Chapitre 1 -5 bonnes raisons d'apporter le petit déjeuner à ses collègues
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5 bonnes raisons d'apporter le petit déjeuner à ses collègues.
— Putain Cassie dépêche-toi ! On va être en retard, s'exaspère la belle blonde en déposant sa tasse dans l'évier de la cuisine.
Agathe se hâte, court dans le couloir en pestant contre moi et mon manque de ponctualité. Mes escarpins rouges à talons se retrouvent soudain projetés à quelques centimètres de mon visage, puis terminent leur course sur le sofa juste derrière moi.
Surprise, je fusille du regard ma colocataire qui gesticule dans tous les sens comme un chien pressé d'aller poser sa pêche dans la rue voisine.
Mon amie attache ses longs cheveux fins en une queue de cheval désordonnée, lisse les deux mèches restantes qui volent de part et d'autre de son joli minois, enfile ses baskets blanches, décroche sa veste noire du porte-manteau, puis ferme le bracelet de sa montre Dolce Gabbana au poignet. Ses grands yeux bleus me lancent un dernier regard furtif. Elle souffle de dépit et sort en claquant la porte. Elle disparaît ensuite de ma vue en m'informant qu'il me reste exactement une minute et douze secondes avant qu'elle ne détale sans moi.
Je baisse mon visage fatigué sur les foutues aiguilles noires et rouges qui avancent bien trop rapidement à mon goût mais je reste néanmoins calme le temps de finir mon smoothie pomme/cannelle en gardant en tête qu'Agathe tient ses promesses : elle va me laisser là et je vais devoir me rendre sur mon lieu de travail en bus. Ce même engin regroupant tout un tas d'hommes et de femmes, aisselles apparentes, distribuant l'odeur nauséabonde de leur course matinale. Beurk !
Cette nana au tempérament de feu est non seulement mon amie, mais également ma colocataire ainsi que ma collègue, dans la belle tour vitrée de Boston, depuis trois ans. Lorsqu'elle a su que « couilles molles » - surnom affectif d'après elle - m'avait quittée, elle m'a évidemment proposé de me dépanner. J'ai donc déposé ma valise dans un coin du petit studio tout en sachant que nous y serions légèrement à l'étroit et que j'allais devoir contrôler mes pulsions perfectionnistes. Je me rassure en me disant que c'est de courte durée et que je compte rapidement trouver autre chose de plus cosy et personnel.
Oui, parce que la bombasse ronfle et qu'en plus de ça, elle est somnambule. La dernière fois, elle est descendue et a commencé à se déshabiller pour, je ne fais que citer, « prendre une douche avec du lait ». Non, parce que Cléopâtre plongeait son corps dans du lait d'ânesse pour entretenir la jeunesse de sa peau. Bref, je suis loin d'être gênée de voir le cul de ma confidente, mais tout de même, si elle pouvait éviter de se laver avec un liquide blanchâtre à côté de moi, sur son tapis à trois heures du matin, ce serait vachement plus sympa pour mon sommeil.
Je termine ma boisson, lèche ma moustache sucrée, me lève, range mon bol ainsi que la tasse de la maîtresse des lieux dans le lave-vaisselle en riant nerveusement. Cette gonzesse est complètement bordélique. Tout le contraire de moi et ça se remarque dès l'entrée de la maison : ses chaussures sont sans dessus-dessous sur sol, tandis que les miennes sont parfaitement alignées.
Voilà qu'enfin je me décide à récupérer mon sac rouge à bandoulière, ramasser mes souliers et donner un tour de clé avant de descendre les escaliers dans le froid automnal. Vous devez trouver ça étonnant qu'une nana qui coche tout sur des listes à longueur de temps ne soit pas capable d'être à l'heure, n'est-ce pas ?
Oui bon, OK, je dois bien avouer que je déteste les matins. Me lever est un calvaire et même si j'adore mon métier, je ne supporte pas sortir du lit avant huit heures. Contraignant quand on doit commencer à la même heure.
La portière côté passager est déjà ouverte, n'attendant plus que moi. Je me glisse à l'intérieur de la Twingo jaune, ferme la porte, attache ma ceinture et mets mes chaussures en veillant à ne pas me cogner la tête dans la boîte à gants, car la pilote à côté de moi compte bien arriver aussi vite que possible.
Agathe roule à toute allure sans se soucier des limitations, des feux orange et des panneaux « stop » qui longent notre route habituelle.
Ma parole elle veut nous tuer ou quoi ?
Alors c'est comme ça que je vais mourir ?
Je n'ai même pas encore eu le temps de devenir journaliste.
Soudain mon amie freine. Tant mieux, j'en étais au moment où un vieux pervers nécrophile commençait à tripoter mon cadavre dans le sac mortuaire. Il avait les dents jaunes et puait du bec. Ce ne sera pas pour aujourd'hui, ouf !
Elle se gare en double file, active ses warnings et m'ordonne d'aller chercher des muffins et des cafés en tâchant de revenir rapidement. Oui, nous avons notre retard à passer sous silence. Mais franchement, est-ce que quelques muffins feront l'affaire ?
Je pénètre dans le magasin au nom français que j'adore, celui qui active ponctuellement mon mal du pays, m'engouffre, dans la file d'attente et fixe ma montre en tapant du pied, signe de mon stress évident. Nous sommes déjà en retard et pourtant, je suis là à patienter qu'on me serve une vingtaine de petits gâteaux sucrés.
Derrière le comptoir se trouvent deux femmes recouvertes d'un tablier, en son centre, un logo arrondi aux couleurs vives avec comme inscription française « Délices sucrés de Marjorie ».
Enfermé dans des pots en verre, posé sur des grilles, tout un tas de gourmandises éveille mes sens. Chaque petite friandise donne envie de laisser une petite trace de dent à l'intérieur.
Je m'avance, prononce ma commande dans ma langue natale sous les yeux ébahis de la vendeuse, heureuse de rencontrer une expatriée comme elle, puis lui adresse mon plus beau sourire en lui indiquant que je suis légèrement pressée. Elle opine du chef et s'affaire derrière le comptoir, remplit les sacs et tape à la caisse son contenu.
Puis elle s'arrête, lance un signe à un individu qui me passe soudain devant.
Le téléphone collé à son oreille, l'homme récupère mon sac et fouille dans la poche de son manteau pour en sortir son portefeuille. Décontenancée, je grimace et lance un regard expressif signifiant clairement : « Oh, machin, ce sac est à moi ! »
Je me retourne face à la blonde qui hausse les épaules, faisant mine de n'être responsable de rien. Elle reporte à nouveau son petit minois sur mon voleur de bouffe qui lui rend un clin d'œil très suggestif en la remerciant.
Allez-y baisez sur le comptoir tant que nous y sommes, mais rendez-moi mes putains de gâteaux !
Le brun me lance un regard dédaigneux, prévient son interlocuteur, toujours à l'autre bout du fil, qu'il reprend la conversation dans quelques secondes et étire la commissure de ses lèvres dans un sourire charmeur à faire pâlir toutes les femmes présentes dans la pâtisserie.
— Je paie et récupère cette commande, je suis en retard. Monica va vous refaire la vôtre, dit-il en passant sa carte sur la borne de paiement.
— Moi aussi, je suis pressée, alors vous allez attendre comme tout le monde, m'énervé-je en anglais.
Il plonge son regard bleu dans le mien, comme si ça pouvait m'atteindre, et s'en va sans accorder plus de temps à notre entrevue. Il a deviné de quel bois je me chauffe et il a pris peur : ou bien, il a vu une petite souris essayant de faire sa loi auprès d'un éléphant.
— Toutes nos excuses, c'est un habitué. Je cours refaire la vôtre avec une bonne remise.
Je me fiche qu'il possède la carte « Gros connard de la boutique de muffins » cachée dans la doublure de sa poche de costard : c'était ma commande, il n'y a pas à tergiverser.
Je décide néanmoins de passer cette crise sous silence par manque de temps.
Après cinq minutes supplémentaires de retard, je remonte dans mon carrosse, conduit par une timbrée qui me fusille du regard.
Enfin arrivées toutes les deux au bureau après plus de vingt minutes de retard, nos pas accélèrent leur cadence dans le couloir pour atteindre le plus rapidement possible les ascenseurs.
Quarante-huit étages plus tard, les portes s'ouvrent sous le tintement de la sonnette. Nous en sortons et pénétrons dans la salle de café déjà envahie par des gâteaux qui ne sont bien évidemment pas les miens.
— Je vois que vous avez déjà été gâtés de bon matin, rigole Agathe en posant nos sacs garnis sur la table.
« Raison n° 1 : Le parfait alibi pour le retard. Vous pouvez toujours fabuler et raconter que c'est à cause de la stagiaire qui a tout mélangé et a dû refaire cinq fois votre commande. Vous êtes quelqu'un de sympa, vous n'avez rien dit, elle stressait trop pour que vous en remettiez une couche, la pauvre. »
— Nous sommes en retard parce qu'un crétin mal élevé m'est passée devant... continué-je en parlant dans ma barbe.
Barbe ? Ma moustache, plutôt.
Note à moi-même : Je n'ai pas épilé ma lèvre supérieure depuis trois semaines. Je dois l'ajouter à ma liste de choses à faire pour ce soir.
« Raison n° 2 : Toujours pour vous dédouaner pour votre retard, il faut bien avouer que personne n'osera aller se plaindre à votre patron après les avoir gracieusement payés en dose de sucre. En plus, au lieu de vous prendre une branlée monstrueuse on vous dira "merci". Bravo pour ce retournement de situation ! Allez tchek ! »
J'attrape une viennoiserie, l'enfourne et commence à mâcher bruyamment, la bouche ouverte. C'est très impoli, mais quand je suis en rogne comme ça, j'ai besoin d'extérioriser d'une manière plus sereine que d'envoyer mon poing dans la tête d'un employé lambda.
Ne tape pas Harry, même si sa tête de corn flakes ne te revient pas !
Je n'y peux rien, avec lui c'est juste... physique. Bon ok, je vous baratine un peu. Il s'avère que ce Harry Portman a tenté une ou deux fois de me montrer sa baguette magique dans l'ascenseur, si vous voyez ce que je veux dire. J'ai donc dû faire tomber une ou deux fois le café brûlant de mon boss sur son entrejambe, en pleine réunion, histoire de calmer ses ardeurs. C'est ainsi que je me suis débarrassée du moldu se prenant pour Harry Potter.
— Lorsque le crétin est passé devant vous, vous étiez déjà en retard de cinq minutes, mademoiselle, tonne une voix grave derrière moi.
L'ombre menaçante se déplace dans mon dos, laisse un vent frais sur son passage, senteur bois de cèdre et cannelle, puis déclenche une salve de frissons qui me parcourt à l'instant où son souffle s'abat dans mon cou. Mes muscles se tendent à cause de la mystérieuse pression qui vient de se poser sur mes épaules.
« Raison n° 3 : Manger n'est-il pas le meilleur remède contre le stress et l'anxiété ? Il est fort probable que votre cadeau permettra à vos collègues grognons d'être plus souriants. Ça ne marche pas à tous les coups, mais ça se tente. »
Je me retourne, stagne quelques secondes devant le torse de l'inconnu avant de lever la tête à la limite du torticolis. Cet homme est incroyablement grand.
Nom d'un caramel mou... c'est lui, le voleur !
Je détaille ses traits, plonge mon regard dans l'océan bleu de ses yeux cachés derrière ses lunettes aviateur, suis l'arête de son nez, puis descend le long de ses rides du sillon nasogénien. Je trouve enfin refuge sur sa bouche : fine et entourée d'une belle barbe bien taillée.
Il montre son impatience en tapotant son index sur ses lèvres, que j'étais en train d'admirer, faisant apparaître une montre hors de prix à son poignet. Sa seconde main, quant à elle, effleure sa chevelure châtaine, légèrement plus longue sur le haut du crâne. Ses mèches sont coiffées sur le côté et l'une d'elles retombe gracieusement sur son front. Il doit avoir un peu plus de la trentaine et sa carrure ainsi que sa stature indiquent qu'il n'est pas n'importe qui dans ces bureaux. Or, je connais tout le monde, je travaille ici depuis trois ans maintenant.
J'inspire, gonfle mon buste prenant mon courage à deux mains afin de lui répondre une phrase assassine, mais au moment où ma bouche s'entrouvre, je suis interrompue : il sourit et me contourne.
Me voilà snobée.
— Bien. Maintenant que vous êtes au complet, je vous donne tous rendez-vous dans la grande salle, ordonne-t-il en jetant un rapide coup d'œil à sa montre. D'ici dix minutes.
Il relève là-dessus ses yeux vers moi, pour ajouter, dans un clin d'œil que je prends personnellement pour une déclaration de guerre :
— Profitez des muffins que j'ai choisis avec attention et achetés ce matin, pour vous.
J'ai envie de lui balancer son sac dans sa jolie gueule.
« Raison n° 4 : Vous allez aussi pouvoir vous régaler à la pause-café. C'est vous qui les avez payés après tout. »
— Qui est monsieur Parfait ? demande Agathe en s'éventant le visage à l'aide de ses mains.
— Le fils Anderson qui vient remplacer son père le temps qu'il se remette de son accident, nous renseigne Tess.
Je.suis.dans.la.panade !
J'imite le mouvement de foule jusqu'à la salle de réunion. Je me cache parmi les employés, au fond de la pièce, le bas de mon visage enfoncé sous mon foulard canard.
Il est là, le prince des voleurs, le Robin de l'immeuble vitré, le gentleman cambrioleur : mon nouveau patron pour quelques jours...semaines... mois ?
Il retire ses lunettes, les pose sur la table et nous sort un monologue long de dix kilomètres pour vanter ses mérites, nous informer de sa future place au sein de l'entreprise et de ses exigences bien plus aiguës que celles de son paternel. Puis, il sort une fiche d'une pochette rouge dont il lit rapidement les lignes, nous laissant quelques secondes avec pour seule musique, le bruit de sa respiration concentrée.
— Qui est mademoiselle Leroi ? demande-t-il, les yeux rivés sur la fiche.
Je lève faiblement la main espérant qu'il garde le nez dans sa lecture. Mais, non... Il relève son visage. Et lorsque nos regards se rencontrent, il pince l'arête de son long nez, légèrement arrondi au bout et marmonne quelques mots incompréhensibles qui semblent me concerner.
— Bien sûr c'est elle, grogne-t-il. Vous êtes donc mon assistante. Bien, alors apportez-moi un café noir à dix heures pétantes. Ne soyez pas en retard ! Et si un autre malotru vous passe devant, tâchez de lui faire comprendre que vous bossez pour moi et que vous risquez de perdre votre emploi si ma dose de caféine n'arrive pas à l'heure.
Une lueur assassine passe dans ses yeux alors que je me faufile déjà entre mes collègues pour disparaître au plus vite de sa vue.
« Raison n° 5 : Et si vraiment un collègue vous emmerde, balancez-lui à la figure une gourmandise. On vise bien et on termine par un parfait « Pie face » (visage entarté)»
Après avoir énuméré les dossiers en cours, donné ses ordres et fait rapidement connaissance avec sa nouvelle équipe, il nous demande de retourner à nos postes.
Assise derrière mon bureau dans notre open space, je déplace les rendez-vous de la semaine qui ont dû être modifiés, suite à l'accident de monsieur Anderson.
La détestable sonnerie du téléphone retentit. Je décroche, fais mon job.
— Assistante de monsieur Anderson, que puis-je faire pour vous ? Très bien, je vais le prévenir de votre arrivée.
Mes fesses se décollent enfin de la chaise, dans un bruit désagréable. L'arrière de mes cuisses est rouge, marqué par la position assise depuis presque deux longues heures.
Je frappe doucement à la porte du bureau du jeune Anderson, et à son « quoi ? » assassin -qui doit être sa façon bien personnelle d'autoriser à entrer-, je pénètre dans l'espace vitré.
J'ai beau connaître par cœur cet endroit, je suis toujours sans voix lorsque je m'y retrouve. La vue sur le parc de Boston est magnifique. Sa proximité me permet d'aller flâner là-bas en imaginant être dans la campagne, chez mes parents. L'homme descend de son tapis de course, récupère une serviette éponge posée sur sa chaise à roulettes et la passe autour de son cou après s'être essuyé rapidement la figure. Il me dévisage, moi qui suis en train de mater sa parfaite musculature à peine cachée sous son marcel blanc complètement trempé — comme ma culotte soit dit en passant.
— Pardon monsieur, mais madame Clark est en bas et vous attend pour votre rendez-vous à l'extérieur de la ville. Je devais aller vous chercher un deuxième café, mais je doute qu'à dix heures vous soyez revenu de votre réunion.
Il fait deux grands pas pour s'approcher de moi, se penche légèrement afin de positionner sa tête au même niveau que la mienne.
— Vous n'êtes sûrement pas payée pour penser à ma place, mais bien pour faire ce que l'on vous demande. Vous avez toujours la charge de mon café, Claire.
— Cassie, sifflé-je entre mes dents.
— C'est tout ?
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