Chapitre 20 - Vue sur Boston
14 décembre
Pas de retour en arrière possible, que ce soit pour la chance de ma vie déjà envoyée par mail, samedi en fin d'après-midi à Jack, ou pour ma foutue liste de Noël déjà formulée sur les genoux du Papa Noël qui n'est autre que mon patron.
Pour une fois, je suis arrivée très - trop - en avance au travail. Mon but du jour est de me plonger corps et âme dans les dernières choses à faire avant d'avoir des vacances bien méritées, mais aussi d'éviter le plus possible monsieur Anderson. Ce matin, comme une évidence, j'ai pensé à me faire passer pour malade. L'hiver est là, les microbes aussi, donc ça aurait été facile de fabuler à ce propos. Le seul problème dans l'équation : Connor. Étant sa voisine, à présent, je suis certaine qu'il serait venu vérifier par lui-même l'état dans lequel je me trouve.
Je n'oublie pas qu'il possède la clé de mon appartement et il aurait été capable de pénétrer à l'intérieur de mon logement pour m'enfoncer un thermomètre dans le cul. Histoire d'être sûr que je sois vraiment malade. J'avoue que cette idée de remplacer le thermomètre par sa ...
Mais putain Cassie reconnecte ton cerveau tout de suite ! J'ai envie de me foutre des baffes.
Je laisse retomber ma tête entre mes mains : reprendre ma respiration et la synchroniser devient vital. J'inspire, expire, extériorise mon stress en faisant trembler ma jambe quand la voix grave et sensuelle de mon patron s'insinue dans mes tympans.
— Dur weekend, Cristal ?
Je pivote légèrement la tête en arrière et le fixe, détachée de tous sentiments.
— Ne m'en parlez pas. Et cette matinée ne s'annonce pas sous de meilleures hospices.
J'inspire un grand coup avant de continuer.
— Mathilde a eu un souci à l'accueil, un certain monsieur Fisher n'a pas réussi à faire passer sa carte d'invité dans les locaux. Il est resté coincé en bas pendant dix minutes avant qu'on n'arrive à confirmer son identité et le rendez-vous prévu. Il était tellement en colère, vous vous doutez bien. Du coup, je lui ai dit de passer ses nerfs sur vous plutôt que sur moi. Il vous attend dans la salle de réunion depuis...
Je jette un œil à l'horloge de mon ordinateur avant de continuer.
— Exactement treize minutes et douze secondes. Vous êtes en retard.
Il fronce ses sourcils clairs et épais me voyant débiter cette information à vitesse grand V sans bégayer une seule fois.
— Avez-vous apporté mon café ?
— Ce n'est pas mon job, monsieur. Je pense avoir été assez docile jusqu'ici. C'est terminé.
J'attrape la souris de mon ordinateur et reprends mon travail en snobant parfaitement Connor qui râle dans sa barbe, plus fournie que d'habitude. Il entre dans son bureau, retire sa veste, frotte ses mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, pose son écharpe sur le porte-manteau et ressort immédiatement en me lançant un regard glacial. Il s'enferme ensuite dans la salle de réunion, me jetant quelques œillades appuyées quand mon visage se tourne vers la salle en verre.
Une bouteille de jus d'orange plus tard, je me lève, me dirige vers les toilettes quand je me fais arrêter par le PDG sortant de sa réunion.
— Mademoiselle Leroi, avez-vous envoyé votre article à mon père ?
Je hoche brièvement la tête. Je refuse de discuter avec lui et encore moins de lui expliquer pourquoi je lui en veux. Il m'a menti, caché son jeu, mais pour quelles raisons ? Est-ce qu'il compte me faire marcher ? S'en servir contre moi dès qu'il en aura l'occasion ? Lui qui aime me rabaisser, me demander de faire des choses qui n'entrent pas dans mes fonctions, me taquiner, m'énerver. Monsieur Anderson a tous les éléments qu'il faut pour me jeter en pâture aux lions affamés. Qu'est-ce qu'il attend ?
Je décide d'être brève, sèche et de lui faire comprendre que notre collaboration est belle et bien terminée.
— Oui. Vous n'aurez plus à me supporter en dehors des heures de travail, grimacé-je.
— Cas...
— Anderson ? l'interpelle soudain une voix plus fluette derrière moi.
Je tourne les talons et salue la directrice du magazine de mode de notre pôle éditorial. La grande brune, perchée sur ses talons, tape sur le cadran sa montre en souriant afin de lui faire comprendre qu'il est en retard.
— Vous êtes à la bourre... encore, me moqué-je alors.
Il entrouvre ses lèvres pour m'adresser un sourire forcé et se dirige vers Nolwenn d'un pas assuré. Je l'observe malgré moi fermer le dernier bouton de sa veste de costard avant de disparaître dans les couloirs.
Le reste de la journée s'est déroulé dans la même lignée. Je suis restée froide et distante à chaque interaction avec mon patron. Je l'ai vu se crisper à plusieurs reprises, mais je n'ai pas arrêté de m'attaquer à son égo et de l'envoyer bouler dès que l'occasion se présentait.
L'heure de quitter le bureau a sonné. Je remballe mes affaires et me dirige vers l'ascenseur. Les deux derniers collègues éteignent leur ordinateur, prêts à quitter les lieux à leur tour.
— Mademoiselle Leroi, j'ai besoin de vous, ajoute la voix grave de Connor derrière moi.
— Je suis désolée, monsieur, j'ai un rendez-vous ce soir... au restaurant... avec un homme, mens-je.
— Romeo attendra, mon ordinateur a cramé. Vous savez où se trouve la garantie ?
— Oui monsieur. Deuxième tiroir de votre bureau.
— Montrez-moi, souffle-t-il la voix rauque.
— Vous êtes sérieux ?
— Écoutez, ce tiroir est rempli de papiers en tout genre. S'il vous plaît.
Il ne détache pas son regard brûlant du mien et fronce les sourcils.
— Fais chier, râlé-je dans ma langue natale.
Je le dépasse, fais de grands pas pour atteindre son bureau, ouvre le second tiroir et fouille le tas de feuilles en bordel pour en sortir le Graal.
— Voilà ! Tenez, me contenté-je de dire.
— Vous me sauvez.
Je souffle et pars en direction de la porte quand Connor empoigne subitement mon bras, me retiens.
— Quelque chose ne va pas ?
Il plonge son regard bleu dans le mien. Je sens des picotements à l'endroit précis où sa peau touche la mienne. Mon bas-ventre se contracte. Il est bien trop proche de moi. Son parfum, ses yeux, son aura : tout me plaît.
— Tout va pour le mieux, murmuré-je. Je dois... partir. On m'attend.
— Pas tant que vous ne me dites pas ce qui vous rend si triste aujourd'hui. Vous êtes du genre joyeuse, solaire, éclatante et rien ne peut vous froisser.
Il a oublié empotée, grassouillette, et aux baisers aisément oubliables.
Mes yeux commencent à se remplir de larmes. Connor ne se doute pas une seconde que mon malheur découle de lui, de ses actes. Entre le fait qu'il ne m'ait laissé croire que le Père Noël n'était qu'un inconnu croisé au hasard de ma route dans un moment de faiblesse et le baiser qu'il m'a offert pour ensuite me pousser de la falaise avec violence. Je suis à bout parce que je ne pense qu'à ça, qu'à lui, qu'à cette bouche. Il m'obsède complètement et me fait littéralement rager.
Respire Cassie... joue franc jeu et laisse-le assumer son manque de franchise.
— Vous m'avez menti, boudé-je.
— À quel sujet ?
— Vous êtes le Père Noël du centre commercial... Aby m'a tout dit samedi.
Connor ouvre la bouche, hébété. Il relâche mon bras, passe sa main dans ses cheveux, les ébouriffe.
— Je n'ai pas menti Cassie, j'ai seulement omis de vous donner ce détail.
— Omis ? Mais, vous vous rendez compte de ce que je vous ai dit ? paniqué-je.
Son visage s'adoucit. S'il continue de me fixer ainsi, je ne vais pas pouvoir reprendre ma vendetta contre lui.
— Oui, Cassie.
— J'ai déballé toute ma vie privée, continué-je en balançant mes bras dans tous les sens.
— Je sais, Cassie.
— Je vous ai raconté mes désirs et mes problèmes sexuels, m'époumoné-je en me frottant la figure couverte de honte et de colère.
— J'ai adoré cette partie, Cassie.
Il m'énerve. Bien sûr que la situation l'amuse. Pourquoi en serait-il autrement ?
— Pouvez-vous cessez de dire mon prén...
Je me stoppe quand je réalise qu'il l'a parfaitement prononcé plusieurs fois à la suite.
— Attendez, vous m'avez appelé Cassie ? réalisé-je désemparée.
— C'est exact.
— Vous n'aviez plus rien en stock ?
— Oh si ! Tellement. Je pouvais tenir encore plusieurs semaines, avoue-t-il sans honte. Mais revenons plutôt à votre liste exhaustive de Noël.
Il déglutit, sa pomme d'adam remonte puis redescend avec une grâce qui m'hypnotise. Il reprend, la voix plus sourde et le regard plus profond :
— Vous aviez parlé de « baiser » dans mon bureau, je crois...
C'est à mon tour de déglutir.
— Pas exactement, non. Je parlais seulement de la vue sur Boston, frissonné-je.
Je baisse mon visage, fixe mes pieds, mords l'intérieur de ma joue. J'ai honte. J'aurais préféré ne rien dire finalement et m'enfuir en prétextant que tout allait bien, vraiment bien.
— Hum. Vous vouliez un homme avec des yeux bleus, confirme-t-il.
— Qui se souvient de la couleur...
— Musclé.
— Pas forcément non.
— « Charismatique qui ressemble à mon boss ». Je doute que vous ne parliez pas de mon père, se marre l'homme en face de moi.
— Je n'ai jamais dit ça... Et vous ne l'êtes pas tant que ça. Et puis j'ai surtout demandé qu'il soit moins con que vous.
— Cessez de me contredire Cassie et regardez-moi.
Il fait un pas en avant, son buste se colle à ma poitrine. J'ose relever la tête, détailler les traits de son visage et les émotions qui le submergent à présent. Connor brûle, bouillonne de désir. Je croise son regard, le même que l'autre soir quand ses lèvres ont dégusté mon corps parsemé de chair de poule.
— Arrêtez de vous approcher, le supplié-je.
Je ne veux pas revivre ça. Je me consume déjà après un simple baiser, alors s'il ose me toucher, je ne sais pas si j'arriverais à me retenir.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne voudrais pas que des collègues nous surprennent ainsi, proches...
Je trouve une excuse, recule, pose mon dos contre la porte, prisonnière de ses griffes. J'ai peur, pas de lui, non, mais de ce qui grignonne actuellement mon estomac, de ce qui vibre ma cage thoracique, de ce qui frétille entre mes cuisses, des pulsations qui accélèrent dans mes veines. Je le veux, lui. Maintenant.
— Il n'y a plus personne, les lieux sont déserts.
— Reculez quand même, dis-je à bout de souffle.
Mais c'est le sien que je sens s'écraser sur mon front.
— Rejette-moi, Cassie.
Son ton sonne comme une supplication. Il se perd dans mes yeux caramel, saisit une des guirlandes posées sur le meuble à côté de la porte, la passe autour de mon cou comme un cow-boy avec son lasso et tire sur les extrémités de celle-ci pour que mon visage ne soit plus qu'à quelques millimètres du sien. Je dépose les armes, forcée d'admettre que j'en ai - très - envie.
Ses lèvres frôlent les miennes, déposent un chaste baiser, comme la dernière fois, pour s'assurer de mon consentement. J'aime que ce soit si doux, si agréable, si chaud. J'adore qu'il attende mon accord avant de se laisser porter par le feu qui nous anime. Je me laisse faire, réduisant à néant l'infime espace qui nous sépare.
Ma poitrine s'écrase contre son torse bandé, déclenchant une intense brûlure sur le bout de mes seins, déjà excités par sa simple présence. Connor attrape ma nuque, presse sa bouche contre la mienne, approfondit notre baiser, m'offre une étreinte rassurante.
La guirlande posée sur ma nuque est rapidement dégagée par les mains expertes de mon patron. Puis, suivant la mélodie sensuelle qui nous porte, il balade ses mains le long de mon dos, emprisonne mes fesses entre ses doigts et me soulève pour me plaquer contre la porte. D'un automatisme déconcertant, j'enlace mes jambes autour de sa taille en gémissant contre sa bouche. Connor nous éloigne de l'entrée, susurre à proximité de mon oreille que mes lèvres lui ont manquées.
Il se souvient !
Mon fessier rencontre son bureau qu'il vient de balayer d'un geste du bras. Les dossiers sont éparpillés au sol et je me fous de savoir qui va devoir ramasser et trier toute cette montagne de feuilles. Connor calme son ascension, me contemple un instant le souffle court. Nous haletons, cherchons l'air qui nous manque. Il recule, déboutonne sa chemise blanche et tire sur sa cravate. Ma lèvre inférieure se faufile entre mes dents : je profite du strip-tease que Connor accepte de me donner.
Mes bras s'étirent en avant, mes mains se posent sur ses épaules puis, lentement, je fais glisser le tissu de son vêtement le long de ses biceps, dévoilant à mes yeux, sa musculature.
— Les muscles, validés ! Les yeux bleus, on est bon, la vue sur Boston, juste derrière moi, énumère-t-il en se penchant vers ma bouche. Il reste la bête de sexe.
Il plaque ses mains de chaque côté de mon corps, jure en anglais avant de reprendre possession de ma bouche. Sa main droite caresse ma jambe et remonte sous ma robe. Il s'empare de mon collant, tire dessus et le déchire tout en s'excusant d'avoir été un peu trop brusque. Je laisse échapper un rire, l'aide à retirer cette merde qui ne ressemble plus à rien, puis il pousse mon tanga blanc sur le côté, impatient de toucher mon corps nu.
Mes doigts passent dans la boucle de sa ceinture, tire dessus pendant qu'il taquine de son pouce, mon bouton de chair. Je gémis quand il enfonce son majeur à l'intérieur de mon intimité. Sa bouche lèche ma peau, sa barbe irrite ma nuque. Une vague de plaisir s'empare de moi, mon souffle s'accélère et je plonge dans les abysses du plaisir charnel.
— Tu te souviens de notre baiser n'est-ce pas ? lui demandé-je.
— Je me souviens de tout, souffle-t-il avec un sérieux qui me noue le bas ventre.
Puis il ajoute, d'un air plus hésitant :
— Je pensais que toi non...
On se met à rire comme deux cons, face à la situation. Je me souviens lui avoir dit ne pas m'être souvenue de son invitation à venir travailler chez lui. Il a imaginé que j'avais oublié notre premier baiser. S'il était si détestable ce jour-là, c'était sûrement à cause de sa frustration.
— Connor ! nous interrompt une voix de femme.
— Shit !
Il retire ses doigts de mon intimité, m'aide à descendre de la table et appuie légèrement sur ma tête pour que je passe sous le bureau.
Je suis cachée comme une adolescente.
La jeune femme ouvre la porte pendant que mon patron enfile sa chemise et la reboutonne rapidement.
— Putain, Maureen, je t'ai déjà demandé de frapper avant d'entrer.
— A moins que tu ne sois en pleine partie de jambes en l'air, je ne vois pas pourquoi je devrais toquer.
Connor me jette un regard luxurieux.
— C'est un peu ça... tu peux sortir d'ici, s'il te plaît ?
— Oups ! Je suis désolée, mademoiselle ou jeune homme. Je dois vous l'emprunter pour une urgence, ajoute-t-elle sèchement.
La porte claque sous le grognement de mon amant du moment. Je reste immobile, les genoux repliés sur mon visage, cachée en-dessous du bureau. Il s'accroupit, caresse mon visage et embrasse mon front.
— Cassie, je dois aller voir Maureen. Je l'emmène dans la salle de réunion. Tu pourras partir tranquillement. On se voit ce soir ?
J'opine du chef et regarde, dépitée, l'ombre de mon patron disparaître loin de moi.
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