Chapitre 2 - Conservatoire

Il est midi.
Lucie m'a suivie comme un petit toutou toute la matinée et franchement, là, j'en ai marre.
Mes potes ne m'ont pas approché, d'après les mots que j'ai surpris, ils la trouvent chelou et ils ont préféré me laisser gérer le bébé.C'est ptètre pas des potes finalement.
Je dois aller manger avec ma copine. Et je sais pas comment me débarrasser de Lucie sans être un gros connard.

-          Je dois y aller. On se voit demain ?
-          T'es pas en cours cet après-midi ?
-          Non, enfin si mais pas ici.
-          Ok. À demain alors.

Ca a été plus facile que prévu finalement.
Je me demande si elle a déjà compté le nombre de mots qu'elle dit dans une journée parce qu'ils doivent pas être trop nombreux.
J'aperçois Marie qui m'attend devant les grilles.

-          Salut bébé.
-          Putain, m'appelle pas bébé, je trouve ça ringard.
-          Ok, bébé.
-          T'es chiant.
-          Ouais, je sais. On va manger où ? Chez toi, chez moi ?
-          Chez toi, y'a ma petite sœur à la maison et j'ai pas envie qu'elle te regarde avec ses yeux de merlan frit.

On file chez mes parents. Ils sont jamais là en journée. Ils bossent loin donc j'ai souvent quartier libre.
Je fais réchauffer le plat que ma mère a préparé. En moins de 10 minutes, on a fini.
Marie, comme d'habitude me demande de lui jouer un peu de guitare.
Je lui fais un ou deux morceaux qu'elle aime bien. Elle chante dessus mais franchement, c'est une catastrophe... Elle a toujours chanté faux mais j'ose pas lui dire.
Comme mes oreilles saignent, je lui fais mes dernières compositions personnelles. Là, j'ai pas peur qu'elle chante, il n'y a pas de paroles.
Ces morceaux, ils claquent. Je le sais.
Mais je suis nul en écriture. J'ai les idées, le fil de ce que je voudrais raconter mais coucher les mots sur le papier, c'est mort.
J'en fais un petit dernier et je crois que celui-là lui plait particulièrement. Les yeux de merlan frit, ça doit être un truc de famille.

-          Faut y aller. C'est l'heure.
-          Ouais, t'as raison. Je vois jamais le temps passer quand tu joues.
-          C'est un compliment ?
-          Pffff

On se sépare devant chez moi.
Il me faut à peine 5 min pour rejoindre le conservatoire.Je suis toujours en avance. C'est bizarre pour un mec, je sais. Mais j'aime entrer avant l'heure dans ce grand bâtiment moderne pour voir les gens se presser pour aller dans telle ou telle salle.

Je croise mes potes, les vrais. Louis et sa contrebasse trop lourde pour lui,  Antoine assis sur le canapé du hall qui ne peut pas s'empêcher de taper en rythme, Raph qui comme d'hab, nous fait un signe de la main en courant dans les escaliers qui l'amènent à son cours de basse. Lui est toujours en retard.
Je ne sais pas comment il fait, personne ne lui en veut jamais.C'est juste hallucinant, cette capacité qu'il a à toujours se faire pardonner.
Je monte tranquillement à sa suite. Henri est déjà là. Il faut croire que les pianistes sont des gens en avance.

Ah oui, je suis au conservatoire parce que je joue du piano. La guitare, c'est un passe-temps.

-          Salut Henri.
-          Salut Matth, tu vas bien ?
-          Oui et toi ?
-          Très bien. Tu as composé des nouveaux morceaux cette semaine ?
-          Oui trois. Ils me semblent pas mal.
-          A la guitare ou au piano ?
-          Guitare.
-          N'oublie pas le piano.
-          Jamais. De toute manière, je suis sûr qu'ils rendent aussi bien sur l'un que sur l'autre.
-          Bon. Tu me les feras en fin de séance. Là, on va bosser ton morceau pour le spectacle de noël. Ça te va ?
-          J'ai le choix ? It's a joke... Euh, pardon, ça me va, tu le sais bien.

Pendant deux heures, je répète sans m'arrêter. Mes doigts caressent les touches, les survolent, les écrasent avec plus ou moins de force.
J'aime cet instrument.Je l'aime parce que c'est mon repère.
Un piano, c'est stable. C'est lourd. Ça ne se déplace pas facilement.
C'est pour ça que petit, je l'ai choisi. Parce qu'il me rassurait quand on déménageait tout le temps.

Je commence à m'énerver. Je bute toujours sur le même enchaînement de notes.
Henri le remarque et me demande de prendre une pause.

-          On va boire un café ?
-          Oui. Je crois que j'en ai besoin.

On descend dans le hall, on prend notre petit noir au distributeur et on sort prendre le soleil.
Il ne fait pas froid pour un mois de décembre.
Quelques lycéens ou élèves de la cité des arts traînent sur la pelouse du parc.

Appuyée à un arbre, il me semble reconnaitre une silhouette.
Je suis poursuivis, je crois. Je me demande s'il faut que j'aille la voir.
Elle devrait être en cours normalement.Pourquoi elle sèche déjà le premier jour ?
C'est plus fort que moi, il faut que je sache.
Je m'excuse auprès de Henri, je lui dis que je reviens dans 5 minutes.

-          Ne traine pas.
-          Promis.

Je l'aime ce prof. C'est même plus un prof d'ailleurs, je le considère vraiment comme un ami, mieux même, un mentor.
Bref, il rentre et je me dirige vers Lucie.

-          Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être en cours ?
-          Et toi ?
-          Tu sais que tu es chiante ?
-          Oui. On me l'a souvent dit.
-          Je réitère... Pourquoi tu sèches ?
-          Tu lâches jamais l'affaire ?
-          Pas souvent.
-          Tu devrais pourtant. Je crois qu'il vaut mieux pas que tu saches.
-          Putain, je crois que je t'ai jamais entendu dire autant de mots d'affilée.
-          Ne t'y habitues pas, ça n'arrivera pas souvent.
-          Tu ne me diras pas ?
-          Non.
-          Bon, ben, je te laisse. Essaie d'être là demain, on a encore cours d'anglais, tu verras, ils sont top ces cours-là. A demain.

Je la plante là. Enfin, je la plante. Elle était pas vraiment là. Elle est vraiment étrange cette fille.

Pendant encore deux heures, je joue sans relâche.J'arrive enfin à enchaîner le passage qui le résistait.
Henri est satisfait. Du coup, il me laisse jouer les compositions.
Je sais qu'il aime écouter des choses nouvelles. Autre chose que du classique pur et dur.
Et puis, j'aime lui jouer.Il a toujours des remarques hyper constructives, des idées de remaniement. Bref, son avis compte beaucoup.
Il a l'air d'apprécier. Il ne me le dit pas. Mais je le vois dans son regard. Et tout à coup, il ouvre la bouche.

-          C'est peut-être ça que tu devrais jouer au concert de noël finalement.

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