La légèreté a, elle aussi, son poid specifique.

De Stanislaw Jerzy Lec.

Voila, les choses commencent à se décanter pour le loup et le bipède ;) !



- J'ai envie de pisser ...

- Ben, arrête-toi et va lever la patte ...

- Lever la patte ?! Mais tu m'as pris pour quoi la ?!

- Tu veux vraiment le savoir le bétail ? Gronde le loup sans ouvrir les yeux.

Tout là-haut, Oranda ne prêtait plus attention à leur simulacre de dispute. Depuis le début du trajet tout était prétexte pour s'envoyer des vacheries. La Déesse ne les écoutait plus, ou au mieux d'une oreille plus que  distraite. Au début, elle avait songé posséder un oiseau ou une guêpe, histoire de donner des coups de becs et de petites piqûres bien dérangeantes, dans l'espoir infime de les calmer 5 minutes. Mais leurs futilités eurent raison d'elle.

Lassée, elle s'allongea sur le dos et regardait la voie lactée. De ce côté-ci, il y avait quelque chose qu'aucun humain ne verrait jamais, quelque chose de magique. De cette face, un autre univers dansait sous son regard. L'exact réplique de celui qu'elle côtoyait en temps normal mais, à la fois si différent. L'univers, dans son ensemble, est magnifique, illuminé et profond.

Cette partie inconnue de la lune, surplombait une terre où les loups d'Oranda n'existent pas. Elle pouvait la contempler sans craintes. Seulement, c'est un monde où le genre humain ne craignait rien ni personnes, où il est tout puissant. Mais, où la Déesse n'avait pas perdue son statut de divinité. Cette différence ne lui plaisait pas du tout. Pour elle, cet endroit était froid et violent, tellement vide de sens. Les autres Dieux, ceux de la face cachée, vivaient uniquement entre eux. Ils ne se préoccupaient, en aucune manières, de leurs devoirs envers les êtres vivants qu'ils devaient guider et protéger. C'est pour cette raison, qu'Oranda n'aimait pas ce monde là. Elle préférait et de loin, sa place et son trône déchu, plutôt que de faire partie de cette bande de parfaits égoïstes aveugles. Cependant, le plus beau spectacle qu'elle pouvait observer en ce moment, ce déroulait de l'autre coté, du bon pour ainsi dire, où un certain viking donnait la réplique à un loup aigri et à l'âme noir. Quoi que cette tendance changeait ces derniers temps.

Un grognement et une insulte un peu plus violente que les précédentes, la fit se remettre sur le ventre. Dans la voiture, Nautoo menaçait Eirik car ce dernier l'avait encore appelé « le poilu ». Surnom que le Premier n'appréciait que très moyennement. Un peu comme quand Oranda lui disait de ne pas faire son chiot. En retour, Nautoo appelait Eirik «  le bétail », c'était de bonne guerre après tout.

Elle souffla et se retournait une fois de plus sur le dos, fermant les yeux à la vu de cet autre monde hideux. Maintenant qu'elle y pensait, c'est vrai qu'elle ne ressentait presque plus cette  haine danser dans les veines du premier. Il y avait encore de la colère, de la fatigue et toujours cette immense tristesse, mais la rage et la vengeance quittaient peu à peu son corps, soulageant également Oranda. Ce changement la rendait quelque peu nostalgique et envieuse d'un autre temps. Ses pensées l'envoyèrent quelques siècles en arrière. Ce fut à peu près à cette période, qu'Oranda avait apprit que les Dieux, ces êtres magiques, avaient eut le culot d'intervenir dans la vie de certains  êtres humains en leur donnant des dons et cela, sans être punis. Cette révélation l'avait alors mît en rage et durant un long siècle.

C'est au alentour des années 1544 ou peut être 1547, elle ne s'en souvenait plus précisément, que Nautoo avait croisé la route d'un homme étrange. À cette époque la Déesse n'était déjà plus aussi ivre de vengeance qu'auparavant, contrairement au Premier, mais son âme n'était pas encore sevrée de toute cette rancœur.

Il avait croisé le chemin de ce bipède dans un jardin, plus précisément dans une vielle ville, en France. Il aurait pu le tuer si facilement que cela n'en n'aurait pas été drôle. C'était faisable, il avait déjà à son actif quelques massacres faciles et dénué de sens. Mais il ne fit rien. Le Premier ne le laissa même s'approcher de lui, pas de trop près au point de le toucher, mais bien assez pour qu'ils puissent s'observer intensément. Cet échange dura un temps anormalement long. Cet étrange bonhomme avait un regard peu commun, intelligent, dénué de peur et surtout beaucoup trop curieux.

Bien qu'à cette époque là la peste frappait des tas d'endroit dans ce pays, cet homme, nommé Nostradamus dont l'allure était sèche et strict, étudiait ce mal. Ce qu'il ne su jamais, était que la peste, n'était rien d'autre que le fruit de la vengeance de Nautoo et d'une manipulation de la part de la Déesse. D'une quelconque façon, cet homme pensait la guérir, il avait de l'ambition. Ou était-ce de l'espoir ?

Une dizaine d'années plus tard, ils se croisèrent une fois de plus dans un jardin, toujours en France, mais cette fois-ci celui d'un sublime château. Ce Nostradamus, était un médecin, appelé par une reine. Il avait prit pour habitude de se balader le soir, dans les magnifiques étendues de verdures de ce lieu de la royauté. Pour la seconde fois, l'humain au drôle de regard, ne prit pas peur. Le grand loup releva la tête et s'assit face à lui. Au bout d'un certain laps de temps ils se détournèrent l'un de l'autre et chacun suivit son chemin. Aussi naturellement que deux amis qui se quittent après une conversation.

Pourquoi  ne l'avait il pas tué ? La Déesse, elle-même, ne le saura jamais.

Elle avait observé longuement cet homme de son vivant, il était à part, comme Nautoo. Nostradamus avait usé de sa plus belle plume, des années durant, pour noircir pas moins de dix énormes livres, avec tout un tas de prédictions, dont seul le temps, nous aidera à juger leur véracité. Oranda se souvenait qu'il avait écrit que les hommes et les animaux pourront se parler et se comprendre. Que certains deviendraient frères et partageraient le même corps, mais pas le même esprit. Il prédit aussi que certains hommes vivraient plus de deux siècles et que quelque chose de bien plus puissant que la médecine moderne les aideraient. Mais surtout, que cela avait déjà commencé, que rien n'arrête le temps et que rien ne pourrait empêcher cela, c'est inévitable. Pendant tout ce temps, Oranda avait gardé tout cela en mémoire. Elle se demandait toujours si ça allait terminer ou si cela devait se terminer.

La Déesse sortit de ses souvenirs, à cause d'un grognement  animal et d'un cri humain, qui la firent se redresser d'un bond. En bas, Eirik sortait du véhicule pour taper dessus à grand coup de pieds et de poings. Il se défoulait contre la pauvre voiture qui n'avait tout simplement plus d'essence. Le loup grondait avec lui, sans pour autant faire transpirer son pouvoir. Mais la tôle s'enfonçait sous l'assaut et les roues, elles, s'enfoncèrent dans la route, détruisant le goudron au passage.

- Coupe par la forêt. Dit le Premier d'une voix calme.

- Et je fais comment pour mes affaires ?! Tu vas encore tout me foutre en l'air ! S'énerve Eirik en parlant de plus en plus fort.Une flopée d'oiseaux prirent la fuite sous sa voix forte.

- Laisse faire le bétail. Souffle le loup en faisant transpirer son pouvoir au travers de son index droit.

Sous ses yeux, l'hôte vit son doigt muter en une phalange animale et son ongle se transformer d'une façon effrayante. Mais ce qui effrayait le plus le viking, était l'absence total de douleur. Grâce à l'adrénaline qui dansait dans ses veines, cela en était presque agréable.

- Merci. Dit le plus simplement du monde, l'humain en déchirant la housse du siège de la voiture. Celle-ci céda avec une telle facilité, que ça aussi se fut effrayant.


Quand sa tâche fut achevée, il avait simplement eu  besoin d'agiter son doigt sous ses yeux, pour que le loup rappelle à lui son pouvoir. Ne laissant derrière lui qu'une traînée de frisson. Ce fut, une fois de plus, sans douleur mais c'était bien la première fois qu'il n'y avait aucun reste visqueux. Eirik se fit un baluchon rapide, avant d'embrasser du regard la forêt qui longeait la route. À cet instant, l'appel fit tressaillir tout son corps, il était temps d'avancer.

Oranda et la nature en furent sûres, quelque chose avait changé dans le cœur du Premier. Nautoo redevenait le bon loup qu'il avait été autrefois.

- Enlève tes bouts de peaux, j'irais plus vite que toi. Impose le loup en se levant pour s'étirer de tout son long. Je veux courir. Il rajoute sans demander la permission. Il ne demande jamais rien et prend simplement ce qui lui revient de droit.

- T'es sérieux ?!

Oui, il l'était, le loup lui avait dit qu'il voulait courir alors il allait courir. Alors pour toute réponse, le Premier fit résonner son rire brusque et animal dans les os du viking. Ce dernier enlevait rapidement ses affaires et les mît, en un temps record, dans son sac de fortune.

- Et je te signale que ce ne sont pas des peaux mais des affaires ! Tente de se faire entendre Eirik quand il fut nu comme un nouveau né. Mais la fin de sa phrase se finit par un très laid gargouillis, le tout recouvert par un rire lupin moqueur et sadique.

Durant cette joute, Oranda avait dû se faire violence pour garder ses yeux sur une partie descente du corps du viking.

Sa transformation terminée, le loup commença à trottiner joyeusement vers la forêt pendant qu'Eirik hurlait et jurait copieusement. Ce dernier ayant, délibérément, oublié le sac de fortune sur le bas côté.

La Déesse leva les yeux au ciel puis se leva, non sans s'être généreusement massé les tempes avant, pour posséder un sublime cerf, animal de plus en plus rare en Serbie. Elle passa devant la voiture, ou au moins ce qui y ressemble, puis prit le sac dans sa gueule et allait la suite du loup sans trop se presser.


Les premiers kilomètres se firent dans le silence. Eirik ayant finit par se taire en sentant la douce source de chaleur s'approcher calmement d'eux. Le Premier leva les yeux au ciel quand il vit la Déesse, avec son fardeau qui se balancer au grès de ses mouvements. Il était plus amusé qu'autre chose, chose que remarqua la mère de tout les loups. Il ralentit même le pas pour que le cerf arrive à sa hauteur.

Le viking, au travers des yeux du loup, observait cet animal à la beauté époustouflante. L'émerveillement passé, une pointe de défi prit racine dans son esprit. L'adrénaline parcourrait son  corps, l'excitation enivrait ses sens, son cœur bâtait de plus en plus vite et l'amusement pulsait dans l'entièreté de son être, chose que le loup ressentait lui aussi. Le Premier et le viking n'était pas encore en symbiose parfaite, mais dorénavant, ils partageaient bien plus que la haine que ce dernier utilisait tel un vêtement ou une seconde peau.

Oranda sentait que le premier prenait du plaisir, ce qui la surprit grandement. Mais ce qui l'étonna le plus, fut le fait que le loup partageait beaucoup de choses positives avec Eirik.

- Cours. Souffle tout bas Eirik.

Nautoo l'écouta immédiatement, un peu comme ci, il attendait sa bénédiction pour se lancer à corps perdu dans une course, ou le vainqueur n'avait pas vraiment d'importance. En une fraction de seconde le loup regarda l'animal à sa gauche avec une lueur d'amusement qui dansait au fond de ses prunelles brunes, presque dorés, et allongea le pas si rapidement que le cerf en fut soufflé.

Le Premier poussait si fort sur ses pattes, que le paysage défilait de plus en plus vite. Le vent fouettait ses oreilles et ses instincts naturels reprirent leurs droits. Le loup redevenait plus un animal qu'un être divin. Plus louveteau que monstre sanguinaire. La déesse se prit au jeu et tapait, à son tour, le sol avec force. Son cœur ne battait pas fort, seulement à cause de ce jeu, non, c'était dû à quelque chose de plus exaltant : le goût du bonheur retrouvé.

Eirik ressentait ce que le loup ressentait, il vivait tout comme le Premier et s'en amusait tout autant. C'est à ce moment précis que l'humain se rendait compte que le sentiment noir qui lui collait à la peau avait tout simplement disparut. Il se sentait plus léger, presque heureux. La liberté avait bon gout, bien meilleur que celui du  sang et de la chaire.

L'un à côté de l'autre, les yeux cherchant le meilleur chemin à prendre, les oreilles  bien droites à l'affut de tout et la respiration courte, ils s'en donnèrent à cœur joie. Cette forêt leur semblait magique, comme hors du temps, hors d'atteinte. Leur course durait depuis un certain temps. Jusqu'à ce que le loup, sous les encouragements plus que bruyant et virulent du viking, lâche le cerf. Au fin fond du canidé, l'humain ne boudait pas son plaisir, tout comme son hôte. Il hurlait dans sa cage sombre et sautait de joie quand ils passèrent une ligne d'arrivée imaginaire.



Aux abords d'une rivière, Nautoo laissa sa place, sans crier gare, à Eirik. Ce dernier riait encore de bon cœur quand il se retrouva sur ses jambes. Et sans se soucier de quoi que ce soit, il se jeta dans l'eau pour se laver sommairement et boire. Le Premier était tout simplement rassasié, il ne voyait plus l'intérêt de rester dans sa peau. Il se découvrait une âme de conservateur. Mais ce sentiment l'effrayait un peu, il était si fragile qu'il avait peur de le casser alors il décida de ne pas en abuser.

Oranda tentait de diriger son regard partout sauf sur cet être humain, qui n'avait plus aucun sens de la pudeur. Pour couper court à son supplice, ou s'en approcher un peu plus, elle déposa le sac de fortune prés de lui et s'en détourna totalement.

Le ventre un peu creux et totalement habillé Eirik, reprit sa marche. Son épaule frôlait constamment celle de l'animal avec qui il avait fait la course. Il remarqua que son corps avait considérablement changé, pas forcément plus musclé, non, mais plus grand, plus résistant et sa peau était plus épaisse également.

- Tu étais le chat dans la maison et l'écureuil dans ma capuche en Russie ?  Il ne jeta pas de regard au cerf à ce moment là. Au fond de lui, le viking connaissait déjà la réponse.

Contre toute logique, si logique existe encore, ou contre tout ce qu'il croyait et pensait savoir, Eirik savait que c'était normal. Il ne fut donc pas plus surprit que cela, de voir cet animal des forêts faire une révérence, comme pour acquiescer ses propos quand il se retourna. Ce fut alors, le plus naturellement du monde, qu'ils continuèrent leur chemin avec un sentiment de sérénité.

L'hôte de Nautoo arrêta son pas brusquement quand, devant lui, se dressaient deux autres énormes loups accompagné par un être humain. Par réflexe, Eirik baissa les manches de son sweet sur ses bras. La Russie lui avait suffit. Le Premier redressa ses oreilles et foudroya du regard les nouveaux arrivants. Ce fut si puissant, que les propres iris du viking changèrent. Son regard passa de bleu à doré sous les yeux, médusés, de tous.

Nautoo les avait sentit un moment auparavant, mais il ne pensait pas que les autres fils d'Oranda aurait eu le culot de se présenter ainsi à lui. Il lâcha un grognement sourd dans le corps de son possédé, pendant que ce dernier se tenait fermement sur ses jambes, près à ne pas se laisser déborder comme en Russie.

Oranda, toujours dans le corps du cerf, se recula, plus par protection envers l'animal qu'elle possédait, qu'autre chose.

Le temps s'arrêta, la nature cessa de respirer, tout le monde cessa de bouger.

Le  viking, lui, se mît à observer le trio en face de lui. Les deux loups étaient énormes, gris et noir, leurs oreilles dressées en avant et le nez en hauteur pour mieux sentir leur environnement. L'humain, qui se tenait à leur côté, se décala légèrement tout en penchant sa tête sur le côté, comme un animal pensa Eirik.


Tous les regards se braquèrent d'un seul coup vers les deux loups. Quand les deux bêtes firent une révérence en regardant Eirik. Et l'humain qui était avec eux, baissa, lui aussi, rapidement la tête, non sans les quitter du regard.

- Suivez nous. La voix de l'inconnu n'inspirait rien de spécial à Nautoo et Oranda. Eirik, par contre, resta quand même sur ses gardes.

- C'est bon. Souffle le Premier au viking. Si ils déconnent, j'en fais des steaks. Rajoute le Nautoo pendant que son estomac se faisait entendre.

Eirik voulait lui répondre quelque chose mais ses lèvres restaient close. Eirik  engagea le pas à leur suite vers un petit chalet en bois, non loin d'eux. Oranda, quant à elle, laissa le cerf pour posséder un petit oiseau afin de les suivre plus facilement.

- Reste un peu en arrière. Rajoute le loup.

Sans plus de poser de question, le viking ralentit le pas pour être en retrait. Le loup se sentait quelque peu possessif envers le bipède. Chose qu'il accepta sans rechigner à la grande surprise de la Déesse. Mais, il fit tout son possible pour que le bétail ne le ressente pas.

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