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          Cet après-midi, Taehyun et Soobin retournaient au champ à l'arbre. Ce lieu était devenu leur petit repère, là où ils s'ouvraient l'un à l'autre, où Taehyun s'amusait à draguer ouvertement son ainé, là où Soobin aimait s'endormir auprès de l'homme qu'il aimait, au soleil. Ce jour ne dérogeait pas à la règle. Mais aujourd'hui, Soobin comptait bien engager une discussion sur ce qu'il se passait entre eux. Il avait d'abord cru que le jeu de flirt de Taehyun n'était qu'un moyen de le titiller, pourtant le noiraud continuait malgré ses commentaires. Voulait-il lui faire passer un message ? Mais Soobin ne voulait rien tenter tant que les choses n'étaient pas claires. Et Taehyun savait déjà qu'il l'aimait. Le violet ne comprenait pas vraiment. Si ses sentiments étaient réciproques, pourquoi Taehyun ne se lançait pas tout simplement ? Il n'avait pas à craindre un quelconque échec.

Soobin pressa le noiraud dès que celui-ci sortit de la salle de bain, habillé pour leur petite sortie. Il avait déjà préparé les vélos, le goûter, la nappe et les boissons, il ne restait que son cadet pour compléter le lot.

+

           Leur après-midi s'était déroulé à merveille en compagnie des vaches, des rayons du soleil et d'une agréable brise fraiche descendant des montagnes au loin. Quand le soleil commença à descendre, ils reprirent le chemin vers la location. Il n'était pas tard, seulement dix-huit heures, mais Soobin tenait à cuisiner un plat que sa mère lui avait appris à préparer, pour le diner de ce soir. Taehyun enfourcha son vélo et cria, déjà loin devant, que le dernier arrivé devrait épouser l'une des vaches de Kai. Soobin souffla. Il n'avait pas envie d'épouser une vache, son cœur appartenait à un humain. Toutefois, cet humain avait esquivé tout l'après-midi la discussion qu'il aurait aimé avoir avec lui. Soobin était réticent à l'idée de forcer la main à Taehyun. Il n'avait pas oublié quel genre de personne le noiraud était encore quelques semaines auparavant, il en avait encore peur. Mais, tôt ou tard, le sujet devrait être amené sur la table. Ils n'avaient pas d'autre choix.

La porte du garage était déjà ouverte quand l'artiste parvint enfin à la maison. Il trouva Taehyun en train de ramasser sa moto à l'abri, le visage rouge.

― Ils annoncent des orages pour cette nuit, encore.

― Ça n'en finit plus...

Le motard tira la béquille de son véhicule et s'épousseta les mains avant de lui faire un grand sourire, un sourire moqueur qui annonçait la couleur.

― Alors, quelle vache veux-tu épouser ?

― Celle en face de moi, répondit-il du tac au tac, surprenant Taehyun l'espace d'une seconde.

―... Dommage que le mariage entre motos et humains ne soit pas légal.

Et voilà, encore une esquive habile du plus jeune. Soobin ne releva même pas son regard inquiet, il savait déjà que Taehyun refusait de discuter de ce sujet. Il avait sûrement besoin de temps. Leur relation amicale n'avait que trois semaines, après tout.

Le soleil brillait encore à travers la baie vitrée de la cuisine quand Soobin se mit aux fourneaux. Il s'était douché et, pour le bonheur de Taehyun – et de sa peau qui réclamait de l'air frais – il avait revêtu son débardeur noir. Le violet joua avec les casseroles et les couteaux comme s'il avait cuisiné toute sa vie, et le plus petit l'admirait entre deux pommes de terre à éplucher. Et soudain, Soobin se stoppa. Il semblait réfléchir, réfléchir à s'il devait dire ce qu'il voulait dire ou non. Et Taehyun déglutit. Il n'y échapperait pas, cette fois-ci.

― E- écoute, Taehyun.

― J'écoute...

― Tu te souviens de cette nuit, après la soirée à la villa ?

Oh oui, il s'en souvenait. S'il le violet ne dormait pas avec lui, Taehyun pouvait être sûr de revoir les images de ce à quoi il avait échappé ce soir-là, de sentir des contacts indésirées, d'entendre des mots qu'il aurait préféré ne jamais entendre... Il y repensait parfois dans la journée, mais Soobin apparaissait toujours dans ces instants pour lui parler de la pluie ou du beau temps, ou bien de l'écureuil qu'il avait vu dans la cour.

― Je t'ai dit que je t'aimais, et tu ne m'as jamais répondu clairement, expliqua Soobin en se retournant.

― J'étais bourré, et choqué.

― Tu esquives le sujet depuis... Et ne me sors pas que tu as oublié depuis le temps, ou je ne sais quoi. Aujourd'hui en est un très bel exemple.

― Soobin...

Taehyun laissa ses pommes de terre pour se concentrer pleinement sur le violet. Il n'avait aucune envie de discuter de ça, il voulait juste passer le reste de ses vacances dans le climat agréable qu'ils avaient réussi à instaurer entre eux. Sans que l'ombre de non-dits ne viennent le gâcher. Il soupira avant d'ouvrir la bouche, prêt à lâcher une broutille pour s'épargner cette conversation, encore une fois, mais Soobin le coupa.

― Il faut qu'on en parle. Je t'aime, tu le sais, et tu n'arrêtes pas avec ton flirt. On dort ensemble, tu t'occupes de moi, tu ne refuses jamais mes approches et... et il y a ces regards que tu me lances, parfois. Je sais pas quoi en penser, tu rends les choses pas claires...

― Parce que je sais que ça te fait plaisir.

― Et pourquoi tu veux me faire plaisir ? Tu peux me faire plaisir amicalement, si tu n'as pas envie de quelque chose de romantique avec moi. Je comprendrais !

― Eh bien moi je comprends pas comment tu peux m'aimer après tout ce que je t'ai fait.

― Je sais pas moi-même. Mais... tu vois ? Tu esquives encore ma question. Pourquoi tu fais tout ça, Taehyun ?

― Parce que c'est le moyen le plus facile de te faire sourire ?

Soobin leva un sourcil. Donc Taehyun préférait la facilité plutôt que de s'investir pour qu'ils deviennent amis, sans zones d'ombre. C'était décevant. Il soupira, posa la cuillère en bois qu'il tenait sur la table et s'assit à la table, en face de l'autre.

― Tu fais aucun effort.

― C'est dur de me racheter après tout ce que je t'ai fait.

Le violet pencha la tête sur le côté. Il ne s'était pas attendu à ça.

― T'imagine ? Devenir ami avec toi après t'avoir insulté et harcelé comme je l'ai fait, c'est presque impossible !

Il voyait le fond du problème, maintenant. Soobin savait que nouer une amitié avec lui n'était pas bien compliqué. Même les brutes de sa promotion prenaient un verre de temps en temps avec lui. Il était un ange, toujours gentil, toujours heureux d'aider, de discuter ou de sortir au cinéma avec d'autres, et Taehyun n'aurait sûrement eu aucune difficulté à se faire apprécier de lui s'il n'y avait pas eu ses sentiments, qui lui avaient facilité – trop, visiblement – la tâche.

― Donc... tu profites du fait que je t'aime pour te satisfaire toi, pour soigner ton égo, pour te sentir moins coupable parce que tu remplis ton rôle de pseudo petit copain pour moi. Je vois...

― C'est pas ça, fit le noiraud en levant les yeux au ciel.

Le plus grand passa une main sur son visage. Taehyun n'avait jamais changé, en réalité. Maintenant qu'il sortait un peu de la vision toute rose, brillante et entourée de cœurs qu'il avait de son colocataire, il voyait désormais toutes ces mimiques, ces mots, ces tons qu'il employait depuis le début de leur cohabitation et qu'il n'avait jamais cessé d'utiliser.

― Est-ce que t'es sincère dans ton comportement avec moi, au moins ? J'en doute.

― Soobin, tu veux me donner une chance ou non ?

― Pourquoi je t'en donnerai une ? Tu l'as déjà, ta chance. Et ce depuis plus de trois semaines.

― Vas-y, crache ton venin.

La situation dérapait, dangereusement. Soobin apercevait déjà l'issue de leur confrontation : ils revenaient à la relation qu'ils avaient entretenue tout le mois dernier. Ils redevenaient pires ennemis, pour le simple fait que lui avait voulu éclaircir leur relation, et que Taehyun s'était braqué. Il n'avait pas changé en presque un mois, il avait juste enfoui son attitude exécrable sous une couche bien rose de gentillesse et de drague.

― Très bien. Si tu veux qu'on redevienne ennemis, t'as juste à demander.

― Soobin, tu sais que c'est pas ce que je veux.

― C'est bien ça, le problème. T'as eu ta chance pendant tout ce temps, je t'ai laissé faire tes sous-entendus en t'assurant sans cesse que je t'aimais, histoire que tu n'hésites pas, si jamais c'était ton cas aussi. Et toi, qu'est-ce que tu as fait ? T'as préféré jouer avec mes sentiments.

― Je joue pas avec tes sentiments.

― Oh si, c'est exactement ce que tu fais.

Taehyun se leva. Il en avait marre. Soobin refusait de l'écouter. Mais, après tout, qu'avait-il de bon à dire ? Non, il ne l'aimait pas, le violet n'était pas son genre et ils étaient partis sur de très mauvaises bases. Il n'y aurait rien de bon à tirer d'une relation telle. Cependant, il n'avait jamais voulu se moquer de lui. Il avait seulement cru bon de se servir de ses sentiments pour le faire se sentir aimé, pour coller un sourire sur son visage, pour être celui qui le rendrait heureux après tout le mal qu'il lui avait fait. Soobin extrapolait simplement la situation. Le noiraud passa ses pieds dans ses claquettes avant de poser une main sur la poignée de la baie vitrée.

― Je sors. Cette discussion est terminée.

― Oh non, Soobin agrippa son bras. Tu restes là.

Il ne l'avait pas vu se lever. Taehyun remonta les yeux sur le torse imposant de son ainé jusqu'à croiser son regard, noir, un peu plus haut que le sien. Il le regardait de haut, avec des yeux noirs et bouillonnant d'une rage qu'il gardait sûrement enfouie depuis cette soirée à la villa. Tout s'était passé tellement vite, cette nuit-là. Ils étaient passés d'ennemis jurés à amis, en quelque sorte, d'une façon si brutale et si forcée que rien n'avait été oublié. Leur relation tumultueuse s'était seulement mise sur pause le temps d'une parenthèse pseudo romantique.

― Soobin, je sais que c'était pas le meilleur truc à faire mais j'ai jamais voulu te faire du mal, et tu le sais. Sinon, pourquoi j'aurais changé comme je l'ai fait ?

― Tu n'as pas changé. Tu as juste modifié ton attitude pour t'accorder à mes sentiments.

Le noiraud pinça les lèvres. Il s'en prenait plein la tête, et c'était justifié. Il s'était comporté comme un idiot, à ne pas savoir ce qu'il voulait réellement.

― Tu te plaignais d'avoir eu des aventures foireuses avec d'autres gars avant, que c'était la source de ton homophobie. Mais tu veux savoir un truc ?

― Je sais ce que tu vas me dire. Mais je suis pas comme eux.

― Oh que si, Taehyun. Tu es comme eux. Tu es même pire.

Un regard, un grognement. Puis une claque. Taehyun tourna les talons vers sa chambre sans même un regard pour celui qu'il venait de blesser, une fois de plus.

Soobin resta planté là, au pied de la baie vitrée, alors que l'orage faisait rage au dehors. Il avait merdé. Il était allé trop loin. Mais tout ce qu'il avait dit, il le pensait. Il aimait peut-être l'autre, mais Taehyun refusait d'ouvrir les yeux. Et c'était son problème, pas le sien. Un éclair frappa, le tonnerre gronda, et Soobin ne retint plus les larmes qui menaçaient de couler depuis l'instant où le ton était monté. Il éclata en sanglot sous la lumière blanche de la cuisine, dès l'instant où il comprit ce qu'il se passait dans la chambre de son colocataire.

Taehyun remballait ses affaires. Et Soobin n'avait même pas la force de le retenir.

Le noiraud fourra le peu de vêtement qu'il avait amené dans son sac. Il pleuvait à verse dehors, mais il ne pouvait plus rester un instant supplémentaire ici. Il avait fait du mal à Soobin, et ce depuis son arrivée ici, malgré toute la bonne volonté dont il faisait preuve ces derniers temps. Ça n'avait pas été suffisant. Il l'avait blessé, il avait senti son cœur se briser sous sa main à l'instant, et Taehyun n'avait aucune envie de le réparer. A quoi bon... il fouterait tout en l'air, encore une fois.

Soobin avait raison, il ne valait pas mieux que tous ces garçons qu'il avait fréquentés. Il était devenu le monstre dont il avait été la victime. Il était une ordure, il était un enfoiré. Pendant ces deux mois, il n'avait fait que blesser, encore et encore, son colocataire.

Il ne méritait pas Soobin, et Soobin méritait mieux que lui.

Taehyun jeta son sac sur son dos, par-dessus sa veste en cuir, et passa ses chaussures avant de se diriger directement vers le garage. Soobin l'attendait à l'entrée du couloir. Le noiraud ne lui accorda pas un regard.

― J'me casse, j'espère que tu trouveras mieux que moi.

― Taehyun, attends !

Soobin s'avança pour le retenir mais le motard ferma la porte du garage sous son nez. Il fit le tour, sortit sous la pluie battante de l'orage. La lumière était jaune dehors, comme dans ces films d'apocalypse qu'ils avaient regardé ensemble ces dernières semaines. Il ignora les gouttes ruisselant déjà de ses cheveux trempés, le débardeur qui collait à sa peau et le tonnerre qui grondait au-dessus de leurs têtes. Taehyun se tenait de l'autre côté de la porte métallique, encore sec, les mains sur le guidon de sa moto.

― Ne pars pas ! J'ai été con...

― Non, Soobin. C'est moi. Tu as raison, je suis une ordure.

Taehyun démarra, avança sa moto sur le bitume. Soobin agrippa sa manche. La pluie s'intensifia.

― Reste au moins jusqu'à la fin des vacances...

― Non. Je vais juste te faire encore plus de mal. Abandonne, Soobin. Il n'y a plus rien à faire.

― M- mais je t'aime...

― Tu voulais une réponse, cette nuit-là...

Le violet retint ses larmes. Son cœur tambourinait dans sa cage thoracique. Le tonnerre fendait les cieux.

― La voilà : je ne t'aime pas.

Un éclair déchira le ciel. Soobin lâcha son bras. Taehyun abaissa la visière de son casque.

L'instant d'après, il avait disparu derrière le rideau des pleurs du ciel. Le son de l'éclair tonna dans le cœur de Soobin. Il se répercuta sur les parois de sa cage thoracique, jusqu'à le faire exploser en sanglots. Ses genoux heurtèrent l'asphalte ruisselant alors que la fatalité s'abattait sur ses épaules.

Taehyun était parti.

Soobin cria toute sa tristesse aux cieux, aux nuages noirs qui reflétaient ses émotions. Un cri déchirant, aussi déchirant que les éclairs au-dessus de sa tête. La pluie battante se mêla au sel de ses larmes, sa voix se noya dans le grondement du tonnerre.

Sous les orages d'été, le cœur d'un artiste s'était brisé.

Sous les orages d'été, l'esprit d'un scientifique refusait d'analyser ses tares.

Ces vacances avaient été une erreur.

fin alternative —

+.°•

Coucou :D oui c'est ça la surprise hihi

Si ça peut vous rassurer, c'est l'ébauche de ce qui devait être la fin originale :D mais j'ai promis que ça se finissait bien alors j'ai lâché l'idée. N'empêche que cette version vaut le coup d'être publiée à mon goût parce que, damn j'aime le angst >:) et j'en profite pour fêter l'anniv de la publication de Blue Hour par cette dose de angst parce que ça fait déjà 2 ans wow

Nous voilà donc à la toute fin de ce petit projet, que j'ai écrit relativement sans prise de tête ça faisait plaisir. Bon j'avais un plan de structuration plus précis, notamment de faire correspondre le milieu des vacances au milieu de la fic mais disons que je me suis laissé emporter par la première partie :D et la romance va un peu vite aussi mais vous me connaissez ;-;

Une réécriture va peut-être suivre d'ailleurs, puisque j'ai pas vraiment fait d'édition et qu'il y a quelques fautes et des formulations bizarres qui mériteraient un coup de balai, je vous redirais en temps voulu

Sur ce, je vous laisse pleurer en paix je m'en vais bosser sur les quelques petits projets qui devraient apparaître sur Instagram prochainement :)

A bientôt, je l'espère, ET DES BISOUS MWAH MWAH

28.02.2022
Deux ans de One day, at Blue Hour, we... 🎉