Chapitre 8 - Les différents types de ...

3 décembre.

Bim. Bam. Vrout. Click. Brrrrrr.

Le brouhaha du mixeur me réveille en sursaut et met de bon matin mes tympans en souffrance.

— Putain Agathe, tu fais chier merde ! m'énervé-je en cherchant mon coussin pour le caler sur ma tête.

Le soleil n'est pas encore debout, la lumière du lustre m'aveugle et j'ai bien trop mal au crâne pour réfléchir. Ma tête bourdonne, ma bouche est pâteuse, ma vision est brumeuse. Du bout des doigts, je tâte le canapé pour trouver mon oreiller. Je pivote afin de le récupérer et tombe le nez en premier contre le tapis blanc crème sauf... qu'il n'y a pas de tapis à la coloc.

— Charmant langage de bon matin darling ! Hier soir tu été bien plus docile quand nous avons ..., tonne une voix grave derrière moi.

— Quoi ?

Je panique, tape mon crâne contre la table basse en me relevant, me frotte la tête et jette un rapide coup d'œil à mes vêtements afin d'être sûr qu'ils sont bien à leur place, c'est-à-dire, sur moi. Seuls mes cheveux semblent désordonnés et retombent devant mes yeux. Quant à « Connard », lui, est parfaitement apprêté, paré pour se rendre au travail. Vêtu d'un pantalon bleu nuit et d'une chemise blanche, Connor est en train de fermer ses boutons de manchette, un sourire narquois plaqué sur sa face. Ses cheveux châtains, légèrement plus longs sur le haut de sa tête, sont parfaitement bien coiffés. Aucune mèche sauvage ne vient chatouiller son front. Sa barbe a été rasée de près et son parfum boisé me parvient me faisant vite réaliser que je ne suis pas sous mon meilleur jour: vêtements de la veille, haleine matinale et visage tâché par le maquillage d'hier. Je tente de ne pas relever sa blague puérile et de paraître le plus naturel possible.

Tu as dormi sur le canapé de ton patron, Cassie. Rien n'est normal là-dedans.

— Quelle heure est-il ?

— Six heures vingt. On part dans quarante minutes, alors dépêchez-vous d'aller prendre une douche et de vous préparer.

Connor m'indique d'un doigt la pièce du fond qui doit être la salle de bain. Je croise les bras sur ma poitrine, dérangée par le fait de ne pas pouvoir me changer.

— Je ne vais pas débarquer avec les fringues de la veille et qui plus est, avec vous.

— Pour vos habits, personne n'y prêtera attention. Pour le reste, je vous déposerai dans la rue d'à côté. Je ne suis ni votre chaperon, ni votre taxi, grogne-t-il en buvant une gorgée de café.

— Les hommes ne font pas attention aux vêtements, mais les femmes oui, l'informé-je en me dirigeant vers lui, dans sa cuisine.

J'ouvre le frigo, cherchant de quoi m'hydrater autrement que par l'eau. Je referme la porte, bredouille, me retourne et vole son bol de mixeur afin de servir le mélange fruité dans le verre se trouvant en face de lui. J'en bois une gorgée et profite du mélange pomme cannelle de ce délice matinal.

— Faites comme chez vous... râle-t-il.

— Ah merci, je n'osais pas ! le taquiné-je.

Connor lève les yeux au ciel, souffle et m'arrache la boisson des mains.
Je lui tire la langue, comme une gamine, tourne les talons, enfile mes chaussures, attrape ma veste au porte-manteau et sors mon téléphone afin d'appeler un véhicule. Il est hors de question que je prenne ma douche ici, chez lui.


***

Après une course contre la montre, j'arrive tout de même à temps au travail et saute dans l'ascenseur en faisant un signe de la main à mon patron quand les portes se ferment à quelques centimètres de son adorable visage ridé par la rage qui est en train de l'envahir.
Lorsqu'il arrive enfin au dernier étage de l'immeuble Anderson, je tente une petite vanne sur le sujet, mais il me rappelle rapidement qu'il m'a vue m'endormir sur son canapé après avoir dévoré une bonne dizaine de parts de pizzas maison.

— Hey girl, tu étais où cette nuit ? me questionne soudain Agathe, un chocolat chaud dans les mains.

Je me racle la gorge, toussote discrètement et lui chuchote un mensonge en bégayant. Elle n'est pas bête: ma copine éclate de rire et me donne la tasse chocolatée avant de déposer ses fesses sur mon bureau.

— J'ai un sujet sympathique à traiter: « Le cadeau parfait pour Noël ? Comment bien choisir son premier jouet sexuel. ». Un collègue m'a suggéré l'idée et je pense que tu peux m'aider, lance-t-elle avec sérieux, ses yeux dans les miens.

Elle glousse quand elle me voit avaler de travers ma gorgée brûlante.

— Pourquoi tu penses à moi pour ce genre de trucs ? demandé-je, boudeuse.

— Pour "le premier" jouet sexuel, ajoute-t-elle en imitant des guillemets avec ses doigts. Il faut quelqu'un qui n'en possède pas. Tu me vois demander à tout l'immeuble ? Je te connais, je sais que tu n'as rien dans tes tiroirs. Écoute love, je vais juste t'envoyer sur le site du magasin qui accepte de collaborer avec moi pour l'article. Tu dois seulement me dire ceux qui, à première vue, te tenteraient.

— Tant que tu ne me demandes pas de les tester pour ensuite te faire un rapport écrit sur les sensations que j'ai pu éprouver, alors pas de soucis, abdiqué-je en sirotant le chocolat offert par mon amie de bon matin.

— Ne sois pas aussi coincée, Cassie. Bon, je retourne à mon bureau avant que monsieur-affreusement-sexy débarque, crie mon amie en s'éloignant.

J'ouvre l'agenda de la journée, vérifie mes mails afin d'être sûre que rien ne soit annulé, réponds aux plus urgents et ouvre le lien soigneusement envoyé par ma blonde. Je croque l'intérieur de ma bouche, stressée par le mensonge délibérément sorti à ma meilleure amie. Je ne lui ai pas encore parlé de mon article, ni de mon cobaye qui n'est autre que notre patron. C'est mon amie, mais elle ne sait pas tenir un seul secret et elle s'empresserait de me poser plus de mille questions à la minute pour faire monter sa jauge de potins : elle adore ça.

Le site est sobre et épuré. Le camaïeu de violets apporte plus de féminité et de douceur à l'ensemble. Je navigue sur la page d'accueil, me perds parmi tous les termes employés qui me sont totalement inconnus. Me voilà dans une mer d'objets tous aussi bizarres les uns que les autres. Des godes en forme de banane, de trompe d'éléphant mais aussi de ...

Merde, j'ai envie de vomir.

« Type 1 - L'anal : Ce sextoy sollicite les terminaisons nerveuses sensibles à l'entrée comme à l'extérieur de votre fleur de lotus masculin ou féminin.»

Devant moi est présenté un plug anal en forme de queue d'animal. Il suffit de se rentrer la partie métallique dans le derrière pour bénéficier d'une magnifique queue en fourrure.
Je n'ose même pas aller dans la catégorie spécialement conçue pour les couples. Je suis certaine d'y trouver des trucs qui vont me faire regretter ma curiosité.

« Type 2 - Le couple : Il existe des jouets duo à porter lors de vos ébats amoureux ou à commander à distance. Se faire plaisir quand on veut et où on veut, c'est le pied ! »

Je m'ébroue, reviens sur la page d'accueil et me dirige vers la catégorie la plus parlante « vibromasseur ».

« Type 3 - Le clitoridien : Les ondes de pression d'air stimulent le clitoris d'une manière si intense qu'il fait de ce jouet le plus apprécié par la gent féminine. »

Rassurée de me trouver, cette fois, dans un endroit moins choquant -fini les culottes ouvertes entre les cuisses, les strap-on, les pénis en forme de monstre à tentacules -, je flâne et réalise que c'est le design qui va m'aider à faire mon choix. Je n'y connais rien, mais j'ai cru comprendre que c'était le but du jeu. Elle doit voir ce vers quoi une non-habituée se tourne en premier lieu, sans aucun conseil.

Je clique sur un joli modèle long et fin, en forme de cigare. La description est poétique et donne envie de s'y intéresser de plus près. Ils le vendent comme étant très ergonomique et surtout aussi chaud qu'un danseur de samba. On m'invite à voyager à Cuba et à vibrer avec les différentes puissances de celui-ci.

— Avec ses 17,5 centimètres, Angelo connaît plus de cinq danses latines. Ah, par contre les piles ne sont pas fournies.

J'approche mon visage au plus près de l'écran pour découvrir les avis des clientes. Certaines ont l'air très satisfaites et prônent même fièrement ce produit violet. D'autres sont sur la réserve et assurent qu'il n'est pas assez puissant pour décrocher un orgasme. Néanmoins le prix est attractif : vingt dollars quatre-vingt-dix-neuf.

« Type 4 - Le point G : Cambré, il atteint avec précision la zone qui vous fera Grimper aux rideaux. C'est l'incontournable à avoir dans son tiroir secret. »

— Mademoiselle Leroi, m'interrompt monsieur Anderson derrière moi.

Je sursaute, bondis sur mon siège et fait rapidement glisser le curseur de ma souris sur l'écran jusqu'à la croix en haut à droite. Je me loupe, clique sur une publicité. Les gémissements d'une jeune femme sortant de mes haut-parleurs préviennent tous mes collègues de la scène qui est clairement en train de se dérouler devant mes yeux : la publicité d'un site porno vient de s'inviter sur mon écran.

La honte... J'ai honte... Enterrez-moi vivante au pôle Nord !

Tous les regards sont tournés vers moi, certains moqueurs, d'autres plus dans le jugement, mais aucun n'est compatissant. J'attrape ma souris, mais la fais malheureusement tomber au sol, aux pieds de Connor qui soupire d'exaspération.

Il se penche, récupère l'objet et se place à côté de moi.

— Laissez-moi faire, propose Connor avec calme, cette fois.

Il pousse ma chaise à roulettes sur le côté, se positionne devant mon ordinateur et retire la page problématique d'un clique aisé. Connor se relève, droit comme un piquet, lance un regard sévère qui passe de mon écran à mes yeux, puis se pose encore une fois sur le site. En face de nous s'affiche toujours la page du vibromasseur «  Angelo ».

— Vous m'expliquez pourquoi vous errez sur des sites interdits au moins de dix-huit ans sur votre temps de travail ? continue-t-il d'une voix grave et posée.

— Ce n'est pas pour moi. C'est une recherche pour l'article d'Agathe sur les vibromasseurs de Noël.

— Mademoiselle Ryan ne bosse pas sur ça, confirme-t-il.

Je passe ma tête sur le côté du P.C et vois Agathe qui hausse les épaules en souriant.

— Dans mon bureau. Tout de suite, Carla.

Il passe ses soirées à chercher des prénoms en «C» ou quoi ?

J'éteins l'écran de mon ordinateur, lance un doigt d'honneur à mon amie, toujours en train de rire, et file dans la pièce à la vue magnifique.

— Je vous jure que c'est Agathe qui m'a demandé de faire cette recherche, me défends-je.

Connor se place devant son bureau, les reins collés à la bordure et croise les bras contre son torse. La mâchoire serrée et le regard ardent qu'il me lance ne présagent rien de bon.
De mon côté, je peste contre mon amie, puis je réalise que c'était peut-être un sujet qu'elle souhaitait garder secret le temps de tout préparer, qu'elle n'a donc pas menti mais qu'elle ne voulait pas que quelqu'un s'empare de l'idée avant elle. Alors telle une autruche, elle a enfoncé sa tête dans le sol et n'a pas cherché à me défendre ou à affirmer que le sujet était bien d'elle.

— Peu importe. Ce qui me choque c'est que votre choix se soit arrêté sur ce truc bon marché.


— Pardon ? dis-je surprise.

Je cligne des yeux trois fois à la suite, aussi rapidement qu'un éclair en réfléchissant : mon cerveau me joue des tours.

Est-ce qu'il a vraiment dit ça ? Monsieur coincé-du-cul ?

— On voit votre manque d'expérience dans ce domaine, mademoiselle Leroi. L'Angelo est très bien pour les minettes à peine majeures qui n'ont pas vraiment connu l'orgasme, le vrai. Est-ce votre cas ?

Cette fois je suis certaine: il parle bien de sexe. Je vire au rouge, bug un instant. Je me demande tout de même si ma gueule de bois ne me fait pas halluciner. C'est totalement déplacé, surtout venant de lui. Je vais faire semblant de ne pas avoir entendu sa dernière question. Comment lui dire que ma jouissance a toujours été simulée ? Enfin, je sais ce qu'est le plaisir solitaire, je l'ai un peu expérimenté avant d'être avec David, mais ensuite, je ne sais pas, je n'ai pas ressenti le besoin ou l'excitation pour le faire. Je trouvais qu'on avait assez de rapports sexuels, lui et moi, pour ne pas avoir envie de faire ça seule, dans mon coin. Mais maintenant que j'y pense, David a toujours fait passer son plaisir avant le mien. Je n'ai jamais vraiment eu de fin concrète à nos parties de jambes en l'air.

— Vous allez me faire croire que vous vous y connaissez ?

— Bien plus que vous, à l'évidence. Il manque le repli pour masser le point G ainsi que la vibration clitoridienne pour augmenter le plaisir, ce qui me semble, à mon humble avis, non négligeable pour le plaisir ultime chez la femme.

Purée de courge, il me parle de vibromasseur ?

— Je... noterai ça pour mon amie, merci. Puis-je retourner à mon poste ?

— Je n'ai pas fini, grogne-t-il.

Il fait quatre grands pas et se trouve près de moi. Trop. Au point de pouvoir percevoir la chaleur émaner de son torse. Viril, droit, imperturbable. Tout le contraire de moi qui suis en train de bouillir de mal-être. Je me résigne enfin à lever la tête pour capter son regard bleu. Il me scrute, me déstabilise. J'ai la ferme impression que l'air se charge en électricité, qu'une tension sexuelle est en train d'envahir la pièce, mais aussi mon corps, captive du désir qui grésille dans mon estomac. Quant à lui, il déglutit : sa pomme d'Adam remonte légèrement avant de redescendre. Je n'avais jamais remarqué qu'une gorge pouvait être aussi sexy.

Ma bouche s'entrouvre automatiquement, happée par le beau mâle qui ne se trouve plus qu'à quelques centimètres de mes lèvres. Il dérive au niveau de mon oreille et souffle quelques mots qui ont pour but de faire fuir ma culotte dans les couloirs de l'entreprise.

— Rien ne vaut les doigts d'un homme, les caresses et la baise en elle-même.

— Tout .. tout dépend avec ...qui, monsieur, bégayé-je sous son emprise.

Merde! Je pourrais gémir rien qu'en écoutant sa voix grave au niveau de mon cou.

— Vous n'avez pas tort, miss Leroi. Il faut un homme loin d'être égoïste qui pense au plaisir féminin avant de penser au sien.

Je tente de reculer afin d'échapper à toute cette tension qui s'accumule dans le creux de mes reins, mais je me retrouve contre la porte. Il suit mon pas et continue sur sa lancée.

— Si vous voulez prendre du plaisir toute seule, je vous conseille « Stimulpower-rabbit ».

« Type 5 - Le rabbit : Il stimule deux zones érogènes en même temps, le bouton de chair et le point inter-Galactique, c'est donc l'idéal pour celles qui apprécient la double stimulation. »

Il me fait un clin d'œil et ouvre la porte pour me faire sortir avant de m'interpeller.

— Au fait, restez ici jusqu'à dix-neuf heures. Je vous emmène ensuite au marché de Noël de Boston, la quatrième chose à faire de votre liste. En revanche, la case suivante, vous l'oubliez. Ça n'arrivera jamais.

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