10-Plaidoyer

Dylani 

Le dimanche après-midi, j'ai demandé à Mehdi de me déposer à l'hôpital Perrens. Tout le long du trajet, il me tanne avec le foot et son inquiétude que le coach les vire. C'est vrai que le prof à cheval sur l'honnêteté ne leur fera pas de cadeau. Il veut que j'aille plaider leur cause, au prétexte que le prof responsable des sports m'aime bien.

Mehdi se gare, réalisant enfin où nous sommes. Il regarde inquiet le grand panneau qui indique les pathologies prisent en charge dans l'hôpital psychiatrique. Rien que de lire, ça fou la trouille. Je ricane devant le petit joueur.

─ On fait quoi là ?

─ Je vais me renseigner, attends-moi dehors ?

Je lui mets un coup dans l'épaule pour le détendre, avant d'aller à l'accueil. Dans le grand hall glacial, du verre et du blanc partout déprimant, je me dirige vers un comptoir recouvert de carrelage bleu, tel un ilot pour les naufragés. Quelques personnes assises sur des chaises semblent attendre sans but, pour l'éternité. Je ne peux m'empêcher de penser à baba, qui risque de finir dans un endroit de ce genre.

L'infirmière, qui porte un uniforme rose, une grosse femme revêche, me regarde méfiante, elle me précise que les visites sont interdites quand je lui demande le numéro de chambre de Vanessa.

─ Est-ce que vous pouvez me dire si elle va mieux ? Si elle a besoin d'aide ?

─ La malade est à l'isolement pour un mois, au moins jusqu'à mi-janvier, cède l'infirmière qui a dû me prendre en pitié.

Mehdi arrive derrière moi et il tente de faire du charme à l'infirmière, sans succès. Elle nous met dehors, peu de temps après.

─ Il se passe quoi au juste, tu m'expliques ? Vanessa est là-dedans ?

Je soupire, et me lance un peu sec.

─ Vanessa a été droguée puis filmée et le résultat c'est qu'elle a fait une tentative de suicide, c'est sa mère qui me l'a dit. Ceux qui ont fait ça vont payer !

─ Ah ! C'est toi qui as piraté les vidéos !

Il m'a grillé, cependant il ne semble pas fâché.

─ Tu réfléchis vite quand tu veux ! je rigole un peu gêné.

─ P'tit con ! Toujours à vouloir aider les autres.

Je ne relève pas sa mention, au fait que je veux aider tout le monde, c'est faux.

─ C'est une fille sympa. Elle n'a pas mérité ça.

─ Elle n'a jamais été très cool ! intervient Mehdi.

Je le pense aussi, mais cela ne justifie pas ce qu'ils lui ont fait subir. Mon copain est songeur, il se rend compte qu'il y a plus grave que de se faire virer de l'équipe de foot. Il ne peut s'empêcher de revenir sur le sujet.

─ Tu crois qu'elle n'était pas consentante ?

─ Se faire filmer ? Et que le film circule au lycée ! Tu crois ?

─ Oui, dit comme ça !

Le lundi matin j'ai été au panneau avant que les cours démarrent et je remarque tout de suite le message, pour moi :

Sur l'affiche du cours de musique, il y a tous mes groupes préférés et toi qu'est-ce que tu aimes comme musique ?

Je souris, il a compris que sa question directe ne m'allait pas et il a rectifié le tir. J'en suis très heureux. On va pouvoir continuer de jouer. Je prépare une réponse rapide où je liste mes groupes préférés, je ne cite pas tout, car j'aime aussi la musique tchétchène et ce serait lui donner trop d'informations.

J'ai aussi une réponse sur le post-it du premier désespéré inconnu. Le terme désespéré est trop long, alors je décide de leur donne des surnoms : je les appelle unu, duo et trei. Un deux et trois en Moldave. J'ai donc une réponse de unu et trei qui s'était déjà manifesté, n'a pas répondu à mon dernier message. Duo par contre m'inquiète, si silencieuse, elle n'a pas répondu à mon message. Il me reste à espérer qu'elle aille mieux.

La réponse de unu est déprimante, je me demande comment on peut être aussi sombre et maussade.

J'ai marché en forêt j'étais seul et à quoi bon ?

Comment il a fait pour ne parler à personne. Il suffit d'aller voir quelqu'un et de parler que ce soit en classe ou de faire une activité. Je ne comprends pas ! Je lui prépare un post-it rapide avec l'impression encore une fois d'être un assistant social.

Il y a une marche citoyenne de la mairie sur les bords de la Garonne pour ramasser les déchets vas-y ! Tu ne marcheras pas seul et ce sera utile.

Il y a encore des messages haineux contre Vanessa que je masque en mettant un petit mot :

Vanessa est mon amie.

Mehdi, qui m'a rejoint, secoue la tête en rigolant, puis me demande de lui passer un post-it. Il ne s'était pas approché du panneau depuis un moment et il fait un message plus sanglant :

Je vais niquer ceux qui ont fait du mal à Vanessa.

Bon au moins ils sont prévenus.

─ Allez, on va en cours, je suis venu te chercher, ajoute Mehdi qui m'attrape par le cou pour me frotter les cheveux.

Tous les téléphones des élèves de ma classe sont en rades. Je marmonne mécontent, car ça veut dire qu'ils ont tous regardé. Mehdi, qui sait que je suis à l'origine du bordel, se marre comme un bossu.

Le midi au lieu d'aller au club de science, je suis donc de corvée pour débloquer leurs téléphones en leur expliquant que le virus est lié aux vidéos de Vanessa, donc interdiction de les regarder à nouveau. Au milieu de ce bazar, je vais voir le responsable des sports du lycée qui est aussi mon prof de natation.

─ Tiens, Monsieur Bornesmica ! Que nous vaut l'honneur ?

Je souris amusé, malgré moi, il me traite toujours comme une star, il m'aime bien, je le sais. Le prof est assis à son bureau et il a levé la tête quand je suis rentré pour m'accueillir.

─ Mes copains du club de foot ...

─ Il y a eu un problème, une histoire de vol entre eux : On va faire simple et sans bavure, les voleurs seront virés de l'équipe.

Il a déjà décidé, ne laissant aucune chance à mes copains. Parfois, j'ai envie de hurler tellement la vie est injuste.

─ Ah oui ! Simple et sans bavure ! Est-ce que vous savez qu'ils ont été dans un club avec des boissons hors de prix, ils ont agité leurs billets avec indifférence devant mes copains fauchés. Un des gars a cru que cela ne gênerait pas, s'il se servait dans le portefeuille qui trainait. Chez Milo, ils n'ont même pas de quoi s'acheter à manger.

─ Ils ne m'ont pas présenté les choses comme ça ! marmonne le prof embêté.

─ Je vous donne l'autre version de l'histoire.

Il plisse les yeux et s'étire, le connaissant, il se retient d'envoyer valdinguer son ordinateur à l'autre bout de la pièce. Il parait qu'il l'a déjà fait et cela lui a couté une fortune.

─ Bon très bien, tu me donnes à réfléchir.

Il baisse les yeux méditatifs, l'index en travers de sa bouche, comme pour m'imposer le silence.

─ Ah super, j'ai trouvé ! Pour la compétition de natation de demain... tu ne voulais pas faire le cinq cents mètres crawl ?

Je cligne des yeux, cela n'a rien à voir avec l'objet de ma visite. Il me tanne depuis un moment pour que je tente le crawl, je ne veux pas, car il y a trop de bons nageurs. Je refuse de perdre, mon côté fier me joue souvent des tours.

─ Non ! Je ne suis pas assez entrainé ! Je ferai juste les grandes distances en papillon.

Généralement, sur cette nage extrêmement difficile, il y a peu de concurrence et j'aime l'effort intensif qu'il faut fournir.

─ Si tu t'inscris au crawl, ... et bien, hum... je prévoirai une punition juste pour tous les joueurs, rétorque ce requin.

─ Pourquoi je devrais être celui qui est puni ? Je ne joue même pas au foot !

─ Ce n'est pas une punition et après tout c'est toi qui plaides leur cause ?

Il me regarde moqueur, déjà victorieux.

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