T1. Victor, mon premier amour
Je me réveille lentement, et reste au lit pendant un bon quart d'heure. Aujourd'hui, nous sommes le 15 février. Le lendemain de la Saint Valentin, donc. Et je vais avoir une journée assez chargée...
Hier soir, après un long moment à jouer les espions, j'ai finalement réussi à trouver les adresses de Lenni et Amine. Enfin, pour Lenni, ce n'était pas bien compliqué : je l'avais sur Snapchat, je n'ai eu qu'à regarder sa position sur la carte. Pour Amine et Victor, ça a été beaucoup plus dur. Surtout pour Victor, qui ne laisse pas beaucoup de traces sur les réseaux sociaux, contrairement à moi qui y expose toute ma vie. Heureusement, j'ai réussi à trouver l'endroit où il travaille : un petit café, en centre ville. Je pense que je vais commencer par aller le voir lui. En plus, ça me donnera l'occasion de prendre mon petit déjeuner hors de chez moi, ce qui n'arrive pas souvent.
Parce que oui, j'ai décidé d'aller les voir pour leur avouer mes sentiments de vive voix. Je suis fou, je sais. Mais je me dis que les lettres, c'est démodé. J'aurais apprécié leur envoyer un pigeon, mais je n'en ai pas sous la main, donc autant y aller moi même.
Je finis par me lever de mon lit, et file sous la douche pour me préparer. Une fois que je suis propre, habillé et "coiffé", j'enfile mes chaussures et une petite veste en jean, puis je sors de chez moi. Ça y est, l'opération "Saint Valentin" est lancée.
J'ai fais exprès de mettre une tenue plutôt jolie : une chemise rouge à carreaux, avec un jean blanc et des Converses de la même couleur. J'ai quand même mis un t-shirt sous ma chemise, pour ne pas risquer d'attraper froid. Même si je ne suis pas frileux du tout, je ne préfère pas prendre de risque. Je me dis qu'en m'habillant bien, j'ai déjà plus de chance que ma mission Lara-Jean fonctionne.
Je me mets en route vers l'arrêt du Tram, qui va me conduire jusqu'au centre ville. C'est là que se trouve le café où travaille Victor. J'espère juste qu'il y sera aujourd'hui. Ça serait bête que j'y aille le seul jour où ce dernier ne travaille pas. D'ailleurs, je me demande ce qu'il devient. Est-ce qu'il vit seul ? Est-ce qu'il fait des études ? Si oui, dans quel domaine ? Si ça se trouve, il a arrêté l'école et s'est directement mis à travailler pour gagner sa vie. Si sa mentalité n'a pas changé, c'est fort possible.
Au collège, Victor, c'était le genre de garçon à problème qui n'avait pas de très bonnes notes. Vous savez, le genre qui dit ce qu'il a à dire quand il en a envie, sans se soucier des conséquences. Et il était resté fidèle à lui même au lycée. Il s'était dirigé vers une filière professionnelle, contrairement à moi, qui était resté en générale. Mais même si nous n'étions pas dans la même classe, on se croisait très souvent.
On n'était pas super proches, pas du tout même, mais on se parlait quand même un minimum. En fait, j'avais commencé à lui sourire à chaque fois que je le croisais, et Victor me répondait à chaque fois également par un sourire. Jusqu'au jour où on s'est mis à se dire bonjour. C'est lui qui m'a dit bonjour en premier, je m'en rappelle encore. J'avais paniqué, et je lui avais répondu "merci, moi aussi", ce qui l'avait fait partir en fou rire.
Je pousse un petit soupire, en souriant en coin. Je repense à tous ces souvenirs, et je me dis que cette époque était quand même pas mal. Contrairement à beaucoup de jeunes, moi, j'ai vraiment passé de bons moments au lycée. Je n'avais pas quarante-cinq milles amis, mais on était un petit groupe. On traînait tout le temps ensemble, et on s'amusait toujours bien. Même si maintenant, je ne parle plus à personne de ce groupe à part ma meilleure amie, Hélène.
Je finis par arriver à l'arrêt de Tram qui est situé à côté de chez moi, et je n'ai que quelques minutes à attendre avant que ce dernier n'arrive. Je monte dedans, et passe le trajet à regarder les gens. J'aime beaucoup faire ça, analyser les gens autour de moi. C'est presque devenu un réflexe. C'est pratique, des fois, surtout que j'ai plutôt une bonne mémoire, mais ça me cause aussi quelques soucis. Parfois, je fixe quelqu'un pendant trop longtemps, surtout quand je suis fatigué. C'est déjà arrivé que des gens me le fassent remarquer, souvent en s'énervant... Et ces genres de moments sont très gênants.
Une fois arrivé en centre ville, je descends du Tram et me dirige vers le café où travaille mon premier amour avec l'aide de Google Maps. Heureusement qu'il y a le GPS, d'ailleurs, sinon je serais bien dans la mouise.
Je finis par arriver devant ce fameux café, et là, je me rends réellement compte de ce que je suis en train de faire. Je vais vraiment aller voir les trois hommes que j'ai aimé pour le leur dire ?? Mais qu'est-ce qui m'est passé par la tête ? C'est vraiment l'idée la plus bête de la décennie, voir du siècle tout entier.
Je prends quand même une profonde inspiration, puis pousse la porte du petit commerce. J'entre, et vais directement m'asseoir à une table de libre, en posant mon sac à côté de moi. Je balaye toute la salle des yeux, avant de reconnaître le sourire d'un des serveurs. C'est bel et bien Victor. Celui-ci est en train de débarrasser la table d'un couple de retraités, en riant avec eux. Par chance, le café est presque vide, ce qui nous laissera sans doute du temps pour pouvoir discuter.
Je regarde fixement mon premier amour, en souriant. Il a bien changé, depuis la dernière fois que je l'ai vu, c'est à dire depuis approximativement trois ans. Il a toujours des cheveux noirs corbeaux totalement en bataille (un peu comme moi), de petits yeux couleur noisette en amandes, rieurs, un nez assez fin et des sourcils un peu touffus mais qui lui donnent un air assez sexy. En revanche, dans mes souvenirs, il était plus musclé que ça. Il a dû mettre le sport de côté. Il doit avoir d'autres priorités. Enfin, je ne l'ai pas vu torse nu, mais ses formes devraient se voir sous son tablier blanc et vert. Par contre, contrairement à moi, il n'a pas l'air d'avoir grandi : autant au lycée il avait une bonne tête de plus que moi, autant maintenant, on doit faire à peu près la même taille.
- Bonjour monsieur, m'interpelle une jeune serveuse, vous avez choisi ce que vous voulez ?
- Euh, bonjour... Ça serait possible que je me fasse servir par ce garçon, là bas ?
La jeune fille a l'air outré, comme si je lui avais demandé de brûler sa grand mère, mais elle me sourit quand même faussement avant de me lâcher un "oui, bien sûr" assez condescendant et d'aller échanger quelques mots avec Victor. Ce dernier regarde dans ma direction, et reste fixé sur moi pendant un court instant avant de se mettre à sourire de toute ses dents.
- On se connaît, non ?, dit-il en s'approchant de la table où je suis assis.
- C'est possible, en effet, je lui réponds, avec un sourire en coin.
- Je ne m'attendais pas du tout à te voir là !, s'exclame-t-il. Tu es déjà venu ?
- Non, c'est la première fois.
- Tu sais ce que tu veux prendre ?
Sur le moment, j'ai bien envie de lui répondre "oui, toi", mais je pense que ça serait un chouïa inapproprié.
- Je suis surtout venu pour te parler, je lui avoue.
Victor bugge quelques secondes, puis il regarde rapidement autour de lui.
- Je peux sans doute prendre une petite pause, commence-t-il, étant donné qu'il n'y a pas trop de clients.
En effet, à part le couple de retraités qui sont en train de partir et moi, il n'y a qu'une mère et sa fille, assises près de l'entrée, et un groupe de trois étudiantes assises au comptoir qui sirotent des jus de fruit tout en se faisant des messes basses.
- Tu veux que je te serve quelque chose ?, me redemande le brun.
- Va pour un chocolat chaud, et pourquoi pas un croissant.
- Ça marche, me dit-il en hochant la tête.
Il fait demi tour et va parler à collègue, avant de revenir quelques instants après avec ce que je lui ai demandé. Pendant le petit laps de temps où il est parti préparer ma commande, j'ai pu me préparer mentalement pour la conversation que je vais avoir avec lui.
En revenant, Victor dépose un chocolat chaud et un café sur la table, ainsi qu'une assiette avec plusieurs viennoiseries (beaucoup plus que ce que je voulais).
- Ça fait quand même beaucoup, je remarque.
Victor me fait une signe de main en me disant que c'est lui qui m'invite, et que ça lui fait plaisir de me revoir. Apparemment, il ne s'attendait vraiment pas à me voir ici, surtout qu'on ne s'est pas vu depuis la fin du lycée. Bon, en même temps, si on m'avait dit il y a deux jours que j'allais aller voir chacun des amoureux que j'ai eu un par un comme si tout était normal, je n'y aurais pas cru.
Je lui souris, puis bois une longue gorgée de chocolat tout en lui demandant comment il va. On échange quelques banalités, puis je me résous enfin à entrer dans le vif du sujet.
- Si je suis venu ici, c'est parce que je cherchais justement à te voir, en fait.
- Pourquoi ?, me demande-t-il en fronçant les soutcils. Non pas que ça me déplaise, hein.
Je déglutis, et prends une profonde inspiration avant de me lancer :
- Hier, j'ai regardé À tous les garçons que j'ai aimé. C'est un film d'amour, je lui explique.
- Oui, je connais ! J'aime beaucoup ce film.
- En fait, ce film m'a poussé à venir te déclarer mes sentiments. Enfin, c'est bizarre formulé comme ça, mais voilà...
Ça y est, voilà que je commence à perdre mes mots. Je dois déjà avoir l'air con, d'être venu ici juste pour lui dire ça, alors si en plus je n'arrive même pas à m'exprimer clairement...
- Tes "sentiments" ?, finit-il par répéter, comme pour m'inciter à continuer.
Je lui explique que quand on était au collège, je me suis rendu compte que j'étais amoureux de lui, et que mes sentiments sont restés là jusqu'à la fin du lycée, jusqu'à ce qu'il ne s'en aille.
Victor ne me répond rien, et me regarde fixement tout en buvant une gorgée de café.
- Voilà...
Il hoche la tête, puis il baisse les yeux sur sa tasse et un silence de plomb s'installe entre nous pendant quelques minutes. J'ai presque envie de me lever et de m'en aller d'ici. Heureusement, Victor finit par le rompre.
- Je ne m'attendais déjà pas à ta venue, mais alors ça, je m'y attendais encore moins.
- Je m'en doute. Désolé...
- Tu n'as pas à t'excuser, me répond-il en souriant. C'est juste que je ne m'y attendais pas, et je ne sais pas trop comment réagir.
- C'est normal.
Victor se claque les joues, sans se départir de son sourire, puis il me dit qu'il va quand même falloir qu'il retourne travailler. Il insiste quand même pour m'offrir le petit-déjeuner, donc je le remercie.
- Je m'excuse encore de t'avoir dit tout ça, j'ai agis sans vraiment réfléchir, c'était un peu bête de ma part...
Victor pousse un grogenement, en fronçant les sourcils.
- Je t'ai dis que je ne trouvais pas ça bête ! Ça fait juste bizarre de savoir ça, mais je suis content.
- Bon, tant mieux alors, je lui dis, en souriant.
- Écoute, là, je dois vraiment retourner bosser, donc je n'ai pas trop le temps de papoter. Si je continue à glander, Marine (sans doute la jeune fille que j'ai rembarré) risque de s'énerver. Mais tu serais d'accord pour qu'on se revoit ?
- Oui, pourquoi pas.
- On pourrait aller boire un verre ou quelque chose comme ça, si tu veux, me propose-t-il.
- Je n'ai rien de prévu ce soir, donc si ça te va...
Victor me donne rendez vous dans un bar qu'il connaît, et qui d'après lui n'est pas mal. Il me donne l'adresse : le bar est situé en centre ville, pas très loin d'ici d'ailleurs.
- J'y serais vers 21h, je lui dis.
- Cool ! À ce soir, alors.
Il me fait un clin d'œil, puis disparaît en cuisine après avoir parlé à sa collègue. Je fixe la porte derrière laquelle Victor a disparu, en souriant de nouveau. Je risque de finir par avoir des crampes aux joues.
Ça m'a fait du bien de le revoir, de parler avec lui, de lui dire ce que j'avais sur le cœur, et ce même si mes sentiments n'étaient pas réciproque. Ça fait quand même du bien, de se confier et de dire ce qu'on ressent à quelqu'un qui nous écoute vraiment, et surtout, qui n'émet aucun jugement. Si tout le monde pouvait être comme Victor, on éviterait bien des conflits.
- Au tour de Lenni, maintenant, je dis, en faisant craquer mes doigts.
Enfin, d'abord, je vais quand même finir de boire mon chocolat chaud et de prendre mon petit déjeuner. On ne va pas mettre la charrue avant les bœufs.
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