2 - la reine des glaces

Les galeries de verre se situaient à la frontière du royaume des fées. Elles comptaient une vingtaine de boutiques et le plus grand magasin de friandises du monde entier. Roxanne s'était retenue de s'y jeter tout au long de ses achats, en calculant avec soin comment remplir sa liste sans dépenser le contenu entier de sa bourse.

Dans son petit panier sans fonds – un nom bien mensonger puisque l'objet avait tout de même une limite (d'un mètre et demi environ) - , des cahiers, mini chaudrons et plumes d'oie s'entassaient . Sur la liste rayée d'encre, il ne restait plus qu'un objet, mais de loin le plus couteux : une nouvelle baguette magique. L'ancienne était usée si bien que, cet été, Roxanne avait dû emprunter celle de son grand frère Rory pour continuer à pratiquer ses sortilèges.

Elle s'était tant acharnée sur ce bâton ensorcelé que des pelures avaient neigé sur ses cahiers, et le bois du pauvre artéfact s'était fêlé. Penaude, Roxanne se demanda si les pièces de sa bourse suffiraient à acheter non pas une mais deux baguettes.

...Sept, huit, neuf pièces d'argent. Une d'or. Et cinq de bronze.

Tant pis, elle ferait l'impasse sur les caramels pétillants. Or en entrant chez Le bois de chez nous – Boutique d'artéfacts magiques et de baguettes, la jeune sorcière manqua de s'étrangler. Tous les prix avaient doublé ! Elle essaya bien de se précipiter au rayon « petites sorcières » mais des barrières obstruaient la zone, gardée d'un panneau de bois où on put lire :

Pour l'accueil d'une invitée très spéciale, cette partie de la boutique est interdite au public.

De toute façon, elle n'allait pas sacrifier la qualité de sa magie ou de son année scolaire pour quelques friandises, si ?

Dépitée, elle jaugea les baguettes les plus abordables en soupesant sa maigre bourse. 

Si tu veux mon avis, celle-ci est la meilleure.

Surprise, Roxanne se retourna. Une jeune sorcière, tout juste adulte, lui faisait face. Elle arborait un sourire malicieux, poings sur les hanches. Ses cheveux blonds formaient une longue tresse qui retombait sur son épaule. Vêtue d'un chaperon beaucoup trop ample pour elle, elle semblait nager dans les airs, noyée dans ses propres  vêtements. 

Mais le prix n'est pas donné à tout le monde, soupira la nouvelle venue en retournant l'étiquette brune. Trois pièces d'or, oui, c'est beaucoup trop.

Elle fit mine de réfléchir. Comme si elle avait été  taillée dans un améthyste, la baguette scintillait aussi fort qu'un joyau. Roxanne osa à peine déchiffrer les multiples qualités qu'offrait ce bijou magique, de peur de se frustrer. Elle plissa la bouche : ce genre de baguettes était plutôt destinée aux sorciers aisés et expérimentés, pas aux jeunes écolières. 

Et en même temps, ajouta la gentille sorcière, il serait dommage d'en priver une si brillante élève. Allez suis –moi, je sais comment te l'offrir.

Ni une, ni deux, elle l'entraina par le bras et traversa la section interdite. 

On...On n'a pas le droit de passer par ici, bredouilla Roxanne en détachant son membre de la poigne de la femme.

Moi, j'ai le droit. Crois- moi la propriétaire ne me dira rien. On est comme qui dirait...du même sang.

Elle se pinça les lèvres et se pencha en avant pour lui susurrer d'une voix mélodieuse :

C'est ma sœur.

Argument recevable.

Ici, les farces et attrapes étaient regroupées entre deux meubles : à droite les sculptures en bois enchantés et les figurines de démons sautillants. À gauche, les soins pour se teindre la peau, les cheveux ou causer démangeaisons et pustules.

Plus loin, les baguettes pour enfants que convoitait Roxanne s'alignaient. La jeune fille fut tentée de s'en approcher, juste pour guetter les prix mais l'entêtée sorcière ne la laissa pas s'y appesantir.

Tu es un peu grande pour ça, non ?

L'adolescente renifla. Bien au contraire, c'était avec l'une de ces baguettes magiques qu'elle avait passé le test d'entrée à l'académie, et elles avaient l'avantage de ne pas couter les yeux de la tête, elles.

Elles arrivèrent au niveau d'une caisse improvisée où une silhouette encapuchonnée payait ses articles. Derrière le comptoir, la vendeuse écarquilla les yeux. Elle intima quelques mots inaudibles à sa cliente qui resserra sa capuche. Durant son geste, Roxanne crut voir des paillettes s'envoler sur le parquet ciré du magasin. Une fée ?

D'ordinaire, les fées ne fréquentaient pas les boutiques du pays, encore moins celles de magie. Pas parce qu'elles y seraient mal accueillies mais plutôt parce qu'elles n'y voyaient aucune utilité. Le royaume des fées prospérait et leur magie dépassait de loin celle des sorcières. Alors pourquoi s'aventureraient-elles loin des charmantes prairies et des villages dorés ?

Votre Majesté ! s'écria la sorcière, et la vendeuse parut vouloir s'assommer contre le comptoir – ou mieux assommer sa sœur contre le comptoir.

Roxanne en perdit son latin. La reine ? Elle ignorait que la reine des fées faisait elle –même ses emplettes.

Pourtant, lorsque la fée se retourna vers elle, elle n'eut aucun doute sur son identité.  Mince, avec de ravissants yeux roses et une longue chevelure de nacre, Sa majesté Evangeline incarnait grâce et  prestance. Son teint de porcelaine donnait l'impression qu'elle n'avait jamais mis les pieds en dehors du palais – et aujourd'hui Roxanne avait la confirmation qu'il ne s'agissait que d'une rumeur éhontée.

Elle portait une longue robe en pétale de lys et des escarpins de verre. Sans l'avoir rencontré, Mamy Syrane l'avait toujours comparée à la méchante reine : une vieille femme qui dérobait la candeur des jeunes fées – voire de ses propres enfants- pour parfaire son teint.

Force est de constater que la beauté de la reine, elle, n'était pas une légende. Sa posture, digne des meilleures statues de cire, non plus.

Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en arquant un sourcil.

Robyne Clair-de-bois, votre Majesté, se présenta-t-elle en tendant une main que la monarque, dubitative, n'accepta pas. Je viens vous voir pour...

Comment avez-vous su que je venais ?

Sans attendre de réponse, elle s'était déjà tournée vers la vendeuse qui lorgnait d'un œil inquiet la zone réservée aux simples clients.

Vous m'aviez bien dit qu'un sort protégeait l'endroit et qu'un de vos collègues tenait une caisse pour les autres clients ? s'enquit – elle, presque à voix basse.

Fan est parti manger, votre Majesté, trembla la pauvre sorcière en baissant la tête. A cette heure-là, les clients sont rares. Je...J'imaginais que...Veuillez m'excuser.

Roxanne se sentit coupable d'infliger une telle humiliation à cette pauvre demoiselle. Personne n'ignorait la sévérité de la reine des fées, ni sa froideur. On racontait que d'un claquement de doigts, elle était capable de réduire en poussière une horde de vampires. Ses colères pouvaient créer des tornades, et ses chagrins des torrents. La contredire était donc tout sauf avisé, sans compter qu'elle possédait de loin la magie la plus puissante du pays.

Plus que tout, Roxanne en voulait à Robyne de n'avoir aucune gêne pour sa sœur.

— Nous n'allons rien raconter à personne, assura-t-elle d'une toute petite voix et, pour la première fois, la reine posa ses yeux d'aurore sur elle.

Cependant, au lieu de la blâmer, cette dernière éclata de rire.

— Raconter ? Mais qu'y a-t-il à raconter, mon ange ? Que je fais mes achats comme vous tous ? Que moi aussi, j'aime acheter des cadeaux à mes enfants. J'ai seulement eu peur d'attirer une foule. Vous savez, de nombreuses sorcières seraient prêtes à tout pour me rencontrer. Alors, je prends mes précautions, voilà tout. Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, je n'utilise ma magie que sur ceux qui le mérite. Et je suis très reconnaissante envers madame Ronce-de-verre de m'avoir accueillie ici.

Sans le toucher, elle ordonna à un lourd sac en cuir de s'envoler.  Elle déposa ensuite une bourse remplie d'or et leur tourna le dos.

— Attendez ! la héla Robyne avant qu'elle ne fasse le moindre pas. J'ai quelque chose à vous demander.

Elle poussa Roxanne par  les épaules, alors que la reine lui intimait d'un regard silencieux de poursuivre.

— Cette jeune sorcière va suivre des cours à l'académie des brumes.

Roxanne tiqua à l'entente de ce nom.

— Elle a absolument besoin d'une bonne baguette, plaida la jolie blonde en joignant ses mains. Si vous pouviez la lui offrir, ça serait formidable. Venir dans cette école...c'est son rêve depuis qu'elle est toute petite, et si les autres fées apprennent que sa magie est défectueuse à cause d'un misérable bout de bois, elle ...va se sentir exclue.

La reine n'hésita pas une seconde. Elle échangea un regard entendu avec Robyne, plongea une main dans son manteau et en ressortit dix pièces d'or qu'elle déposa sur le comptoir. Roxanne faillit entrouvrir les lèvres pour lui préciser que la baguette ne valait pas autant, mais une petite tape sur son épaule l'incita à se taire.

— Au fait, toutes mes félicitations pour votre admission, conclut la prestigieuse fée en se dirigeant pour de bon vers la sortie.

La jeune sorcière se sentit rougir. Et tandis que la reine disparaissait derrière une porte, nichée au coin d'un mur, mademoiselle Clair-de-bois agita sa main en guise d' au revoir .

***

Bonsoir à tous, j'espère que vous allez bien.
Le jeu d'aujourd'hui est un jeu qui va revenir très souvent puisqu'il s'agit de l'impro personnages.

Le but ? Répondre à des questions mettant en scène vos personnages 😄.

Tempête de neige : vos personnages, partis faire du shopping, doivent rester à l'abri, à l'intérieur d'un magasin de vêtements. Comment réagissent-ils ?

L'un de vos personnages trouve un joyau rare en se baladant dans une grotte. Qu'en fait-il ?

Séance dédicace : qu'écrivent vos personnages à leurs fans (ou non)?

Des bisous et à demain ❤️❤️

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