Chapitre 47



47.




Parfois, je suis conscient de mon propre souffle, dans les murs de ma chambre.

Tout comme je suis conscient des micromouvements en bas de la literie, sur le matelas étalé à même le sol. J'essaye ensuite de deviner l'heure, à travers les ombres de la nuit contre le plafond, tel un cadran naturel. Mon corps se redresse, oreiller contre le torse. Je me rapproche des bords du lit.

— Tu dors ?

J'attends une réponse d'Haru en sachant qu'il est peu probable qu'il soit réveillé. Je suis même convaincu qu'il dort à poings fermés.

— Hé, tu dors ?

Il m'a demandé si je voulais qu'il reste. Je me souviens brièvement avoir dit « oui » entre deux sanglots. Encore maintenant, j'en ressens l'épuisement émotionnel dans tout le corps. Alors, pourquoi me suis-je réveillé en plein milieu de la nuit ?

La silhouette d'Haru remue, l'obscurité ne m'empêche pas de discerner les détails de son profil. La courbure de son nez, celle de ses lèvres, la finesse de son menton, le tout s'harmonise comme une peinture de l'ancien temps. Ses cils noirs bougent.

Je n'ai vraiment aucune retenue.

— T'es réveillé Haru ?

Son buste se lève comme si j'avais hurlé qu'un mime m'avait volé mes bonbons. Sa mine a perdu toute la délicatesse qu'il montrait dans son sommeil. Il tourne la tête vers moi, les yeux plissés, sa pupille n'est qu'une fente noire m'adressant un simple « T'es sérieux là ? ». Il passe une main sur son visage et marmonne :

— Bah là oui, j'suis réveillé.

J'aurais envie de rire, mais mes lèvres se pincent.

— Désolé.

Je laisse planer un silence, lequel est estompé par le vent contre les arbres et le plus lointain bruit des vagues.

Je déglutis.

— Je peux dormir avec toi ?

Je le vois relever les yeux aussitôt. Il bat des cils en me regardant, moi et mon oreiller sous le bras, à moitié sorti de mes couvertures.

— Hein ? Quoi ? Pardon ? bredouille-t-il d'une voix mi-éteinte, mi-aiguë.

— Non, rien. Bonne nuit.

Mon embarras est revenu au galop, je n'ai même pas osé reformuler ma demande. Alors que je retourne dans le fin fond de ma couchette, je sens sa main se poser sur mon poignet. Il est à genoux aux pieds du lit, sa peau survole la mienne avec douceur.

— T'arrives pas à te rendormir ?

Je secoue la tête, sachant que ça ne me ressemble pas d'avoir ce genre de requêtes. Je pressens le souffle de la nuit, comme si chaque mur inspirait l'air de dehors. Haru hésite quelques secondes, puis il sourit.

— Viens avec moi.

Il prend ma deuxième main et me tire lentement jusqu'à lui. Je suis conscient que nous avançons pas à pas à travers cette relation, que nous découvrons les choses ensemble, entre nos pensées et nos mots, nos gestes et nos attentions. Parfois, ça me paraît trop sur l'instant, et à d'autres moments, je deviens celui qui nous met en avant. Il sait qu'il est ma première vraie histoire, la première où je me donne le droit d'être un peu plus vulnérable. La première où j'ai envie qu'il m'accompagne à la rencontre de mes tourments pour y faire face, pour les combattre.

Je ne sais pas encore si ça me fait peur, car petit à petit, il me fait ouvrir d'autres parties de mon cœur.

Nous nous installons côtes à côtes sur le matelas, il rabat la couverture sur nos deux corps. Je sens enfin sa chaleur entre les draps, et son bras entoure ma taille et nos jambes se frôlent.

— C'est bizarre, je lui partage.

— J'avoue.

Son pouce survole le dessous de mes côtes sur le tissu du pyjama, j'en réprime un frisson. Il y a un autre silence avant que je ne lui embrasse la joue, le laissant un instant surpris par mon geste.

Je sens les battements de son cœur, du bout des doigts. Ils sont comme une berceuse, un tam-tam fébrile et constant, vibrant sur ma peau. Il me prend à nouveau dans ses bras. J'ai l'impression qu'il veut me dire quelque chose. Tandis que mes yeux se ferment, en proie au sommeil, j'aperçois tout de même le mouvement de sa bouche, hésitant, bringuebalant.

— Tu me rends heureux.

C'est mon cœur, finalement, qui s'emballe sous ses mots. Et j'entends les vagues au loin, mais elles s'échouent dans sa tempête à lui. Je me réfugie dans son étreinte, mon visage dans son cou, ses paroles virevoltant sur mes cils.

Je crois qu'il me rend un peu heureux, lui aussi.

J'aimerais avoir le courage de le lui dire comme il le fait.

— Merci d'être là.

Mais c'est tout ce que je parviens à formuler, alors qu'à l'intérieur, tant de choses cohabitent. Au fond de moi, je crois qu'il me change un peu. Haru Yoon.

— Merci de m'avoir attendu.

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