Chapitre 14 - Recette du chocolat chaud de Noël
Nous sommes de retour dans l'appartement de Connor dans lequel explosent les effluves de notre repas de ce soir. Je renifle comme un chien, tente de discerner les différents effluves qui font pétiller mon odorat et détecte le parfum d'une épice que j'aime beaucoup : le curry.
Monsieur Anderson lève un sourcil quand il me voit bouger mes narines afin de terminer mon exploration de senteurs, retenant un rire. Je m'en fiche de ce qu'il pense, ça sent le bonheur ici ! Mes yeux dans le vague, je recherche cette dernière note que je connais, de toute évidence. Du poisson mais ...
— Saumon, m'informe l'homme au tablier en face de moi.
Il me détaille, retient un rire et gratte le bout de son nez. Il veut me faire comprendre quelque chose, mais quoi ?
— Langage des signes ? dis-je soudain.
— Peinture sur le nez. Vous voulez que je nettoie ?
Il sourit... encore. Monsieur est de bonne humeur aujourd'hui, il a dû tirer son coup, tiens.
Je souffle, lève les yeux au ciel et tourne ma tête négativement.
— Mais non, daddy ! C'est un des rennes du Père Noël, clame haut et fort le blondinet.
— Le meilleur, je dirais, m'enjoué-je l'index levé.
— Pauvre Santa Claus et pauvres enfants, se lamente Connor avant de se pencher vers son neveu et de lui souffler la suite. Ce jeune renne est souvent en retard à son travail. Les enfants ne risquent pas d'avoir des cadeaux si tout se joue grâce à lui, plaisante-t-il - ou pas.
Maxime hausse les épaules et part en direction de la table déjà dressée qui n'attend plus que nous. Je suis le mouvement et me place aux côtés de mon copain du soir, dos à la baie vitrée. Connor dépose le plat au centre de la table en mode « bonne franquette » et commence à nous servir. Il place une grosse cuillère de riz puis, au-dessus, ajoute un pavé de saumon et une sauce à base d'épinards et de crème, agrémentée de morceaux de tomates séchées.
Je renifle la fumée qui s'évade de mon assiette en fermant les yeux, prête à piquer dans ce plat qui a l'air délicieux. Maxime, lui, ne se fait pas prier et plonge dans sa gamelle, la famine ayant déjà frappé son estomac. Il affiche ensuite une mine joyeuse.
— J'en déduis que ce n'est pas empoisonné. Je dois faire attention aux chasseurs de rennes en retard, m'amusé-je.
Connor décale la chaise, se retient de rire à ma bêtise et s'installe en face de moi. Il récupère son assiette posée à sa droite et la fait glisser jusqu'à lui.
Pourquoi est-ce qu'il ne mange pas en face de son neveu ?
Le rouge me monte immédiatement aux joues. Je voulais vraiment éviter son regard insistant, surtout après la scène de tout à l'heure quand son torse ...
Alerte égarement de pensée.
À peine ai-je le temps de prendre ma fourchette que le petit garçon entame la discussion, sa bouche encore pleine.
— Tu sais, daddy Connor est un très bon cuisinier. Il voulait devenir chef dans un restaurant.
— Max ! On ne parle pas la bouche pleine, le coupe sèchement son oncle.
Je goûte à mon tour le repas en fermant les yeux dès la première bouchée. Le saumon fond en bouche et les arômes se diffusent dans toute ma cavité buccale. Moi qui ai toujours l'habitude de manger du poisson trop cuit, je suis vraiment surprise par le fondant de celui-ci. C'est que Connor a vraiment des doigts en or... enfin, cuisinement parlant. Ça se dit ? Je ne pense pas.
— Et pourquoi ne pas avoir suivi cette voie-là ? m'enquiers-je.
Monsieur Anderson me dévisage en mastiquant son repas comme si ma question lui posait un problème. C'est vrai, de quoi je me mêle. Mais après tout, je m'intéresse seulement à l'information délivrée par mon nouveau copain aux cheveux blonds.
— C'est... privé, enchaîne-t-il.
Je mords ma joue intérieure afin de ne rien rétorquer. Je peux comprendre qu'il ne souhaite pas que j'entre dans la sphère de sa vie privée. Je sais que je devrais tourner sept fois la langue dans ma bouche, mais j'ai du mal à me retenir avec lui, surtout que récemment, j'ai quand même acquis un gadget plutôt suggestif de sa part.
— Oh ! parce que le cadeau que vous m'avez offert n'entre pas dans mon espace privé ? Ce n'était peut-être pas « assez personnel », dis-je en mimant les guillemets.
Mon patron fait apparaître sa petite ride du lion et maintient son regard agressif vers moi.
— Daddy est le meilleur de tous les cuisiniers du monde.
Les yeux du garçon crépitent. Ce gosse voit son oncle comme un héros, un modèle, une figure paternelle et il est tellement fier de lui. Connor adoucit son regard, relâche la pression qui s'était accumulée et souffle. Il pose sa fourchette, frotte ses paumes sur son visage et triture la mie du pain dans lequel il n'a pas encore croqué.
— Je bossais dans un restaurant gastronomique. Au décès de mon frère, je me suis retrouvé à devoir assumer mon rôle de « fils Anderson » et j'ai dû reprendre des études et faire des formations dans la communication et l'édition. La perte de mon frère ainsi que le rêve de vivre de ma passion, j'ai tout perdu en quelques heures.
Pincement au cœur. Je suis vraiment débile d'avoir osé insister. De quoi je me mêle ? Je suis incapable de me taire et pourtant, ça ne serait pas plus mal de temps en temps.
— Oh pardon je..., m'excusé-je.
Je baisse le regard en direction de mon assiette et regagne ma dégustation en silence. Maxime a ensuite essayé de me raconter un tas de blagues de toto. Toutes plus nulles les unes que les autres, mais qui m'ont donné envie de rire pour lui faire plaisir.
La fin de la soirée à sonné, la porte avec. Connor quitte la table afin d'ouvrir à sa belle-sœur venue chercher son fils.
— Bonsoir Abigaëlle, dis-je en souriant.
— Appelle-moi Aby. Je suis contente de te voir ici !
Son fils lui saute dessus et lui raconte sa journée. Entre la cuisine, la décoration de mon sapin, mais aussi sa petite création, il est ravi de sa journée. Aby me remercie d'avoir ensoleillé la journée du petit Max. Connor embrasse le gamin sur le front en l'aidant à enfiler sa veste. Le petit garçon vole une papillote avant de quitter l'appartement accompagné par sa mère, non sans un dernier câlin à mon attention.
La porte se ferme, nous laissant ainsi, Connor et moi, dans un grand silence.
Seul le tintinnabulement des assiettes et des couverts que je suis en train de débarrasser fait office de discussion. Il saisit la télécommande et active la radio qui passe quelques musiques jazz de Noël.
J'ouvre le lave-vaisselle, range le tout à l'intérieur en veillant à respecter l'ordre dans lequel tout est disposé. Connor a l'air d'être quelqu'un de soigneux et ordonné. Pour ne pas dire maniaque.
Je me relève, referme la porte battante lorsque je sens la douce odeur de cannelle et de santal s'approcher de mon dos. Le corps de mon patron se trouve alors à quelques millimètres de mes reins, ses mains m'entourent afin d'ouvrir le placard se trouvant juste au-dessus de ma tête. Il sort deux tasses et les pose devant moi avant de se reculer et de laisser le froid envahir mon corps.
Mon cœur s'emballe, ma respiration tente de reprendre sa place. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Je tremble intérieurement, je panique légèrement parce que je sais que ce que je ressens à cet instant précis n'est pas anodin. Oui, j'ai envie de sentir ses lèvres dans mon cou, de connaître la sensation de ses mains chaudes sur ma peau et d'écouter son cœur battre en posant ma tête sur son torse nu. Je ferme les yeux quelques secondes pour reprendre le contrôle de mon esprit.
— Le nez rouge vous va si bien, mademoiselle Leroi, riote-t-il dans mon dos.
Je me retourne, pose mes mains sur le rebord du plan de travail derrière moi et baisse les yeux en direction de mes pieds. Je refuse de croiser son regard. Je sais que je risque de fondre et de faire quelque chose de regrettable.
— Mer... Merci.
Bientôt mes joues vont être aussi rouges que la peinture qui se trouve au bout de mon museau. Je replace timidement une mèche derrière mon oreille droite. Connor s'avance à nouveau vers moi, je me décale pour qu'il puisse récupérer les deux tasses qu'il vient de sortir. Anderson capte à nouveau mes yeux et me propose une boisson chaude que j'accepte sans aucune hésitation.
Je m'écroule dans le canapé de mon hôte. Le parfum du chocolat embaume à présent l'appartement, chassant celui du repas de ce soir.
Au bout de quelques minutes, il vient se positionner à mes côtés en déposant la tasse fumante au centre de la petite table basse.
Au-dessus du mélange de lait chocolaté se trouve une crème chantilly parsemée de cannelle. Dedans, trempe un bonhomme en pain d'épice ainsi qu'un sucre d'orge.
Je me saisis du bâtonnet sucré et me délecte de son goût.
Le visage de mon voisin plonge dans le mélange et seuls ses yeux restent à vue légèrement embués par la fumée. Il termine sa gorgée et ouvre sa bouche, prêt à prendre la parole.
— Était-ce une invitation tout à l'heure ? me demande-t-il en réchauffant ses mains contre les parois du bol.
— De quoi parlez-vous ?
Il s'enfonce un peu plus dans le canapé, pose sa tête et lève les yeux en direction du plafond.
Sa main vient caresser son front légèrement ridé par la présente situation. Il est gêné, hésitant : il veut me dire quelque chose.
— Mon frère aîné était mon modèle, ma béquille, mais aussi mon meilleur ami et mon confident, souffle-t-il en changeant de sujet.
— Je ne peux pas vraiment comprendre ce que vous ressentez, mais j'imagine votre douleur... avoué-je.
Je ne sais pas comment est-ce que l'on peut dire « je comprends ce que tu ressens » quand nous n'avons jamais vécu la même situation.
— Je me suis longtemps reproché sa mort. Et encore aujourd'hui il m'arrive de penser que si je ne lui avais pas demandé de venir récupérer Maxime une heure plus tôt, il serait encore en vie.
Je le laisse parler, ses yeux fixant toujours le plafond parfaitement blanc. Je refuse de le couper dans ses confidences. Il a grand besoin de parler et décide de le faire maintenant avec la boisson la plus douce qui soit. Il se lance, sans filet, dans le vide complet sans se poser plus de questions. Il se sent libre de s'exprimer et il se fout complètement de savoir si je l'écoute ou non. Il vide son sac et moi je reste là, immobile et silencieuse, loin de tout jugement.
— Je m'occupe énormément de mon neveu au point qu'il me considère comme un second père. Je suis sa seule figure paternelle, je ferai n'importe quoi pour lui et pour le voir sourire. J'ai mis tellement de choses de côté pour ce gamin. Aby est une merveilleuse maman, mais elle doit aussi se reconstruire et aller de l'avant. Je l'aide du mieux que je peux et je pense qu'elle apprécie. Vous savez, je n'ai pas seulement arrêté d'être cuisinier pour reprendre l'entreprise de mon père, je l'ai fait pour avoir plus de temps pour Max. Le métier de la restauration, qu'elle soit luxueuse ou non, nous demande de bosser presque tous les jours, les week-ends, les jours fériés et les soirs. Je ne pouvais pas me résoudre à ne pas le voir autant que je le voulais.
Je hoche la tête, fait comprendre à Connor que je suis attentive à ses aveux et replonge immédiatement mon visage dans le délice chocolaté qu'il a préparé. Je ferme les yeux, m'enfonce aussi dans le canapé et me laisse complètement bercer par la trompette et le piano du morceau qui est en train de tourner dans cette ambiance feutrée. J'ai envie de danser avec lui, de lui prendre la main, d'attirer son corps contre le mien, de l'enlacer et de déposer ma tête contre son torse.
Après les confessions de Connor, nous retrouvons le silence. Je termine la dernière goutte de mon breuvage, puis me lève. Je vais dans la cuisine, range ma tasse dans la machine et me dirige vers le couloir pour enfiler mes chaussures. Connor se met debout, frotte ses mains l'une contre l'autre et s'approche de moi quand je lui dis :
— Merci à vous pour cette soirée. Je vais me coucher, car demain je dois être à l'heure, sinon je sens que mon patron va me virer à coup de pied aux fesses.
J'attrape la poignée mais Connor a la même idée et sa main, qui vient se poster au-dessus de la mienne, m'effleure et me touche. Son torse se colle à mon dos, pour la deuxième fois de la soirée. Je coupe ma respiration, mon cœur loupe un battement. Je tourne mon visage et le voit, si proche de moi. Mes yeux bifurquent sur sa bouche : j'aimerais qu'il m'embrasse.
Connor pousse une de mes mèches qui traîne devant mon visage et se redresse.
— Si vous êtes en retard demain, je vous vire ! Est-ce clair, Claudine ?
— Cassie, râlé-je en sortant de son appartement.
Recette du chocolat chaud de Noël par Cassie Leroi :
Ingrédients
1/2 litre de lait entier
150g de chocolat noir
1 cuillère à soupe de miel
1 pincée de cannelle
20 cL de crème entière fluide
Minis guimauves
Faire bouillir le lait dans une casserole. Casser en morceau le chocolat noir de votre choix que vous rajoutez au lait tout en baissant le feu.
Remuer doucement jusqu'au parfait mélange.
Ajouter de la cannelle et du miel, puis laisser cuire à feu doux pendant environ 10 minutes.
Pendant ce temps, monter la crème chantilly.
Pour ça, il faut mettre votre robot et ses ustensiles dans le congélateur plusieurs minutes avant de monter la crème.
Fouetter le chocolat et verser le mélange dans une tasse.
Déposer de la chantilly et agrémenter de guimauves, sucre d'orge ou bonhomme de pain d'épices.
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