26- Les trois ours (1/3)
Les animaux de la forêt n'étaient pas bavards. Bien moins que ceux que la jeune fée aimait dorloter dans la ménagerie royale. Etait-ce parce que la magie de Neige se tarissait avec le temps ? Impossible, elle s'exerçait chaque soir pour ne jamais faillir. Des moulinets à gauche et à droite, sans baguette, ni accessoires. Elle reprenait les cours de magie de mademoiselle Elira, mettait en application tous les sortilèges que l'enseignante leur avait appris. Ensuite, elle enchainait avec les exercices élémentaires (feu, eau, air ou terre) que madame Wooddry, la directrice, lui avait confiés en secret : les plus difficiles, ceux qu'elle devait maitriser pour honorer la famille Blueheart.
Fly était un expert de la magie de l'air, Lizzie comptait suivre ses pas. Et tous ses frères et sœurs avaient déjà choisi leur élément. L'eau ou le feu, la terre ou l'air. Neige comptait elle aussi trouver sa voie, elle n'envisageait pas d'achever l'année sans cette prouesse. Alors elle s'entrainait. Elle progressait, elle excellait dans la plupart des défis qu'on lui imposait, même si ce domaine ne lui convenait pas.
Fée élémentaire...
Sa magie allait bien.
Oui, vraisemblablement, le problème venait des bois silencieux, pas d'elle. Ses pas se firent plus lents tandis que les arbres lui parurent hostiles. Pourtant tout avait l'air si merveilleux lorsque Mademoiselle Clair-de-bois et le reste du groupe l'accompagnaient.
- Roxy ! Fly ! Roxy !
Roxanne était partie trop vite. Plus petite en taille, Neige ne possédait ni sa vivacité, ni son endurance. Le froid lui engourdissait les ailes et les branches trop basses l'empêchaient de voler. Elle pensait réussir à la rattraper, se fier au chant du vent, reconnaitre la trace de ses pas dans la terre ou encore échanger avec des animaux mais la magie de l'air ignora ses appels, le sol humide enregistrait trop d'empreintes et les animaux...restaient méfiants envers elle.
Elle n'était pas à l'école. Elle n'était plus dans le pays des fées. Elle était perdue. Doucement, elle referma ses bras autour de sa poitrine en songeant à faire marche arrière. Peut-être que Roxanne avait déjà retrouvé Fly et qu'elle les verrait tous les deux au point de rendez-vous.
Peut-être que Fly git en lambeaux, déchiqueté par les crocs d'un loup.
Non, il allait bien. Et puis Mademoiselle Clair-de-bois avait affirmé qu'aucun dangereux canidé ne rodait par ici. Que des écureuils et des lapins, se répéta-t-elle pour se rassurer, que de gentils écureuils qui ne ferait pas le moindre mal à Fly. Que des lap...Aaah
Dérapant sur le sol boueux, elle tomba la tête la première dans un fossé. Ses ailes lavande se gorgèrent de mélasse et se pétrifièrent, sa peau se raya d'égratignures et son menton se couvrit de poisse et de terre. Elle avait beau être férue d'animaux, jamais elle n'avait souhaité reproduire leur mode de vie. Sa chute s'arrêta au bout de quelques mètres, où, à demi assommée, elle tacha de se relever...mais retomba aussitôt. Son pied s'était coincé dans un tronc mort, foulant par la même occasion sa cheville droite. Elle poussa un gémissement de douleur, maudissant pour la première fois la foret entière.
- A...l'aide, haleta-t-elle en se débattant.
Malgré la poussière qui lui brulait les yeux, elle distingua une adorable chaumière en brique d'où jaillissait un nuage de fumée noir assez dense pour prouver qu'un sorcier l'habitait. Puis des bruits de pas claquèrent à sa gauche. Quelqu'un renifla. Elle n'osa tourner la tête : était-ce le propriétaire de la maison ou pire ? Un loup ? Un brigand ? Une gorgone ?
- Myrtille ? l'aborda une voix qu'elle reconnaitrait entre mille. Si c'est encore un coup de Roxanne pour nous rapprocher, je jure que...oh, tu es blessée ?
Bienveillant, Austin s'accroupit au niveau de son pied meurtri, nettoya le sang d'un sortilège, et effleura du bout des doigts la cage de bois qui la retenait au sol . Il la couva du regard quelques secondes, soucieux, avant de se relever.
- Attends moi ici, je reviens très vite.
Elle n'aurait pas vraiment pu faire autrement. Tandis qu'il filait à toute hâte vers la chaumière, la jeune fée battit faiblement des ailes. Les larmes affluèrent à ses yeux, menées par cette blessure qui ne la lâchait pas : pourquoi avait-elle l'impression qu'un ours lui dévorait les tendons ?
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