Chapitre 51




51.






De : Mme Jefferson.

À : Reynold Nestori Laine

Sujet : Dossier d'inscription

Pièce(s) jointe(s) : Lettre de motivation, rapport, corpus.



Reynold,

Je te remercie pour ton travail dont le sérieux et la rigueur ne font aucun doute.

Ton corpus est exhaustif et pertinent, mais je ne me suis jamais inquiétée : tu as toujours fait partie de nos meilleurs éléments. Le rapport de travail humanitaire à Haulover respecte la méthodologie vue en cours et tu as su mettre en valeur les points essentiels du séjour, faire des rappels sur les objectifs en cours de rédaction, et ta conclusion est remarquable. J'ai repris quelques tournures maladroites, que tu verras annotées sur le document que je te renvoie. J'ai jeté un rapide coup d'œil à ta lettre de motivation pour la FSU, et je n'ai rien à dire dessus.

Pour la lettre pour Princeton, j'avais entrepris de la corriger, mais je préfèrerais que nous parlions ensemble d'ici lundi.

Bon week-end Reynold. 

Eloise Jefferson











J'ai oublié de prévenir Matthew, Haru et Hyerin que Blanca se change en tyran dès qu'elle se trouve derrière les fourneaux.

Si sa cuisine est assez immense pour que nous puissions nous cacher en cas d'explosion de sa part, nous n'avons pas l'habileté nécessaire pour la semer si elle se met à nous pourchasser pour une tomate coupée en dés plutôt qu'en rondelles.

— Premier degré, elle va me faire chialer.

C'est ce que Hyerin se met à souffler devant sa farine, comme si elle lui parlait à elle, qu'elle l'implorait de lui venir en aide. Je ne peux pas la juger, parler aux ingrédients a été le rite de passage de tout le monde.

Matthew approche Blanca avec le couvercle d'une casserole en guise de bouclier, pendant que cette dernière a pris Haru en otage pour une cuillère de trop de sauce dans la farce. Je me tiens avec Jade de l'autre côté de l'ilot central, passant la laitue dans son essoreuse pendant que je m'applique à transformer les concombres et carottes en juliennes.

— En même temps si elle propose qu'on fasse des empanadas façon locale, faut pas espérer que tout le monde débarque avec la science infuse, me confie Jade sur le ton de la plaisanterie.

— Totalement d'accord.

Haru lui échappe quand l'attention de Blanca est détournée vers Ioane qui se dirige vers le four. Je le vois contourner la cuisine, pour se positionner derrière moi à grandes enjambées. Avant que je n'aie pu dire quoi que ce soit, sa main me prend la taille et me plante en première ligne. Je me retrouve avec une carotte en l'air face à Blanca, qui elle, a les bras croisés et un regard plissé destiné à Haru. Il se penche à mon oreille, comme si je faisais vraiment poids sur la balance :

— Sors-moi de là Reino.

— Jette du gros sel derrière ton épaule.

Faisal fait à peine attention à la situation. Je veux dire, il n'a vraiment pas fait gaffe à ce qu'il se passait, si bien qu'il a percuté Hyerin et son bol de farine, lequel m'a explosé au visage.

Ça aura permis à la situation de tourner vers autre chose.

— Oh merde Rei, s'exclame-t-elle, je suis désolée !

Sauf que je ne vois pas grand-chose, ainsi badigeonné de farine qui à défaut de ne pas me faire perdre mon calme, me fait pourtant toussoter. Je porte mes mains à mes yeux quand à travers mes paupières, les ombres de mes amis paraissent tout à coup s'agiter.

— Haru Yoon, fais un pas de plus et-

— Méchante.

Je finis par me secouer comme un toutou pour ensuite rouvrir les yeux, tombant sur Matthew, une tranche de mortadelle levée en l'air, Faisal dans une position de fuite imminente, et Haru, les mains plongées dans les pelures de légumes.

Oh, non.

Jade attrape le rouleau de cuisine et esquive la mortadelle en criant « Home run ! » alors que Hyerin grimpe sur l'ilot central pour éviter les grains de maïs que Ioane tente de lui coincer dans les cheveux. Les pelures de légumes se projettent de mètres en mètres comme des balles de plombs le long des tranchées.

— Bataille de nourriture !

Et je me tiens là, au milieu de tout ça, couvert de farine. Serait-ce possible que je sois à l'origine de cette guerre instantanée ?

Haru course Matthew et Blanca, vite secondé par Hyerin. Je sursaute et mes yeux s'écarquillent quand je croise le regard de Jade, à croire qu'elle a bien envie de me tremper dans l'huile et me faire cuire à 180°. Par instinct, je disparais sous la table sans pouvoir réprimer un cri d'horreur.

Quelques secondes plus tard, la silhouette d'Haru s'abaisse et je le vois me rejoindre avec un sourire qui rappelle celui de ces enfants fauteurs de trouble. Les cris de Blanca couvrent une partie de ses mots, il doit alors se rapprocher de moi. Je tente de le fusiller des yeux, mais il doit bien deviner qu'au fond, cette tournure m'amuse plus que je ne le reconnaîtrais.

— On s'ennuie jamais avec vous, hein ?

— Pas depuis que t'as débarqué dans nos vies, toi et l'autre idiot.

— Je passerai ce doux message à Matthew, quand il aura fini de décrocher les tranches d'emmental du plafond de Blanca.

Je ramasse de la farine par terre du bout des doigts, mais puisqu'il capte mon sourire, sa main saisit mon poignet pour m'empêcher de la lui lancer dans les cheveux. Je me mets à me tortiller en riant, manquant de lui faire perdre l'équilibre dans cet espace exigu. Nous entendons encore le carnage de nos amis qui se pourchassent à coups coquilles d'œufs et de carcasses d'anchois.

La poigne se défait et sa main part se réfugier sur mon genou. Il profite de l'effervescence qui nous entoure pour me voler un baiser.

Un baiser que je lui rends tout de suite après.

Nous lâchons un rire, et ma main passe dans sa nuque alors que nous nous mettons bêtement à nous embrasser, au beau milieu de cette bataille de farce à empanadas.

— Tu te rends bien compte que je suis toujours couvert de farine, hein ? soufflé-je entre deux baisers

Il sourit contre mes lèvres.

— Ça me donne encore plus envie de te croquer.

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