2. S@P




Il faut dire que Medhi et Dominique sont du genre prudent. Au cas où, avant qu'ils ne se fassent prendre, ils avaient fait des sauvegardes, qu'ils avaient envoyées dans des cités relais comme les Minguettes.

Les données sont donc sauves, certes, mais ils ont perdu le matériel ad hoc pour les faire mouliner. Avec l'installation brinquebalante qui leur reste, ils peuvent travailloter, mais les machines sont faiblardes, tout comme la connexion, rapport à celles du Mans.

Première priorité donc : disposer d'un nouveau matériel, connexions maximum, dans un nouveau lieu, genre blockhaus à l'abri des convoitises et des regards.

Ils pensaient à un retour au Mans, un autre bâtiment. Mais pas question : Martin Ziegler, le PDG des MMA, ne veut plus entendre parler de nous, plus du tout. On peut le comprendre : il est son propre assureur, et avec son siège à reconstruire, ses actionnaires demandent des comptes...

Pas question non plus d'aller s'installer à la DGSE, à la merci de ces faux-culs. Et puis, de toutes façons, avec Nora, on a changé la donne.


La donne qui a changé, c'est d'ailleurs au centre de nos discussions avec l'équipage, qu'on s'échine à convaincre. Ils peinent à comprendre que désormais on est à notre compte, compte en banque également. Bien fourni, instinct de survie, ça va de soi. Nullement propension au lucre, nullement. Nécessaire, question efficacité, indispensable, absolument.

On ne peut pas se retrouver chaque fois à réinstaller le matériel, données en vrac et temps perdu, malgré les opérations en cours. Aujourd'hui Cactus, demain Ortie, Chardon, Ciguë, que sais-je !

Nécessaire aussi, question sécurité : vaut mieux pas se fier aux services, sauf à vouloir jouer les serpillières. Plus on sert, plus on s'imbibe. Une fois bien crade, nettoyage à nos dépens, âmes sensibles, droiture morale et consciences chatouilleuses, direction poubelle, orientation décharge, option crémation d'office.

L'expérience aidant, ils finissent par approuver...


Désormais donc, ma vieille société écran, SECU&PRO, s'est transformée en S@P, prononcé « Satpé » s'il vous plait,  et « Satpee » version angliche. Quelque chose de bien plus moderne et de bien davantage rémunérateur.

Pourquoi S@P ? Parce que S&P nous aurait branché Standard & Poors : une image de truands de la finance bien salée. Pour l'instant, on renonce à leur faire ça. On préfère se les réserver pour plus tard... Et puis l'arobase, c'est un décor qui nous convient bien.


Bubu, bouche bée, gobe les mouches :

– Mais...

– ... mais quoi ?

– Je suis fonctionnaire, moi !

– Ben tu te mets en disponibilité, pour quelques temps...

– Et ma retraite ?

– Triplement des salaires, pour commencer...

Les autres sont plus à point, lâchés qu'ils ont été par leurs propres services.

Jeff est d'accord, à condition qu'on lui cède des parts dans la société et qu'il ait l'exclusivité du marché américain.

Giovanni voit les choses sous l'angle déontologique : pas de contrats, ni de près, ni de loin, avec la Mafia et autres organisations criminelles. Promesse à sa mère sur son lit de mort. Ça va de soi !

Harold n'en est pas à son coup d'essai. Il s'est déjà cassé les reins, faute de matelas pour amortir. Là, on démarre avec trois cent millions cash : ça lui semble jouable, mais il ne veut plus prendre de risque. Pas de part dans la société. Un gros salaire, basta.

Gerhart circonspecte : son métier est pour lui une profession de foi, foie jaune parfois, mais toujours au service de la loi. Les trucs privés, ça lui semble foireux, sans foi ni loi plus exactement. Simple observateur, dans un premier temps. Ensuite, il verra.

Caroline et Dominique, tout leur va, pourvu qu'ils restent ensemble.


Pour commencer, Medhi et Dominique ont carte blanche pour le recrutement. Le matériel qu'ils veulent, les ingénieurs itou, des profs de fac s'ils préfèrent, des programmes de recherche bien pointus au besoin, avec une armée de post-doctorants en renfort, salaires mirobolants, si ça leur fait plaisir.

Seul bémol : s'ils pouvaient faire autrement que de vider la DGSE, ce serait préférable. Faut songer à ménager un peu Edouard, lui laisser quelques compétences, histoire au moins de pouvoir dialoguer.

Ensuite, et pour cause d'indépendance, siège social de S@P en Suisse, branché Genève. On a déjà fait virer les fonds. Banque Cordier Frères & Cousins. Rendez-vous est pris avec Nora pour le lendemain matin.


Medhi nous met simplement au parfum de l'opération Cactus, pour ce qu'ils sont parvenus à récolter. Ça s'annonce délicat, pour cause d'ordinateur quantique. Un truc nouveau, qu'on croyait impossible jusqu'à présent, qu'ils ont apparemment réussi à fabriquer.

« Ils » ? les Russes du FSB, colonel Sergueï Ivanovitch Ogoltsov à la manœuvre, mais qui travaille manifestement pour son compte. Impossible de les pénétrer à leur insu. Ça introduit un déséquilibre qui déclenche des alarmes. Tout ce que Medhi et Dominique peuvent faire, c'est surveiller les communications, sans essayer de décrypter. Des bribes, ils ont saisi, et encore, parce qu'ils connaissent le mot clé : « cactus ».


Apparemment, le FSB travaille sur contrat, comme nous. Mais, au lieu de sauver des vies, ils donnent dans le meurtre de masse. Et au lieu de chercher les financements maison, côté Poutine en l'occurrence, ils lui font tranquillement des enfants dans le dos.

Cible : les stades de foot, partout en Europe. Trois ou quatre attentats simultanés, dans les quarante mille morts pièce. Objectif, apparemment : bloquer les championnats, L1, Liga, Calcio, Premier League, Bundesliga, Champions League, Liga Europa, tout.

Modus operandi : drones télécommandés, avec bombes à base d'octolite. Daesh ou Al Qaeda fournissent les kamikazes, quatre par stade, équipés appâts, simples aimants à drones, soigneusement placés pour être sûr que tout s'effondrera lors des impacts, engloutissant les foules en liesse, en direct, à la télé.

Commanditaire, apparemment : le président à vie du Tazakurzbekstan, 99% d'opinions favorables et enthousiastes, le camarade Kazardimov, réputé dingue, bourré aux pétrodollars, accessoirement fana de foot, dont on comprend mal les motivations, puisqu'il n'aura plus de match à regarder, et pour un petit bout de temps...

Déclenchement prévu, d'ici quelques semaines. Pour l'instant, Medhi a surtout besoin de puissance de calcul, avec des spécialistes du machin quantique, pour tenter de se mettre à niveau.


Compte tenu de ce qui se prépare, je suis favorable à une restauration de mes dents de sagesse, fabrication Dominique, implantation Caroline.

Puis direction Genève où nos fonds sont arrivés...


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