premier orage

🌩

          Soobin était heureux, terriblement heureux quand il quitta son école d'art ce soir-là, après avoir rendu son mémoire à ses professeurs. L'oral de soutenance avait été une véritable épreuve pour lui. Toutes ces paires d'yeux dans les gradins de l'amphithéâtre – certaines familières, d'autres totalement inconnues – l'observant défendre corps et âme ses planches de concept art pour la conception graphique d'un jeu vidéo que les gamers attendaient avec impatience... il avait bien cru qu'elles allaient le faire céder devant le jury. Si Soobin redoutait durant tout son cursus d'avoir à rédiger une cinquantaine de pages sur une discipline aussi manuelle que le design, il ne se serait jamais douté que présenter ces pages constituaient la véritable torture. Et pourtant, malgré son angoisse et son impression de se mélanger dans son discours, tout c'était bien passé. Il pouvait être fier, ses professeurs l'en avait assuré, et ils disaient tous avoir hâte de suivre le projet qu'il leur avait présenté.

Toutefois, ce soir, il avait autre chose à penser. Le violet partait en vacances, il passait ses deux mois de liberté à la campagne pour profiter des joies de l'été et se resourcer, en location dans un charmant pied-à-terre que sa mère avait dégoté auprès d'une amie. Alors que le métro le ramenait chez lui pour qu'il récupère ses affaires et prépare sa voiture, Soobin consulta une dernière fois le site d'annonces pour contrôler que tout était en ordre. Son payement avait bien été reçu, lui possédait déjà les clés arrivées par la poste le matin même, et les informations sur la location lui donnaient toujours autant le sourire.

Selon l'annonce, le village situé tout près de la maison était un charmant hameau avec l'essentiel : une supérette, une boulangerie, un bar-café si l'envie lui prenait de sortir un soir, et surtout des environs magnifiques. Il avait déjà repéré la fontaine de la place du village, ainsi que des bocages et des bois accessibles au public sur les terres alentours. Il y avait également cet étang où la baignade était autorisée. Sur la photo, l'eau paraissait bleue et claire, il souriait de hâte de s'y rafraichir les pieds. La région en elle-même n'était pas si éloignée, il roulerait pendant trois heures pour y parvenir. Soobin trépignait d'impatience sur son siège, qu'il céda bientôt à une vieille dame, en garçon éduqué qu'il était.

L'heure suivante, en bas de son immeuble, sa voiture était fin prête. Il vérifia une dernière fois qu'il n'avait rien oublié, débrancha les appareils et ferma les volets puis verrouilla la porte de son appartement. Son voisin veillerait sur son logement pendant ses deux mois d'absence, il n'avait donc pas à s'inquiéter. Mais Soobin ne pouvait s'empêcher une ultime fois – la toute dernière, il se le promis – de refaire un tour des points à risques. Les chauffages étaient-ils éteints ? Le gaz coupé ? Les prises débranchées ? Les détecteurs de fumée opérationnels ? Les fenêtres bien fermées ? La porte bien verrouillée ? Enfin, il se décida et quitta son palier. Sa voiture sortit du parking de la résidence la minute suivante. A peine ses vacances débutaient-elles qu'il avait déjà envie de revenir chez lui. Soobin avait un mauvais pressentiment...

Il lui fallait uniquement se détendre.

+.°•

          Son sac tomba du porte-bagages. Le jeune homme grogna. Un idiot l'avait déséquilibré en récupérant son bagage et n'avait pas accordé un seul regard à ses cours éparpillés au sol, ni à son ordinateur qui semblait étonnamment intact, avant de vite quitter la rame. Le noiraud n'eut même pas le temps de le héler pour qu'il s'excuse. Mais ce n'était rien, juste un petit détail qui s'ajoutait à sa journée déjà horrible. Il ramassa ses affaires, sous les visages imperturbables des autres passagers, et manqua de se cogner à une barre quand le métro redémarra.

Vacances. Il devait seulement penser à ses prochaines vacances.

Dans une heure, il serait sur sa moto en direction de la campagne. Il n'aurait plus à penser à ses études, à son stage qui avait été une catastrophe depuis le début du semestre, ni à ces gens, tous exécrables au possible. Dans une heure, il serait sur la route, au guidon de sa monture d'acier, avec le peu d'affaires qu'il emmenait pour ces deux mois de pause. Taehyun aimait s'habiller chic, sa tenue du jour – un costume, ni plus ni moins – en témoignait, mais il n'avait aucune envie d'installer sa garde-robe dans une si petite maisonnette, d'autant plus un complexe proposé à la location dans lequel il ne savait quelles choses avaient pu se produire. Ses vêtements les plus distingués n'avaient pas à trainer dans des endroits potentiellement salis, souillés par l'idiotie humaine.

Cinq caleçons, cinq paires de chaussettes, deux t-shirts, son hoodie favori et deux shorts, ainsi qu'un maillot de bain, voilà ce qu'il prenait dans son sac à dos, en plus du nécessaire de toilettes et de santé qu'il ne pouvait pas trouver là-bas. S'il se mettait à pleuvoir, il porterait son vêtement de pluie, rangé sous la selle de sa moto. S'il avait froid, il avait sa veste et son pantalon en cuir. Et comme chaussures, il avait prévu ses tongs, sinon les bottes de son équipement feraient l'affaire. Il y avait une machine à laver, de toute manière, et l'annonce laissait entendre que la lessive était fournie à foison. Aussi, il ne connaissait personne là-bas, ne prévoyait en aucun cas d'en rencontrer, et souhaitait seulement profiter de la solitude, la douce solitude dont il avait terriblement besoin. Il n'avait aucunement besoin de porter ses chemises et ses souliers.

Taehyun quitta enfin le métro – cette boite de conserve désagréable à souhait – sous les vociférations d'un vieux crouton qui lui reprochait de faire déshonneur aux règles morales de son peuple parce qu'il n'avait pas voulu lui céder sa place. Il lui adressa son plus perçant regard noir en réponse, et s'enfuit avant que l'homme ne l'attrape pour « refaire son éducation ». Il avait juste à passer chez lui, s'équiper et récupérer son sac, avant de pouvoir enfin être seul avec les ronronnements de sa moto, sous les rayons d'or du soleil couchant, en route vers la liberté.

Et enfin, après avoir verrouillé la porte de son appartement, le noiraud put apprécier les vibrations du moteur contre ses mollets, le petit courant d'air qui filtrait à travers la visière à peine fermée de son casque – il préférait la laisser entrouverte pour le pas avoir trop chaud – et l'asphalte défilant sous ses yeux. Les derniers rayons de soleil rendaient son voyage agréable, un petit sourire s'était d'ailleurs formé au coin de ses lèvres dès qu'il avait quitté les routes encombrées de la grande Séoul.

Taehyun se sentait revivre. Quatre mois qu'il n'avait pas pu conduire sa moto, quatre mois qu'il avait passés enfermé entre les murs d'un atelier dans une boite qui développait des modèles réduits d'avions. L'entreprise l'avait d'abord séduit par ses produits dont les passionnés vantaient la qualité, aussi car le cadre de vie au travail y était apparemment agréable. La réalité était tout autre. Son maître de stage lui avait assigné la tâche de coller des étiquettes sur les maquettes, tout au long de la journée. Il ne faisait que ça, coller des codes-barres, alors même que ce job constituait son stage de quatrième année de master en ingénierie aéronautique.

Qui voudrait d'un ingénieur spécialiste en collage d'étiquettes ? C'est ce qu'il avait demandé à son supérieur au bout de la première semaine, encore naïf de ses courtes expériences professionnelles, toutes réalisées sous la tutelle d'amis de ses parents. Cette année, il avait souhaité s'émanciper un peu. Et maintenant, le noiraud savait que le monde du travail était cruel et qu'il valait mieux ne rien dire, se faire tout petit et ne surtout pas déranger. Son école n'avait pas même répondu à son mail demandant de changer de stage. Le jeune Kang les dérangeait, ils ne voulaient en aucun cas s'attirer des problèmes. Alors il s'était tu, avait subi, collé des étiquettes chaque jour de chaque semaine pendant quatre mois. L'année prochaine, un semestre entier de travail l'attendait, et le jeune homme comptait bien se reposer au maximum avant d'entamer sa dernière année d'études.

Le soleil se coucha à sa droite, laissant place au bleu roi de la nuit. Quelques étoiles perçaient déjà les rares nuages flottant dans le ciel. Taehyun décida de s'arrêter sur une aire d'autoroute pour diner sous les étoiles. Quand il retira son casque, il accueillit avec plaisir la fraicheur nocturne. L'air était chaud à cette époque de l'année, en Corée du Sud, et son équipement lui donnait l'impression d'être cuit à la vapeur. Après avoir acheté un sandwich et une boisson, il retira sa veste pour s'allonger dessus dans l'herbe. Ses bras nus frémirent au contact du frais et le noiraud se remplit la panse en observant le spectacle des couleurs changeantes du ciel et du scintillement des étoiles. Il lui restait un peu plus d'une heure de route, il avait hâte de découvrir la campagne sous la lueur pâle de la lune.

Il avait hâte de goûter pleinement à une solitude reposante et bien méritée.

+.°•

          Soobin venait de sortir de l'autoroute et, tout de suite, la voie s'était faite plus étroite et cabossée. Il serrait les dents en évitant au possible les aspérités du bitume pour ne pas user ses pneus. Avec le soleil bas en face, la chose n'était pas aisée. Le violet pesta quand son GPS le fit tourner sur une route encore plus austère, qui ressemblait plus à un chemin de terre qu'autre chose.

Le village n'était plus qu'à quelques kilomètres, il avait cru apercevoir des toits de maisons sur une colline au loin. La location se situait au-delà. Il y était bientôt, enfin. Mais avant cela, Soobin devait traverser l'agglomération pour trouver de quoi diner. Il n'avait pas pensé, malgré toutes ses précautions, que le frigo de la maison serait vide, alors même que c'était totalement logique. Il ne payait pas une chambre d'hôtel, il louait une véritable résidence loin de tout. Le jeune homme espérait seulement que le supermarché du village ne fermait pas avant vingt heures.

La route se fit un peu plus praticable quand il s'engagea dans les rues du hameau, d'ailleurs encore plus charmant que ce que le site de location lui avait décrit. Les lueurs dorées et les ombres allongées du soir y jouaient sûrement un rôle, mais le village paraissait réellement magique avec ses petites maisons à un ou deux étages, éparses ou regroupées le long de la rue. Il trouva rapidement la supérette, en face de l'école primaire locale. Soobin s'arrêta sur l'une des places devant l'entrée. Mais tout semblait éteint dans le commerce. Il décida quand même de quitter sa voiture pour s'en rapprocher.

Elle était fermée. Depuis cinq minutes, il était vingt heures passées.

Tant pis, il ne mangerait pas ce soir. Soobin redémarra, dépité et l'estomac grognon, mais cette mauvaise expérience n'enlevait rien à sa joie d'être ici. Il n'aurait qu'à se lever tôt le lendemain pour remplir les placards de la maison. Sa traversée du village ne dura pas plus longtemps, il retrouvait déjà la route bien cabossée qui descendait la colline et des fermes se dressaient çà et là le long du chemin. Des champs de vaches, d'autres de blé ou de maïs, défilèrent sous la lueur rosée du crépuscule débutant. Le paysage était vraiment magnifique, pour sûr. Mais Soobin souffla un peu plus quand le GPS lui indiqua un chemin de terre – véritable cette fois-ci – avec les ornières creusées par les tracteurs et les mottes d'herbe au milieu, boueux à certains endroits. Il pesta une dernière fois – de toute façon il n'avait pas le choix de tourner car un tracteur le suivait – et s'engagea sur le chemin.

Ses roues seraient bonnes pour être changées à son retour, s'il prenait cette route fréquemment. Soobin songeait même à ne pas descendre au village le lendemain, uniquement pour épargner sa voiture de la boue et de l'herbe. Avec un peu de chance, peut-être y avait-il un vélo dans le garage de la location qu'il pouvait utiliser pour aller faire ses courses. Il se fit une note mentale, avant qu'un renard ne lui coupe la route, lui arrachant une belle frayeur. Il ne faisait même pas encore nuit que déjà la faune sauvage locale sortait...

Malgré tout, Soobin arriva bien devant le portail de la maison. Il gara sa voiture dans la cour, non loin de l'entrée pour pouvoir décharger ses quelques bagages sans trop de difficultés, et s'évita au possible de regarder l'état de ses roues quand il sortit de son véhicule. Il imaginait assez bien les enjoliveurs rayés, les passages de roue endommagés par les cailloux, les pneus perforés, le tout recouvert d'une bonne couche de boue. Pas besoin de confirmer ses inquiétudes. Le jeune homme se contenta d'ouvrir la porte de sa nouvelle résidence et de faire un rapide tour, ne serait-ce que pour ouvrir la vanne d'eau et l'électricité. Il visita quand même l'intérieur, constitué d'une petite entrée avec un porte-chaussures et un placard, d'un salon-salle à manger et sa cuisine ouverte, d'un couloir avec deux chambres, une cabine de toilettes et une salle de bain et, au bout de ce couloir, la porte qui donnait sur le garage. C'était largement suffisant pour ses vacances, c'était même mieux que ce qu'il avait vécu jusque-là. Soobin avait passé son enfance dans un appartement, certes grand mais l'absence d'un extérieur toujours accessible lui pesait, lui qui aimait la nature. De même pour sa vie d'adulte, bien que son logement soit plus petit.

Le violet déchargea rapidement ses sacs et sa valise, qu'il rangea aussitôt dans les quelques placards à sa disposition. Il prit tout de suite ses aises, posant ses quelques paires de chaussures sur le meuble prévu à cet effet, ses vestes dans le placard, ses affaires de toilettes dans la salle de bain et ses vêtements dans l'armoire de la plus grande chambre. Il fit son lit, contrôla la propreté de la vaisselle, des toilettes, de la douche avant d'en prendre une et de revêtir son pyjama. Il était vingt-deux heures bien passées quand Soobin s'installa enfin sur le moelleux matelas, son ordinateur sur ses genoux dans l'optique de regarder un épisode de sa série.

Mais un bruit de moteur l'arrêta aussitôt.

+.°•

          Pourquoi fallait-il qu'il y ait tant de boue ? Taehyun grogna un peu plus, ses bottes baignant dans la gadoue pour essayer de stabiliser sa moto malgré toutes les tentatives de l'univers pour le faire tomber. Si sa moto chutait, il ne pourrait pas la relever, il le savait. Elle était déjà lourde, mais sur ce terrain aussi impraticable, il était quitte pour appeler un dépanneur ou déranger un des fermiers du coin pour l'aider. Le noiraud accéléra un peu pour sortir sa roue arrière de l'ornière dans laquelle elle s'était empêtrée. Il ne voyait rien, il faisait trop noir, et sentait qu'il n'était pas aux bouts de ses peines. Il n'avait encore que quelques mètres à parcourir avant d'espérer apercevoir la maison à travers le couvert des arbres, mais Taehyun avait l'impression que sa soirée déjà bien pourrie le serait plus d'ici peu.

La roue sortit, sa moto manqua de décoller, mais il se rattrapa à temps. Elle était couverte de boue, lui aussi, mais enfin le chemin se faisait un peu plus sec. Plus loin, il y avait du bitume. Il lui fallait seulement y parvenir. Taehyun encouragea son véhicule, se fichant bien des chevreuils cachés derrière les arbres qui jugeaient les surnoms ridicules qu'il lui donnait, et avança jusqu'à sa délivrance. Il avait réussi, il y était parvenu.

Enfin, il pourrait profiter de ses vacances. Il lui fallait seulement se rendre au village demain pour faire les courses, mais Taehyun espérait bien ne croiser personne durant sa pause. Il passa le portail. Et un détail inquiétant l'alarma tout de suite. Il y avait une voiture là, une voiture qui semblait fraichement arrivée car de la boue coulait toujours le long du pare-chocs. A la lumière de ses phares, il reconnut un modèle typiquement citadin, qui n'avait rien à faire ici, d'autant moins sur la propriété qu'il avait louée pour deux mois. Le noiraud se gara à l'opposée, le long d'une haie d'il ne savait quels arbustes – et il s'en fichait – et chercha les clés dans ses poches. S'il y avait quelqu'un dans cette maison, il ne comptait même pas toquer. Il était ici chez lui, il avait payé, signé un contrat et confirmé un bon nombre de fois sa location sur le site, et Taehyun refusait catégoriquement qu'un sombre inconnu ne l'énerve en cette soirée déjà bien énervante.

Il n'eut pas le temps d'insérer sa clé dans la serrure qu'elle s'ouvrit sur un grand jeune homme en pyjama, des cheveux teints en violet lilas encore humides sur son front. Il avait beau paraitre aussi choqué que lui, Taehyun le toisa des pieds à la tête. Au moins, ce type n'avait rien d'un voleur.

― Je peux savoir ce que vous faites dans la maison que j'ai louée ?

― Je... Je l'ai louée...

Taehyun fronça les sourcils, méfiant. Il n'y croyait pas un mot. En face de lui, le jeune homme semblait ne rien comprendre, ne pas se rendre compte de ce qu'il lui disait. Il était là, ses yeux bruns écarquillés, ses lèvres entrouvertes en une expression de désarroi et la main figée sur la poignée de la porte. Le noiraud sortit son téléphone, surfa rapidement sous l'œil intrigué de l'intrus jusqu'à trouver le site d'annonces et lui planta sous le nez la confirmation de sa location à cette date et cette adresse précises.

― Voyez ? Je crois que vous n'avez vraiment rien à faire ici.

― Je suis désolé mais... je suis pourtant sûr de ne pas m'être trompé...

Soobin se décala dans l'entrée. Il ne saisissait décidément absolument rien à la situation. Il avait bien pensé être tranquille pendant deux mois, mais voilà que des événements attendus se produisaient. La moindre des politesses était tout de même de ne pas laisser ce petit noiraud dehors, dans l'obscurité de la nuit. Il le laissa dans l'entrée, se précipitant dans sa chambre pour en ramener son ordinateur. Il le posa sur la table du salon et invita le nouveau venu à le suivre, après qu'il ait retiré ses chaussures boueuses.

― R- regardez, j'ai aussi réservé cette maison aujourd'hui... à la date d'aujourd'hui, et pour deux mois. Je suis désolé...

Taehyun ne répondit rien. En effet, toutes les informations étaient bonnes sur la page de cet intrus. Il n'était pas un intrus dans cette maison, il avait le droit d'y être. Le jeune homme lui confirma un peu plus sa location avec les documents bancaires prouvant son règlement, et même le reçu postal des clés.

― J- je peux appeler le propriétaire, si... si vous le souhaiter.

― Non, merci. Ce ne sera pas la peine. Il est trop tard, de toute façon. Je l'appellerai demain.

Ce gars lui tapait sur les nerfs. Il n'avait rien fait de mal, bien évidemment, mais la perspective de passer son séjour avec une personne aussi timide, aussi hésitante sur ses mots et ses actes, le révulsait. Il était habitué à un milieu où les remarques fusaient, acerbes, et où la moindre hésitation était une opportunité pour l'adversaire de le renverser. Son école était terriblement exigeante, n'acceptait que les meilleurs des meilleurs, et Taehyun en avait fait les frais pendant près de quatre ans. Il fallait savoir se battre pour ne pas se faire marcher sur les pieds, pour conserver une bonne place dans le classement, il fallait surveiller ses travaux pour éviter le vol, la triche, aiguiser son éloquence pour répondre le plus intelligemment possible aux questions des professeurs et aux piques des autres étudiants, toujours surveiller ses arrières car la compétitivité était telle que, déjà, de bons élèves avaient eu de mauvaises expériences. Si cette grande perche mettait les pieds dans son école, il se ferait tout de suite dévorer par les plus voraces.

Le noiraud le toisa une dernière fois du regard, sans même s'en cacher, avant de sortir chercher son sac. Il n'avait qu'une envie, le jeter dehors. Mais il n'en avait pas légalement le droit, du moins pas pour l'instant. Taehyun espérait qu'une fois avoir pris contact avec le propriétaire, il pourrait enfin véritablement profiter de sa solitude. D'ordinaire, il aimait sortir avec ses amis, aller en boite, au cinéma ou à la salle d'arcade, mais pendant ces deux mois, son objectif était de se ressourcer, de se couper du monde pour se retrouver avec lui-même et recharger ses batteries sociales, usées par son milieu étudiant et son stage professionnel. Il avait juste besoin de ne plus voir personne pendant un certain temps, de ne plus avoir à faire semblant, à contrôler ses arrières en permanence, à presser son cerveau pour en sortir le meilleur, ne plus avoir à parler, à réfléchir à ses mots pour les utiliser de façon claire et efficace. Il voulait juste, il nécessitait juste, de s'isoler.

Et ce Choi Soobin – il avait lu son nom sur ses documents de réservation – venait contrecarrer ses plans.

―+.°•―

Et voilà le début, le commencement, l'origine de ce que nous appellerons "un taebin bien fluff bien mignon" :D

A mardi prochain pour la suite 👋

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