12- Bal De Minuit

— Hum...Et si c'était une potion qui permettait de voler dans les airs ?

— Pour une fée ? Non mademoiselle Clair-de-bois est plus audacieuse que ça. En plus, regarde dans ce manuel : la plupart des potions de vols sentent la menthe. Celle-ci, rien.

Pour le prouver, Roxanne ôta le bouchon de la fiole et la présenta sous le nez de sa colocataire.

— Pourquoi de toutes les potions possibles,  nous avons  la seule qui ne sent rien ? se plaignit cette dernière en s'affalant sur un cahier,

Profitant d'une après-midi de pause, Roxanne et Myrtille s'attelaient déjà au curieux exercice que leur avait adressé Robyne. Elles auraient pu, comme la plupart des élèves, se prélasser dans le jardin de l'école où les papillons se posaient sur les ongles avant de partir butiner des fleurs, mais la fée aux ailes lavande avait refusé. Selon elle, la chaleur étouffante de l'après-midi les empêcherait de travailler correctement, et surtout...elles avaient enfin la bibliothèque rien que pour elles.

— Une citronnade pour se donner des forces, les filles ?

La bibliothèque rien que pour elles ? Tu parles. Il suffisait d'observer le regard que lançait Myrtille au nouvel arrivant pour comprendre que ce n'était pas les livres qui l'avaient attirée jusqu'ici.

— Avec plaisir ! sourit-elle à pleines dents en attrapant le verre qu'Austin lui présentait.

Il ajouta quelques glaçons et une rondelle de citron, puis la servit comme si elle était une princesse.

Les joues pivoines, la jeune fée avala d'une traite son breuvage, manquant de s'étouffer avec le reste d'un glaçon. De son côté, Roxanne contempla le doux ciel bleu par-delà la fenêtre : au pays des fées, l'été semblait ne jamais finir. Tandis qu'à cette période, chez les sorcières, l'automne dominait déjà.

— Tu vois, on est beaucoup mieux ici. On est au frais avec un excellent rafraichissement.

Et elle se servit un second verre. Austin sourit à sa remarque. Quelque chose disait à Roxanne que d'ici un mois, ces deux-là ne se lâcheraient plus de l'aile et qu'il lui faudrait régulièrement parcourir la bibliothèque de fond en comble pour retrouver sa colocataire.

Une semaine de cours s'était déjà écoulée et les progrès de la sorcière se faisaient maigres.

Les cours de défense lui posaient toujours problème, mais pas autant que ceux d'éléments. Dispensés par la directrice elle-même, des exercices d' apparence simple avaient été proposés aux élèves. Développer une jeune pousse, élever une plume dans les airs ou dévier le cours d'un filet d'eau. La plupart des élèves baillaient d'ennui, alors que Roxanne accaparait toute l'attention de sa professeure...dont les rides se creusaient au fur et à mesure de ses échecs.

S'il n'y avait eu que cela...

En lévitation, elle ne brillait pas non plus. Quoique, c'était toujours mieux qu'en soin où ses sorts blessaient plus qu'ils ne guérissaient. Et elle ne préférait plus parler de métamorphose : catastrophée, la professeure lui avait interdit d'utiliser sa baguette, quitte à la voir s'ennuyer tout au long du cours.

Comme beaucoup, Roxanne était déjà dans le collimateur de Madame Gorgias. A ce jour, seule une poignée d'élèves étaient parvenus à satisfaire l'exigence infâme de l'institutrice sournoise. Fly bien entendu. Daphné qui depuis son enfance rêvait d'acquérir la maîtrise de la métamorphose. Malo qui en dépit de son bras cassé savait déjà manier la magie avec grâce et Myrtille qui s'était révélée bien plus douée que la plupart de ses camarades. Dans toutes les disciplines, d'ailleurs.

Roxanne avait souri de fierté lorsque le prince avait pesté, frustré de ne plus être le prodige de la classe. Son ego était alors descendu bien bas.

— Au fait, se rappela Austin avec entrain, il y a une fête ce soir, autour du lac. Ça vous dirait de venir ?

Roxanne appréciait l'idée. Elle avait terminé ses devoirs et s'enthousiasmait de visiter ce fameux lac, où parait-il, l'âme de la toute première fée vivait.

— Bien sûr, répondit Myrtille, lumineuse et le sourire d'Austin s'élargit. C'est à quelle heure ?

— Génial ! C'est au coucher du soleil. L'organisatrice n'aime pas mettre d'heure. Pas de pression pour la tenue, emportez simplement des tenues de rechange...Les seconde année aiment beaucoup jeter leurs successeurs dans le lac.

Peu encline à cette idée, Myrtille esquissa une moue. Quand la bibliothèque ferma ses portes —pour une pause bien méritée de son surveillant—, les deux élèves regroupèrent leurs affaires et rentrèrent dans leur chambre. Avec un peu de chance, elles parviendraient à déterminer quelle potion Robyne leur avait donnée avant le début de la fête.

***

— Roxy...Je crois que je ne me sens pas très bien.

Emmaillotée dans son lit, la fée camouflait son visage derrière un énorme édredon. Elle toussota un peu, de façon si soudaine que Ragout s'inquiéta pour elle et pointa son museau rocailleux vers sa couverture. Elle grogna.

— Oh, tu préfères que je reste avec toi ?

Roxanne avait sorti sa tenue, une tunique noire et un gilet cendré, tout en s'étonnant que Myrtille n'ait pas prévu la sienne. Maintenant qu'elle la voyait, recroquevillée et frissonnante, elle comprenait mieux pourquoi.

— Non, surtout pas ! protesta-t-elle, un peu trop véhémente. Enfin, ne gâche pas ta nuit pour moi...

 Ragout profita de l'agitation de la couette pour y mordre à plein crocs et l'en découvrir. Les nattes défaites, Myrtille ne semblait pourtant pas porter les marques de la maladie. Ni pâlotte, ni fiévreuse, elle feignit un éternuement peu crédible et s'emmitoufla dans ses draps.

— Tu es sûre que tu n'as juste pas trop chaud à cause de toutes ces couettes ? Ou que tu n'es pas  nerveuse à l'idée de revoir un certain garçon ?

Myrtille se retourna, les joues pivoines.

— Je suis fatiguée...Et je n'aime pas trop les fêtes. Mais pourrais-tu dire à Austin que j'ai de la fièvre ? Je ne veux pas qu'il me prenne pour une menteuse.

Roxanne ne sut qu'en penser, mais elle n'insista pas. Alors que le soleil se couchait par-delà la vitre de la chambre, et que Ragout s'était déjà blotti dans les bras de sa maitresse, elle regagna la sortie. Après tout, peut-être que la fatigue avait réellement terrassé la jeune fée.

— Très bien, Bonne nuit, Myrtille, lui laissa-t-elle en refermant la porte avec douceur derrière elle et elle crut que son amie avait esquissé un sourire avant de fermer les yeux.

Il ne fallut que quelques minutes de marche pour arriver à l'orée de la clairière. Derrière elle, d'autres élèves bavardaient, tous dans leurs plus beaux apparats. La sorcière s'en doutait : malgré les recommandations d'Austin, il était impensable pour toute fée noble—ou bourgeoise—de se vêtir sans fanfreluches. Et elle devait l'admettre : les costumes de satin, les robes aux multiples jupons, les bijoux de perles et les foulards en soie d'orient seyaient à merveille à leurs propriétaires. Né au milieu des arbres, le lac miroitait le ciel étoilé sous lequel les dizaines de lanternes de papier flottaient, attribuant aux lieux un cadre enchanteur.

— Roxanne !

Dans une robe longiligne et sombre, une fée se détacha d'un groupe d'amis ébahis par la lumière du lac. Roxanne ne la reconnut pas tout de suite. Peut-être parce qu'elle avait détaché ses cheveux ébène, qui habituellement ne quittaient jamais son chignon guindé. Parce que Roxanne aurait imaginé mille autres personnes venir à sa rencontre. Ou encore, parce que pour la première fois, Daphné discutait avec elle sans qu'un petit prétentieux royal ne lui colle aux ailes.

— J'ignorais que tu allais venir. Viens, on s'est réunis près d'un feu pour jouer à Démons ou Licornes.

Elle lui tendit sa main que des anneaux d'or ornaient —sans trahir de potentielles fiançailles—et l'amena auprès des autres. Une série de boissons pétillantes s'alignaient sur une table de bois, appâtant les étudiants qui ne s'étaient pas encore dévêtus pour se baigner.

De nouvelles têtes défilèrent, des adolescents comme de jeunes adultes en fin de scolarité, mais aucune trace d'Austin ou de Clarisse que la jeune fille avait espéré retrouver.

— Alors, Démons ou Licornes ? proposa l'un des première année, Harold.

— Je préfère vous regarder, je ne connais pas le jeu.

Mais le Fae insista.

— Tu vas apprendre dans ce cas, assura-t-il en relevant la commissure de ses lèvres.

Il distribua des cartes au dos gravé de symboles et disposa sur la table basse une rangée de potions, aussi colorées que les lanternes qui s'envolaient au loin, capturées par le vent.

***

Bonsoir à tous, j'espère que vous allez bien 😊

Pas de jeux aujourd'hui, mais un petit message pour vous annoncer qu'il n'y aura pas de chapitres d'orange Mandarine, ce week-end.

Des bisous et à lundi 😘

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