Chapitre 50
50.
— On a un nouvel adulte responsable à compter dans la bande, je propose qu'on aille tous se bourrer la gueule pour fêter ça !
— Jade, y'a pas plus contradictoire que ce que tu viens de dire.
— Depuis quand avoir son permis de conduire fait de quelqu'un un adulte responsable ? boude Faisal. Haru a son permis, pourtant il continue d'imiter des bruits de pets devant le bureau de M. Halle.
Haru quitte l'appel groupé pour nous montrer que cette remarque l'a froissé. J'hausse un sourcil depuis le siège passager, à côté de mon père qui vient tout juste de me récupérer au centre d'examen de conduite.
Je peux enfin légalement me mettre derrière un volant.
— Voyons Faisal, le chambre Blanca, révèle pas ça devant son beau-papa.
Ils éclatent tous de rire à mon changement d'expression, sachant que je viens de les mettre en sourdine, bien que cette bombe ait déjà été lâchée. J'entends mon père ricaner, lui aussi.
— Félicitations mon Riri, reprend Blanca. Il manque plus qu'à te trouver un vieux taco que tu pourras démembrer tranquillement pendant ton année de conducteur débutant.
Haru revient dans la discussion, son air renfermé apparaît entre les bulles de mes autres amis sur l'écran.
— D'abord, je suis vexé de la remarque de Faisal. Mais je suis encore plus vexé que personne soit venu me supplier de revenir.
— Oh, t'étais parti ? émerge Ioane, que je soupçonne d'avoir piqué du nez en milieu d'appel.
— Ça y est vous me soûlez.
La bulle de Matthew le montre en train de sourire, confortablement affalé sur sa chaise de bureau. Nos appels groupés ne sont pas rares, mais ce n'est pas pour autant qu'on se permet de rassembler tout ce monde à tout bout de champ. Parfois, j'ai dû mal à me rendre compte d'à quel point nous sommes proches. C'est comme la fois où Blanca m'a confronté à mes sentiments envers Haru, tout en stipulant que son rôle de meilleure amie ne pouvait que me cramer sur la chose.
Meilleure amie.
C'était la première fois qu'elle l'énonçait comme ça. Et c'était vrai, je m'en rendais compte sur le coup, que Blanca est ma meilleure amie et que ça ne date pas d'hier. Que cette bande de potes entière, représente un peu mes meilleurs amis.
— J'ai grave envie de piquer une tête dans la piscine d'Álvarez.
Matthew se joint à la discussion et j'entends Blanca souffler par le nez, comme s'il avait demandé la lune. Tout le monde sait qu'elle va céder dans trois secondes et qu'on devra tous rappliquer en maillot de bain dans sa propriété.
Depuis quelque temps, même inconsciemment, je me surprends à davantage observer Matthew. Surtout lors de ces appels. Car c'est la vision que j'ai qui est le plus proche de son quotidien, entre les murs de sa chambre dont je n'ai toujours vu que l'arrière-plan crème et la moitié d'un lit baldaquin. Une fois, il y avait un poster des Arctic Monkeys contre la porte, mais depuis il l'a retiré et je n'ai pas demandé pourquoi.
Je n'ai jamais rien remarqué d'étrange, chez lui, avant ça. Il n'a jamais agi comme si son chez-soi était tabou, mais je découvre qu'il ne l'a jamais non plus mis en avant. Je n'ai jamais entendu de cris au-delà de ses murs, ni de disputes qui éclatent, ni de lamentations. La maison de Matthew a toujours été silencieuse, et je ne me suis jamais dit que ce n'était pas normal. J'ai à tort pensé que le silence était l'opposé du chaos.
Personne n'a jamais passé la porte de sa chambre, même durant des appels qui durent des heures. Nous avons toujours un intrus qui se permet un caméo dans nos échanges : la mère de Blanca qui lui dépose une assiette de pommes, le chien de Jade qui jappe à n'en plus finir autour de son lit. Parfois, Hyerin bondit sur Haru car il lui a chipé son tube de crème hydratante. Disons que nous avons tous à un moment été contraints de prouver que d'autres êtres vivants partageaient notre foyer.
Mais Matthew, on pourrait presque croire qu'il vit seul.
La seule chose que j'aie pu entendre, une fois, c'était la télévision. Elle semblait cracher du venin dans les pièces adjacentes.
Je me demande s'il parle à ses parents.
Je me demande si ses parents lui parlent.
Je ne peux m'empêcher de revenir au jour où il m'a demandé s'il pouvait dormir chez moi, quand nous nous connaissions à peine. Soi-disant, il évitait Hyerin.
« Les dîners en famille me soûlent depuis toujours et il le sait. C'est pas la première fois que je fais ça. »
C'était son excuse, quand j'ai voulu m'assurer que Haru ne lui tiendrait pas rigueur s'il lui faisait faux bond.
— Par contre, on prend tout le temps de la pizza ou Dieu sait quelle variante de malbouffe indigeste, tranche Blanca. Je propose qu'on se retrouve tous au supermarché, parce que cette aprèm, c'est atelier cuisine chez la famille Álvarez !
Je vois Matthew sourire de toutes ses dents.
— D'ailleurs Haru, reprend Blanca, tu peux proposer à Hyerin de venir ?
— Pourquoi pas, lui répond celui-ci.
Puis je me rappelle que malgré tout, il vit sa vie à fond. Il ne se laisse pas abattre par les coins d'ombres. Matthew est solaire, brave, et à énormément d'amour à donner.
Nous arrivons à la maison, et je fais part à mon père du programme qui m'attend. Il me répond brièvement, car il a plus ou moins lui aussi suivi la conversation. Lorsque je reporte mon attention vers mon portable, j'ai l'impression que Matthew me regarde.
Je me réfugie dans ma messagerie privée :
Moi à 11h46 :
J'ai une question.
Matt à 11h46 :
Dis-moi ?
Moi à 11h46 :
Tu diras à Haru pour toi et sa sœur ?
Matt à 11h46 :
Je pensais à cette histoire justement. Rei, tu penses que je suis un mauvais ami ?
Moi à 11h47 :
Je pense qu'il a le droit de savoir.
Matt à 11h48 :
Tu dis un peu ça parce que t'es au courant et que c'est ton copain.
Moi à 11h48 :
Tu sais que je n'aime pas mentir.
Matt à 11h48 :
Mentir, c'est dire quelque chose qui n'est pas la vérité.
Moi à 11h50 :
C'est aussi cacher la vérité.
Matt à 11h50 :
Ça, ça s'appelle un secret.
Matt à 12h00 :
J'ai peur.
Matt à 12h01 :
Ils sont la famille que j'ai jamais eu. S'il me tourne le dos, j'aurais l'impression d'avoir tout perdu.
***
Helloooooo !
Entre les mille projets qui vont dans tous les sens, ça me fait du bien de me détendre un peu en écrivant OMB !
On a passé le cap des 50k de mots, hihi, c'est officiellement une fiction « longue ».
À bientôt ❤️
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