Aria

Genghis porta un Thomas, toujours abasourdi par cette force inconnue qui l'avait maîtrisé, dans le coin nettoyé par la petite compagnie. Il le déposa délicatement, et lui demanda s'il était confortablement installé. Thomas ne put répondre que par un hochement de tête. Il n'était pas trop mal installé ligoté de la sorte, il avait de toute façon eu pire lors de ses entraînements.

Les autres s'arrangèrent pour un tour de garde. Pas spécialement histoire de surveiller Thomas, mais pour jeter un coup d'œil sur les drones et ce qui se passait aux alentours. Aria prendrait le premier tour, suivi de Genghis, la seconde armoire à glace, puis le mécano. Chacun, hormis Aria, tenta de se mettre confortablement pour se reposer quelque peu. Une fois la camaraderie endormie, elle se tourna vers Thomas, le scrutant de ses yeux, et celui-ci eut de nouveau l'impression qu'il était sondé de long et en large par ces yeux fascinants. Mais il n'arrivait pas à détacher son regard d'elle, il était vraiment hypnotisé par la beauté de cette femme.

— Bien Monsieur Thomas Jefferson, oui, je connais ton nom. On va discuter un peu toi et moi, et comme tu as pu l'entendre il n'y a pas longtemps, je m'appelle Aria.

Thomas n'était plus étonné qu'elle ait su son nom comme cela, sans l'avoir prononcé. Avec toutes les choses incroyables qu'il avait vues ses dernières heures, plus rien ne semblait le surprendre. Elle s'installa tout près de lui, face à face. Elle était tellement proche que Thomas ne voyait plus qu'elle, et de toute façon, il n'arrivait pas à détacher son regard de cette charmante demoiselle. Elle ne devait pas avoir plus de 25 ans, mais semblait avoir déjà énormément baroudé et vécu énormément d'événements. Son regard en disait long, on aurait dit une personne qui avait pas mal vécu et pleine d'expérience et de sagesse. Il continua à examiner ses contours, sa silhouette, essayant de photographier chaque détail du corps de cette femme qui le maintenait en captivité. Rapidement, Thomas se rendit compte qu'il avait envie d'elle, et au moment où il émit cette pensée, elle sourit, comme si elle l'avait compris ou entendu les pensées qui venaient de traverser son esprit. Thomas, pas gêné pour un sou d'habitude, sentit ses joues se réchauffer et émettre une légère couleur rouge.

« Hé bien, tu es un rapide, toi ! », lui dit-elle en souriant. Thomas se sentit rougir encore plus, et elle continua à sourire de plus belle. « Pourtant, Genghis t'a prévenu, je n'hésiterai pas à te broyer ce qui te sert d'organe génital si tu deviens trop entreprenant. Mais soit, passons. J'imagine que tu as des tas de questions et je vais commencer à tenter d'y répondre. »

C'est à ce moment-là que Thomas se rendit compte qu'en réalité ses lèvres ne bougeaient pas, ni émettaient aucun son. Ses paroles se déversaient directement dans son esprit. Thomas se hasarda à poser mentalement une question : « Qui étaient ces gens, qui ont tenté de m'enlever ? » Il voulait juste faire le test, pour voir s'il ne rêvait pas, et si lui aussi pouvait interagir avec Aria de cette manière. Et celle-ci lui répondit :

« Je vois que tu apprends vite, Thomas ! Alors, ces gens, l'œil, on ne sait pas grand chose sur eux. On suppose que ce sont les réels gardiens de l'ordre établi, qui ne répondent qu'aux grands dirigeants des corporations. Mais il y a une personne, qui pourra t'en dire plus, si tu es digne de confiance, il te parlera. La seule chose que je sais est que ces fameux dirigeants, ont préparé la main mise sur le monde depuis bien longtemps, une société secrète qui a perduré pendant des siècles, et un de leurs symboles est l'œil de Râ, l'œil qui voit tout. »

Thomas se rappela la seule image qu'il avait pu voir de cette clé. Ce billet d'un dollar, avec cet œil, qu'il avait revu sur l'uniforme noir de ses tortionnaires. Mais la réponse d'Aria ne soulevait en lui qu'encore plus de questions : Cette société secrète, qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Pourquoi des hommes voulaient tant un pouvoir absolu ? Pourtant, la société dans laquelle il vivait semblait plutôt bien fonctionner, pourquoi alors se rebeller contre cet ordre établi ?

« Parce que vous vivez dans le mensonge. Parce que vous n'avez plus de libre arbitre. Parce que vous ne savez plus penser par vous-mêmes, et toute personne remettant en cause l'ordre des corporations est automatiquement éliminé. Parce que votre corps et votre esprit sont empoisonnés. Et le plus grave, parce que vous ne savez plus ce que veut dire le mot aimer. »

Les réponses d'Aria étaient venues directement, du tac au tac, directement après que Thomas avait fini de penser cette phrase. Mais le regard d'Aria, à ces mots prononcés, avaient perdu de leur éclat, et une tristesse, une mélancolie s'en étaient emparé.

« Oui, vous ne savez plus ce que c'est d'aimer. Pour vous, aimer signifie ni plus ni moins que de pratiquer le coït, sans avoir aucun sentiment. Pourtant, ce n'est pas cela aimer. C'est se sacrifier pour l'autre, c'est ressentir, un peu comme tu l'as fait tout à l'heure, l'envie de garder constamment en tête l'image de l'être aimé. Aimer, c'est donner tout ce que l'on a, bouger des montagnes pour ses proches et semblables. Vous, vous n'êtes qu'habitués à consommer, à faire tout ce que les corporations vous dictent, sans émettre le moindre questionnement, sentiment ou critique. Vous n'êtes plus des humains, vous êtes des robots, des esclaves qui s'animent selon le bon vouloir de ces gros pontes que vous ne pourrez jamais atteindre ou égaler. »

Thomas baissa instinctivement les yeux. Les paroles d'Aria raisonnaient dans sa tête, et en réfléchissant quelques instants, il comprit qu'elle disait vrai. Il ne faisait rien de ce qui n'était pas dans le cadre permis, il ne pensait pas par lui-même, répétant inlassablement les discours de ses supérieurs. Les couples, le sexe, tout était contrôlé, réglementé, et les couples étaient autorisés à s'installer ou non par un avis extérieur, s'ils n'étaient pas parfois imposés. Thomas releva la tête : il avait envie de connaître la vraie liberté, celle qu'Aria et ses compagnons semblaient goûter, il avait envie de savoir ce qu'aimer voulait dire. Il avait envie d'émettre ses propres opinions, d'avoir une liberté de penser. Il comprit qu'il commençait à vouloir tout connaître d'Aria, de sa manière de vie à elle et ses compagnons.

« Tu es vraiment étonnant, mon cher Thomas ! D'habitude, les rares personnes avec qui je converse, sont totalement réfractaires à ce que je leur dis, et vivent dans le déni, jusqu'à ce qu'ils voient les exactions des corporations par eux-mêmes. C'était le cas de Genghis par exemple, qui ne me croyait pas le moins du monde, me traitant de menteuse et manipulatrice. Par contre, toi, tu sembles totalement ouvert à mon point de vue, à essayer de comprendre le monde qui t'entoure. Et je crois que cela était écrit, car on m'a annoncé la venue d'un être tel que toi

Et là, ce fut au tour d'Aria de rougir légèrement, même si ce ne fut qu'un bref instant, et que son regard perçant reprit rapidement le dessus.

«- Je ne parlerai pas plus de cela maintenant, on verra plus tard, et de toute façon, je ne suis pas encore sûre, il faudra voir comment tu évolues. Point suivant.

— La puce.

— Oui, la fameuse puce. C'est une puce qui a plusieurs fonctions, et elle est insérée dès la naissance. Avant, pour les survivants des grandes catastrophes, elle a été administrée de manière cachée, par un vaccin. Cette puce est votre gardien personnel, et sans elle vous n'êtes rien. Elle permet de vous suivre à la trace, de savoir exactement où vous êtes et ce que vous êtes en train de faire. Elle vous permet de vous identifier, de payer vos courses. Chaque fois que vous placez votre poignet dans un senseur, la puce répond. Mais le plus gros problème de cette puce, est qu'elle vous empêche d'être un humain complet. Tu as vu, Genghis a des pouvoirs de télékinésie. Je te parle mentalement (et je sais faire d'autres choses, tu verras bien assez tôt). Chaque être humain a un potentiel en lui, en utilisant la totalité de son cerveau. La puce permet de brider l'activité cérébrale, vous rendant aussi utile qu'une machine. »

Aria et Thomas avaient discuté des heures, sans se rendre compte de ce qui se passait autour d'eux. Mais un hurlement sonore les sortit de leur communion mentale...

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