19- la princesse et la roturière
— Neige ?
— Non, non, je m'appelle Myrtille, mentit la susnommée sous un rire nerveux. Neige, c'est...
Un surnom affectueux ? Celui de son sosie ? La preuve que Fly perdait la tête, ravagé par la présumée disparition de sa sœur. Peu importe quelle ineptie la fée était sur le point d'inventer, son amie la coupa avant de l'entendre.
— Le prénom de la princesse disparue.
Surpris, Fly la dévisagea à son tour.
— Qui t'a dit ça ?
Daphné, ta petite amie, manqua-t-elle de répondre avant de se raviser.
— Ça...ça n'a pas d'importance. Myrtille, tu es une princesse, réalisa Roxanne en se tournant vers sa colocataire, toujours figée sur le pas de la porte. Toutes nos discussions n'étaient qu'un mensonge ?
La fée s'avança avec réserve, Ragout l'accompagna, semblant ressentir son angoisse. C'était peut-être le cas : on attribuait aux Evanesses des dons d'empathie et d'écoute plus profonds encore que ceux des fées et des sorcières.
— Non, je ne t'ai jamais menti. Ou presque pas. Je suis vraiment une menteuse désastreuse et j'ai toujours été...moi. Myrtille, ton amie fan d'animaux, et de...bibliothèque.
— Et douzième dans l'ordre de succession des fées, ne put s'empêcher d'ajouter Fly avec une grimace, et elle le darda d'un regard noir.
— Onzième si mon frère jumeau incapable de tenir sa langue meurt avant. Dans un futur très proche.
La mention du meurtre qui n'était censée être qu'une pique inoffensive, assombrit l'expression de Fly. Sa sœur, s'en rendant compte, voulut se rattraper et expliquer qu'elle plaisantait or Roxanne lui raconta la véritable raison de ses tracas.
— Oh, fit-elle, peinée, Fly, je...Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
Il s'entortilla les doigts, honteux.
— Je n'en n'étais pas sûr au départ. Et tu aurais prévenu mère.
Elle n'aurait pas eu tort. Myrtille avait beau être née en deuxième—de quelques secondes—, elle paraissait mille fois plus sage que son frère. Pour ne pas rester entre les deux héritiers royaux et avoir l'impression d'être devenue un mur invisible, Roxanne se déplaça de son lit au siège de son grand bureau.
— C'est encore mon intention. Dès ce soir, je lui écrirai une lettre et ...
Il joignit ses mains et se redressa brusquement :
— Non, je t'en supplie. Ne la mêle pas à ça.
— Elle ne va pas te gronder, tu sais, rétorqua la princesse en haussant un sourcil.
— Elle va me ramener au palais, c'est pire.
Roxanne sourcilla à son tour. Pire que mourir ?
— Je ne comprends pas, admit-elle. La vie au palais est si terrible ?
Neige se mordilla les lèvres. A l'évidence, Roxanne ignorait bien des choses sur le protocole et les règles auxquelles étaient soumis Fly et son amie.
— Mère est... très anxieuse. Il y a quelques années, l'une de nos sœurs a été visée par un mercenaire. Il a failli la tuer : il l'aurait fait s'il ne s'était pas repenti juste à temps.Cette nuit là, Mère a réalisé que nous n'étions en sécurité nulle part.
— Elle ne se reposera pas avant d'avoir trouvé le coupable, reprit Fly, et elle m'enfermera dans une tour. Je ne pourrais plus jamais retourner à l'école. Je n'aurais plus d'amis, de vrais amis. Même s'ils sont collants, ici, j'ai pu trouver de gens avec qui discuter d'autre chose que de mes devoirs royaux, rire, et sortir prendre l'air quand je veux.
— Mais tu resterais en vie, protesta sa jumelle en croisant les bras.
— Facile à dire pour toi. Personne ne sait qui tu es— Il lorgna du côté de Roxanne et se corrigea— presque personne. Ce n'est pas comme si tu risquais un jour de quitter cette école.
— Tu n'avais qu'à faire plus attention à tes fréquentations !
Elle marqua une pause. Le prince baissa la tête, blessé par sa remarque.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu n'y es pour rien.
Roxanne hésita à demander de quoi ils voulaient parler, mais s'en abstint. Le frère et la sœur n'avaient pas à lui narrer leur vie entière. Elle en savait déjà beaucoup trop, pour une étrangère.
— Non, tu as raison, admit le prince. Je n'ai pas assuré.
— Rayman était un manipulateur.
— Et moi un idiot !
Rayman. Ce nom était familier à Roxanne, sans qu'elle ne se souvienne d'où elle l'avait entendue. Peut-être l'avait-elle lu dans un journal ? Alissa dévorait « les douze coups de minuit », une chronique populaire qui retraçait les faits et gestes de la famille royale et qui finissait la plupart du temps incendier dans la cheminée familiale.
Les cloches sonnèrent pour le repas du soir; Roxanne en profita pour s'éclipser. Elle ignorait si Myrtille la suivrait jusqu'au réfectoire ou si elle choisirait de se nourrir de baies et de barres de fruits afin de discuter plus librement avec son frère.
Son frère. Roxanne n'en revenait toujours pas. Elle partageait sa chambre avec une princesse. Sa meilleure amie était une princesse. La fée enthousiaste, pétillante et bavarde venait d'un palais royal. Et elle n'avait pas été assez maligne pour le remarquer. Pourtant, tout prenait sens : l'absence de Myrtille à la fête la veille de la visite de la reine, les nombreuses robes hors de prix qui se tassaient dans les placards et le naturel avec lequel elle osait défier le prince Fly.
— Roxy, attends ! la héla la fée avant qu'elle ne dépasse la porte.
Elle se retourna et découvrit deux yeux mauves embués de paillettes. D'appréhension ?
— Tu veux bien garder pour toi ce que tu sais sur...moi ?
Elle n'avait jamais envisagé le contraire.
— Bien sûr. Bunbun me tuerait si tu quittais cette école, lui sourit-elle en partant.
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