Chapitre 3

Je retins mon souffle, n'osant pas me retourner. Puis, une voix me dit à l'oreille :

— Je déteste l'insolence. Si jamais je t'entends prononcer un mot de plus, je te fous dehors, c'est compris ?

Il faut croire qu'Arson, pardon, le professeur Pietro, était hors de lui puisqu'il avait apparemment oublié de me vouvoyer.

Je hochai la tête, n'osant pas rouspéter. Je n'étais déjà pas dans ses bonnes grâces, alors autant ne pas en rajouter...pour l'instant.

Rouge de honte, je gardai les yeux baissés et me dirigeai vers une table. Ce type allait me rendre folle avant le terme des trois mois.

— Bonjour à tous ! fit l'enseignant avec un demi-sourire. Je suis Arson Pietro, le propriétaire de ce château. Vous pouvez m'appeler Professeur Pietro.

— Arson ? lança un élève. Si on traduit, cela signifie incendie criminel. C'est à vous glacer le sang !

L'enseignant fixa l'élève qui paraissait de mon âge. Il était d'ailleurs assis à la même table que moi. Cheveux à crête, bracelets avec des piques, habits noirs ; il avait l'air d'un petit délinquant.

— Quel est votre prénom ? lui demanda Arson.

— Maxime.

— Dans ce cas, Maxime, si vous m'interrompez une fois de plus, mon prénom vous fera plutôt penser à l'arsenic, compris ?

Du poison ? Charmant !

Mon voisin de table déglutit.

— Maintenant que les présentations sont faites, poursuivit Arson, laissez-moi vous expliquer le déroulement de ce cours. Le Dark Castle a eu beaucoup de propriétaires, mais nous allons remonter au premier, celui qui l'a construit au XVe siècle, qui est Dragomir Pietro, mon ancêtre.

Pietro ? Ce nom ne faisait pas très écossais !

— Comme vous l'avez sans doute deviné, Dragomir n'était pas originaire d'ici, mais plutôt de la Roumanie. C'était le cousin éloigné du comte Dracula.

— Quoi ! s'écria quelqu'un dans la classe.

— Vous avez bien compris, fit Arson d'un ton acrimonieux. Dragomir et Dracula n'ont jamais été en bons termes. À ce qu'on dit, Dragomir lui vouait une haine infinie sans que l'on ne sache pourquoi. Un beau jour, il a défié Dracula et celui-ci l'a exilé. Dragomir est parti et a choisi de s'installer en Écosse. Pourquoi ? Aucune idée. Il a, par la suite, fait construire ce château et s'y est installé après environ cinquante ans de travaux

J'étais bouche bée ; j'avais traversé l'océan Atlantique pour entendre ce tas d'âneries !

Un étudiant leva la main et Arson lui permit de poser sa question.

— Si je comprends bien, vous êtes en train de nous dire que ce château est le repaire d'un vampire.

— Était, le corrigea l'enseignant. Il n'habite plus ici depuis plusieurs centaines d'années.

— Où est-il, dans ce cas ? interrogea une femme d'une cinquantaine d'années. Les vampires ne sont pas sensés vieillir, alors il ne doit pas être mort.

Je clignai des yeux. Rêvais-je ou quoi ? Tout le monde écoutait l'enseignant comme si c'était monnaie courante de parler de vampires. Pire encore ! Ils semblaient tous croire à cette histoire...

— C'est un mystère pour tout le monde, répondit Arson. Certains racontent que son petit-fils l'a tué en lui enfonçant un pieu dans le cœur, d'autres disent qu'il s'est exposé au soleil et en est mort et plusieurs croient qu'il est toujours vivant, coincé dans un caveau sous le château.

Le silence se fit dans la salle, jusqu'à ce que...j'éclate de rire. Tous les regards convergèrent vers moi, ce qui me fit aussitôt taire.

— Que trouvez-vous de si drôle, mademoiselle Vince ? me demanda le professeur sur un ton dangereusement menaçant.

— L'histoire au complet, professeur, répondis-je en insistant sur le dernier mot. Je suis venue ici pour étudier l'histoire réelle et vous nous racontez une légende sans queue ni tête. Je veux l'histoire vraie, pas les racontars qui se sont transformés au fil des siècles.

Grace étouffa un cri en plaquant sa main contre sa bouche tandis que Patrick semblait vouloir disparaître. Les autres élèves, quant à eux, me regardaient comme si je venais de commettre la pire gaffe de ma vie. Arson s'approcha alors de notre table en me fixant droit dans les yeux. Oups ! J'allais y goûter !

— Aurore Vince, susurra-t-il en se plantant devant moi, me dominant de sa hauteur. Je dois avouer que lorsque je vous ai vue arriver, hier, j'étais certain que vous ne resteriez pas plus de cinq minutes. Des petites impertinentes comme vous, j'en ai vu passer dans ma vie, mais pas au point de remettre en question les cours que j'enseigne depuis...

— Cinq ans, répondis-je à sa place. Si vous avez un master en enseignement, cela ne doit pas faire plus de cinq ans que vous enseignez.

Là, je crus voir ses yeux s'assombrir dangereusement. L'ambiance de la salle s'était soudainement réfrigérée.

— Vous vous croyez où, Aurore ? grogna Arson.

Grogner était le terme adéquat.

— Nous ne sommes pas à l'université, ici. Les petites demoiselles comme vous ne restent habituellement pas plus d'une semaine, alors vous allez me faire le plaisir de sortir d'ici et de ne revenir que lorsque votre insolence sera calmée, est-ce clair ?

Je me contentai de hocher la tête, n'osant pas le contredire.

— Dehors ! vociféra Arson, me faisant sursauter. Et comme devoir, faites-moi une dissertation de quinze pages sur les causes plausibles de la disparition de Dragomir Pietro.

— Vous aviez dit que les devoirs étaient seulement occasionnels.

— Pour vous, mademoiselle, le mot « occasionnel » deviendra « souvent » si vous continuez ainsi.

J'ouvris la bouche pour contester, mais la refermai lorsque je vis le regard de Grace me suggérant de ne pas en rajouter. Je me levai donc avec toute la dignité qu'il me restait.

— J'espère que cela sera rentré dans votre petite tête d'ici le prochain cours, miss Vince, sinon vous êtes libre de boucler vos valises et de reprendre le train, ajouta Arson, très sérieux.

Je me dirigeai vers la porte mais, juste avant de sortir, je me détournai et plongeai mon regard dans celui d'Arson.

— Si je puis me permettre, professeur, votre nom vous va très bien. Vous vous enflammé facilement !

Sur ce, je tournai les talons avec un petit sourire victorieux, tout juste avant de comprendre que je venais de provoquer le propriétaire du Dark Castle.

Je me retrouvai seule au beau milieu du couloir, les autres élèves étant tous en cours. Regrettais-je mon attitude ? Absolument pas ! Si j'avais su que des escrocs se prendraient pour des enseignants, jamais je ne me serais déplacée ! J'aurais dû comprendre lorsque j'avais lu sur le formulaire qu'aucun remboursement ne me serait accordé si je décidais de partir.

J'errai dans les couloirs comme un fantôme et ouvris plusieurs portes, curieuse. L'une d'elles déboucha sur des escaliers en colimaçon que je m'empressai de monter. J'arrivai alors à un autre étage dont j'ignorais l'existence. Ce château était rempli de mystère !

Je m'avançai ensuite dans le couloir suivant, qui était malheureusement plongé dans l'obscurité. Je marchai à tâtons tout en continuant mon chemin. L'endroit était désert et toutes les pièces se ressemblaient. C'était des chambres à coucher vacantes dont on n'avait pas fait le ménage depuis plusieurs années si je me fiais à la couche de poussière qui recouvrait les meubles.

Lasse de ne rien trouver de fascinant, je montai une étage de plus. Cette fois-ci, le couloir était bien éclairé et les lieux semblaient habités. Deux grosses portes en chêne massif attirèrent mon attention. Je les poussai avec soin et tombai sur une salle qui me laissa sans mot.

La bibliothèque. Bingo ! J'étais si impatiente de découvrir cet endroit !

Le site internet n'avait pas menti puisque la bibliothèque était exactement telle que je me l'étais imaginée : immense et remplie de milliers de livres. Elle comportait deux étages accessibles par des échelles et tout le mobilier était en acajou. Le toit était si haut que je me demandais s'il y en avait un. Finalement, je ne regrettais pas le déplacement. La vue de cet endroit resterait à jamais gravée dans ma mémoire.

À cette heure-ci, la bibliothèque était vide. J'en profitai pour m'y promener. Je fouillai un peu dans les étagères à portée de main et y vis plusieurs ouvrages sur l'histoire et tout ce qui entourait le paranormal. D'après un bouquin, il y eut, même à l'époque des égyptiens, des faits inexpliqués comme des apparitions d'ovnis, en tout cas, d'après un auteur qui communiquait avec les esprits.

J'avais l'impression de me trouver en plein cœur d'une histoire paranormale. Rien de ce que je lisais n'était prouvé scientifiquement. Moi qui avais pris l'habitude de me baser uniquement sur des faits réels, j'étais très déçue.

Au moment où je songeais à tout cela, un bouquin tomba sur le sol, me faisant sursauter. Puis, toute une panoplie et, ce, à quelques centimètres de moi, me manquant de peu. Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine, puis je levai la tête et poussai un cri lorsque j'aperçus quelque chose se balancer au-dessus de moi.

En fait, ce quelque chose était plutôt quelqu'un. Une fille, plus précisément. Elle était montée dans une échelle et avait apparemment perdu pied, mais s'était rattrapée in extremis, faisant tomber la collection complète d'œuvres d'un des plus célèbres historiens.

— Désolée, me lança la fille du haut de l'échelle. Tu n'as pas été assommée, au moins ?

— Non, sinon je ne serais pas plantée là comme une idiote à t'observer, répondis-je avec un sourire aux lèvres.

La fille pouffa et descendit. Elle paraissait plus jeune que moi. Elle portait ses cheveux châtains relâchés, de grosses lunettes noires lui donnant un petit look studieux et des pantalons noirs avec un chandail vert.

— Enchantée, me dit la fille en souriant. Je suis Lina.

— Aurore, mais on me surnomme Or. Que faisais-tu perchée là-haut ?

— Je cherchais un livre. Savais-tu que plus on monte, plus les livres se révèlent intéressants ?

— Non...

— Il y a des sujets tellement captivants, ici. Je suis sûre que même si j'y passais ma vie, je n'arriverais pas à lire tous ces bouquins.

— Sans doute...Tu n'es pas en cours ?

Lina se mit à rougir.

— Je n'ai pas réussi à me lever à temps, finit-elle par répondre. Vivre de nuit, c'est tout nouveau pour moi. Du coup, je n'ai pas été assez brave pour arriver en plein milieu du cours. Je n'aime pas attirer l'attention sur moi.

Je hochai la tête. Surtout avec Arson comme professeur, ça aurait pu être fort démotivant de se faire exclure pour retard. En fait, de se faire exclure tout court. Je parle bien sûr par expérience. Plus jamais il n'aura droit au respect de ma part.

— Comment as-tu trouvé le premier cours ? me demanda Lina. Est-ce que c'était intéressant ?

— Euh...oui, répondis-je en rougissant. Par contre, j'avais l'impression que l'enseignant racontait des bobards.

Lina haussa les épaules.

— Il doit bien y a avoir une part de vérité, sinon ça n'aurait aucun sens, dit-elle.

— Ça n'a déjà aucun sens. En plus, le professeur Arson me déteste.

— Le propriétaire du château ? Il m'a paru sympathique.

— Sympathique ? Je ne suis pas certaine qu'on parle de la même personne.

— Pourtant, il ne doit pas y avoir deux Arson dans ce château.

— Crois-moi. Un seul est déjà de trop.

Nous rigolâmes tout en continuant à parler. Lina possédait un dynamisme hors du commun et paraissait un peu gaffeuse sur les bords, surtout lorsqu'elle me raconta qu'elle s'était inscrite à la mauvaise école. Lorsqu'elle s'en était rendu compte, il était trop tard pour se faire rembourser.

Comment pouvait-on se tromper d'école ?

— J'étais bourrée et, en revenant d'une petite fête, j'avais surfé sur le net et j'étais tombée sur l'annonce de cette école. J'avais cliqué et m'était inscrite. Puis, lorsque je m'étais réveillée le lendemain, j'avais réalisé ma bêtise. Et toi, quelle est ta raison ?

— La curiosité, répondis-je. Je viens de terminer mon master et j'avais envie d'explorer un endroit hors du commun comme celui-ci.

Une heure plus tard, nous sortîmes de la bibliothèque afin de retourner dans la salle à manger. Nous empruntâmes les escaliers, légèrement éclairés par des torches.

— Cet endroit me fiche la trouille, m'avoua alors Lina. J'espère que ce qu'on en dit est faux.

— Tu veux parler des histoires d'esprits ?

— Ouais. J'en ai lu quelques-unes dans la bibliothèque et il y a eu tellement de morts ici que...

Avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase, quelque chose nous frôla subtilement. Nous nous immobilisâmes, puis, en réalisant ce que c'était, nous hurlâmes comme jamais.

Nos cris se poursuivirent jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre quelques marches plus haut.

— Que se passe-t-il ici ? lança une voix qui nous fit taire.

Nous nous trouvions toujours dans la cage d'escalier et levâmes la tête d'un même mouvement vers le nouveau venu, qui n'était nul autre qu'Arson.

— Arrêtez de hurler à en réveiller les morts, ordonna-t-il. Nous ne sommes pas dans une colonie de vacances.

Je serrai les poings, puis pris une grande inspiration qui me calma.

— Il y avait une chauve-souris, lui expliquai-je. Peut-être même plus d'une. Elle nous a frôlées.

L'enseignant en resta baba.

— Une chauve-souris ? répéta-t-il. C'est pour cela que vous avez alerté tout l'étage ?

— Oui, répondîmes-nous à l'unisson.

— On aurait dit un gros rat avec des ailes, ajoutai-je en frissonnant.

Je vis Arson secouer la tête de gauche à droite comme s'il était découragé.

— Et dire que je vous avais crues courageuses, dit-il.

— Elles peuvent être porteuses de rage, me défendis-je, et ce peut être mortel.

— Vous avez plus de risques de dégringoler ces marches et de vous tuer, dit Arson d'un air méprisant, alors vous allez me faire le plaisir de retourner tranquillement en bas...ET EN SILENCE !

Il claqua alors la porte.

— Tu le trouves encore sympathique ? demanda-je à Lina.

— J'aime bien les hommes impétueux, répondit celle-ci avec un petit sourire en coin. C'est ce qui fait leur charme.

— Tu trouves ? Je préfère les hommes qui sourient. Ils sont plus charismatiques.

— Peut-être, mais derrière leur sourire se cachent souvent une facette que l'on ignore, et souvent elle ne nous plaît pas.

— Oh ! Dans ce cas, je crois qu'Arson nous montre déjà sa facette détestable.

Lina pouffa et nous parvînmes enfin au premier étage. Une fois arrivées dans la grande salle à manger, nous nous installâmes à une table et attendîmes les autres, qui ne tardèrent pas. La salle se remplit graduellement jusqu'à ce que Grace et Patrick arrivent. Je leur présentai Lina, avec laquelle ils semblèrent immédiatement bien s'entendre.

— Vous avez manqué un super cours, nous dit ma colocataire en mordant dans une cuisse de poulet. Arson nous a parlé du premier propriétaire du château. Il était...waouh ! Sans déconner, j'espère qu'il est bel et bien mort, car je n'aimerais pas le croiser. À ce qu'il parait, il était encore plus sanguinaire que Dracula. Mauvais et sans pitié. Il suçait le sang de ses victimes, mais les laissaient en vie pour qu'elles sombrent dans la folie et les ténèbres. Ensuite, il les pourchassait et les transformait en vampire.

Je levai les yeux au ciel ; qui pouvait croire à de telles inepties ?

— Tu penses qu'il n'a pas existé ? me reprocha Grace en fronçant les sourcils.

— Absolument pas. Ils nous ont fraudés, répondis-je. Dire que j'aurais pu me retrouver sur la plage à Bora Bora !

— En effet, tu aurais dû, fit une voix dans mon dos.

Je me retournai et aperçus cette même fille que j'avais croisée au petit-déjeuner.

— Les idiotes comme toi n'ont pas leur place ici, me dit la fille en m'observant comme si j'étais un insecte nuisible.

Elle était accompagnée de deux autres filles, l'une ayant les cheveux rouges, l'autre, bleus et, bien sûr, elles portaient toutes des vêtements sombres et très moulants.

— Qui es-tu pour te permettre de nous parler ainsi ? lui demanda Lina.

La fille lui sourit froidement.

— Je suis Caroline et voici Chloé et Amanda. Et pour répondre à ta question, petite pimbêche, nous sommes les meneuses de ce château. Arson nous donne tous les droits.

Caroline se pencha ensuite vers moi et me glissa à l'oreille.

— Ça a un avantage d'être l'élève préférée du propriétaire de ce château. Alors, fais attention à toi, Or-ange, parce que je pourrais faire de ta vie un cauchemar.

En voilà une autre qui était cinglée !

— Je n'ai pas peur de toi, rétorquai-je.

— C'est ce que nous verrons. Venez, les filles.

Elles s'éloignèrent en nous jetant des regards noirs.

— Je rêve où cette garce vient de te menacer ! s'exclama Lina.

— Je rêve où elle t'a appelée « Orange » ? s'offusqua Grace.

— Je déteste ces filles, sifflai-je. Elles ont quel âge, bon sang, pour se comporter comme des gamines ? Nous ne sommes plus au lycée !

— Chipie un jour, chipie toujours, fit Lina en haussant les épaules.

— Elles sont certes très douées, dit alors Patrick. À ce qu'on dit, jamais un Poltergeist ne leur a fait peur. Elles communiquent avec eux comme vous avec moi et ils les écoutent.

— Ouais, ça reste à voir, ajoutai-je, suspicieuse. Bon, j'ai un devoir à faire. Si je ne m'y mets pas immédiatement, je vais y passer la nuit et toute la journée de demain. Ce sale type m'exaspère.

Grace et Lina pouffèrent tandis que Patrick garda son air posé.

— À tantôt ! me lança ma colocataire.

Je me rendis dans un salon et m'installai avec mon cahier sur un tapis devant une grosse cheminée. Le château était froid et humide et les foyers étaient constamment allumés. Je pris ma plume, qui consistait en un stylo à billes rose, et me mis à réfléchir à ce que je pourrais écrire. Puisque je devais imaginer les causes hypothétiques de la disparition de Dragomir Pietro, alors autant le faire en grand. Une idée me vint alors...Jamais personne n'oserait songer à cela. J'allais composer une histoire à la « Roméo et Juliette » version vampires. Une histoire qui se serait mal terminée et où le vampire se serait lui-même poignardé en plein cœur après avoir perdu celle qu'il aimait. C'était une histoire aucunement crédible, mais tant pis !

Je ricanai à cette pensée, puis commençai ma rédaction. Au fil des heures, la salle se vida et je me retrouvai seule. J'étais pourtant si concentrée que je ne le constatai que lorsque je relevai la tête. Ma vue commençait à se brouiller, signe qu'il était temps que je fasse une petite pause. Je m'étirai comme un chat et jetai un coup d'œil sur les dix pages que je venais d'écrire. J'étais malgré tout satisfaite de moi, mais je savais qu'Arson ne le serait pas. Tant pis pour lui ! Je possédais déjà un master en histoire, alors réussir ou non un petit devoir comme celui-ci ne changerait rien à ma vie. J'allais plutôt pimenter la journée de ce cher professeur. En rirait-il ou en pleurerait-il de découragement ? Telle était la question.

Un grand courant d'air me fit soudain frissonner et je me redressai en regardant autour de moi. La porte était fermée, m'isolant des autres pièces et, par le fait même, des élèves, qui devaient tous être couchés à l'heure qu'il était. Les rideaux du salon étaient tirés, mais je savais que le jour s'était levé depuis longtemps. J'étais habituée à ne pas beaucoup dormir à cause de mes longues nuits études, mais le décalage horaire et surtout, le changement de routine de ce séjour, me causait quelques problèmes. Je décidai donc de poursuivre mon devoir une autre fois. Mon lit m'attendait !

Alors que je rangeais mes effets dans mon sac, le feu de la cheminée s'éteignit brusquement, me faisant tressaillir. Pourtant, j'avais pris soin de l'alimenter et il était encore bien allumé quelques secondes plus tôt. J'aurais dû partir en courant, toutefois, je devais être un peu trop intrépide ou, plutôt, folle, puisque je m'approchai lentement de l'âtre. Les bûches n'étaient pas entièrement brûlées, ce qui était vraiment étrange.

— Ils devraient mieux isoler ce château, remarquai-je à voix haute.

Je ne songeai pas un seul instant à ces histoires de Poltergeist qui se propageaient parmi les étudiants, après tout, les morts étaient morts. Ils ne pouvaient créer du vent.

Je pris une grande inspiration, puis quittai ce salon dans lequel je ne remettrais plus jamais les pieds. Je jetai un regard sur la porte. Les inscriptions avaient presque disparues, mais je pus tout de même les déchiffrer.

« Le salon de Dragomir Pietro » lus-je à haute voix.

Les lumières de la pièce s'éteignirent au même moment, la plongeant soudainement dans l'obscurité, alors et je reculai de trois pas, surprise. Par chance, j'étais sortie au bon moment.

Peut-être que je me trouvais dans une téléréalité et qu'on me filmait en croyant me faire peur. Or, c'était raté. Sans mauvais jeu de mots ! Il en fallait plus pour m'effrayer, comme des chauves-souris...

Je décidai alors de prouver que ce personnage dont tout le monde parlait n'avait jamais existé. J'éplucherais toutes les archives de la bibliothèque s'il le fallait, mais je découvrirais qui il était. Probablement un fou qui vivait reclus dans ce château et qui ne sortait jamais de chez lui.

Je retournai silencieusement dans ma chambre et me glissai dans mon lit, exténuée. Cette première journée de cours avait été riche en émotions et je craignais que le lendemain le soit tout autant.


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