Le soldat leva les yeux vers Eleanor pour la dévisager, avant de demander d'une voix grave :

- Qui êtes-vous ?
- Je... Sergent Petrova, bredouilla-t-elle, soudainement intimidée. Mais vous pouvez juste m'appeler Petrova.

Il hocha lentement la tête tout en jetant des regards scrutateurs autour de lui. Il tremblait légèrement, et ses poings s'ouvraient et se refermer inlassablement. Eleanor ne put s'empêcher de remarquer que malgré le fait qu'il était assis, il dégageait une aura effrayante, et son regard ne quitta pas le bras gauche du soldat, entièrement métallique.

- Où suis-je ?
- Moscou.

Il continua d'hocher la tête, et Eleanor se tourna vers une des personnes qui s'occupaient des machines. Elle eut un petit rire en reconnaissant l'homme qui fixait le soldat avec mépris.

- Quel plaisir de te revoir Rumlow, sourit-elle avec une voix mielleuse.
- Petrova, la salua l'homme, peu enclin à lui parler.

Cela n'empêcha pas la jeune femme de continuer :

- Comment s'est passé ton opération avec Captain America ? Tu ne m'as pas ramené un autographe ? Je pensais qu'on était proche tous les deux, geignit-elle.
- Occupe-toi du soldat plutôt que de parler, grogna le double agent en la rappelant à l'ordre. Je te verrai déjà assez quand vous viendrez en Amérique.

Eleanor le regarda, surprise, tandis que Rumlow s'éloignait d'elle. Elle se retourna et s'apprêta à parler au soldat lorsqu'elle se rendit compte que celui-ci ne cessait d'observer autour de lui, tendu.

- Vous pouvez partir, dit-elle aux autres personnes présentes dans la pièce, je m'occupe de lui.
- Mais, mademoiselle..., fit un des hommes.
- Sergent, fit la jeune femme d'un ton dur. Le sergent Barnes est sous ma responsabilité, je peux me débrouiller seule.
- Bien... sergent, bredouilla l'homme avant de se diriger vers la sortie, suivi par la totalité des autres soldats qui la regardaient d'un air craintif.

Seul Rumlow lui fit un signe de tête avant de sortir. La porte se referma et un bruit de serrure résonna dans la salle vide. Eleanor se détendit et retourna son attention sur le soldat, qui lui, semblait bien loin de vouloir engager la conversation. Il restait assis, et observait tout sauf son interlocutrice.

- Je ne suis pas là pour vous faire du mal, assura Eleanor en s'accroupissant pour que son visage soit face à celui du soldat.

Elle passa délicatement une main dans les cheveux du soldat pour enlever les mèches qui cachaient son visage. Les yeux bleus du soldat se braquèrent dans les siens et Eleanor put y lire une détermination froide qui lui donna des frissons.

- Mais je pourrai vous en faire, rétorqua-t-il. Vous ne seriez pas la première.
- Je vous le déconseille fortement.

Eleanor pointa son siège du doigt avec un sourire amusé.

- Si vous vous en prenez à moi, vous vous retrouverez dans un cube de glace. Ou attaché à ce siège, cela dépendra de l'humeur de mon supérieur.
- Pourquoi êtes-vous là ? grogna le soldat. Où sont les autres ?

L'air surpris de la jeune femme ne lui échappa pas, et le sergent ne put s'empêcher de lancer :

- C'est un test pas vrai ? Savoir en combien de temps je peux vous mettre à terre ?
- Ce n'est pas...

Eleanor eut juste le temps d'esquiver le coup de poing du soldat avant de recevoir un coup de genoux dans l'estomac. Elle roula sur le sol, sonnée, tandis que le soldat s'approchait d'elle. Son visage s'était assombri et pour la première fois depuis le début de la journée, elle se rendit compte à quel point il était terrifiant.

Elle se releva en vitesse et se jeta sur le soldat. Celui-ci l'attrapa par le col sans difficulté et la fit retourner, son torse collé au dos de son adversaire. Il resserra son bras métallique contre la gorge de la jeune femme, qui commençait à perdre l'air. Elle vérifia ses appuis et un demi-sourire étira ses lèvres. Elle attrapa la cuisse du soldat et la tira de toutes ses forces devant elle, tout en appuyant le haut de son corps vers l'arrière.

Le duo bascula et l'agent Barnes se retrouva dos au sol, le souffle coupé sous l'impact de la chute. Eleanor en profita pour sortir un taser de sa poche et l'appliquer contre le cou du soldat. Celui-ci hurla à lui arracher les tympans mais elle tint bon, jusqu'à ce la prise du soldat se défasse. Elle se releva ensuite, à bout de souffle.

- Nom de dieu, jura-t-elle en regardant le soldat à terre.

Celui-ci se remit difficilement debout, et lança un regard meurtrier à Eleanor.

- Vous m'avez forcée à le faire, se défendit-elle.
- Vous aviez dit que vous ne me feriez pas de mal, cracha le soldat. Vous comptiez m'en faire depuis le début.
- Vous êtes un assassin Barnes, vous pensiez vraiment que j'allais venir ici sans arme ?

Eleanor soupira en secouant la tête, se félicitant d'avoir suivi son instinct plutôt que d'avoir obéi à Ernest, qui lui avait interdit de ramener une arme. Tout est sous contrôle, avait-il assuré. Eleanor se promit de lui en parler dès qu'elle le pourrait.

- Prenez-le.

Le regard du sergent Barnes passa plusieurs fois du visage d'Eleanor au taser qu'elle lui tendait, l'air clairement perdu.

- Vous êtes mon coéquipier agent Barnes. Nous sommes égaux, alors soit vous me rendez la monnaie de ma pièce et vous prenez cette arme, soit nous repartons de zéro.

Le soldat attrapa l'arme, la soupesa pendant ce qui lui sembla des heures, et le jeta à l'autre bout de la pièce. Il expira lentement, les yeux rivés sur l'arme et énonça d'une voix calme :

- Je ne veux plus que vous utilisiez ça contre moi.
- Bien.
- Sergent Petrova ?
- Oui ?
- Qui suis-je ?

La jeune femme le dévisagea en haussant les sourcils. L'homme la regardait avec attention, tendu comme un arc. Eleanor avait l'impression de se retrouver face à un chien apeuré. Elle passa sa langue sur ses lèvres avant de lui répondre :

- Vous êtes l'agent James Buchanan Barnes. Le soldat de l'hiver.

Il regarda autour de lui, et murmura :

- Où suis-je ?

Eleanor le dévisagea, un air horrifié au visage.

- Vous rigolez j'espère ?
- Pourquoi est-ce que je suis ici ?
- Vous êtes à Moscou, vous travaillez avec Hydra.
- Je veux sortir. Je dois partir.
- Agent Barnes.

Eleanor tendit son bras vers l'homme, sans pour autant le toucher, et prit une voix réconfortante :

- Je sais que vous êtes effrayé et désorienté, mais vous allez finir par vous y faire. Vous pouvez me faire confiance.
- Vous êtes la dernière personne à qui je ferai confiance.

Eleanor hocha la tête. Au même moment, la porte de la salle s'ouvrit, et Rumlow entra.

- Agent Petrova, ton entrevue est terminé. Soldat, nous allons vous conduire à votre chambre.

Des militaires armés entrèrent dans la salle et entourèrent le sergent Barnes. Celui-ci se tendit la respiration lourde, et jeta un regard inquiet à Eleanor. Elle articula silencieusement :

- Ne tentez rien.

Il regarda devant lui et se laissa docilement entraîner par le groupe, laissant Eleanor seule dans la pièce. Celle-ci attendit que tout le monde sorte pour expirer bruyamment. Cette rencontre l'avait épuisé aussi bien physiquement que mentalement, et elle commençait à se demander si travailler avec le soldat de l'hiver était une bonne idée.