de douleur.

L'aube commençait seulement à poindre et il faisait encore très sombre dans la chambre. Elle entendait le souffle régulier de ses trois amies qui dormaient. Elle pensa quelques instants à se rendormir, elle aussi. C'était leur jour de repos et elle se sentait épuisée. Mais elle eut beau essayer de toutes ses forces, elle ne parvint pas à retrouver le sommeil. Son rêve la perturbait trop.

En plus, elle ne se souvenait même pas s'être endormie. Elle se rappelait juste que, la veille au soir, elle avait décidé de s'entraîner un peu à la télépathie. Elle avait fait le vide en elle et avait tenté d'ouvrir son esprit pour capter les pensées des personnes qui passaient à sa portée. Elle se souvenait vaguement avoir saisi des bribes de conversations mentales, puis, plus rien.

Son mal de crâne commençait à s'estomper, mais elle savait qu'elle n'arriverait plus à fermer l'œil. Elle était bien trop perturbée et elle savait que se retourner dans son lit à la recherche d'un sommeil qui ne viendrait pas n'était pas la meilleure solution pour se calmer.

Elle décida donc de se lever, de faire un tour rapide dans la salle de bain pour se rafraîchir et s'habiller, puis elle sortit de la chambre en veillant à ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller les autres.

Avait-elle déjà mentionné qu'elle était terrorisée par les fantômes et les zombies ? Oui ? Parce que là, elle avait vraiment l'impression d'évoluer en plein film d'horreur et elle n'avait aucun mal à imaginer que l'un de ces monstres l'attendait tapi dans l'ombre, prêt à bondir pour la dévorer toute crue à chaque recoin sombre devant lequel elle passait.

Un peu de courage ma grande ! s'encouragea-t-elle quand elle constata qu'elle courait presque. Cela se saurait depuis le temps si la Garde était hantée !

Mais ses dons d'auto-persuasion ne devaient pas être très au point. Elle faillit pousser un hurlement en percevant un mouvement sur sa gauche, juste avant de constater qu'il ne s'agissait que d'un simple chat.

L'animal avait dû sentir sa panique. Elle était quasi-certaine de l'avoir vu esquisser un petit sourire moqueur avant de lui tourner le dos et de s'enfoncer dans le couloir d'une démarche hautaine.

Par les Quatre ! Et s'il s'agissait d'un chat possédé ? Et qu'il se retourne subitement et lui saute dessus pour l'attaquer ?

Oh et puis merde ! Sa mère lui avait toujours dit qu'il valait mieux être prudente.

Elle prit immédiatement ses jambes à son cou pour mettre le plus de distance possible entre elle et le démon qu'elle venait de croiser. Et tant pis si elle réveillait toute la Garde par la même occasion ! Sa survie était bien plus importante que sa réputation.

Elle atteignit rapidement le réfectoire et fut soulagée de voir les cuisiniers en train de s'affairer à préparer le petit déjeuner. Elle n'était donc plus le seul être humain réveillé et les battements anarchiques de son cœur commencèrent à se calmer.

Malheureusement, la cantine était encore fermée au public à cette heure-ci et Lihanna entreprit de faire le tour pour se présenter directement aux cuisines.

Le chef cuistot – bien que pas très doué dans son domaine – était un Fils de la Terre d'âge moyen chauve et bedonnant, mais très sympa. Il accepta de lui servir une petite collation qu'elle mangea rapidement sur un petit coin de table, tout en discutant un peu avec son bienfaiteur.

— Tu es une des filles Kerid'El'Wen ? lui demanda-t-il tout en touillant une sorte de mixture peu ragoûtante.

Ouais... Elle était bien contente d'être arrivée avant l'ouverture du réfectoire. Elle n'était pas certaine d'être capable de manger ce qu'il s'apprêtait à servir à ses camarades. Le petit bout de pain et le thé qu'il lui avait donnés étaient largement plus appétissants.

— Lihanna, acquiesça-t-elle en buvant une gorgée.

— C'est bien ce que je pensais, reprit le cuisinier en continuant de touiller. On entend beaucoup parler de la princesse aux yeux violets ces temps-ci.

À la mention de la couleur de ses prunelles, Lihanna eut un flash de son rêve de la nuit. Deux des protagonistes y avaient les mêmes yeux qu'elle.

— C'est vrai que c'est une couleur peu commune, reprit-il en la tirant de ses pensées. Je crois que je n'en avais jamais vus de semblables avant, dit-il en la fixant avec un sourire chaleureux.

Lihanna lui rendit son sourire. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne se posait plus de questions sur la couleur de ses iris. Pour elle, ils étaient gris, avec parfois des reflets mauves en fonction du temps.

— Pourtant, continua le cuisinier, malgré cette petite différence, je trouve que tu ressembles beaucoup à ta tante !

— Ma tante ? s'étonna-t-elle.

— Oui, répondit le Fils de la Terre insensible à la surprise qu'il avait suscitée chez elle. Ta tante, Elena Kerid'El'Wen. Ou plutôt Elena Pal'Calum, devrais-je dire maintenant ! Et crois-moi jeune fille, c'est un compliment ! À l'époque où on était apprentis, elle faisait tourner la tête de tous les garçons. Mais c'est ce veinard de Donald Pal'Calum qui a eu la chance de l'épouser.

Lihanna était désormais très intéressée. Elle n'avait rencontré sa tante que deux ou trois fois depuis qu'ils étaient arrivés sur Orcam. Elle en gardait un très bon souvenir. Mais elle vivait avec sa famille dans la principauté de Pa'Auro et Lihanna n'avait pas souvent eu l'occasion de se rendre dans la principauté des Peuples libres. D'autant plus que sa tante ne venait jamais les voir à Eliëval. Une fois, elle avait demandé à son père pourquoi on ne voyait jamais sa sœur dans la principauté Faë. Ce dernier s'était un peu renfrogné et il lui avait simplement dit que c'était compliqué.

Elle n'avait pas insisté, mais elle s'était jurée qu'elle ne laisserait jamais aucune situation compliquée l'éloigner de Iain et Erin.

— Vous connaissiez ma tante, alors ? demanda-t-elle curieuse d'en apprendre un peu plus sur sa famille.

Le cuisinier eut un petit sourire nostalgique et acquiesça.

— Eh oui, jeune fille ! J'ai fait mon année d'apprentissage dans la même classe qu'Elena et son frère jumeau, Sean. On était de bons amis et on a passé une année inoubliable ! Mais c'était il y a bien longtemps... ajouta-t-il en secouant la tête d'un air un peu triste.

— Vous connaissiez mon oncle également ?

Lihanna n'avait – par contre – jamais rencontré le frère de son père, Sean Kerid'El'Wen. Aedan n'en parlait quasiment jamais. C'était tout juste si elle savait qu'il existait. Elle avait parfois surpris quelques bribes de conversations sur lui entre Ross et son père, mais ce dernier semblait chaque fois en colère quand il parlait de son frère et Lihanna n'avait jamais osé lui demander quoi que ce soit à son sujet.

Et puis – pour être honnête – jusqu'à présent, elle s'était surtout concentrée sur sa petite personne et le monde qui gravitait juste autour d'elle, en bonne ado insouciante et égoïste qu'elle était. Finalement, elle ne s'était jamais intéressée qu'à sa propre fratrie, à ses amis ou à ses histoires de cœur. Sans oublier Liam et le lien bien sûr. Mais elle ne s'était pas vraiment demandée à quoi avait bien pu ressembler la famille de son père avant que les triplés ne fassent irruption dans sa vie.

Pour sa mère, c'était plus simple. Elle avait perdu ses parents quand elle était très jeune et elle était fille unique. Elle n'avait pas d'autre famille encore en vie et elle s'était donc débrouillée seule, pendant plusieurs années. Jusqu'à ce qu'elle rencontre Enora, vers l'âge de quinze ans et que celle-ci la prenne sous son aile.

Mais de la famille de son père, elle ne connaissait pas grand-chose. Ses parents étaient décédés peu avant que les triplés ne viennent vivre sur Orcam et à cette époque, son frère et sa sœur avaient déjà quitté Aëlia.

Lihanna n'avait pas cherché beaucoup plus loin. Pour elle, ses oncles étaient plutôt Allan Tréfor, l'ami de sa mère ou Ross Ruadhan. De Sean Kerid'El'Wen, elle ne connaissait presque rien et jusqu'à maintenant, cela ne lui avait posé aucun problème.

— Oui, je connais ton oncle, Lihanna, répondit le cuisinier au bout d'un moment.

— Et quel genre de personne est-ce ? Je veux dire... Vous êtes toujours amis ?

L'homme haussa vaguement les épaules.

— Plus vraiment. On se croise de temps en temps. Tu sais qu'il est colonel dans la Garde, n'est-ce pas ? demanda-t-il un peu perplexe.

Lihanna acquiesça.

— Oui, bien sûr. Mais je ne l'ai pas encore rencontré. Mon père et lui ne semblent pas être en très bons termes, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Vous savez pourquoi ?

Le cuisinier posa sur elle un regard énigmatique. Puis il se remit à touiller sa mixture.

— Tu devrais peut-être poser la question à ton père, jeune fille, reprit-il sans la regarder. Il pourrait te répondre mieux que moi.

— Il n'aime pas vraiment en parler, rétorqua-t-elle en soupirant. Mais vous, vous devez bien avoir entendu quelque chose à ce sujet, non ?

Elle ne savait pas pourquoi cela la passionnait autant aujourd'hui.

Il n'empêche... Elle voulait en apprendre davantage sur sa famille.

Le Fils de la Terre reporta son attention sur elle et fronça les sourcils.

— Ce que j'ai entendu, jeune fille, ce ne sont que des ragots. Et les ragots sont ce qu'ils sont. Un tas d'idioties colportées çà et là par des gens qui s'ennuient et qui n'ont rien d'autre à faire que de commenter la vie des autres ! Si tu veux un conseil, ajouta-t-il d'un ton bourru, demande à ton père. Là, tu auras la vérité sur ce qui s'est réellement passé.

Lihanna acquiesça, tout en se sentant un peu idiote. Le cuisinier sembla le remarquer. Il se radoucit et lui offrit un sourire bienveillant.

— Allez, petite princesse, ne fais pas cette tête-là ! En tout cas moi, j'ai été ravi de faire ta connaissance. Sache que tu es la bienvenue dans ma cuisine à chaque fois que tu te lèveras aux aurores. Mais là, vois-tu, tu vas devoir y aller. Mes premiers convivesne vont plus vraiment tarder et j'ai encore du boulot, moi !

Elle hocha la tête et termina rapidement son petit-déjeuner en le remerciant pour sa gentillesse.

— Au fait, demanda-t-elle avant de partir, vous savez s'il y a quelque chose d'ouvert à cette heure-ci ? Je n'ai pas vraiment envie de retourner tout de suite dans ma chambre, d'autant plus que mes camarades doivent encore dormir.

Le cuisinier prit le temps de réfléchir avant de répondre.

— Eh bien, dit-il en haussant les épaules, je crois bien que la bibliothèque principale est déjà ouverte. Ou sinon, c'est qu'elle ne va plus tarder.

Lihanna le remercia une dernière fois, puis elle sortit de la cuisine.

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