Chapitre 19 - Conseils pour réussir ses courses de Noël
12 décembre.
Mes paupières sont encore lourdes ce matin et la lumière du soleil agresse mes pupilles qui s'acclimatent aux rayons matinaux. Je m'étire, baille tandis que ma vision, d'abord floue, s'affine petit à petit. Je me redresse, m'assieds contre mon oreiller et trouve à côté de moi, non pas un mâle super sexy, mais bien mon ordinateur en veille. D'un revers de main, j'essuie la bave coincée dans mes commissures et rigole nerveusement.
Heureusement que je dors seule finalement.
Je m'extirpe de mes draps, balance la couette à l'arrache sur le matelas et file dans ma salle de bain. La vapeur émanant de l'eau trouble ma vision et je me perds dans mes pensées, retourne à ma soirée d'hier.
Hier soir...
La douce odeur de chocolat chaud éveille mes papilles et chatouille mes narines. J'inspire, m'enivre du parfum sucré qui m'a gentiment été proposé par Connor. Je griffonne quelques notes sur mon carnet, assomme mon voisin de mille questions qui tourbillonnent dans mon esprit.
Accoudé à son plan de travail, il m'examine avec un sourire timide qui étire les coins de ses lèvres, celles qui se sont posées sur les miennes un jour auparavant. Je souffle, tentant de virer cette image bien trop douloureuse pour moi, avant de reprendre totalement la route de mon objectif principal.
— Bon, commencé-je. Il y a quelques jours, vous m'aviez dit, ne rien aimer de Noël. Est-ce que les choses ont changé ?
Connor se redresse, examine les environs. Ses yeux se posent sur les décorations qui hantent à présent son salon. Tout ici réchauffe cette pièce, la personnalise, l'illumine. Les mains dans les poches de son jeans, il hausse les épaules et se focalise à nouveau sur moi.
— Disons que les ornements ne sont pas si mal. Même si le mode « clignotement » m'agace profondément quand je suis posé dans mon canapé, au calme.
Il poursuit sa réflexion, ajoute qu'il se fait violence pour ne pas tout débrancher quand il se mate un film. Je note le premier point important.
— La décoration apporte un petit plus dans une pièce. Elle nous plonge dans la magie des fêtes, récapitulé-je en posant bien tout sur mon papier.
— Je suis déçu que nous n'ayons pas pu aller à la patinoire, je suis certain que vous seriez tombée sur vos fesses, se moque-t-il.
— Vous avez aimé faire les gâteaux avec votre neveu, il me semble, continué-je sans prêter attention à sa dernière intervention.
— Vous n'avez pas tort.
— La création de pâtisserie rapproche. La fierté se lit ensuite dans nos yeux lorsque l'on vient à déguster le premier morceau, chuchoté-je toujours concentrée.
Quand nous avons fabriqué les bonhommes en pain d'épices, j'ai vu Connor sourire à plusieurs reprises. Il était joyeux, peut-être parce que la cuisine reste sa passion principale, mais je crois surtout que ce moment entre Maxime et lui était unique.
— Et le sapin ? m'enquiers-je alors.
— Définitivement non ! En plus, je passe mon temps à nettoyer toutes les aiguilles qu'il perd au fil des jours. L'année prochaine je ressors mon petit bidule, râle-t-il. Tout ce qui est petit est mignon, n'est-ce pas, mademoiselle ?
Il m'adresse un clin d'œil en souvenir de ma blague sur la taille de son sapin et de son pénis.
Oh mon Dieu, j'avais osé.
— J'ai néanmoins apprécié quelque chose, mademoiselle Leroi, précise-t-il.
— Laquelle ? dis-je heureuse de pouvoir enfin noter quelque chose qu'il a vraiment aimé dans mes activités.
— Que vous ayez utilisé mon cadeau.
J'écarquille mes yeux café et détourne mon regard du sien. C'est fou que, dans cette situation, la gêne soit de mon côté ; après tout, c'est lui qui avait été déplacé dans son « offrande » ! Mais loin de simuler un début de mal-être, au contraire, il se lève et fait quelques pas dans ma direction. L'air s'épaissit à mesure qu'il avance. Connor s'arrête à ma hauteur ; je ne le regarde pas, mais je le sens qui se penche à mon oreille, pour y murmurer, gravement :
— Et si vous avez pensé à moi pendant, j'en serai d'autant plus flatté.
Il s'écarte, laisse un froid entre nous et se dirige vers la baie vitrée. Là, ses yeux scrutent l'horizon complètement noir. Je cesse d'admirer son profil, pour me concentrer sur mon article, mais une vive chaleur s'empare de ma nuque. Je sens qu'il me fixe. Il attend sûrement une réaction de ma part, mais laquelle ? Je glisse du tabouret, me penche pour récupérer mon sac posé au sol avant de jeter dans sa direction, les joues rose framboise :
— Ça ne vous regarde pas. Merci pour votre temps. J'ai tout ce dont j'ai besoin pour finaliser mon article. Et même si vous l'avez fait à contrecœur, merci.
Je quitte la pièce, m'engouffre dans le couloir, le cœur battant.
Retiens-moi bordel, Connor !
C'est ça que j'ai espéré, au plus profond de moi.
Aujourd'hui
Il neige encore et le tapis blanc recouvrant le sol grince sous chacun de mes pas. J'avais besoin de me dégourdir les jambes, mais aussi de passer acheter le cadeau de ma nièce et, si possible, trouver quelque chose pour ma sœur et mes parents. Je retire la liste coincée dans la doublure de la poche de mon manteau rouge et vérifie tous les points de celle-ci.
Premier conseil : Élaborer une liste et commencer par les priorités.
Si possible on regroupe par magasins afin que ce soit plus simple et plus rapide à trouver.
Le bout de mon nez est gelé, mon corps frissonne, ma bouche libère un fil de condensation, mais cet air vivifiant fait un bien fou. Je marche, motivée par la voix du GPS qui m'indique la route à suivre pour me rendre au magasin de jouets le plus proche. Il reste quelques mètres à effectuer. Je glisse une ou deux fois, mais arrive entière à ma destination. Je relève mes yeux, réalise que je suis face au centre commercial de la honte. Celui-là même, où j'ai rencontré le Père Noël, devant lequel je me suis ridiculisée. Les souvenirs qui règnent ici me glacent le sang. Au-delà de l'énumération fortuite - bon ok, pas si accidentelle que ça, mais j'étais bourrée - de ma liste de Noël, c'est à proximité que j'ai croisé mon ex. Le pot de colle qui ne m'a d'ailleurs plus dérangée depuis l'intervention de mon patron.
Le vent froid de la ville laisse place à l'air chaud du chauffage dès que mon pied passe la porte automatique du grand immeuble de verre. J'avais déjà vu les prémices des décorations, mais je dois dire que le résultat final est juste parfait. Je me balade entre les petits chalets de bois, admire la décoration faite de gui, d'étoiles, de petits sapins scintillants et de guirlandes nouées aux branches des conifères. Je m'arrête à un stand et caresse du bout des doigts une paire de boucles d'oreilles argentées en forme de flocon de neige fractal.
Une fois l'achat effectué, je sautille et souris bêtement face à toute la magie de Noël qui habite ce lieu. Les magasins ouvrent leurs rideaux de fer, prêts à accueillir la masse de clients qui va débarquer dans quelques secondes. Il est à peine neuf heures et dans quelques minutes, cet endroit sera bondé d'enfants qui crieront partout, couvrant les musiques saisonnières diffusées ici. Les parents seront excédés et pressés au point de se bousculer et les vieux seront là alors qu'ils ont tout leur temps, en semaine, de faire leurs achats.
Deuxième conseil : Faire les courses en semaine ou bien à l'ouverture afin d'éviter le monde.
Je presse le pas et pénètre dans le magasin de jouets, le même que la dernière fois, salue poliment l'agent de sécurité et m'enfonce dans le paradis des mômes. Je déambule dans les rayons à la recherche de la superbe poupée grandeur nature que l'on peut maquiller et coiffer.
Je tombe nez à nez avec la beauté blonde et la dépose dans un grand sac et opère un demi-tour pour regagner la caisse automatique.
Troisième conseil : Se partager les tâches et les achats avec la famille ou les amis avec qui vous allez fêter Noël.
Quatrième conseil : Ne pas s'y prendre à la dernière minute.
— Cassie ?
La voix d'Aby, qui passe au-dessus du brouhaha de la boutique, me fait sursauter. J'ai à peine le temps de leur faire face que Maxime me saute dessus et m'enlace, à deux doigts de me faire tomber. Il rigole, je lui caresse la joue pour le saluer avec douceur.
— Bonjour tous les deux, chantonné-je.
Le bonhomme me rend mon sourire et empoigne la manche de mon manteau. Il tire deux fois dessus m'expliquant qu'il souhaite me faire rencontrer quelqu'un. Il m'attire en direction du village de Noël, spécialement conçu pour les petites têtes blondes du coin.
— Accompagne-moi jusqu'au Père Noël, Cassie, s'il te plait, me demande-t-il de ses yeux ronds.
Je stoppe mon avancée, me glace sur place, ne bouge plus. Le petit gars a beau être mon nouveau copain, je ne pense pas être capable d'affronter les yeux perçants de l'homme sur lequel je me suis sauvagement installée - sans son consentement.
— Oh non tu sais, j'ai un passif un peu compliqué avec l'homme en rouge et blanc. Surtout celui-là, avoué-je. Je ne suis pas sûre qu'il ait envie de me revoir.
Maxime explose de rire, me tire encore plus fort pour que je cède à sa requête.
— Il ne déteste personne, il aime tout le monde. Tu peux lui réclamer n'importe quoi. Tu veux quoi comme cadeau ? Je peux lui en demander un pour toi.
— Merci poussin, mais je suis déjà comblée. Allez, file le voir, le poussé-je dans le dos.
Devant la barrière, deux lutins nous fixent et prennent chacun l'une des mains du petit garçon aux boucles dorées pour le faire avancer jusqu'à l'homme âgé, déguisé en Santa Claus. Il m'adresse un rapide regard arqué d'un magnifique sourire, franc et agréable. Bien loin du forcing dont il faisait preuve quelques jours auparavant quand je suis venue ici. Oui bon, je l'ai tout de même attaqué.
Pitié, faite qu'il ne se souvienne pas de moi.
Je lui rends la politesse et observe secrètement Maxime. Ses yeux pétillent, brillent de bonheur lorsqu'il monte sur les genoux de l'homme à la barbe blanche. Le fils d'Aby se met à discuter avec le Père Noël pendant que ce dernier l'écoute attentivement, buvant chacune des paroles du petit monstre blond. Abigaëlle se place à mes côtés, croise les bras sur sa poitrine : une risette se dessine sur son beau visage.
— Nous venons ici tous les samedis matin depuis deux semaines, exprès pour voir le Père Noël. Maxime vient lui parler pendant plusieurs minutes, m'informe-t-elle.
— Sa liste est aussi énorme pour venir tous les week-ends ? m'exlaffé-je, mes iris toujours focalisés sur son fils.
— Non, il veut juste que le Père Noël lui raconte quelques anecdotes sur Dylan, son père, avoue-t-elle avec tristesse.
— Je suis... merde, désolée je n'avais pas imaginé ça, m'excusé-je.
Aby relâche les bras le long de son corps et se tourne vers moi.
— Son oncle ne peut pas lui narrer quelques anecdotes croustillantes ? soupiré-je
— Maxime pense que la magie de Noël peut permettre de parler aux morts. Alors il se confie auprès de lui et ça lui fait beaucoup de bien. Connor vient ici tous les samedis matin gracieusement pendant presque trois heures pour écouter son neveu. Il le fait aussi pour tout un tas d'autres petites bouilles inconnues. Tout ça pour lui.
Elle balance la tête en direction de son fils pendant que je réfléchis à ce qu'elle vient de m'apprendre. Je prends un air ahuri, écarquille les yeux et tourne ma tête dans tous les sens pour voir si j'aperçois mon patron caché derrière un rayon de poupées.
— Tu as dit que Connor venait ici bénévolement ? Mais où est-il ? m'informé-je alors immédiatement.
— En face de toi.
Je tourne mon regard en direction du Père Noël tranquillement assis à quelques mètres de nous et me heurte au profond regard bleu azur qui me fixe, masqué sous une barbe blanche longue et épaisse. Je sursaute, reprends le fil de ma conversation avec Aby : je dois savoir.
— Aby, es-tu en train de me dire que l'homme sous cette barbe blanche c'est... ?
— Connor, oui. Incroyable hein, riote-t-elle.
Je me décompose comme un sapin après les fêtes, je perds petit à petit mes aiguilles asséchées. Je reste droite comme un piquet, assimile cette vérité, gratte nerveusement ma nuque, mordille l'ongle de mon pouce et bouge sur place, mal à l'aise. Je retire ma veste : j'ai un gros coup de chaud. Je m'évente ensuite le visage avec ma main et rassemble mes esprits.
J'ai donné ma lutine de liste à ce lutin de Père Noël qui n'est autre que Connor ?
A deux doigts de m'évanouir, Aby place sa main glacée sur la mienne et me regarde avec inquiétude.
— Cassie, tu vas bien ?
— Non ! Euh oui, il fait juste un peu chaud. Je vais y aller. Merci à toi, c'était cool de vous croiser avec Maxime. Tu lui feras un gros bisou de ma part, s'il te plait.
J'attrape le sac posé au sol et cours en direction des caisses sans me retourner.
Crottins de rennes, guirlande défraîchie, bouffeuse de bûches ! Qu'est-ce que je lui dis, déjà ?
J'ai parlé de baiser dans son bureau ... Avec la vue sur Boston, bordel !
La vendeuse me sort de mes rêveries m'indiquant le prix du jouet. Je paie tremblotante.
J'ai parlé de vibromasseur ...
— Pour qui est ce cadeau ? s'enquiert la vieille dame qui emballe les cadeaux à la sortie du magasin.
Je m'ébroue, inspire profondément et affiche un sourire à la dame aux cheveux blancs.
— C'est pour ma nièce, Olive. Elle habite en France et je la vois rarement. D'ailleurs, je pars de Boston le vingt-quatre pour fêter Noël avec elle. J'ai vraiment besoin de vacances, me confié-je.
La dame fait glisser la tranche de ses ciseaux sur le bolduc pour le faire boucler, puis elle récupère une carte afin d'écrire soigneusement le prénom de la destinataire.
— On ferait n'importe quoi pour les gens que l'on aime. N'est-ce pas ? ajoute-t-elle.
— Oui c'est vrai ... Mais attendez, oui ! OUI ! Je sais, merci madame.
Elle ne comprend pas ce qui vient de se passer, mais elle accepte mon remerciement avant de sourire à nouveau en me tendant le paquet au sublime nœud vert.
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