Lucie n'est pas là ce matin.
C'est forcément lié à hier soir.
J'en suis sûr.

Comme d'habitude, je me pose seul au fond de la classe.
Mes camarades me demandent où elle est mais je ne leur réponds pas.
Ils essaient d'être sympa, faux-cul quoi, pour en apprendre plus sur elle.

-    Vous n'avez qu'à lui demander directement.

Sérieux, ils s'attendent à quoi.
A ce que je balance le peu que je sais. Je pourrais. Mais je sais que je ne le ferai pas.
Vu qu'ils arrêtent de me poser des questions, je sais qu'ils ont compris.

La matinée se passe.
Les profs nous donnent une tonne de devoirs.
Et je réalise que je n'ai même pas le numéro de Lucie pour les lui donner.
Je file au secrétariat en espérant que Mme Martin sera sympa et qu'elle me filera ses coordonnées.
Il y a un monde fou mais je prends mon mal en patience.
Au bout de presque une demie-heure, je suis enfin en face d'elle.

-    Bonjour. Est-ce que je pourrais avoir le numéro de Lucie Blanc s'il vous plaît ? Elle est dans ma classe et n'était pas là aujourd'hui, c'est pour lui transmettre le travail qu'on a à faire pour la semaine prochaine.
-    Matthew, tu sais bien que je ne peux pas te donner son téléphone comme ça.
-    Oui, je sais. Mais s'il vous plaît. C'est vraiment pour lui donner les devoirs.

Elle m'aime bien. Je le sais. Je suis un des seuls qu'elle appelle par son prénom, un des seuls qu'elle tutoie. C'est peut-être mon accent ou je ne sais quoi.
Alors, elle accède à ma demande.
Elle me note son numéro sur un bout de papier et me le tend sans rien dire.

-    Tiens. J'ai pas intérêt d'apprendre que tu as fait n'importe quoi avec ça.
-    Ça n'arrivera pas M'dame.
-    J'espère bien. Allez, file.
-    Merci et bonne journée.

Je glisse le papier dans la poche arrière de mon jean et je sors du lycée.
Marie m'attend devant.
Il ne me semble pas qu'on devait se voir.

-    Salut.
-    Salut. Qu'est-ce que tu fais là ?
-    J'avais envie de te voir. Ça t'embête ?
-    Non, bien sûr que non. Au contraire, ça me fait super plaisir.
-    C'est vrai ?
-    Ben oui ! Pourquoi je te mentirais ?

On part chez elle pour manger cette fois-ci.
Rien n'est prêt alors on se fait des pâtes.
On mange vite fait et on se pose dans sa chambre un moment.
C'est bien quand on est chez elle.
Elle ne me demande pas de jouer. On se bécote. On se chauffe et ça s'arrête là.
Le temps passe trop vite malheureusement.
Elle n'a pas cours le vendredi après-midi mais moi si. Je dois filer au conservatoire.
Je l'embrasse vite fait et je lui dis que je l'appelle dans le week-end pour qu'on se voit.

J'arrive au conservatoire en avance comme à mon habitude.
Je monte directement dans la salle de cours.
Je dis bonjour à Henri en balançant mon sac par terre et je m'installe derrière le piano.
Je suis pressé de jouer.
Je veux refaire le morceau que j'ai joué à Lucie. Je veux savoir ce que mon mentor en pense.

-    Je peux te jouer un truc avant qu'on commence ?
-    Bien sûr.

Je me lance. Je finis en apnée. J'attend son avis, un peu stressé.
Ça doit bien faire deux ou trois minutes que j'ai arrêté de jouer et il n'a toujours rien dit.
Alors je me retourne vers lui.
Je le questionne du regard.
Il tourne les talons et me lance en sortant :

-    Je reviens.

Je reste là derrière le piano à l'attendre.
J'attends.
Il ne revient pas.
J'en ai marre de rester sans rien faire alors je sors mon portable et j'envoie un sms à Lucie.

« Salut. Voilà les deux questions du jour. Tu n'étais pas là aujourd'hui à cause de ce qu'il s'est passé hier soir ? J'ai les devoirs à faire pour la semaine prochaine. Tu veux que je te les donne ? A + Matth »

Henri ne revient toujours pas.
Alors je joue le morceau que je dois normalement jouer au spectacle de noël.
C'est loin d'être mon préféré mais il paraît que ça a de la gueule.

C'est à ce moment-là que mon prof se pointe dans la pièce.
Il n'est pas seul.
Il y a aussi le directeur et le prof d'orchestre.
Pourquoi ?

-    Matth, tu veux bien rejouer ton morceau s'il te plait ? Et celui que tu m'as fait la dernière fois aussi tant que tu y es ?
-    Euh... Oui. Pas de souci.

Alors que je m'apprête à jouer, mon téléphone sonne. J'ai un message.
Merde. Devant le directeur, ça le fait vraiment pas.

-    Désolé. Je peux le mettre en silencieux si vous voulez ?
-    Oui, ça serait mieux.
-    Ok.

En même temps que j'actionne le bouton, je jette un coup d'oeil pour savoir qui m'a écrit.
C'est Lucie. Putain, elle m'a répondu. Je ne sais pas ce qu'elle a écrit. Mais j'm'en fiche.
Je me remets sur la banquette, le sourire au lèvres.
Je joue les deux morceaux que Henri m'a réclamé et j'attends leur verdict.

-    C'est d'accord. Il jouera ces deux-là la semaine prochaine.

Hein, quoi ? Je n'y comprends rien.
Les deux autres repartent.

-    J'ai demandé une entorse au règlement. Ce que tu as composé est vraiment beau. Et tu mérites que les autres l'entendent.

Je n'en reviens pas.
La suite du cours se passe dans la bonne humeur. On peaufine mes morceaux, Henri m'aide à améliorer certains passages. Et elles en jettent encore plus mes compositions.

Je sors de mon cours et je regarde direct mon portable.

« Pour tes questions. Dans l'ordre. Oui. Et non. Je m'en fous d'avoir les devoirs à faire. »

Ça ne m'étonne tellement pas d'elle que je souris tout seul comme un con à mon téléphone avant de le remettre dans ma poche et d'aller rejoindre mes potes qui m'attendent dans le hall.