Les bons souvenirs durent longtemps, les mauvais encore plus.

Proverbe Tchèque.

Merci à Yukitotoya ;).

Dites moi ce que vous en pensez ;) bonne semaine !



Pas moins de sept énormes cartons fumants arrivèrent par la suite, le ventre d'Eirik grondait dangereusement.

Ce son amusa les deux autres fils d'Oranda.

- Tu veux manger ici ou à l'intérieur ?  Cette simple question le plongea dans d'intenses réflexions.

Le viking se mît à regarder avec plus d'intérêt ce petit chalet. Il était en bois claire, de taille moyenne et arborait quelques fenêtres. Être dehors lui laisserait plus d'opportunités, ne serai-ce que pour se carapater sans crier gare en cas de pépins. Tandis que rentrer, limiterait quelque peu ses actions.

"Au cas où je peux toujours me faire une sortie à l'américaine en fracassant une fenêtre..." Cette pensée le fit sourire. Mais il attendait plus.

Inconsciemment, il frotta la cicatrice sur son bras par dessus son sweat, comme une sorte de demande silencieuse. Cela fit réagir Nautoo, surprit qu'il lui demande son avis. C'était bien connu, le loup ne demandait rien à personne, s'il voulait quelque chose il le prenait. Qu'on lui demande quelque chose, lui parut aussi surréaliste que, de demander l'avis à quiconque, ou encore de lui dire son prénom. S'il désirait tuer par exemple, il tuait, ni plus ni moins. Mais voila, le bipède, le lui demandait, il l'incluait dans ses choix. Nautoo se rendit  compte à l'instant que malgré tout ce qui lui avait fait subir, malgré tout, le bipède avait un fond soit terriblement crétin soit d'une bonté infinie.  Cela fissurait quelque chose au fond du Premier.

Accentuant de nouveau la couleur dorée de ses iris, celle-ci ayant perdue en intensité au fil de leur conversation, Nautoo regardait la petite maison au travers des yeux du viking. Elle n'avait pas des murs très épais, après tout ce n'était que du bois. Il pourrait facilement le faire voler en éclat si besoin est.

- C'est bon. Gronde le loup sans aucune douceur.

Oranda se dit qu'il venait de faire preuve d'une grande magnanimité et amabilité. Après tout, il aurait pu continuer dans son mutisme et laisser Eirik se poser des tas de questions, ou bien faire transpirer son pourvoir, détruisant et tuant tout ce qu'il se trouvait sur son passage, sans oublier de faire souffrir le viking au passage. Mais non, il venait de répondre à sa demande. Et à peine une heure après le coup du caniche ! La nature et la Déesse savouraient ce changement incroyable.

Eirik embrassait une nouvelle fois du regard ce qu'il se trouvait devant lui et fit un premier pas en direction de la porte non sans tenter de contrôler sa respiration qui avait tendance à s'emballer. Il passait le pas de la porte en premier, les deux autres fils d'Oranda le suivant et le dernier referma la porte. Ce son rendit le viking anxieux. Le loup, quant à lui, mourrait d'envie de faire transpirer son pouvoir, mais il se fit violence pour ne rien faire. La nervosité du bipède le mettait quelque peu sur les dents. Rien que le bruit d'une simple branche sur un carreau, le ferait sortir de ses gonds.


- Tu bois quoi ? Demande Alin toujours aussi calme.

Eirik comprit ce qu'il était en train de faire, il agissait de façon normale, presque amical, pour qu'il se détende. Il l'en remercierait presque.

- Ce que tu as. Hausse les épaules l'hôte du Premier en regardant autour de lui.

Il n'y avait pas vraiment d'entrée à proprement parlé, la pièce principale faisait office de salon et de cuisine. Dans le fond de la pièce, deux autres portes plus sombre contrastaient avec les murs, sûrement la chambre et la salle de bains supposait Eirik. La décoration, elle, était sommaire, plus pratique qu'élégante. Cet endroit devait plus servir, de façon ponctuelle, qu'autre chose.

"Pour des abrutis dans mon genre." Pensa amèrement Eirik en continuant d'avancer.

Le Premier levait sa lourde tête rapidement, sans pour autant changer quoique se soit à sa position initiale, cherchant la cause du sentiment d'amertume du bipède. Il ne vit rien, quelque peu agacé il reprit son observation plus attentif qu'a l'accoutumé. Mine de rien Nautoo avait déjà calculé toutes les façons possibles et imaginables de se faire la belle, causant bien évidemment au passage le plus de dégât possible. Sinon cela ne serait pas drôle bien sûr.

L'hôte ailé, se posait sur le rebord d'une fenêtre et tapa trois fois dessus avec son bec. Eirik alla lui ouvrir le plus naturellement du monde, laissant au passage cette dernière ouverte. Geste inutile qui n'échappa à personnes, mais qui le rassurait lui. Les deux autres possédés regardaient l'oiseau entrer dans la pièce, ce qu'ils ressentirent leurs fit froncer les sourcils.

L'oiseau s'installa sur l'accoudoir du canapé et Eirik alla la rejoindre. Sa douce chaleur avait quelque chose de rassurant et il en avait besoin, elle était addictive aussi. Le volatile fit un petit saut sur le côté pour se rapprocher du viking et du Premier. La Déesse voulait leur montrer qu'elle était présente, comme elle l'avait toujours fait pour le Premier.

- Qui est ton ami ? La voix de Tood était accompagné d'une délicieuse odeur de boulette de viande et sauce tomate, Eirik en salivait déjà.

- Il me suit depuis un moment, je ne sais pas vraiment qui c'est car il change de forme. Eirik haussa les épaules devant les maigres connaissances qu'il possédait. Il se sentit frustré.

Oranda poussa soudain un cri aigu, ce n'était pas « il » mais « elle » ! Offensée, elle se mît à lui siffler des insultes à grands renforts de coups d'ailes. Eirik ne pu que s'enfoncer dans le vieux canapé, au tissu décoloré et lever les mains devant lui pour éviter les coups d'ailes.

Au fond de lui, l'amusement de Nautoo se transformait rapidement en hilarité. Le loup se frottait les yeux, si fort, entre ses pattes pour essuyer ses larmes, que cela en devenait douloureux mais entendre Oranda hurler des propos tel que «  abrutit de viking peroxydé », «  je suis une femme une F.E.M.M.E !!! », «  J'ai plus de pouvoir dans mon petit doigt que dans tout ton corps inutilement parfait !! » « Mais tu vas m'écouter bon sang de bon sang !!! » était pour lui quelque chose d'épique.

Bien sûr, le pauvre humain ne comprenait rien. Pour lui, un oiseau légèrement dérangé, lui piaillait dessus et faisait battre ses ailes, juste sous son nez. Par contre les rires du poilu le contaminèrent aussi. Un sourire, totalement illogique, illuminait le visage d'Eirik.

- Excuse-moi, excuse-moi. Commence le viking en essayant d'attraper l'oiseau.  Je ne voulais pas te froisser. Il finit par l'attraper par les ailes et le poser à côté de lui.

Oranda, vexée, s'envola rapidement sur l'abat-jour d'une lampe.

- Ca doit être une femelle pour s'énerver comme ça. Ironise Eirik en secouant la tête de gauche à droite. Déclenchant au passage des rires de part et d'autre de la pièce, il en profita aussi pour se rassoir correctement.

Du haut de son perchoir, elle se ratatinait sur elle-même en gonflant ses plumes. Nautoo n'eut aucun mal à l'imaginer dans sa grande robe blanche, croisant ses bras sur sa poitrine et taper nerveusement du pied, tout en proférant des menaces aussi hilarantes que désuètes. Comme la fois où elle lui avait promis de lui arracher les poils un à un jusqu'a qu'il soit aussi effrayant que ces drôle de chats sans poil que certains humains affectionnent. Par contre il ne se souvenait plus pourquoi il avait hérité d'une telle preuve d'amour.

Alin, qui avait finit de couper les pizzas, s'installant à son tour en face de lui et de son Alpha. Ils formèrent à eux trois un triangle avec la table basse, recouverte de nourritures et de boissons, en leur centre. Tood et Alin se regardèrent une longue seconde avant de reporter leurs regards sur ce drôle d'oiseau d'où émanaient à la fois, une douce chaleur et une force impressionnante. Cela ne les rendaient pas nerveux, juste curieux, mais aucuns des deux ne  poseraient de question. A quoi bon ? Le viking ne sait rien, il n'était qu'un nouveau née dans ce monde vieux de plus d'un millions d'années.

Pour tous les fils d'Oranda, le premier mis à part, la Déesse leurs apparaissait sous la forme d'une douce vague de chaleur continuelle, mais jamais de façon si violente et franche.

- Du coup, tu viens d'ou ? La question, pourtant simple et anodine de Tood, coupait l'appétit du viking. Alin ne l'entendait pas de cette oreille et lui tendit une autre part, insistant du regard pour qu'il la prenne.

- Je viens... Je viens de Drammen en Norvège. Souffle le viking avant de prendre une bouchée, plus pour s'occuper que par réel faim.

- Ce n'est pas à côté. Dit simplement Le chef. Tu es doit être sur la route depuis un moment alors ?

Eirik s'arrêta de mâcher instantanément, depuis combien de temps ? Il n'en savait tout simplement rien. Il avait bien vu et subit les jours qui défilaient, mais il ne su pas combien exactement. Il essayait tant bien que mal de se rappeler quel jour il était parti de chez lui, mais rien ne lui vient en mémoire.

- Le temps à une autre définition quand on se fait posséder et encore plus quand on vit longtemps. Déclare Alin.

- Depuis combien de  temps tu es ... ?

- Maure, mon loup, me tient compagnie depuis quatre-vingt onze, quand il est arrivé en moi j'avais trente trois ans, j'ai donc cent vingt quatre ans.

La part de pizza, toujours en suspend, Eirik le regardait les yeux ronds, respirant à peine. Il se disait qu'il avait mal compris, l'homme en face de lui avait tout au plus, la quarantaine !

- Pardon ?

- Plutôt bien conservé hein ! S'amuse Alin en croquant avec gourmandise dans sa pars.

- Nos loups nous font vivre très longtemps, nos sens sont plus aiguisés aussi. Explique Tood en roulant sa part de pizza pour la gober comme un sandwich.

- le miens doit être défectueux alors.

Quand il se rendit compte de ce qu'il venait de dire, une fis de plus, le viking serra les dents, il se dit que les représailles allaient être atroces entre ça et ce qu'il avait dit plus tôt, il le sentait mal.
Nautoo, plus amusé qu'autre chose,  fit transpirer son pouvoir à travers ses mains, ces dernières se transformaient en de grosses pattes poilues aux griffes redoutablement aiguisées. 

- Bon appétit. Gronde sournoisement le loup avec un sourire pointu, Oranda opina du chef vigoureusement sur son perchoir, son mouvement attira l'attention de ses deux autres fils, cependant ils ne poseraient toujours pas de questions.

- Je fais comment moi ?! S'insurge Eirik en crachant presque.

- Je crois que ton loup s'en fou. Dit Alin en clignant régulièrement des yeux. .

- Le Premier est comme ça de toute façon. Renchérit le chef  avec amusement. Par contre les moitiés de transformation c'est une première. Il dit en posant ses coudes sur ses genoux sans cacher son étonnement.

Même si cela était dit sur le ton de la plaisanterie, le loup se sentit parcourut de frissons glacials. Il savait pertinemment que le bipède allait poser des questions, éludant la remarque de Tood.

- Au fait, il est comment justement le Premier ? Parce qu'à part me faire ce genre de coup, je ne sais rien de lui. Il omit délibérément ses faits d'armes, mais tout en disant ça, il remua ses pattes devant le nez de tout le monde.

Il ne le dirait pas à voix haute, mais il savait que le Premier était un monstre violent et sanguinaire à qui il avait promit la destruction. Promesse qu'il lui trottait dans la tête chaque jours qui passaient.

- Il...commence Alin. Il est à l'origine de pas mal de fléaux et massacres. Par exemple, tu connais l'histoire de la bête du Gévaudan? Eirik Hochait la tête. Et bien c'est lui. Idem pour les lions de Scavo et même le conte pour enfant du petit chaperon rouge. La peste c'est lui aussi. Il crut bon de rajouter.

- Ha quand même. Fut tout ce que le Viking trouvait à dire. Il aurait voulu dire tout un tas de chose, mais le néant inondait son cerveau.

- Comment s'est passé ta possession ? Demanda Tood en roulant, au moins, sa sixième part de pizza.

Absolument tout lui revient en mémoire si vivement qu'il cru se faire envahir par des odeurs de chargées en fer et un gout acre s'accrocha à son palais.

Il fermait les yeux avec force pour refouler ses ignobles souvenirs. Il y mît tout son cœur et toutes ses forces mais cela ne suffit pas. Tout revenait en force, vraiment tout. La mort de son beau père, son goût, ses cris, le bruit de ses os qui se brisaient, la chaleur qui se répandait dans sa gorge et son regard emplit de peur et de douleur. Puis le cri d'horreur de sa mère et sa fuite. La promesse qu'il avait faite au Premier avant de fuir à son tour son pays aussi. Il y avait également une autre douleur, celle qu'il  avait ressentit en Suède ainsi que celle durant le massacre sanglant du village. Sans parler de la peur qui l'avait contaminé en Russie.

Les deux grosses pattes se plaquèrent sur son crâne d'un mouvement sec et ses griffes s'enfoncèrent dans son cuire chevelu. Il respirait de moins en moins bien, devant ouvrir la bouche pour espérer aspirer un minimum d'oxygène. Il souffrait terriblement, ce n'était pas une douleur physique puisque le loup restait, avec application, invisible. C'était une souffrance purement psychologique.

Le viking tomba à genou, décalant la table basse, se tenant toujours la tête entre ses pattes. Il ne voulait pas se souvenir, il ne voulait pas se rappeler de tout ça, de toutes ses sensations, plus horribles les unes que les autres.

Oranda resta perché sans bouger mais soufflait, abattue, face à ce spectacle. Elle ne pouvait rien faire et encore moins demander, une quelconque aide, à Nautoo, car lui aussi avait mal. Ils n'étaient pas encore au stade de l'entraide, mais peut-être ne le seront-ils jamais ? Elle ignorait sa propre pensée et se fit violence pour ne pas retourner chez elle en un claquement de doigt.

L'Alpha et l'Oméga se levèrent d'un bond. Le chef poussa la table basse, qui allait cogner contre le mur, tandis qu'Alin, lui, mît tout de suite ses deux mains sur les épaules du viking.

- Soulage-le ! Dés que l'ordre fut prononcé, le médiateur laissa filtrer une onde claire et fraîche, qui partait de ses épaules, pour se répandre dans tout son corps, calmant ainsi sa douleur.

- Tu peux tout dire maintenant. Alin t'aide à ne pas souffrir. Confie-toi sans crainte Eirik. Lui intima Tood qui se tenait à genoux  pratiquement en face de lui.

- Pourquoi ? Grommelle le viking en reprenant son souffle.

Malgré le soulagement immédiat que cela produisait, le souvenir était encore présent et il distillait sournoisement son venin dans le corps de l'hôte.

- Pour que le loup soit bon, il lui faut un bon hôte. Murmure le meneur, tout en posant une main sur le bras d'Eirik, ce même bras marqué à vie par le Premier.

Il ne lui en fallu pas plus. Ce simple geste, qui se voulait à la base être une marque de réconfort, fut l'élément déclencheur. Comme une étincelle mettant le feu à la poudrière qu'étaient devenus ses pauvres nerfs.

- LE PREMIER EST UNE POURRITURE DE LA PIRE ESPÈCE ! Ce hurlement figea la nature entière.

Personne n'eut le temps de réagir. Personne n'aurait pu prévoir non plus, que l'Alpha lui décrocherait une droite d'anthologie, pour ensuite mieux le reprendre par les épaules, lui sommant de vider son sac. Tout se déroula bien trop vite, mais c'est bien ce qu'il se passa.

Oranda assistait à la scène sans avoir le temps de quoi que ce soit. Pourtant, sous ses yeux, elle vit le viking tout déballer ; de ce funeste jour, où il avait tout perdu, jusqu'à aujourd'hui, en passant également par la promesse faite au loup dans un moment de pure peur et de haine. Elle vit aussi Alin, emmener Eirik dans la chambre et l'assommer avec son don d'Oméga. Don qui lui permettait d'apaiser les loups et leurs hôtes. Il ne s'était pas limité, comme à son habitude avec les autres loups, non. Ici, il avait laissé libre cours à sa magie pour calmer et endormir ces deux êtres, profondément blessés, marqués à vie même, qu'il avait devant lui.

Cependant, juste avant que le viking ne sombre dans un sommeil aussi forcé que mérité, Nautoo sortit de son mutisme pour lui murmurer à l'oreille.

- La vérité possède de multiples facettes...alors crois en celle qui t'aide à mieux dormir la nuit.

Puis le son lointain d'une porte qui se ferme, lui parvint. Son aussitôt étouffé par la douce vague de chaleur réconfortante qu'émanait d'Oranda. Cette dernière s'était faufilée à la suite des trois hommes pour veiller sur son Premier fils ainsi que sur son viking d'hôte.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top