Je trouverai un chemin, ou j'en ferai un.

De William Cécil Burleigh
Comme toujours un grand merci à Yuki !!



Rien n'aurait pu déranger le sommeil du viking, ni celui du Premier. Tous deux avaient grand besoin d'une bonne nuit de sommeil, sans cauchemars et sans rêves. Eirik avait apprit à craindre son sommeil, ses souvenirs ayant toujours tendance à capturer son subconscient pour le torturer.

Les loups ne dormaient jamais. Don donné par Oranda à tous ses fils. Aucuns d'entre eux n'avaient besoin de sommeil, pendant que leurs hôtes dormaient à point fermé, eux,  veillaient. Toujours à l'affut de la moindre attaque, du moindre souci. Ils étaient des protecteurs. La Déesse voulait que les possédés soient protégés en toutes circonstances et les loups le faisaient tout naturellement, que ce soit avec leurs meutes ou leur hôte.

Nautoo, lui, bien sûr n'en voyait pas l'intérêt. Après tout, pourquoi protéger un de ceux qui l'avait tué et qui avait abattue sa tendre Ozalée ?

Le néant avait quelque chose de reposant, quelque chose de calme et de rassurant. Même l'appel avait finit par leurs laisser un peu de tranquillité, non pas qu'ils ne le ressentaient plus, il se faisait tout simplement plus discret. C'est donc pour la première fois depuis des siècles, qu'il ferma l'œil, sous le regard bienveillant de sa créatrice.

Le soleil filtrait timidement à travers les volets en bois de la chambre. De fins rayons illuminaient le visage d'Eirik. La Déesse, toujours dans le corps de l'oiseau, regardait avec douceur l'homme endormit dans un lit bien trop petit pour lui. En effet, ses pieds dépassaient largement du matelas, un ses bras recouvrait ses yeux pendant que l'autre pendait et touchait le sol. Il n'avait pas bougé d'un seul centimètre depuis qu'on l'y avait déposé, il y avait de cela dix heures environ. Elle se délectait de ses traits, ils étaient à la fois, bruts et doux. Ses joues étaient creusées, mais pas comme celles d'un homme maigre ou malade, plus comme celles d'un homme aux muscles fins et noueux. Exactement comme il l'était. Depuis qu'il s'était fait possédé, le corps d'Eirik s'était embellit et son visage...Oranda aurait pu se perdre dans sa contemplation. Chose qu'elle fit en cet instant. En le regardant ainsi elle regretterait presque de l'avoir choisit...

La sensation d'être observé tira le viking de son paisible sommeil. Au fin fond du possédé, Nautoo se mît aussi à papillonner, il baillait et s'étira avant de réaliser qu'il venait tout simplement de dormir. Il secoua la tête totalement incrédule. Eirik se redressait difficilement. Une fois assis, il se frottait la mâchoire, cette dernière aurait dû être douloureuse, mais il ne ressentit rien. Comme la fois où il s'était déchiré les poings en frappant le sol de toutes ses forces.

- J'imagine que tu sais pourquoi toi ! Dit Eirik à l'oiseau, mais la véritable question était de savoir : pourquoi quoi ?

Il se leva et se traînait vers la fenêtre. Quand il l'ouvrit, il se rendit compte que ce n'était pas le soleil, qui filtrait à travers les volets, mais la lune. L'éternelle demeure d'Oranda brillait de milles feux. Soit cela avait toujours été le cas, soit le viking venait de s'en rendre compte. La Déesse profitait de sa contemplation pour rendre la liberté à l'oiseau et rentrer chez elle.

- S'il te plaît Nautoo, ne brise pas ce qui est acquis.

Sa supplique parvint aux oreilles de son Premier fils, il ne lui répondit pas mais elle pouvait sentir son acceptation. Eirik fût aussi envahi par ce sentiment, mais celui-ci glissa sur lui comme de l'eau sur de la roche, trop absorbé par ce qu'il voyait pour pouvoir réaliser quoi que ce soit. Dehors, face à lui, un champ de fleurs sauvages resplendissait sous la claire lumière de l'astre. Il fut soufflé par la beauté du paysage qui se dessinait sous ses yeux.

Aussi bien lui que le Premier avait envie de s'y glisser. Quelque chose, autre que le lien, les suppliait de s'y rendre.

- Tu comptes attendre le déluge ou quoi le bipède ? Grogne Nautoo, Eirik se contenta de lever les yeux au ciel.

Il se chaussa et enjamba la fenêtre d'un mouvement souple. Il se trouva rapidement aux abords de ce champ. L'air de cette fin de nuit était doux, il y avait un léger vent qui soulevait ses vêtements. Il effleurait les plantes de la paume, se demandant rapidement de quel genre de plante il s'agissait, peut être du blé ? Oui cela y ressemblait. Il avançait en faisant des petits pas tout en continuant de toucher la cime de la plantation. Cela les chatouillait, ils aimaient cette sensation. Cela pourrait paraitre enfantin mais cela leur faisaient un bien fou. Un plaisir simple et saint.

Une petite lueur verte attirait leurs regards, une petite luciole voletait devant eux. Le viking soulevait sa main et l'insecte se posa sur l'ongle de son majeur. Elle fut bientôt rejointe par d'autres petits insectes lumineux. Une sphère verte les entoura en quelque seconde, sans être effrayant, ni bruyant, bien au contraire. C'était calme et serein. Elle les faisait avancer, doucement, jusqu'au milieu du champ, où il y eut encore plus d'insectes autours d'eux. Cela formait à présent une large boule lumineuse, constamment en mouvement, autour d'eux.

Nautoo et Eirik se sentaient comme des enfants et ils ne s'en rendirent pas vraiment comptent mais ils riaient. Oui, ils riaient ensemble. Pas l'un de l'autre comme à leur habitude, non, mais ensemble. Il la toucha du bout du doigt, sous le regard curieux du Premier. Plusieurs insectes s'enroulèrent autour de lui jusqu'à son épaule. Il s'en émerveilla. Le loup aussi.

Tout là haut, Oranda ne vit qu'un cercle vivant et vert évoluer à travers le champ, elle savait que la Nature s'exprimait a sa façon. Elle agissait d'elle même sous le regard de la Déesse, voulant leurs faire comprendre quelque chose qui lui était propre. Depuis le début, elle voyait le premier évoluer et changer grâce au viking. Mais cela n'allait pas assez vite à son goût. La Nature voit et ressent d'autres choses que ni la déesse, ni le premier et son hôte avaient idées. Cette dernière a conscience du Monde, et de l'Univers, même si elle ne comprend pas toujours ses actions, ni ses fondements.

Tous les insectes se dispersèrent aussi vite qu'ils étaient arrivés, laissant apparaître quelque chose que, ni Eirik et Nautoo, n'avaient remarqués et encore moins imaginé. Devant eux, pratiquement à leurs pieds, un village, entièrement constitué de chalets en bois, prenait forme. Ils se rendirent aussi compte qu'ils avaient avancé jusqu'a se trouver en haut d'une petite colline sans le moindre effort. Ils avaient l'impression d'être les rois du monde.

Le soleil pointait doucement à travers les flans de la montagne, il illuminait les rues du village qui s'animait sous leurs yeux. Des femmes embrassaient leurs époux sur le perron de leurs portes, des enfants se chamaillaient déjà, leurs voix résonnaient et parvinrent aux oreilles du loup et de son hôte.

- Si je m'attendais à ça...

- J'aurais pas dit mieux. Rajoute le loup, qui, pour une fois, était à cours d'arguments et de répliques mesquines.

Ils prirent leurs temps, se gavant de ces images, de ces vies en pleine harmonie avec leur nature profonde qui dansaient non loin d'eux. Ici et là, il y avait des hommes qui se transformaient en loup, sous le regard tendre et amoureux de leurs femmes. Des petits garçons se changèrent aussi en louveteaux, le plus souvent pour enquiquiner leurs jeunes sœurs. Des groupes d'amis se formèrent également aux coins des rues riant d'une réplique où se dévorant du regard.

La Normalité, voila à quoi ils assistaient, à la Normalité.

Tout à coup, ils se sentirent tel des voyeurs, cela les rendaient tous les deux mal à l'aise. Tout en se frottant la nuque le viking entreprit de faire demi-tour. En chemin, il se persuada qu'il était temps de reprendre la route, qu'ils n'avaient pas leurs places ici. Histoire d'en rajouter, l'appel venait de se réveiller, il était revenu plus fort et plus violemment que jamais, si bien qu'il en était vraiment douloureux. La nausée leur tordait le ventre, ils se sentaient coupables de prendre du bon temps si loin de lui. Lui, qui ne faisait que les attirer depuis le début. Lui, qui les suppliait de venir à lui chaque seconde de leur nouvelle vie.

De retour dans sa chambre, il empoignait son sac et sortit. Oui, c'était ce qui était le mieux à faire, il fallait repartir. Partir avant de s'habituer, avant d'apprécier quoi que ce soit. Ou même qui que ce soit.

- Bon ! On y retourne le poilu ? Dit Eirik en essayant de paraitre enjoué.

Pour toute réponse le loup lui grogna dessus. Eirik se moquait ouvertement de lui. Les grognements ne lui faisaient plus peur. Du moins, pas ceux-là. Il referma doucement la porte derrière lui, il fit quelques pas en arrière tout en regardant le chalet qui l'avait accueillit cette nuit. Cette petite maison de bois, sans aucune prétention, avait tout autant d'allure qu'un château a ses yeux.

- Tu comptes te faire la malle comme un voleur ? La voix bourru et pleine de hargne d'Olivier fit frissonner Eirik.

Ce dernier prit son temps pour se retourner, le Premier était déjà aux aguets. Il grognait si fort dans le corps de son hôte qu'il faisait trembler les os de ce dernier.

- Avoue que je te manquerais. Rétorque sombrement le viking, le grondement vicieux du premier se fit entendre par la forêt en entier.

- Vire tes pompes le bipède.

Eirik suivit le conseil du Premier avec un sourire sournois. Il envoya ses chaussures dans un coin avec de savants coups de talons sans le quitter du regard. Son envie de lui casser la figure était revenu et cela plaisait grandement à Nautoo.

- Je vais te faire bouffer ton râtelier !

Olivier avait à peine finit sa promesse qu'il se transformait en éclatant ses vêtement. C'était maintenant Malow, un énorme loup brun aux crocs acérés, qui lui fit face.

- T'es foutu mon vieux. Ricane Eirik avant de laisser sa place au Premier.

Nautoo le fit avancer et, en un battement de cil, il prit sa place. D'un seul et unique bond, il plaqua son adversaire au sol. L'énorme gueulle du Premier était à une poignée de millimètres de celle du Beta, leurs dents acérées brillaient sous le soleil matinal, leurs respirations se mêlaient et leurs grognements remplissaient l'air et le faisait vibrer.

Le Beta le fit basculer sur le côté avec un mouvement de hanche assez violent, il en profita alors pour se remettre sur ses pattes. Face à face, les crocs acérés prêts à déchirer la chair de l'autre, les deux loups se jaugèrent une petite seconde avant de se sauter, une fois de plus, dessus.

Cette fois-ci, Malow fit l'erreur de prendre sa force pour acquis. Alors qu'il allait tout droit sur Nautoo, ce dernier fit simplement un pas sur le côté et le chopa par la peau du cou. Ainsi pris entre ses mâchoires, le premier commença par le secouer, avec une telle violence que les griffes de l'autre ne faisaient qu'effleurer le sol, laissant des traces irrégulières sur le sol en terre, avant de le jeter avec force contre la rambarde du chalet, qui céda dans un fracas assourdissant. Le loup d'Olivier ne prit pas le temps de souffler, qu'il était déjà debout sur ses pattes.

Nautoo devait bien reconnaître que ce loup méritait amplement sa place de Beta. C'était un bon combattant, mais pas excellent. Le Premier eut le culot de prendre le temps de sourire, avant de foncer droit sur lui, tête la première. Les deux immenses loups traversent purement et simplement la façade de la petite maison en bois. Le dos du Beta éclata absolument tout sur son passage. Rien n'avait résisté, ni le fauteuil, ni la table basse, ni le petit guéridon et encore moins le canapé, rien ne survécu à cette tornade de dents, de griffes et de sang.

Malow eut du mal à se redresser cette fois-ci, mais il le fit tout de même, tremblant sous l'effort démentiel que cela lui demandait. Le Premier aurait presque eut pitié de lui, s'il connaissait la définition de ce sentiment. En attendant, il était nonchalamment assit, se léchant la patte, à peine intéressé par ce qu'il se passait autour de lui, pourtant trés à l'affut de ses moindres mouvements.

Il aurait pu l'abattre, bien sûr qu'il aurait pu le faire, mais cela aurait voulu dire que l'Alpha lui en aurait voulu et ça, il ne le souhaitait pas. Puis, le bipède ne voulait démolir que lui.

- A toi de jouer. Souffle le loup à Eirik en voyant Malow, qui commencer à laisser place à son hôte.

Le viking fut le premier à être de retour dans sa peau. Il en profita pour courir tout droit vers l'homme, à moitié métamorphosé, en face de lui. À la manière d'un rugbyman, il mît son corps sur son épaule et continua de foncer droit devant lui. Quand un mur les arrêta, Eirik le colla dessus et lui asséna des coups de poings, si violents, qu'ils auraient assommés, tout du moins, n'importe quel être humain.

- T'as assez dansé ? Lui demande l'hôte du Premier en plaquant ses deux mains de chaque côté de la tête, sérieusement amochée, du Beta. Ses ongles étaient éclatés, ses phalanges sérieusement abîmées, d'innombrable petites plais et boursoufflures déformaient ses mains.

Mais la magie d'Oranda  opéra aussitôt, en quelques secondes les mains d'Eirik et le corps d'Olivier reprenaient visages humains.

Ils étaient si proche l'un de l'autre que leurs fronts se touchaient. Ni l'un ni l'autre ne baissaient les yeux, aucun des deux ne voulaient céder. Même si tout les deux savaient pertinemment que Nautoo était et de loin le plus dominant des deux. De tous.

- Alors qui pisse le plus loin ?

La voix de Tood ne surprit pas les deux hommes, ils l'avaient entendu arriver mais n'avaient pas bougé d'un iota.

- Olivier, ta femme t'attend. L'ordre indirect de son Alpha le fit frémir. Il ne voulait pas en rester là, comme le bon combattant qu'il est, il voulait continuer à se battre quitte à y perdre son dernier souffle.

Eirik se reculait pour lui laisser la place de s'en aller, il le fit avec un rictus moqueur qui lui était propre et que Nautoo appréciait énormément. Chose que le Beta fit en s'efforçant de ne pas baisser les yeux.

Son sourire mangea un peu plus son visage de viking.

- Alors comment trouves-tu mon village ? Tood avait entreprit de relever le mobilier, enfin, ce qui avait survécu une fois son Beta était hors de vue.

- Tu ne vas rien me dire ? Lui demanda le viking en poussant le canapé et enfila un jogging qui traînait par là, ce n'était pas un de celui qu'il avait volé l'autre jour, mais cela ne lui fit ni chaud ni froid.

- Tu n'es pas un chiot, tu es un adulte, tu sais ce qui est bien ou non. Cette réponse lui coupa la chique d'autant plus qu'elle fut dit sur le ton de la conversation.

- Alors mon village ? Cette fois-ci, Tood le regarda droit dans les yeux et haussa un sourcil épais.

- Pas trop mal.

N'y croyant pas une seconde, l'Alpha se mît à rire doucement tout en secouant la tête. Il en fallait bien plus pour agacer ou vexer l'Alpha.

Un jappement les fit se retourner vers la porte en même temps, un louveteau de quelque mois, à vue de nez, se tenait devant eux. Il faisait le fier en bombant son poitrail et en se grandissant. Eirik le trouvait à la fois drôle et adorable. Le petit jappa une seconde fois et allongea ses pattes avant sur le sol pendant que le reste de son corps était en hauteur et que sa petite queue battait des recors de vitesse. Eirik regarda rapidement le sol pour trouver de quoi jouer avec. Quand il fixa un bout de bois, le premier le rappela à l'ordre.

- C'est un loup, abruti, pas un caniche !

Il abandonna son idée rapidement.

Finalement, il s'approcha de lui et lui ébouriffa le haut de son crâne, avec une tel rapidité, que le jeune loup n'avait rien vue venir. Mais il riposta aussitôt. La petite boule de poil, grise et brune, lui sauta dessus et farfouilla dans ses cheveux avec ses deux petites pattes. Eirik riait aux éclats sous les assauts du petit louveteau. Nautoo tournait en rond dans sa "cage", au fin fond de son hôte. Le voir sur le dos ne lui plaisait guère, mais il devait bien avouer que cet enfant était à la fois, vraiment courageux, adorable et un peu fou.

Il avait presque envie de réclamer son tour. L'excitation et l'envie gagna l'esprit du Viking alors qu'il luttait toujours contre ce petit loup, qui avait entreprit de lui lécher tout son visage.

- Hé on est pas assez intime toi et moi ! Il tentait de repousser ce petit loup baveur. Tu viens le poilu ? Chuchote Le bipède au loup.

Ce dernier fut si surprit qu'il resta immobile une seconde. Mais les jappements de ce louveteau, trop heureux d'avoir trouvé un compagnon de jeu, ou un récipient pour sa bave, le ramena à la réalité. Il prit, alors, sa place pour la seconde fois en quelques minutes.

Toujours sans douleurs et sans reste visqueux.

Tout là haut, assise à même le sol, Oranda assistait à un doux spectacle, les larmes aux yeux. Elle n'aurait jamais cru voir ça un jour : Nautoo, son premier fils, le plus sanguinaire de tous, le plus violent, le plus haineux, le plus bléssé de tous  jouait avec un louveteau. Ils jouaient ensemble, comme son père l'avait fait avec lui, il y a des siècles de cela.

- Il faut que j'investisse dans un coussin. Dit la déesse en se dandinant sur le sol dur de sa demeure ignorant ses larmes qui mouillaient ses joues.

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