3- Cursus spécial pour Dylani
Dylani
Comme le dit souvent le proviseur, ici nous sommes dans un lycée avant-gardiste : donc ils ont mis en place des classes par niveau, cherchez l'erreur ! Ils ont vendu ça à l'inspection académique, comme une expérience innovante, de prise en compte des potentiels, ma copine Ingrid s'en étrangle de rage.
─ On est retourné au temps des trois états du moyen âge, pourquoi ne pas recréer ici les castes indiennes ! râle-t-elle, quand je vais la voir à la bibliothèque.
Elle a raison, ça permet de transformer notre lycée, en un pseudo-lycée privé, car les gosses de riches restent entre eux, dans « la classe élite ». Ainsi, ils bossent avec les meilleurs profs et du matériel de pointe. L'entrée de cette classe se fait sur concours pour les élèves (il faut comprendre les fauchés) ou par avis favorable du conseil d'élève, pour les rejetons des familles favorisées.
Ensuite, les classes ordinaires, avec des spécialisations, sont débarrassées des cancres. En effet, la deuxième idée de génie du conseil de l'école a été de créer en miroir à la classe élite : la classe espoir. Joli nom pour y mettre tous les cas sociaux.
Comme tous les mecs de ma cité, j'en fais partie. J'aurais pu rejoindre la classe élite, le proviseur me l'a proposé du bout des lèvres, au vu de mes résultats scolaires, mais très peu pour moi ! Je reste avec mes racailles de potes.
Je n'ai rien à dire contre l'éducation nationale, je n'ai que des profs motivés. Il faut qu'il le soit avec les boulets de notre classe. Le problème c'est qu'ils ne parlent pas tous français et à cela s'ajoutent des histoires familiales compliquées.
Moi, ma grand-mère n'a pas encore ses papiers et je dois aller à la préfecture tous les trois mois, faire renouveler son autorisation de séjour.
Ce matin en math, le prof leur explique une leçon super simple, malgré cela il n'y en a pas un qui a l'air de comprendre. Pendant ce temps je travaille seul sur le même programme que la classe des privilégiés. J'apprécie de me débrouiller seul, à mon rythme.
Les professeurs, tous acquis à ma cause, ont mis en place ce système pour me permettre de progresser. Bien sûr, avant, ils ont insisté pour que je rejoigne l'autre classe, je n'ai jamais cédé : il n'en est pas question !
On est déjà en novembre et que les inscriptions dans les facs vont bientôt commencer. Nous avons un cours d'orientation scolaire, pour nous aider à remplir nos souhaits sur le logiciel d'affectation des études supérieures. Pour mon avenir, je ne sais pas encore ! J'ai envie de tenter médecine et si c'est trop dur, j'aimerais être infirmier, je verrais bien. J'ai envie de soigner les gens.
Les autres lycéens qui visent médecine, suivent déjà des préparations supplémentaires pour affronter le concours de la première année. J'aurai un handicap supplémentaire à gérer et de taille : l'aspect financier, car je dois payer la pension chez Mourad. Même si j'obtiens une bourse, comment y arriver ?
Notre prof de physique, qui est aussi notre prof principal, gueule, car ils ont tous mis qu'ils voulaient faire banquier.
─ Vous ferez tous employés de ménage si vous ne vous bougez pas le cul ! Et au passage je respecte cette profession, comme toutes les autres. Il s'essuie le front excédé par la bande de charlots. Je crains qu'il n'ait raison.
─ On s'en fout m'sieur on fera truand ! Et on sera plus riches que les banquiers ! rétorque Mic.
Ses potes lui font des checks, pendant que toute la classe rigole. Machinalement, à ce moment-là, je me suis tourné vers Vanessa. Elle porte un pull noir et un survêtement gris, loin de ses tenues sexy. Son regard est absent, mais qu'est-ce qu'il lui arrive ?
Les midis, je lâche mes potes pour rejoindre le club de science du lycée. Il regroupe les surdoués de la classe élite, des matheux géniaux et des geeks à qui aucune ligne de code ne résiste.
Au début, ils ont tenté de me faire comprendre que je n'avais pas ma place parmi eux. Pour me virer, il faut être beaucoup plus méchants que des regards agacés ou ne pas s'asseoir à côté de moi.
Ils m'ont snobé sans succès, puis très vite, ils se sont rendu compte que je comprenais vite. Parfois, il n'y a eu que moi qui sais répondre aux exercices sur lesquels nous nous entrainons. Nous nous entendons bien désormais, mais je suis trop fier pour être ami avec eux. Quand on parle de science ou d'informatique, ça passe.
C'est la même chose dans le club de natation. Je m'entends bien avec les autres nageurs, tous des petits bourgeois, mais je ne tiens pas à être leurs amis.
Il y a trop de différence entre eux et moi : J'ai un boulot déjà, Mourad y a veillé. Je suis magasinier quelques heures par semaine, dans une grande surface chez Auchan. Je débarrasse des tonnes de palettes pour les installer dans les rayons du magasin, au moins je fais de la musculation et je gagne du fric.
***
Le lundi, comme tous les jours, j'arrive au lycée avec Mehdi, qui me dépose à moto. Nous sommes dans la même classe et habitons dans la même tour, lui au troisième étage et ma famille vit au septième. Il est brun, baraqué, facile à vivre, naïf aussi dans sa tendance à vouloir suivre les autres dans des conneries. Il a tendance de plus en plus à se faire entrainer dans les coups foireux pour quelques billets et j'ai du mal à le raisonner pour rester sur le droit chemin.
Son père est mort sur un chantier, il était maçon non déclaré comme Mourad. La pauvre veuve n'a pas obtenu un kopeck d'indemnités. Plus tard, son frère ainé a disparu, il faisait partie d'une bande de dealers, surement un règlement de compte. Mehdi n'en parle jamais et mon oncle pense qu'il s'est fait descendre.
J'avais une dizaine d'années quand nous sommes arrivés à Bordeaux. Nous sommes arrivés, tout un groupe de Tchétchènes, plusieurs familles, ce qui a fait grincer des dents. Tout de suite je me suis fait prendre à partie par les racailles de la cité. Il faut dire qu'il y a des rivalités entre les peuples et Mehdi est intervenu pour m'aider en ordonnant à son frère de me lâcher, depuis nous sommes inséparables.
Il est irrémédiablement hétéro, probablement homophobe, bien que nous n'ayons jamais évoqué le sujet. Je me suis gardé de lui parler de mon orientation. Il est le seul à savoir que j'ai été faire un book de photo à Paris.
Je lui répare sa bécane en cas de besoin, je l'ai déjà fait à de nombreuses reprises.
L'électronique et la mécanique sont mes dadas, j'aime réparer des trucs. La seule chose chère que j'ai voulue, c'est un fer à souder, rentabilisé depuis longtemps. J'ai une réputation dans la cité après avoir dépanné nombres de voisins. Je répare aussi les engins de chantier des patrons de Mourad. Grâce à cela, mon oncle me fout la paix me laissant faire mes études. Je me débrouille également en programmation informatique, pour ma tranquillité, je prétends juste savoir m'occuper des box.
Au loin, dans la cour principale du lycée, devant les grandes grilles noires et les massifs fleuris, je vois le ballet des élèves qui arrivent avec leurs parents dans de belles voitures. Certains viennent avec leurs propres voitures de luxe, des BM, des jeeps et des Audi accrochent mon regard, malgré moi.
Ils discutent entre eux, les mecs populaires, sur lesquels tout le monde bave, même moi, un peu !
Ils ont des vêtements de marque, des téléphones hors de prix, loin de ma vie et de mes combines.
Mon vieux téléphone est recyclé, bon je l'ai sacrément amélioré. En fait, il est surement plus puissant que beaucoup de ceux de ces gugusses. J'ai deux jeans et ma veste en jean me fait les quatre saisons. Je suis un gars de l'Est, je ne suis pas frileux.
Les stars de notre bahut, ce sont certains mecs de la classe élite, qui ont tout pour eux, l'argent, la beauté et l'intelligence. Toutes les filles fantasment sur eux et nous les mecs on les admirent de loin. Les élèves de la classe espoir, on les admire de très loin.
Il parait qu'ils font des fêtes fabuleuses. Ils partent en vacances dans des endroits ensoleillés. C'est assez rentable d'être leur ami, sauf qu'ils jettent impitoyablement les fauchés.
Pour ma part je reste avec les miens. De toute façon il suffit qu'on mentionne notre classe pour avoir droit à un mouvement de rejet inconscient ...ou conscient.
Vanessa avait réussi à rejoindre leur bande, le gratin du panier, elle était devenue leur amie, paradait dans leurs belles bagnoles, mais ça n'a pas duré et elle s'est fait dégager comme une malpropre. Cette fille a cru échapper à la misère, la chute a été brutale, ils lui ont brisé les ailes.
Les rumeurs racontent qu'ils l'ont tous baisée. J'entends de plus en plus souvent un affreux surnom : « la grosse saucisse » et j'ai du boulot au panneau des post-its pour effacer les messages malveillants.
Je me demande ce qui s'est passé pour elle ? Devant notre classe, l'objet de mon inquiétude rentre en rasant les murs, méconnaissable. Elle n'est pas coiffée et c'est la même tenue que vendredi, le pull est taché, loin de ses tenues ultras sexy. Elle ne veut pas dire ce qui s'est passé et ne parle plus à personne.
Nous mangeons à la cantine qui est gratuite à treize heures quarante-cinq, juste avant la fermeture. Nos parents ne paient pas et nous avons droit aux restes : Les plats qui n'ont pas eu de succès et surement des assiettes non finies, en espérant qu'ils n'aient pas crachés dedans.
Ils ont fait un voyage scolaire en Angleterre, tous les élèves, sauf notre classe. L'an dernier, ils ont été au sport d'hiver sans nous. C'est quand même chiant d'être fauché.
Je n'ai jamais été à la montagne et j'aimerais y aller dans desconditions normales avec mes amis et essayer le snowboard, ça a l'air cool cetruc.
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