Chapitre 16 - Recette de la fondue Savoyarde
Connor apparaît dans ma cuisine avec une bouteille de vin dans chaque main, ce vin blanc sucré, celui que j'aime tant et qu'il m'a fait connaître.
J'ai clairement voté pour la proposition numéro trois: « l'occupation de l'estomac ». Je crois que c'est une chose que nous avons en commun, lui et moi : la bouffe.
J'ai faim.
J'ai soumis l'idée à Connor de lui préparer quelque chose. Il a été hésitant, mais a tout de même accepté. C'est vrai que je devrais me surpasser pour impressionner le chef cuisto de passion, mais j'en suis incapable. J'ai donc opté pour une fondue savoyarde, celle que j'avais mise de côté pour la déguster avec Agathe vendredi soir. Elle ne m'en voudra pas.
Je frotte le fond du bol en fonte aux couleurs de Noël avec de l'ail, puis y verse mon vin blanc bon marché. Une fois le Beaufort, le comté et l'emmental râpés, je laisse glisser le tout dans l'alcool frémissant et baisse le gaz. Pendant ce temps, l'homme à côté de moi nous verse un peu de pinard dans deux verres. Nous trinquons à ma future réussite. Je grimace.
Ça ne porte pas malheur de faire ça ?
Après une gorgée fraîche de ce délice, je mouille le mélange, qui commence à fondre doucement, avec quatre bouchons de Kirsch. Je sors le pain dur resté dans mon placard, sous le regard interrogateur de mon patron.
— Vous adorez la cuisine, mais vous n'avez jamais dégusté une fondue ?
Il hausse les épaules, désolé, pendant que j'ajoute une pincée de cumin, du sel et un peu de poivre. Je hume la bonne odeur qui se dégage du plat. Avec ma cuillère en bois, je racle le fond et les rebords pour éviter que le fromage ne colle ou ne brûle, puis je goûte rapidement ma préparation.
— Parfait ! Pouvez-vous me couper des morceaux de pain, s'il vous plaît ?
Il s'empare d'un couteau, tranche le pain pendant que je l'admire, lui, son dos, ses fesses.
La lumière des bougies danse et vibre au rythme de ses mouvements. L'ambiance ombragée et intimiste donne un cadre romantique à notre dîner.
Armée de mes gants, j'apporte sur la table, la base de ma petite casserole et dépose le gel à brûler commandé sur internet quelques jours plus tôt. Monsieur Anderson me rejoint avec le pain et s'assoit en face de moi, en buvant une gorgée dans son verre. Je fais de même et me ressers une deuxième fois sous son regard amusé.
Je pique le pain et trempe la mie dans le fromage fondu pour déguster le tout directement sur mon pique à fondue, imitée aussitôt par mon invité. J'admire et attends, en essayant de deviner ce à quoi il pense. Je scrute les traits de son visage à l'affût du moindre indice qui pourrait me signifier s'il aime ou s'il déteste. Il ferme les yeux en mastiquant le morceau.
— Bon d'accord... Ce n'est pas de la grande cuisine, mais...
— Chut, me coupe-t-il. C'est une bonne découverte, miss Leroi. C'est français ?
Ses lèvres s'étirent, ses dents blanches sortent de leur cachette. Il est franc. Je frissonne. J'acquiesce en silence et reprends une bouchée. Mon téléphone vibre sur la table. La tempête s'est calmée, le réseau a regagné ses droits pour l'immense bonheur des personnes qui pensaient passer la soirée à adresser des SMS à leurs amis. Sur l'écran de mon portable, le message qui s'affiche est envoyé par David. Le « Tu me manques Cassie » me fait sursauter. Je m'étouffe, tousse, bois cul sec mon verre de vin. Une seconde secousse sourde fait son apparition avec une deuxième missive : « Je t'en prie, réponds-moi ma puce. ».
Le regard torve que j'accorde à l'écran de mon téléphone se transforme en regard sévère. J'ai la nausée.
— Vous ne répondez pas à votre petit ami ? s'enquiert mon invité.
— EX-petit ami. Et non, il peut aller fourrer sa dinde, j'en ai plus rien à foutre, grimacé-je.
L'homme en face de moi sourit, et, sans demander quoique ce soit, me ressert un troisième verre.
— Appelez-le, ordonne-t-il sèchement.
— Hors de question et ce n'est pas à vous de décider pour ...
Connor se lève de sa chaise, avance le bras dans ma direction et vole le téléphone. Il le retourne en direction de mon visage et déverrouille l'écran de celui-ci par reconnaissance faciale.
— Eh ! Rendez-moi ça ! crié-je en bondissant.
Je contourne la table et rejoins mon patron qui pose soudain son doigt sur ma bouche. Il déclenche le haut-parleur. La voix de David s'échappe du petit appareil électronique.
Mais à quoi est-ce qu'il joue ? De quoi il se mêle ?
— Bébé, je suis content que tu m'appelles enfin. J'ai une nouvelle à t'annoncer. J'ai quitté Thaïssa et [...]
Je ne bouge plus, debout, les yeux rivés dans ceux de Connor qui tient fermement le téléphone dans sa main, l'autre toujours posé contre mes lèvres chaudes. Son regard est ardent, je crois aussi déceler de la colère. Il écoute attentivement l'intervention de David.
— Je ne suis qu'un con. Je pense à toi tout le temps, au boulot, quand j'écoute de la musique, quand j'ai fait mon sapin, putain, tu aimes tellement Noël... Mais si je veux être complètement sincère, c'est toi que j'imagine, sous la douche quand je...
Tais-toi David !
Les larmes salées se pointent, elles coulent doucement sur mes joues. Je me sens mal, mais je ne sais même pas pourquoi. Est-ce parce que mon ex est en train de ramper à mes pieds et que ça ravive la souffrance qu'il m'a fait subir ? Est-ce parce que je suis gênée que tout ça se déroule face à lui, mon connard de patron ? Ou bien parce que je suis définitivement épuisée par tout ça ?
Connor fronce ses sourcils, puis il approche le téléphone à proximité de sa bouche et coupe notre interlocuteur avant qu'il n'ait pu partager sa pensée perverse.
— David, c'est ça ? gronde la voix grave devant moi.
Ma poitrine explose, je flippe. Que va-t-il lui dire ?
— Qui êtes-vous bordel ? répond monsieur-infidèle avec surprise.
— Connor Anderson, le nouveau petit ami.
Un grand blanc prend place dans la sombre pièce. Connor avance la paume de sa main et essuie une larme qui dévale sur mon visage, tout en me fixant. Le soupir qui sort des haut-parleurs me fait tressaillir.
Il vient de dire ... quoi ?
Mon ventre se tord, pétille, me fait mal aussi. L'émotion me submerge. Ce mec est clairement en train de repousser mon ex. Il a saisi que je ne voulais plus avoir à faire à lui. Mais pourquoi est-ce que la phrase « je suis le petit ami de mademoiselle Leroi » me serre autant le coeur ?
— Que ce soit bien clair David, je t'interdis de lui envoyer des messages, de lui adresser la parole ou même de penser ne serait-ce qu'une seconde à elle et certainement pas sous ta douche ! Sinon, je viendrai moi-même te rendre visite pour balancer mon poing dans ta gueule de « dick ». Me suis-je bien fait comprendre ? grince-t-il entre ses dents.
Il se redresse et étire les commissures de ses lèvres, conquérant face à un David qui balbutie. Puis il raccroche et pose délicatement l'appareil sur la table. Je déglutis, m'installe sur la chaise à côté de Connor et le remercie du regard en soufflant. Je suis rassurée, je suis enfin débarrassée de monsieur-morceau-de-scotch qui me collait constamment. Le poids dans mon corps s'est aussi allégé. Je n'avais pas le courage de faire face à cette tête de hareng. J'ai beau avoir souffert à cause de lui, je l'ai aimé, tellement aimé. Je sais que j'aurais été capable de retourner dans ses bras s'il avait insisté pour que l'on se voit et si mon boss n'était pas intervenu. Je l'aurais laissé entrer à nouveau dans ma vie. Mais s'il m'a trompée une fois, il l'aurait refait et j'ai la ferme conviction que notre relation aurait été tellement différente. Il a brisé ma confiance. Il m'a leurrée. Il m'a fait mal. Je passe rapidement la manche de mon gilet sur mes yeux, efface les traces de ma tristesse, inspire et soupire bruyamment. Le sourire regagne immédiatement mon visage.
Merci Connor... Merci beaucoup.
— Problème réglé, mademoiselle Leroi, lance-t-il en glissant mon téléphone vers moi. C'est récent ? La séparation, je veux dire, demande-t-il.
— Oh! Si je dois délier ma langue pour tout vous raconter, sachez, monsieur Anderson, qu'il va me falloir encore un verre...
Je termine le troisième et fais signe à Connor de me resservir. Il grince des dents, mais s'exécute tout de même, finissant la première bouteille. Je lui raconte presque tout en détails. Mon arrivée ici, ma rencontre avec David, mon voisin de palier et accessoirement un mec plutôt canon, puis notre installation et notre vie de rêve pendant quelques années. C'est ce que je pensais. Connor écoute attentivement tout en continuant de manger et de boire pour m'accompagner. À aucun moment il ne parle de lui. Il m'écoute, me pose des questions, apprend à me connaître. Je débarrasse la table, chancelle, mais mon preux chevalier du soir saisit ma main et m'attire dans le canapé. Je m'affale dessus.
— Je vais m'en occuper. Reposez-vous, vous n'êtes pas habituée à l'alcool. Et vous avez bien trop bu pour ce soir, se moque-t-il.
J'admire Connor qui range les assiettes dans le lave-vaisselle et détourne mon regard en direction des baies vitrées. Par la fenêtre, les lumières des immeubles voisins commencent à se rallumer.
— On dirait bien que l'électricité a repris ses droits...
Je l'ai dit dans un soupir, désolée que le rêve de ce soir soit désormais fini.
Connor m'observe me hisser hors du canapé moelleux pour filer vers l'interrupteur du couloir. Mais il stoppe soudain mon ascension, en me barrant le passage. J'inspecte ses iris presque noires, sa bouche modérément ouverte, sa poitrine qui monte et descend avec rapidité. Il presse son corps contre le mien, me forçant à appuyer mon dos contre le bois de la porte d'entrée.
Son regard a changé : plus grave, plus profond aussi ; je sens sa poitrine affolée contre la mienne. C'en est fini, il ne tient plus. Nos bouches ne sont qu'à quelques centimètres. Je perçois son souffle erratique, l'estomac noué, et je le supplie intérieurement de le faire. D'enfin soulager le sang qui pulse sur mes lèvres.
Alors, lentement, il relâche la pression sur mon poignet, saisit ma nuque d'une main brûlante et écrase ses lèvres contre les miennes.
Chaudes. Douces. Agréables.
Il ne mêle cependant pas sa langue à notre baiser. D'abord, il se recule, de quelques millimètres à peine et m'observe profondément. Il jauge ma réaction, s'assure que je suis consentante et pas totalement ivre. Je ne me fais pas prier, j'empoigne son tee-shirt vert olive, tire dessus pour le forcer à se pencher, puis je prends possession de sa bouche. J'entrouvre mes lèvres, l'autorise silencieusement à envahir mon espace personnel et il n'hésite pas plus longtemps avant d'enfoncer sa langue dans mon écrin buccal. Nos langues entrent en collision, dansent, s'apprécient et se découvrent. Sa main passe sous ma robe, englobe et empoigne ma fesse gauche. Je gémis contre ses lèvres : clairement en manque de sexe.
Connor se stoppe soudain, pose son front contre le mien et ose sortir quelques mots :
— C'est un body que vous portez ?
Ses yeux remplis de luxure et de malice sont figés dans les miens. Timidement, j'opine du chef.
— Putain ! grogne-t-il contre ma nuque.
— C'est le plus sensuel, l'aguiché-je. Le « baise-moi ce soir, bébé ».
Ses doigts glissent dessus, taquinent la dentelle humide sans franchir la deuxième étape. De mon côté, je passe mes mains glacées sous son vêtement, caresse son torse, cartographie ses muscles. Je le sens se durcir contre mon nombril : il me désire.
Il dévore mon cou, embrasse ma mâchoire pendant que ses mains s'affairent au dénouage de mon sous-vêtement. Je tangue, fais en sorte de rester debout, de tenir un peu plus longtemps, mais ma tête tourne. Je crains que tout l'alcool que j'ai ingurgité soit en train de me monter au cerveau. Je ne veux pas m'évanouir alors je m'accroche aux épaules de Connor. Il resserre son étreinte, continue de bouffer ma peau comme si nous ne venions pas de manger une fondue. Les vapeurs d'alcool s'échappent de nos souffles. Lui aussi est sûrement bien alcoolisé.
Ses caresses entre mes jambes sont d'un délice sans nom. Ses doigts continuent de parcourir mon corps, remontant jusqu'à ma poitrine, soulevant ma robe noire et dévoilant à sa vue le sous-vêtement blanc meringue. Ma tête tourne de plus en plus vite et je tente, tant bien que mal, de rester debout.
— Vous allez bien ? s'inquiète-t-il.
Il recule de deux pas et affiche un air sérieux.
— Je crois que j'ai trop bu, mais ça va, tenté-je de le rassurer. Continue Connor.
J'ai chaud, je bouillonne, je veux le sentir en moi. Maintenant.
— Non, tu as raison, confirme-t-il. La prochaine fois que je t'embrasserai, nous serons tous les deux sobres, me prévient-il en mordant sa lèvre afin de se retenir de me sauter à nouveau dessus.
Lui aussi a énormément bu. Deux bouteilles de blanc à deux, ce n'est pas ce qu'on appelle être dans la modération. Il ouvre la porte, puis embrasse mon front avec une douceur qui me déconcerte un instant :
— Bonne nuit, murmure-t-il contre ma peau.
Je reste interdite, quelques secondes. Mon désir pulse encore entre mes jambes, et mon corps se refroidit bien trop vite. Je voudrais qu'il opère un demi-tour, je voudrais avoir le cran de le supplier de rester. Mais son regard est clair, sa posture déterminée. Et j'accepte silencieusement de le laisser partir. Je le suis du regard dans le couloir jusqu'à ce qu'il se retourne.
— Ah! Et mademoiselle Leroi, demain, vous venez bosser dans mon appartement à huit heures pétantes. Ça sera plus simple d'avoir mon assistante à proximité pour gérer les choses urgentes.
Je hoche la tête en fixant ses lèvres humidifiées par notre baiser.
Recette de la fondue Savoyarde « Vive la France »
Ingrédients :
400 g de comté
400 g de beaufort
200 g d'emmental
30 cl de vin blanc sec
3 bouchons de liqueur de kirsch
1 gousse d'ail
Sel, poivre, cumin.
Recette :
Râpez les fromages ou coupez-les en morceaux.
Frottez le caquelon avec la gousse d'ail et laissez-la dedans.
Versez le vin blanc et faites chauffer. Lorsque le vin frétille, versez les fromages en plusieurs fois sans cesser de remuer avec une spatule en bois sur un feu moyen.
Dès que le vin est fondu, versez les épices et le kirsch.
Régalez-vous !
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