L'Appel de la Délivrance (2) - Partie 2

Dunkello la regarda, un sourire assuré sur les lèvres.

— J'ai confiance en elle, comme elle a confiance en moi. Nous avons la certitude qu'on triomphera de la fin. Tant que l'autre est en vie, nous ne pouvons pas se permettre de faillir.

Son ton solennel rendait sa tirade encore plus admirable.

— Ne vous inquiétez pas, les amis, partez suivre votre destinée. Si cela peut nous permettre de changer le cours de la guerre, allons-y ! Nous n'avons plus rien à perdre ! déclara Iréna, approbatrice.

Alors, après une affectueuse étreinte générale, Dunkello et moi avions pris la porte et nous étions dirigés vers la sortie du Village Principal.

Nous fumes acclamés, les Solidaires demandant alors comment se déroulait les négociations. Nous les rassurions d'un sourire énigmatique, leur expliquant que nous devions nous absenter.

— Une urgence ailleurs, sincèrement désolé, avions-nous prétexté, ne laissant pas libre court à une conversation.

Siræ pressait déjà le pas, déjà presque dehors, nous forçant à rapidement quitter le groupe des Solidaires.

Une fois dehors, je sortis à mon âme sœur, se tournant systématiquement vers l'Est :

— Allez, tu viens sur mes épaules ? Et guide notre chemin !

Elle me regarda étrangement, Dunkello également.

Il me frotta l'épaule, riant doucement :

— Tu dois bien être le seul à ne rien avoir remarquer, mon petit Noctis'...

— Quoi ?? répliquai-je, les yeux exorbitants, perdu dans l'incompréhension.

Son sourire s'élargit.

— Siræ n'est plus un bébé. Elle a grandit, très vite. Si jamais elle essayait de retrouver ton épaule, elle te briserait en deux. N'as-tu pas vu qu'elle a peiné pour remonter, car sa taille est devenue plus imposante ?

C'était comme si mes yeux s'ouvraient véritablement depuis longtemps.

Effectivement, Siræ n'était plus la petite tortue dont j'ai hérité la liaison. Au contraire, elle avait doublé voir triplé de volume ! Comment avais-je pu être aveugle à ce point ? Serait-ce ça que les parents ressentent lorsqu'ils pensent que leurs enfants sont toujours de jeunes bambins alors qu'ils en ont seize ?...

Elle faisait bien plus de 60 sur 60 cm, largement suffisant pour me porter sur son dos !

Donc, oui, ce fut la Tortue de la Conscience qui invita son porteur sur sa carapace.

Je me mis en tailleur, et elle se mit à léviter, Dunkello fit de même, légèrement plus haut qu'elle, direction l'Est toute !

Et, c'était ainsi que nous laissions la représentante des Fatales, sans nul doute la plus guerrière et stratège de tous et toutes, la représentante des Ghoulishs, et la représentante des Clopis alliés en compagnie du Meneur Suprême afin d'achever les négociations.

Cela serait vous mentir si je vous disais le contraire, j'ai paniqué lorsque nous avons dépassé l'extrémité Est des Montagnes Raake... Mes yeux tachaient de ne pas regarder l'eau en bas ou autour de nous. Rappelez vous que Siræ, sous sa forme élémentaire, est pratiquement invisible, seulement certaines parties restaient opaques, éclairée d'une lumière d'énergie bleutée.

Par réflexe, je me retournais, mon regard se perdant dans les récifs montagneux.

J'espère qu'Iréna et Spýra réussiront là où nous ne pouvons pas être...

Dans cet état de trans, semi consciente, Siræ semblait inépuisable.

Dunkello, quant à lui, l'était amplement. Il jugea préférable de se métamorphoser en chauve-souris pour préserver son énergie. La chauve-souris était petite, vive, aux yeux rouges et globuleux, ainsi que des ailes aux reflets extérieurs bleus foncés et l'intérieur violet. Je lui offris volontiers une place entre moi et la tête de notre transport vivant !

Pendant des jours et des nuits, nous traversions l'Océan. Je passais désormais mon temps à dormir pour éviter d'avoir le mal de mer. Dunkello s'était affilié le rôle de chasseur ; et dès qu'il était possible, il fusain sur ses proies, nous servant ensuite de repas.

Parfois les rations étaient minces, d'autres fois, les rations étaient gracieuses !

Nous aurions pu parfaitement nous acclimater à ce mode de vie réduit à l'extrême, et oublier nos responsabilités. Hélas, la vie se chargea de nous ramener vite à la réalité, bien trop vite à mon goût.

À une certaine distance de l'Île des Krýos, la pointe sud sans nul doute – un décalage sûrement provoquée par les tempêtes et les vents - , Siræ piqua vers la surface bleutée, se dissimulant dans un nuage blanc lors de la descente.

Dunkello reprit forme humaine, pour me glisser quelques mots.

— Les Krýos ont une vue perçante, ils auraient pu nous voir à plus de trois cents mètres de leur île natale, expliqua-t-il, revigoré. Siræ a bien fait de s'approcher de l'eau. Avec sa forme élémentaire, cela lui fait bénéficier d'une quasi-parfaite dissimulation.

Je caressais son flanc, et lui murmurai des encouragements à son oreille interne.

— Espérons sincèrement qu'ils ne la verront pas, sinon je ne donne pas cher de notre peau...

Peut-être qu'il aurait mieux fait de se taire !

À l'approche de l'Île Est, nous aperçûmes des oiseaux de glace volés autour de la rive rocheuse...

— Des éclaireurs ! laissa échappé le jeune Ghoulish, pris de cours.

Pendant une dizaine de secondes, Siræ reprit le total contrôle d'elle-même et me transmit par le biais d'images, de contrôler ma respiration.

Et, elle plongea de nouveau dans son état de semi-conscience, guidée par l'Appel.

— Dunk'! Retiens ton souffle ! répliquais-je, vivement.

Siræ plongea la tête la première dans l'étendue bleutée. Froide... Non, glaciale.

Nous laissant uniquement le temps de prendre une goulée d'air, et de s'agripper à la carapace de l'animal légendaire.

Ces minutes sous l'eau me parurent une éternité ; je crus même perdre mon souffle... Je me sentais frigorifié... Quelle délivrance ai-je pu ressentir lorsque la tortue nous remonta à la surface !

Je pris une grande respiration, me tirant sur le rivage rocailleux, les poumons en feu, malgré mon corps glacé.

Nous avions nagé sous la terre, jusqu'à trouver refuge dans une minuscule cuvette souterraine. Siræ prenait la totalité de l'espace, Dunkello et moi étions sur le plan incliné amenant à la plate-forme rocheuse, les jambes dans l'eau.

La tortue reprit sa forme initiale et frotta sa tête contre la mienne, m'offrant son soutien et son affection, avant de reprendre son état d'inconscience.

J'étais frigorifié, je ne pouvais presque plus bougé... Par chance, la cuvette regorgeait d'une légère chaleur, permettant de me réchauffer... Et surtout, de ne pas mourir congelé !

Les yeux fermés, me remettant peu à peu de mes émotions, respirant par immenses gorgées, je soufflais, hilare :

— J'espère qu'il n'y a pas de monstres dans ces eaux, sinon je ne donne pas cher à nos jambes !

Dunkello s'approcha de moi. Je sentis sa main gauche entourée mon dos, et se poser sur mon épaule gauche. Il répondit à mon rire au creux de mon oreille.

— Noctis', y a pas de risque ! Pas ici ! prétexta-t-il, sur le même ton.

Enfin, il n'avait pas spécialement tort, mais pas entièrement raison non plus. Dans l'endroit où nous étions, sous la terre des Krýos, il n'y avait presque pas de risque de tomber sur des monstres marins. Mais, dans les eaux glaciales, il y avait beaucoup plus de probabilités d'en rencontrer, que dans les eaux chaudes...

Nous avions réussi à accoster l'île des Krýos, sans encombre, et surtout... sans se faire repérer par le moindre éclaireur.

Siræ indiquait le Nord, je songeais fortement que son rayon indiquait l'endroit le plus important de l'île toute entière.

Au commencement de notre exploration, nous étions plongés dans une épaisse jungle d'arbres touffues aux douces feuilles bleutées et au tronc blanchâtre plutôt rugueux. Alors, nous étions plutôt dissimulés.

Cependant, cela se corsa par la suite, lorsque les forêts de givre laissèrent la place à une longue étendue d'herbes recouvertes d'une légère couche de neige.

— Nous ne pourrions jamais traverser cette étendue, sans être repérés ! m'écriais-je, effaré.

— Il y a certains villages, des éclaireurs qui patrouillent de temps à autre,... réfléchit Dunkello, à haute voix.

Il semblait rassembler ses idées lors de son observation.

Siræ montrait un passage, prête à s'y jeter dedans, comme si sa vie en dépendait. En même temps, notre temps était compté !

Nous retenions l'animal, bien imposant désormais, même avec quelques petites difficultés...

— Ha, ah ! Siræ semble du même avis que moi ! Il va falloir la jouer fine jusqu'aux récifs montagneux, en passant par les champs de tyagel !

— Le problème, c'est pas qu'elle veut le faire, c'est ce qu'elle doit faire ! Elle ne s'arrêtera pas d'avancer tant qu'elle n'aura pas rejoint l'autre bout ! Expliquai-je, hilare, alors qu'il le savait déjà pour contrer son propos traitant de mon âme sœur.

Ces petits champs de longues tiges aux larges feuilles de cristal rejoignant une fleur dont les pétales jaunes se refermaient donnant l'impression d'un losange en trois dimensions, disposés aléatoirement sur les plaines et collines, nous offraient une véritable chance de passer inaperçus. Enfin, espérons-le...

La Tortue de la Conscience nous dépassait déjà, je peinais à suivre son allure, et mon meilleur ami parvint à la devancer afin de l'obliger à ralentir.

Lors de notre marche, Dunkello m'interpella :

— Noctis', tu savais que les Krýos consommaient, principalement, de la tyagel ?

— Oh, cela fait d'eux des végétariens, alors ? Pas comme nous !

— La plupart le sont, comme l'intégralité Fatales, ces éternels amis dévoués de la Nature... Toute fois, une minorité de Krýos reste tout de même omnivore, comme nous ou les Clopis.

— Ooooh ! je ne savais pas ! Merci Dunkello de m'apprendre chaque jours de nouvelles choses ! m'extasiais-je, véritablement ravi et simplet, comme un véritable enfant.

Nous nous stoppions un instant, plongeant son regard foncé dans le mien qui l'était tout autant, un sourire éclatant sur ses lèvres.

— Et toi, merci de m'apporter ta bonne humeur légendaire ! Avec toi, fini la déprime ou le cafard !

Nous éclations de rire. Peut-être, un peu trop fort...

Nous avions sûrement attiré l'attention des éclaireurs.

En outre, les récifs rocheux se trouvaient proche de nous. Hélas, nous n'avions pas remarqué cet avant-porte qui nous faisait face, dans les hauteurs... mais proche de nous quand même !

— Hum... Quels idiots nous sommes !

L'instant suivant, nous passions à découvert.

L'instant d'après, une trompe retentit.

Et, des Krýos fondirent sur nous.

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