La sérénité est une conquête.
De André Maurois.
Merci à Yukitotoya pour tes précieux conseils !!
Un coup de vent, qui ne venait pas d'Oranda, fit dangereusement frémir le sac en papier d'Eirik. Ce dernier le resserrait un peu plus contre lui, bien qu'un peu maigre comme protection, tout en râlant envers tout ce qu'il connaissait. Ses pas l'avaient conduit dans des rues adjacentes, loin des regards curieux ou outragés. D'ailleurs se fut lui qui se sentit le plus mal quand une dame d'âge mûr lui avait jetée un regard de braise quelques minutes plus tôt. Il en frissonnait encore.
- Il me faut des fringues, des fringues, des fringues ... Répète à voix basse le viking en scannant son environnement d'un regard pressé. Des fringues, des fringues, des fringues...
- Tais-toi et avance. Grogne le premier en levant les yeux au ciel. Tu me fais perdre du temps. Il se croit obligé de rajouter non sans grogner une fois de plus.
- Tu crois que je ne suis pas pressé aussi ? Il lui répond en levant un bras en l'aire en signe d'agacement, l'autre tenait toujours le sac en papier. Mais il y a quoi là bas ? Il finit quand même par lui demander. Certes l'un et l'autre savaient qu'ils devaient s'y rendre rapidement mais aucuns des deux n'en connaissaient la raison.
- Je verrais quand j'y serais. Souffle le loup tout en se nettoyant lentement un coussinet.
Eirik voulu répliquer quelque chose d'acerbe mais, un jogging qui voletait sur un fil à linge, attira son regard. Ce simple bout de tissu fut le déclencheur d'une immense joie, joie plus grande quand d'autres tenues se mirent à lui faire de l'œil.
- Y'a même des chaussettes. S'émerveille le possédé en les touchant du bout des doigts. Des caleçons. Il souffle en admirant ces douceurs.
- Tu vas t'en remettre ? Se moque sans gêne le loup en baillant à s'en déboiter la mâchoire.
- Cherche pas tu ne peux pas comprendre ! S'insurge l'humain en fronçant les sourcils et remuant la tête de gauche à droite.
- Pour une fois que je ne peux pas te contre dire... Mais ça te sers à rien ce truc mets juste ton froc ! Gronde le premier agacé de ne plus bouger et donc de ne plus répondre à l'appel.
Eirik ne l'écoutait pas, il enfila un caleçon et apprécia le contact avec le tissu. Il eu presque envie de se laisser aller à une petite larme de joie.
- Plus que des pompes et un sac et ce coup-ci tu ne me les fou pas en l'air ! Gronde à son tour le viking à voix haute.
- Ouais ...ouais ... Élude le loup sans l'écouter vraiment, de toute façon pourquoi le ferait-il ? Il fait toujours ce qu'il veut non ?
Tout là haut, la déesse regardait le viking se servir généreusement de toutes sortes de vêtements. Il ne lui manquait plus que des chaussures et un sac, choses qui se trouvaient dans la petite remise à quelques pas de lui.
- Nautoo, dis lui d'aller dans la remise. Dit Oranda au Premier.
Seul le loup pouvait entendre la Déesse, mais l'humain pouvait entendre le loup lui répondre.
- Non. Il lui répond d'un air mauvais. L'humain sursauta en l'entendant râler ainsi.
- Quoi non ?
- Pas toi abruti ! Gronde le loup encore plus féroce.
- Calme-toi le poilu ! Se met à hurler Eirik en levant les mains au ciel à la recherche d'un quelconque signe.
- Le poilu ??! S'étrangle le loup en se redressant haut sur ses pattes. Je vais te ...
- NAUTOO !!! Hurle à son tour la Déesse qui perdait patiente, d'une main elle se pinçait l'intérieur de son bras pour se canaliser. De son autre main, elle broyait une petite roche grise, qui finit en un petit tas de cendre presque blanche.
Ce dernier se statufia dans le corps d'Eirik, le bipède se sentit irradié par la chaleur qui fut bouillante durant une longue seconde.
- Whow... Tout en soufflant l'humain posa une main sur son ventre.
- Le chiot, tu vas te magner de l'y emmener ! Sinon je viens dans la seconde ! Dans sa fureur la déesse martyrise une nouvelle fois le sol de la lune.
- Ben viens. Il la provoque sans se donner la peine de regarder vers le ciel.
- Qui vient ? Se hasarda le pauvre viking qui ne comprenait plus rien.
Le bruit d'une porte qui s'ouvre avec fracas fit tourner la tête de l'humain et attira le regard de la Déesse. Une petite femme, toute courbée, en sortit en brandissant une canne avec une force insoupçonnée et en hurlant dans une langue étrangère, ce qu'il ressemblait à des injures. Dans son dos un homme, tout aussi âgé que la vieille dame, le mit en joue avec une arme de chasse.
- Ho putain ! Le viking commença à courir, les bras chargés d'habits contre lui, avant de finir sa phrase.
Une première balle lui fit siffler les oreilles, une autre lui fit soulever les pieds plus que de raison et une troisième se nicha dans le tronc d'un arbre.
Oranda, l'index menaçant toujours en l'air, regardait la scène depuis sa demeure. Tout c'était passé si vite qu'elle n'eut pas le temps de réagir d'une quelconque manière. Tout ce qu'elle fit, fut de cligner ses yeux écarquillés.
Nautoo, quant à lui, hurlait de rire dans le corps du pauvre viking qui se transformait en marathonien d'un jour.
Sa course ne dura pas longtemps mais elle fut intense. Le nordique s'arrêtait à quelques mètres du centre ville, l'effervescence qu'il y voyait le rendait nauséeux mais surtout nerveux. Il commença à faire demi-tour quand une voiture, à la portière à moitié ouverte, attira son attention. Le Premier regardait à travers les yeux de son hôte, cet étrange moyen de transport. Elle se trouvait garée au bord d'un trottoir à une trentaine de mètres d'une petite épicerie, elle même proche du centre ville. Le ronronnement de la citadine grise, fut un écho des plus délicieux et sa portière entre ouverte, une invitation tentante à souhait.
- Il me la faut. Souffle tout bas Eirik sans cesser de la regarder.
- Et tu comptes t'y prendre comment ? Se moque ouvertement le premier en étirant longuement l'avant de son corps.
- On va l'emprunter. Décide le viking sans la moindre hésitation.
Cette décision surprit le loup, il resta interdit une toute petite seconde avant de se laisser contaminer par le frisson d'excitation qui courrait déjà dans les veines du viking.
- Voler une voiture... Commence Oranda en se posant en tailleur à même le sol. Voler une voiture ? Elle répète en appuyant ses coudes sur ses genoux. Hé ba oui... Elle termine en faisant la moue. La Déesse souffla mais ne dit plus rien.
En bas, Eirik avança, mine de rien, vers la voiture et y prit place le plus normalement du monde. Et comme un petit miracle, sur le siège passager, une paire de basket lui tendait les bras. Il desserra le frein à main, le baissant légèrement et laissa rouler doucement cette beauté le long de la petite pente. Il pria aussi en tout ce qui existait pour ne pas se faire repérer quand ils passèrent devant la petite épicerie.
- Merde mes empreintes ! Siffle Eirik entre ses dents en réalisant que sa main était restée sur le frein à main, l'autre étant encore sur son genou, vu qu'il n'avait besoin que de ses pieds pour cette petite descente.
- Sers les dents le bétail. Lui répond le loup avec un sourire pointu.
Nautoo fit transpirer son pouvoir juste après sa déclaration, si bien que l'humain n'eut qu'à peine le temps de reprendre son souffle. Sous ses yeux, il voyait ses mains se transformer lentement en de lourdes pattes, beaucoup trop poilu à son gout. Les dents serrées, le cœur battant et la respiration rauque, Eirik tentait de se taire. Il voulu pousser un cri des plus sauvage quand sa paume muta et ses ongles s'allongèrent en de longues griffes épaisses et dangereuses. Mais il ne fit rien pour ne pas attirer l'attention de qui que ce soit.
Se concentrer quelque chose lui évitait de perdre la raison. Alors durant le processus de sa lente et douloureuse transformation, son regard s'accrocha au contour des griffes, elles n'étaient ni nettes ni aiguisées, mais épaisses, pointues et anormalement longues. Il en aurait hurlé de douleur tant ses os le faisaient souffrir.
Le viking avait l'impression que cela avait duré une éternité, en réalité il n'a fallu qu'une petite minute au loup pour faire apparaître ses immenses pattes. Et encore, il avait prit son temps. La douleur se dissipait toujours plus vite que la métamorphose, c'est donc bien rapidement qu'il se mît à regarder ses nouvelles mains. Ceux sont des armes.
- Et je conduis comment moi avec ça ?! Grogne le viking en les secouant devant ses yeux.
- Pas mon problème. Ricane le loup.
Eirik siffla quelques insultes bien sentis puis posa ses énormes pattes sur le volant, il se rendit compte, avec étonnement, qu'elles sont assez grande pour pouvoir se diriger sans trop de peine. Il tenta de poser la droite sur le levier de vitesse. En resserrant sa prise, il rayait tout le plastique mais passer les vitesses était possible.
La seule pensée cohérente qui traversa son esprit, à ce moment là, fut « j'espère que je vais pas avoir d'emmerdes, mais il est quand même con d'avoir laissé tourner le moteur. »
C'est donc sans un mot qu'il prit la route. Ils quittèrent la ville sans encombre, instinctivement, ils savaient quel chemin prendre. L'appel est bien plus fort que tout.
Au bout de plusieurs heures, Eirik se détendait et laissa son regard voyager à travers les vitres. Le paysage qui défilait sous ses yeux ne différait pas vraiment de ce qu'il voyait chez lui. Des arbres, des champs et quelques animaux.
Au bout d'un certain temps, il commençait à avoir mal au ventre, pourtant il n'avait jamais eu le mal des transports. Il se redressa sur son siège et fronça les sourcils.
Dans sa cage sombre, le Premier s'efforçait de fermer les yeux mais le simple fait de se sentir bouger sans utiliser ses pattes le rendait tout chose. Le pire, ce fut quand il avait eu l'immense idiotie de regarder le monde à travers les yeux du possédé.
- Tu te sens mal ? Lui demande Eirik avec un sourire, si grand dans la voix, que cela en devenait indécent.
Il n'entendit qu'un simple grognement en retour.
Il lui répondit d'un rire moqueur.
Eirik se dit que c'était mal mais dévaler la petite pente à toute vitesse mais cela le tentait tellement... Le loup se recroquevillait sur lui même, pendant que l'humain ricanait, tout en jurant et maudissant à voix haute le bipède. Arrivé en haut de la cuvette, l'estomac du Premier se souleva si fort qu'Eirik eu aussi envie de vomir.
- Ose. Gronde sauvagement Nautoo en voyant une nouvelle descente se dessiner sous ses yeux.
- Ouais ... Ouais... Lui répond avec une ironie palpable le viking tout en accélérant.
Cette fois-ci, le loup fit transpirer son pouvoir au niveau d'une de ses jambes, cette dernière commençait à prendre forme, le plus douloureusement possible. Il reconnu immédiatement cette affreuse sensation qui courrait dans ses veines. Eirik eu à peine le temps de se déchausser à grand coup de talon, avant que sa pauvre chaussure ne finisse en lambeau. Cette dernière atterrit sous son siège et toutes ses nouvelles affaires s'éparpillaient un peu partout à l'arrière, à cause de son embardée pour éviter de foncer dans un fossé.
Le viking se dit qu'il ne s'habituerait jamais à son changement d'apparence, aussi bien dans le fond que dans la forme. Voir son membre se briser, s'allonger et se modifier du tout au tout pour enfin se recouvrir d'une fourrure aux diverses nuances de marron, n'était définitivement pas un spectacle classique. Encore moins agréable.
L'un souffrait de violente nausée, l'autre subissait la brisure de ses orteils. Ils souffraient terriblement. Mais aucuns des deux ne voulaient arrêter leurs guerre de coq de basse-cour, quelqu'en soit les moyens. Céder, avouer que l'un ou l'autre avait gagné était inconcevable.
Cette dispute faisait tanguait dangereusement la petite citadine.
Oranda, les regardait plus dépitée que jamais. Elle soufflait sans cesser de secouer la tête de gauche à droite. Elle ne savait pas vraiment comment réagir. On aurait dit deux enfants qui se chamaillaient pour une broutille, mais c'était bien un loup et un être humain, pouvant faire des dégâts monstrueux, cohabitant dans le même corps et courant après elle ne savait quoi. Elle resta muette et immobile un long moment, espérant qu'ils ne finissent pas leur course dans un arbre, et encore dans le meilleur des cas.
Le viking s'arrêtait un instant sur un plateau pour reprendre son souffle, entre l'horrible nausée qui lui soulevait l'estomac et sa jambe inhumaine, encore douloureuse, il fût essoufflé et au bord de l'évanouissement.
Nautoo ouvrit la gueule pour reprendre, lui aussi, un semblant de respiration. La seule différence entre son hôte et lui, fût le sourire pleinement satisfait qui découvrait ses dents pointues. Malgré tout, le loup s'amusait et ne ressentait aucunement l'envie de tuer. Il accueillit ce nouveau sentiment de plénitude avec un souffle d'aise, tout en fermant les yeux. Pour la première fois depuis si longtemps il se sentait serein. Cette même sensation contamina également le viking, qui balança sa tête blonde en arrière, il ferma aussi les yeux et sourit.
Tout la haut la Déesse fronça les sourcils, si fort, que cela en aurait pu être douloureux, et ouvrit sa bouche sous la surprise. Ses fines mains blanches parsemées d'arabesque rouge à l'odeur de vie, se plaquèrent d'elles même sur celle-ci encore ouverte. Avec Nautoo, ils sont liés de multiples façons, ils peuvent se parler, s'appeler et ressentir leurs sentiments de l'autre. Des plus profonds au plus superficiel.
L'espoir né en cet instant, il était si fragile et si petit qu'une brise pouvait le faire s'envoler au loin, mais il était là, bien présent et il voulait vivre. Oranda le sentait.
En bas le loup sentait l'émerveillement de la déesse, il leva les yeux au ciel plus amusé qu'ennuyé mais surtout moqueur. L'humain savourait le tout, non sans bouder son plaisir.
- On va faire un marché. Je roule moins vite et tu me rends ma jambe ?
Pour la seconde fois, le loup rappelait à lui son pouvoir, mais sans lui faire mal. Eirik se rechaussa, remua ses propres doigts, puis ils reprirent la route dans un silence confortable.
Au même instant, tout la haut, le spectre de la mère du viking s'arrêta et regarda, à travers les nuages, son fils s'éloigner de chez eux, puis elle reprit son chemin. Oranda aurait pu jurer, que l'espace d'une seconde, elle étaitt un peu moins transparente.
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