Chapitre 5

Lorsque j'entrai dans la salle de classe, le professeur Arson était déjà assis à son bureau, la tête penchée, probablement sur la théorie de son cours.

Je laissai tomber mon devoir sur le bureau, ce qui lui fit lever les yeux.

— Voilà les quinze pages, lui dis-je sèchement, tout juste avant de lui tourner le dos et d'aller m'asseoir entre Grace et Lina.

Arson ne fit aucun commentaire, se contentant toutefois de vérifier si j'avais bel et bien rempli toutes les lignes, puis rangea le devoir dans son cartable. La classe se remplit rapidement, sans surprise. Après tout, les fantômes représentaient le point culminant du paranormal. Tout était basé autour d'eux d'après ce qu'on disait.

— Bienvenue dans la classe des Poltergeist, dit Arson avec un sourire charismatique.

Je vis Lina papillonner des yeux en le regardant. Quelle idiote !

— Quelqu'un peut-il me donner la signification d'un Poltergeist ? demanda Arson.

Plusieurs mains se levèrent et ce fut finalement Grace qui eut le droit de parole.

— En allemand, ce terme désigne un Esprit frappeur, répondit-elle. Ils manifestent leur présence par des bruits contre des murs, des cris, des déplacements d'objets, des clignotements de lumière et parfois par des apparitions d'entités.

— Bien. Maintenant, quelqu'un pourrait-il me dire comment entrer en contact avec eux.

Je songeai qu'il fallait être malade pour penser une seule seconde à communiquer avec eux. Je ne pus toutefois retenir un commentaire.

— On appelle SOS fantôme, ironisai-je.

Arson claqua son cahier de notes sur son bureau, me faisant sursauter.

— Mademoiselle Vince, c'est mon dernier avertissement. La prochaine fois, ce ne sera pas un devoir que je vous donnerai, mais un allé simple vers l'Amérique, est-ce clair ?

— Oui, Monsieur, répondis-je en serrant les dents.

— Dans ce cas, pouvez-vous me donner une autre réponse que cette stupidité que vous venez de me sortir ?

— Il faut probablement se trouver dans un endroit où il y a eu des morts. Ceux-ci doivent avoir trépassé de façon suspecte. Un meurtre, par exemple. Ils ont alors décidé de ne pas suivre la lumière et rester. Toutefois, ce n'est pas une raison suffisante pour entrer en contact avec les personnes vivantes.

— Oh ! Nous avons donc une experte en crime !

J'étais justement sur le point d'en commettre un...

— Parfois, lorsqu'on croit trop en quelque chose, on peut se tromper, continuai-je. Par exemple, un coup sur un mur peut provenir de différentes sources.

— Donc, nous sommes tombés sur une sceptique, fit Arson avec un sourire narquois. Je ne suis toutefois pas surpris le moins du monde.

J'eus envie de me lever et de partir en claquant la porte, mais ce geste mettrait sans aucun doute fin à mon séjour au Dark Castle et je n'étais pas encore prête à retourner chez moi. Je voulais élucider le mystère de ces soi-disant revenants.

— Alors, prouvez-moi que les Poltergeist existent, lui lançai-je d'un ton effronté.

Le reste de la classe avait suivi l'échange avec intérêt et plusieurs n'attendaient que cela ; une preuve. Arson, quant à lui, haussa un sourcil.

— Justement, fit-il, quelqu'un aurait-il remarqué quelques manifestations inexpliquées depuis le début de son séjour ici ?

Quelques mains de levèrent.

— J'ai cru voir une silhouette dans un miroir, l'autre jour, répondit un garçon.

— Et moi, j'étais devant le feu de la cheminée lorsqu'il s'est brusquement éteint, ajouta une dame.

— J'entends tous les soirs des grattements dans le salon à côté de ma chambre, dit Lina. J'ignore seulement si c'est une souris ou pas.

J'étouffai une toux pour calmer mon fou rire.

— Il y a une armure dans notre chambre, commença Grace, et chaque fois qu'on la déplace, elle revient au même endroit. Le matin, elle se tient toujours près du lit d'Or.

La salle de classe devint aussitôt silencieuse. J'en perdis l'envie de rire. J'étais à peine éveillée lorsque je m'étais levée, la veille et, lorsque j'étais revenue dans ma chambre, j'avais cru que quelqu'un avait déplacé une fois de plus la vieille armure.

— En plus, j'avais vraiment la frousse lorsque je me suis réveillée et que je me suis rendu compte qu'Or n'était pas dans la chambre. J'étais toute seule avec cette antiquité.

Je pâlissais à vue d'œil. Ma colocataire avait-elle tout inventé de A à Z pour avoir quelque chose d'intéressant à dire ou quelqu'un lui avait-il fait une farce ? Elle aurait toutefois entendu un bruit de ferraille, non ?

— J'enverrai quelqu'un vérifier, dit seulement Arson, comme si c'était un phénomène tout à fait naturel.

Je ne portai pas attention au reste du cours, un peu chamboulée par ce que Grace avait dit. J'entendis toutefois le professeur expliquer notre devoir. Nous devions, pour le prochain cours, ouvrir l'œil (et l'oreille) afin de rapporter au moins une manifestation.

— Pour cela, vous devrez vous promener dans le château et, s'il vous plaît, restez calmes si quelque chose se produit. Vous ne ferez que les énerver si vous vous mettez à crier.

Il jeta un coup d'œil vers Lina et moi en disant ces mots.

— Si jamais un Poltergeist s'avère agressif avec vous, venez immédiatement me voir, ajouta Arson très sérieusement.

Les élèves discutaient tous avec enthousiasme en sortant du cours. Je restai la seule silencieuse. Peut-être faisais-je partie d'une téléréalité sans en être consciente. Je levai la tête et cherchai rapidement les caméras, mais ne vis rien.

La plupart des gens se dirigèrent vers la salle à dîner et je suivis le groupe.

— Arrête de stresser, me conseilla Grace. Tu as entendu Arson ? Il a dit qu'il allait envoyer quelqu'un nous débarrasser de cette armure.

— Il n'a pas réellement dit cela...

— Non, mais je lui fais confiance. Et rien ne prouve que ce tas de ferraille ne soit possédé par un esprit. Peut-être que quelqu'un nous as joué un mauvais tour pendant qu'on dormait.

Elle se tourna vers son petit copain.

— Ce ne serait pas toi, par hasard ? demanda-t-elle à Patrick.

Celui-ci secoua la tête négativement en continuant à manger.

— Si tu as peur, tu n'as qu'à venir dormir avec moi en attendant que cela soit réglé, suggéra-t-il. Je suis sûr que la direction comprendra.

— Oh ! Tu es trop gentil ! s'exclama Grace en l'embrassant.

— Et moi ? m'enquis-je. Vous allez me laisser seule ?

Grace et Patrick haussèrent les épaules.

— Toi qui ne crois pas aux Poltergeist, tu sembles avoir la trouille, me dit Patrick en ricanant.

Je n'étais pas une poltronne !

— Je vais vous prouver que cette armure n'est pas hantée, leur dis-je en mordant dans mon sandwich. Fin de la discussion.

La nuit tirait à sa fin et je me retrouvai seule dans ma chambre. Grace-la-traîtresse était partie dormir avec son copain. Je pris une très longue douche afin de retarder le moment où je me coucherais, mais la fatigue eut raison de moi.

Assise dans mon lit, j'essayai de combattre l'envie de dormir tout en fixant l'armure à quelques mètres de moi. Elle me fichait vraiment les jetons. Incapable de la déplacer seule ; j'avais dû la laisser dans cette position, c'est-à-dire tournée vers mon lit. En plus, son épée avait l'air de tout, sauf inoffensive.

— À qui as-tu appartenu ? lui demandai-je, songeuse. À un chevalier habitant ici, n'est-ce pas ?

Le casque était si opaque que quelqu'un aurait pu s'y cacher.

— J'ai toujours aimé le Moyen-âge, continuai-je. Les histoires de preux chevaliers sont mes préférées. Veux-tu que je te raconte mon histoire favorite ?

Je débutai un monologue sur ma tragédie préférée. Toutefois, c'était très barbant de parler seule. Pourtant, j'eus bientôt l'impression qu'en parlant ainsi, ma peur de lui disparaissait. Je me mis alors à bâiller et mes yeux se fermèrent graduellement, si bien que je plongeai dans le sommeil.

Un bruit sourd me réveilla et je me redressai dans mon lit, alarmée. Je remarquai alors que l'épée que tenait l'armure était tombée par terre, ce qui avait créé une cacophonie d'enfer.

Je bondis hors de mon lit, curieuse. Cette fois-ci, ce n'était assurément pas un coup de vent qui avait fait tomber l'arme. Je m'approchai de l'objet qui faisait deux bonnes têtes de plus que moi.

La statue de fer resta immobile, mais je sursautai une fois de plus lorsque trois petits coups provenant de mon placard se firent entendre.

- Et puis quoi encore ? On ne peut pas reposer en paix, dans ce château ?

Je ricanai en songeant à l'ironie de mes paroles. Si cet endroit était bel et bien envahi par des esprits-frappeurs, ceux-ci ne reposaient apparemment pas en paix. Alors, pourquoi le ferais-je ?

Je me tus toutefois, car la peur commençait à grandir en moi. J'étais seule dans cette chambre où des choses bizarres se produisaient. La fatigue n'y était manifestement pour rien.

Puis, je secouai la tête. C'était encore une mauvaise blague. Ce château en était une à lui seul. Je pris une grande inspiration, puis me calmai. Voilà ! J'étais prête à affronter une autre manifestation.

Cependant, je crus m'évanouir lorsque les portes de l'armoire s'ouvrirent d'elles-mêmes et que deux morceaux de vêtements tombèrent sur le sol. Nom d'un Sunday-au-fraises-et-chocolat-nappé-d'un-coulis-au-caramel-recouvert-de-bonbons-roses !

J'envisageai de prendre mes jambes à mon coup, mais de quoi aurais-je l'air si on me voyait sortir comme une furie de ma chambre ? Je refusais qu'on se moque de moi. J'étais courageuse et j'allais le prouver.

Je me retournai alors vers l'armure.

— Tu n'es pas sensé être un preux chevalier et me protéger ? lui demandai-je.

Sauf qu'elle ne répondit rien, évidemment.

— Je suis en train de devenir folle et, en plus, je me parle toute seule, ajoutai-je.

Je m'avançai prudemment vers les vêtements qui jonchaient le sol : un petit bustier noir et rouge et une jupe évasée en dentelle noire. Ils semblaient à ma taille.

Je me tournai vers l'armure, sceptique. Voulait-elle que j'enfile ceci ? Jamais je n'avais porté quelque chose d'aussi...révélateur. Pourtant, le bustier était fort joli.

Tout en poussant un long soupir, j'attrapai le haut et le mis. Quant à la jupe, non merci ! Les jupes et moi, ça faisait deux ! Je préférais une bonne paire de jeans confortables.

Je m'apprêtais à sortir de ma chambre lorsque je trébuchai et m'affalai sur le tapis. Qu'est-ce qui se passait ? Soudain, on me tira par la jambe, bien qu'il n'y ait personne.

— C'est quoi ce bordel ? m'écriai-je en essayant d'empoigner le tapis.

C'était comme si une force invisible me tirait. Aucune technologie, à ma connaissance, ne pouvait effectuer ce tour. Alors, je réalisai que je n'étais pas seule dans cette chambre.

Mes nerfs lâchèrent alors et je me mis à hurler tout en me débattant.

Au même instant, la porte s'ouvrit sur Grace, qui avait les yeux écarquillés de surprise.

— Qu'est-ce que tu fais par terre ? me demanda-t-elle.

Je me redressai de peine et de misère. Je remarquai alors que mes coudes avaient été brûlés par le tapis lorsqu'on m'avait traînée par terre. Mince alors ! En plus, ça commençait à chauffer.

— Je me débattais contre un fantôme qui essayait de m'habiller, répondis-je.

Grace éclata de rire, ne me croyant visiblement pas.

— Belle jupe ! me lança celle-ci. Je ne pensais pas que c'était de ton style.

Je baissai les yeux et laissai échapper une exclamation d'horreur lorsque je m'aperçus que je portais le vêtement que j'avais refusé d'enfiler.

Horrifiée, je saisis ma valise et y fourrai mes vêtements au hasard sous le regard médusé de Grace. Je m'élançai vers la sortie, pressée de mettre le plus de distance possible entre cette chambre et moi.

— Hé ! Où vas-tu ? me demanda Grace.

— J'ai besoin d'avoir une bonne conversation avec le propriétaire des lieux, répondis-je. Au fait, ne m'attends pas. Je déménage de chambre.

— Et moi ? Tu me laisses seule ici ?

— Tu iras dormir avec ton copain, rétorquai-je en lui faisant un petit clin d'œil.

Or pour Or, dent pour dent !

Je sortis de la pièce et m'engageai dans les escaliers.

Direction : Bureau de l'Arson-ic !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top