Chapitre un.
Les vacances d'été prennent fin dans cinq jours, je regrette déjà de ne pas être allé à plus de soirées. J'ai l'impression de ne pas avoir asse profité de ceux deux derniers mois. Je viens à peine de rentrer de camping avec mes amis, que ma mère me propose -ou plutôt m'oblige- à venir avec elle rendre visite aux nouveaux voisins qui se sont installés durant mon absence. Je soupire, mais ne proteste pas, sinon je sais qu'elle me privera de sortie. Je sors de mon lit, enfile un tee-shirt troué à quelques endroits qui laisse voir les tatouages sur mes bras, change mes écarteurs et opte pour ceux avec une ancre dessus, et un slim noir déchiré au niveau des genoux et me recoiffe rapidement. Je descends au salon, ma génitrice me lance un regard qui me laisse comprendre que j'aurai pu faire un effort vestimentaire, je lève les yeux au ciel et la suit dehors. Le temps de traverser notre jardin et faire deux pas et nous arrivons déjà devant la porte de la maison voisine. Ma parente sonne à la porte, elle a apporté un panier de cookies fait mains, et je peux sentir leur odeur me caresser les narines, moi elle ne fait pratiquement jamais des confiseries elle-même. D'un côté, je mange à la cafétéria le midi, le matin je bois un verre de jus d'orange et souvent le soir je mange dans ma chambre ou devant la télévision, et le week end je vais en soirée. Alors, nous n'avons pas tellement l'occasion de partager un repas en tête à tête. Je m'éloigne beaucoup d'elle depuis mon entrée au lycée, mais j'ai l'impression qu'elle ne me comprend pas parfois et ça m'énerve vite. La porte s'ouvre au bout d'une petite minute, nous tombons sur une grande femme brune, très fine, aux grands yeux, et au sourire étincelant. Ma mère lui a déjà rendu visite une ou deux fois, et l'a invité à prendre le thé.
« Oh bonjour Johanna. »
« Anne. Elle hoche la tête. Je te présente Louis, mon fils. »
« Ravi d'enfin te rencontrer, j'ai beaucoup entendu parler de toi. »
« Ça ne m'étonne pas. »
Je lance un regard de travers à celle qui m'a mise au monde, le sien est noir, elle soupire et me donne un coup de coude. A chaque fois qu'elle rencontre de nouvelles personnes, elle se sent obligée de parler de moi, de mes goûts, je cite « étrange » et de tout le temps remettre sur le tapis le fait que je sois insolant et qu'elle a l'impression que son fils d'avant a totalement disparu.
« Louis ! »
« Pardon. Bonjour Madame. »
« Appelle-moi Anne. Elle sourit et se décale. Entrez je vous en prie. »
Au moins, elle n'a pas fait de remarque sur mon style comme les anciennes connaissances de ma mère. C'est un bon point. Nous rentrons dans la demeure, et malgré les quelques cartons encore présents dans les coins de la pièce ou sur les étagères, je dois avouer que la pièce est plutôt agréable à regarder. Deux ou trois tableaux sont accrochés au mur, repeint entièrement d'une couleur claire ce qui fait refléter la lumière du jour. Il n'y en a ni trop peu, ni pas assez. De plus, une odeur excellente embaume l'espace. Surement le repas, je suppose.
« Mettez-vous à l'aise surtout. Elle s'approche de l'escalier et élève la voix. Harry, descends, les invités sont ici. »
Nous prenons place sur le canapé. Ma mère m'avait fait savoir que Anne avait un fils d'à peu près mon âge, un an de moins que moi je crois, mais qu'il était très intelligent. Elle nous apporte des verres et des amuses bouches sur un plateau. Peu de temps après, des bruits de pas se font entendre dans l'escalier, et une voix grave résonne.
« Désolé pour mon retard, je finissais de m'habiller. Bonjour. »
Je tourne la tête vers le nouvel arrivant et manque de m'étouffer avec ma propre salive. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer face à ce que j'ai devant moi. Ma génitrice répond à ses salutations, mais moi je reste incapable de dire un seul mot, je hoche juste la tête. Il porte un pantalon noir qui ne le met pas du tout en valeur, des grosses lunettes au rebord marrons qui cache ses yeux, ses cheveux marrons foncés, presque noirs, plaqué en arrière sur sa tête, une chemise fermée jusqu'au col, les manches parfaitement pliés au niveau du poignet, et un gilet crème affreux. Rien ne suit dans sa tenue. J'ai envie d'en vomir. Sur lui. Le parfait intello de base. Je grimace repose mon attention sur le verre de soda entre mes mains tandis que lui, s'assoit à l'autre bout du fauteuil, près de ma mère. Elle commence à discuter un peu avec, en attendant que Anne revienne. Et je sais déjà, alors que nous n'avons même pas encore commencé à manger l'entrée, que je n'aurai jamais dû venir ici.
Une heure plus tard.
Nous sommes enfin à table, le plat de résistance posé au milieu de celle-ci. Je n'ai presque rien dis depuis mon arrivée, je me contente de lancer des regards de travers quand il le faut, ou soupirer face à des remarques agaçantes de ma mère. Harry ne prend pas beaucoup la parole non plus, mais dès qu'on lance une conversation sur un sujet qui l'intéresse, par exemple les études ou les métiers favorables dans l'avenir, il est quasiment impossible de l'arrêter. Il nous expose toute sa science, et j'ai juste envie de me lever et lui en coller une pour qu'il se taise et qu'il comprenne que l'entendre parler à tout va me donne la migraine.
« Et sinon Louis, toi, tu voudrais faire quoi après le lycée ? »
« J'sais pas trop. Je hausse les épaules. Travailler dans l'art, ça me plait bien. »
C'est vrai que je ne réfléchis pas trop à mon avenir pour le moment. Je me concentre sur l'instant présent. Mais je sais que je veux travailler dans le domaine de l'art, je n'ai pas d'idée précise, mais tant que je peux vivre de ma passion tout me va. Ma parente n'est pas trop d'accord avec ça, elle souhaite que je m'engage dans un métier concret, qui me rapportera vraiment de l'argent et de l'estime. Elle veut que je réussisse dans les affaires, comme mon père, mais au final, il n'est presque jamais à la maison. Il revient parfois le week end et deux semaines pendant les vacances. Et ce style de vie ne me plait pas.
« Faudrait quand même que tu commences à te décider Lou. Harry a un an de moins que toi et pourtant il sait déjà ce qu'il veut faire, tu devrais aller te renseigner. »
Je serre les dents et ma mâchoire se crispe. Pourquoi me compare-t-elle tout le temps aux autres ? Elle passe ton temps à me rabaisser ou à me faire des reproches quand je suis en compagnie de ses amis, par contre les compliments elle ne doit pas connaître. Ah oui, c'est vrai que Monsieur Intelligence Suprême, en plus d'avoir passé une classe, nous a fait un monologue de dix minutes lors de l'entrée pour nous expliquer qu'il voulait devenir un brillant avocat. En attendant, moi, ce dont j'ai juste envie c'est de lui plonger la tête dans son assiette de lasagnes pour qu'il arrête de se croire supérieur. Ma mère change de sujet, heureusement pour moi, et commence à renseigner Anne sur le quartier et les différents espaces de cultures. Nous finissons le plat principal. J'ai le ventre plein, et la tête aussi.
« Harry, en attendant que le gâteau finisse de chauffer, Louis et toi pouvez monter dans ta chambre si vous voulez ? »
Mes yeux s'écarquillent. J'ai me retiens de me lever et de crier non, mais ce ne serait pas poli, et ma mère me punirait surement pour ça. Et je ne souhaite pas vraiment avoir encore des représailles de sa part. Le brun hoche la tête, se lève doucement et me lance un regard en coin pour voir si je le suis. Nous montons les escaliers, je regrette déjà d'avoir accepté sans broncher. Il ouvre une porte et je tombe sur une pièce parfaitement rangée. Il n'y a aucun carton, ça sent le propre ainsi que son parfum un peu fruité, je rentre à l'intérieur de sa chambre. Son lit est plié à la perfection, son bureau est blanc comme neuf, et sur tout le long du mur en face de ce dernier s'étend les trois mêmes bibliothèques contentant un nombre affolant de livres. Rangés par ordre alphabétiques et genre. Il y a également un télescope près de la fenêtre. Je vois une télévision et un tas de dvd posés sur une petite table. Eux aussi rangés par ordre alphabétique. Ok, je veux m'en aller maintenant. Ce mec est définitivement maniaque sur les bords.
« Tu... Tu veux faire quoi ? »
Partir. Tout de suite. M'enfuir. Je me sens oppressé dans cet endroit. C'est beaucoup trop ordonné et propre pour moi. Je paris que même ses sous-vêtements sont rangés par ordre de jours. Je parcours la pièce du regard. A part ses livres, il n'a pas grand-chose pour se distraire.
« Tu as des jeux vidéo ? »
« Je n'aime pas ça. »
Ok. J'avais des doutes mais là j'en suis certain, il n'est pas humain. Je le regarde ébahi. Je ne sais pas quoi lui dire. Il fronce les sourcils et reste devant moi alors que je vais m'assoir sur son lit. Il a tout du garçon détestable. Je ne le supporte pas. Vraiment.
« Tu t'amuses avec quoi dis-moi ? »
« Mes livres, et... Et parfois je regarde des documentaires scientifiques. »
« Et tu te distrais avec ça ? »
« Où es le problème ? Chacun ses goûts non... ?»
« Hm ouais. Tu sors avec des amis alors ? »
« Je viens d'arriver il y a quelques jours. »
« Mais avant, tu faisais bien des soirées ou quoi, non ? »
Il secoua la tête et se mit à jouer nerveusement avec ses doigts. Sincèrement, il me faisait de la peine. En même temps, avec un style et une estime de soi pareille, on ne pouvait pas avoir grand nombre d'amis voulant l'inviter à leurs fêtes. Je comprenais ces gens, je ne voulais pas non plus sympathiser avec lui. Il était beaucoup trop... Bizarre. Mais ça ne devait pas tellement le déranger de rester seul avec ses livres, il semblait supporter ça plutôt bien.
« Tu connais des personnes ici ? »
« Non. »
« Si tu continues à être comme ça, t'auras jamais d'amis. »
« Je suis ce que je suis, je... Il déglutit. Je ne vais changer pour personne. »
« Tu devrais peut-être arrêter d'être aussi sérieux et coincé puis... T'habiller plus à... Enfin, trouver des fringues de notre siècle quoi. »
Le visage de Harry se décompose. Je ne réfléchis jamais à ce que je dis, je suis toujours franc et direct, ce qui peut blesser les gens, mais je ne regrette jamais ce que je dis. Il baisse la tête et va s'assoir de l'autre côté du lit, dos à moi. Je soupire. Je l'entends renifler. Il se vexe aussi facilement pour si peu ? Je n'ai dit que la vérité pourtant. Non ? Nous restons de longues minutes dans le silence, comblé seulement par la respiration lourde du brun et parfois ses pleurs. Nous sommes toujours dos à dos. Il ne s'attend à ce que je m'excuse quand même ? Quand je m'apprête à lui demander de cesser de pleurer, sa mère nous appelle pour le dessert. Je suis soulagé. Je sors de la chambre et descends sans même jeter un seul regard à Harry. Il nous rejoint rapidement, je ne vois plus aucune trace de tristesse sur son visage, il l'a remplacé par un petit sourire. Nous entamons le pouding. Nos mères parlent ensemble, lui, ne me jette plus un seul regard. Il me fuit. Il fixe son assiette ou se joint à la conversation parfois mais il ne porte plus aucune attention. Tant mieux.
Au bout d'une demi-heure, après avoir bu un dernier verre, ma mère et moi partons. Je suis ravie de vite m'enfuir et de retrouver ma chambre. Harry sourit à ma mère mais ne me regarde même pas. Anne nous invite à venir nous revoir bientôt, ce que ma génitrice n'hésite pas une seconde à accepter. Je soupire et rentre sans l'attendre. Je me laisse tomber sur mon lit, ayant ôté mon tee-shirt avant. Je me lève finalement pour aller m'assoir sur le rebord de ma fenêtre et m'allume une cigarette. J'espère juste une chose, c'est qu'elle ne me forcera jamais à être ami avec cet imbécile intello. Nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d'onde. Je le déteste. Il est hautain, coincé et trop susceptible. Je ne pourrai jamais m'entendre avec lui. Nos goûts et nos hobbies ne sont pas du tout similaires, et je suis sûr qu'il ne sait parler que des études. Il est peut-être intelligent, mais la science infuse ne fait pas tout. Il faut aussi savoir s'amuser, et à mon avis, il n'a pas du regarder la définition de ce mot dans le dictionnaire.
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