Le Piège (2) - Partie 2


Je ne pensais pas que les prochains jours allaient être aussi... éprouvants.

Nous avions donc été jetés du village. Cet orgueilleux de Zorgan, ce bipède enflammé rayé de bleu, avait réussi son coup.

Meo et Damna ont été, à regret, de nous dire adieux en nous exposant toute leur affection et admiration pour notre courage, ne pouvant se permettre de quitter le Village. Comme si tous Ygnias donnaient sa vie au Village, l'unique regroupement de la Fosse. Nous avions dû leur rappeler encore une fois que nous n'étions pas des dieux ! Et que les Êtres Suprêmes, soit les Loméos, n'en étaient pas non plus !...

Une fois assez loin du village, l'Esprit de l'Éveil jaillit du corps de Dunkello, soudainement pris d'un manque de souffle, comme s'il avait manqué un battement.

Les deux êtres qui se partageaient le même corps se regardèrent, tristement complices.

Manteía, quant à elle, était ravie de cette décision.

— Je peux désormais me montrer à ma guise ! C'est fabuleux !


— Mais, tu vas tout de même devoir revenir dans mon corps de temps à autre, pour achever la Transition, rappela le Goulish, comme légèrement essoufflé.


— C'est vrai, même si les derniers jours cloîtrée dans le corps de Dunkello, je suppose que la Transition est achevée. Tu es même beaucoup plus lumineuse, tu semble entièrement détachée de l'influence maléfique du Général Krýos qu'il appliquait sur toi, contrai-je, doucement.


— Oui, mais Sir Dunkello a raison. J'ai besoin d'un corps pour exister, sinon... je disparais. Alors, je ne dois pas perdre le contact avec l'enveloppe corporelle qui m'a recueilli de moi, répondit Manteía, bienveillante, tâchant de masquer son inquiétude.

L'Esprit et le Ghoulish se regardèrent de nouveau de cette même manière tristement complice.

Je savais que je ne devais pas poser de questions à propos de mon meilleur ami, il viendra se confier une fois qu'il serait prêt.

Et... je ne pouvais me permettre de demander une quelconque information à un être mystique. J'étais bien trop respectueux face à sa prestance, malgré qu'elle avait le physique et la façon d'être d'une adolescente insouciante. Et, je savais bien que chez les êtres légendaires ou mystiques, les apparences étaient souvent trompeuses.

Bref, sur ces mots, nous étions partis à la conquête de la Fosse, prêts à explorer chaque périmètre extérieur. Le moindre recoin de la Fosse n'aura plus aucun secret pour nous !

Nous ne revîmes jamais au Village des Ygnias.

La Fosse était entièrement dépeuplée. Mise à part les Ygnias, il ne semblait n'y avoir nulle autre signe de vie.

Nous étions passés par les Montagnes Flamboyantes, et les Cratères de la Mort, à l'Ouest de la Fosse - oui, nous nous faisions le plaisir d'offrir des noms à ces lieux inconnus.

Oui, de la Mort, ils méritaient parfaitement leur nom.

Ils avaient bien failli nous faire flamber, après nous avoir entraînés par le fond ! Ensuite, nous avons fait face à ces montagnes enflammés qui nous avaient bloquées totalement le passage, n'offrant aucune faille. À l'extrémité Ouest de la Fosse.

Souffrant de ces températures caniculaires, nous nous étions dirigés progressivement vers le Sud, vers ces désert de terres rouges, de rochers, et de cascades rougeoyantes. Rapidement, nous avons retrouvé notre point de départ, avec cette matière visqueuse comme une chrysalide au plafond, qui permettait d'entrer dans la Fosse. Mais pas d'y revenir, comme un aller simple aux Enfer !.

Il restait encore des éléments poisseux sur le sol, désormais brûlants.

— Ce n'est pas ici que nous allons trouvé quelque chose, nous avons déjà exploré cet endroit. Ces « Plaines Luxuriantes » sont le seul territoire que les Ygnias connaissent comme leurs poches, affirma Dunkello, d'une voix fatiguée en se courbant le dos.


— Tu as raison, trouvons un refuge pour passer la nuit, acquiesçai-je, compatissant.

L'Esprit de l'Éveil était entrée plus longtemps dans le corps de Dunkello ce jour-ci...

Je le regardais dormir paisiblement, toujours avec cette respiration saccadée que son corps en état de veille ralentissait au mieux. Parmi ses yeux entrouverts, j'apercevais parfois ces éclats lumineux vermeils, si caractéristiques.

J'aurais pu être pris de compassion, mais tant que Dunkello ne me signalait pas la sirène d'alarme, je ne m'inquiétais pas. Dunkello, mon frère, le plus grand des Héros !...

L'unique pensée morose qui m'habitait était... le manque.

Je me sentais vide. Lui, il avait Manteía qui veillait sur lui. Sur moi aussi, mais surtout lui. Et, Siræ me manquait.

Ce n'était pas le même manque que je ressentais pour Spýra, ou encore Iréna... Non, ce manque ressemblait à celui que je ressentais pour mes parents, et surtout ma mère...

Être en connexion avec quelqu'un, tel qu'il soit, et ensuite être séparés, surtout de manière brutale, est une douleur synonyme à la perte d'un proche très proche. Et, je dirais même plus, étant donné qu'avec cette connexion, moi et Siræ ne faisions plus qu'un, alors... c'était comme si, j'avais l'impression d'avoir perdu une partie de moi. Comme si... j'étais incomplet.

En plus, les propos de Manteía m'inquiétaient, et si Siræ disparaissait à force d'être éloignée de moi ?... Je ne m'en remettrais jamais !

Mais après tout, elle n'était pas un esprit, même si elle représente l'Esprit, la faculté de conscience que possèdent nos peuples, tentai-je, afin de me rassurer, vainement...

Je laissais ma solitude irréparable sans son retour me ronger.

La lassitude finit par avoir raison de moi, et le sommeil parvint à me cueillir...

J'entendais les gémissements aigus et innocents de l'Esprit de l'Éveil, me réveillant plus ou moins en douceur. Même pas le temps de se réveiller, que hop ! direction la partie Est de la Fosse !

Nous ne pouvions pas vraiment prendre soin de nous, au sein de cette Fosse. C'était véritablement le moment d'attraper une infection...

Nous découvrions, après le cercle de pierres rouges et celui de sable rouge entourant le Village des Ygnias, ce que nous pouvions appeler les « Vagues Pourpres ». Un champs de sable pourpre formant des vagues profondes et rapprochées. Des cascades de lave bordaient l'extrémité.

Mais, nous devions nous rendre à l'évidence : Il n'y avait absolument pas d'air ici. La sortie ne pouvait donc pas être de ce côté.

Suite à ce désert pourpre, toujours côté Est, se trouvait la chose que nous ne rêvions absolument pas de trouver... un terrain vague de mines !

Boum ! Boum ! Boum !

Et, à notre plus grand malheur, nous étions à penser si ce n'était pas chaque grain de sable qui était explosif, tellement les explosions étaient fréquentes...

Même si nous ne les déclenchions pas, elles le faisaient d'elles-mêmes, comme si elles communiquaient entre elles.

Mais... comme les mauvaises surprises ne viennent que rarement seules, il fallait ajouter un deuxième malheur à notre liste.

Par réflexe, Manteía fondit dans le corps de Dunkello.

Alors que nous étions dans une descente, deux Ygnias sautèrent devant nous. Deux autres étaient postés sur nos côtés. Et, un autre être de feu se trouvait en haut de la colline, prêt à bondir sur nous.

— Ils nous ont suivis ! m'écriai-je, sentant la crainte m'envahir.


— Ils n'ont pas l'air très amical... confirma le jeune Ghoulish, tenant fébrilement sur ses fines jambes squelettiques.

Les deux premiers se jetèrent sur nous.

Par instinct, j'eus le désir profond d'appeler Siræ... En me rappelant, les larmes aux yeux, que j'étais seul. Totalement seul.

Dunkello était incapable, ne serait-ce, de se défendre. En vue de son état chancelant, je ne lui permettrais pas.

— Regarde moi ! cracha Dunkello, comme si cela lui était possible qu'après un effort surhumain.

Nos yeux se confondaient l'un l'autre dans l'iris ténébreuse opposée.

— Nous avons toujours réussi jusque là. Alors c'est pas aujourd'hui, que nous allons perdre. Tęlínœ croit en nous, honorons son geste ayant permis notre survie, s'exclama-t-il, de sa voix calme et posée, malgré ses yeux rouges.


— Tu as raison, répliquai-je, un éclat de malice transperçant mon regard et mon sourire naissant.

Ma main droite devint ma griffe animale, et je l'enfonçais dans l'abdomen de l'Ygnia aux yeux entièrement noirs. Ensuite, je repoussais peu à peu nos envahisseurs, les blessant du mieux possible.

Ensuite, Manteía jaillit du corps de Dunkello, qui eut encore le sentiment de mourir lors de son évasion corporelle. Elle illumina nos adversaires tel un phare aveuglant.

Ensuite, elle nous offrit un ballet gracieux, faisant jaillir son flux magique de la même couleur que son corps fantomatique, mais si claire qu'il paraissait presque blanc. Cette enveloppe tomba tout autour de nous, comme un bouclier transparent et impénétrable.

Quelques instants suivants, le bouclier se tachait d'une très, très légère teinte ténébreuse. Peut-être que l'Esprit puissant légèrement dans l'énergie de son hôte, ou alors Dunkello lui partageait ses forces. La deuxième option était plus plausible, mais... pourquoi ferait-il ça, en vue de son état ?...

Ah, oui, c'est vrai, il était un déterminé : Même mort, il se battrait encore.

En outre, la vague ténébreuse permettait au bouclier d'être également une arme offensive. En effet, si jamais les Ygnias tapaient à l'endroit où la tache noire se trouvait, ils seraient impactés par la douleur inévitable qu'elle engendrait inévitablement.

L'instant suivant, un éclair foudroya le champs de mines, explosant davantage de mines qu'il y a quelques minutes. L'éclair tournoya autour de nous à la vitesse de la lumière, déplaçant tout sur son passage. 


Son passage qui ne présageait nulle survivant.

Ensuite, l'éclair diminua petit à petit, jusqu'à s'atténuer totalement. À la place se trouvait un Ygnia à forme humanoïde, rouge rayé de bleu, un genou sur le sol, sa main sur une épée légendaire plantée dans le sol, comme s'il attendait son adoubement.

Mais, qu'est-ce que Zorgan fichait là ??... 


— Au moins, il nous a sauvé la vie... commenta Dunkello, toujours aussi lucide malgré son air absent.

Manteía s'affaissa lentement sur le sol, descendant à genoux, mains nouées d'abord jusqu'à sa bouche pour descendre jusqu'à ses genoux, nous berçant avec son doux son cristallin aux mille vertus. Son bouclier disparaissait peu à peu en une pluie de brillance, nous laissant comprendre que nous étions de nouveau sans danger.

Ce chant semblait redonner une vitalité bonifiée à mon meilleur ami, me rassurant partiellement.

— Merci Zorgan d'être venu. Sans toi, ils nous auraient transformé en charpies, remerciai-je, avec un rictus forcé, n'oubliant pas pour autant ses précédentes attitudes à notre égard.


 — Ce n'est rien, c'est le minimum que je pouvais faire, répondit-il, magnanime.

— Mais, qu'est-ce que tu fais là ? Aussi loin du Village ? Demandai-je à la suite, suspicieux, d'une voix bien trop soulagée à mon goût.


— Votre visite ne tournait pas rond. Et, elle a engendré des situations aussi bizarres que celle-là. En sachant que nous, les Ygnias, avons un Code d'Honneur. Sa première règle est, pourtant : « un Ygnia ne doit, sous aucun prétexte, s'attaquer à un autre Ygnia, ou un autre être vivant. ».


— On peut dire qu'il y a eu violation du protocole, là... gloussa Dunkello, faiblement, un rictus ironique maintenu sur le visage.


— Je sais... Mais, ces Ygnias-là, n'en étaient plus. Ils ont violé notre Code d'Honneur. Et, si je me suis éloigné du Village, c'est que... mes ancêtres parlaient souvent de « Loamos », je crois. Des êtres légendaires, volants, du même élément que nous. Selon la croyance commune, ils seraient nos Dieux. Mais selon mes ancêtres, ces « Loamos » ne seraient pas nos Dieux protecteurs - ces « Êtres Suprêmes » comme ils disent tous -, mais bien nos... exécuteurs ! Nous sommes leurs prisonniers !


— Évidemment, cela fait si longtemps que votre peuple est pris au piège de la Fosse que vous vous y êtes habitués... sifflai-je, sidéré par la tactique loméos.


— Cette épée, Ylleka, l'Épée de Foudre, est leur héritage le plus précieux. Mes ancêtres racontaient qu'Elle illuminerait les Porteurs de la Vérité, et serait capable de livrer les Secrets de la Fosse.


— Zorgan, tu détiens la vérité. Tu es conscient que ton peuple a été berné. Ta mémoire doit être préserver. Votre prophétie est réelle, déclara Dunkello, appuyant fortement sur ce fait.

Il nous montra cette magnifique épée, resplendissante; une lame reflétant toute la lumière du monde, sur un pommeau violet et d'or, orné de diamant ainsi que deux éclairs électrisants au milieu du pommeau, se faisant faces.

— Si cette épée existe, si cet esprit existe, c'est que votre histoire est authentique. Et, celle de mes ancêtres aussi, accessoirement, expliqua-t-il, ne sachant pas réellement sur quel pied danser.

Manteía salua Zorgan de la tête, confirmant ses dires, et se réhabilita immédiatement dans le corps de Dunkello, avant que celui-ci ne tombe à la renverse. Dès lors qu'elle s'habilita de nouveau dans son corps, ce fut comme si Dunkello était pris d'un second souffle.

— L'Esprit de l'Éveil t'a approuvé. Nous pouvons te faire confiance, déclara le jeune Goulish, solennel.


— Son histoire peut s'avérer utile, en plus, ajoutai-je, d'une voix distincte.


— En effet, je pense pouvoir vous aider. Les Ygnias ne vous ont pas menti lorsqu'ils vous ont dit qu'ils ne connaissaient que la parcelle Sud de la Fosse. Il y a très longtemps, nous avons tenté des explorations, mais... avec le temps, les explorations se sont faites plus rares, les Ygnias acceptant leur sort. Mais, pas nous. Une certaine élite dont je faisais parti, avons continué les desseins de nos ancêtres. Au Nord, nous avions découvert quelque chose de troublant... Cependant, nous n'en savons pas grand chose. Dès que nous avons entendu deux de nos collègues hurler leur mort, terrifiés, nous avons préféré filé, renonçant à découvrir ce qu'il y avait là-bas...nous raconta Zorgan, la stupeur clairement lisible sur son visage, comme s'il revivait l'effroyable souvenir. Et ce fut la véritable fin des expéditions, la mort de l'espoir d'être libre...

Je ne pensais pas qu'un type pareil pouvait avoir peur de quelque chose !

Toute fois, après avoir entendu son histoire, je le sentais davantage humain...

Peut-être avaient-ils débusqué la sortie, une sortie fortement gardée, comme toute prison digne de ce nom...  


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Salutations Amis littéraires et d'ailleurs ! 

On se retrouve pour la publication hebdomadaire !  Alors, oui, beaucoup beaucoup de révélations sont au programme ! 

Pensez-vous que nos héros en finiront avec la Fosse ? Que pensez-vous des Ygnias, qui croyez-vous ? Quelles sont vos hypothèses pour la suite ? :P 

Allez, à la semaine prochaine ! Des bisous !

, CDK.

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