Chapitre 44



44.

/!\ Double update, n'oubliez pas de lire le chapitre d'avant /!\




Je dois avouer être pris de court par mes réactions.

Mais pour le reste de la soirée, je n'arrive pas à m'approcher de Matthew et Haru. Leur regard me suit, entre l'inquiétude et l'incompréhension, quand je décide de prendre le siège près de Ioane au lieu de mon propre petit ami.

J'ai besoin de digérer tout ça.

Pas juste le fait d'avoir vu la mère de Matthew au bord du coma éthylique, mais l'ensemble. Le fait qu'ils savent aussi bien masquer ce genre de choses derrière leur attitude sans cesse joviale et déridée.

Je n'arrive même pas à suivre le déroulé du film. Je pense au fait que je veux demander à Matthew s'il va bien, mais j'ai aussi peur de comment il prendra mon implication. J'ai peur de le mettre mal à l'aise, de le faire se braquer. J'ai peur que ça l'énerve comme ça a énervé Haru.

Peut-être qu'une partie de moi, au fond, est aussi affectée par la réaction d'Haru quand j'ai tenté de fourrer mon nez là où je n'aurais pas dû. Peut-être que je sais supporter les engueulades de mes parents ou les reproches de mes professeurs. Mais je n'ai jamais eu de réprimande de sa part. En une heure j'ai eu face à moi deux nouvelles facettes : le Haru qui s'agace et le Haru qui ment.

Mon portable vibre dans ma poche et je le prends pour discrètement ouvrir ma messagerie.



Haru à 21h05 :

Tu veux qu'on en parle ?



J'ai l'impression de me prendre la tête pour rien du tout. J'ai l'impression que ce que je ressens à la suite de cette simple altercation est démesuré.



Moi à 21h05 :

T'inquiète, y'a rien à dire.





Il ne m'envoie plus rien jusqu'à la fin du film.

Lorsque nous sortons, des dialogues se créent et débattent sur l'histoire dont je n'ai presque rien suivi. Matthew me cherche et quand je le vois accourir dans ma direction, je me crispe.

— Hé Rei, alors t'en as pensé quoi ?

Je le regarde, et à la façon dont son expression se rembrunit de seconde en seconde, je devine que je ne parviens même pas à rester impassible.

— Tu me demandes vraiment ça ? lâché-je.

Ce qui me démange, c'est la facilité avec laquelle ils parviennent à dédramatiser ces choses. Comme quand Haru rigolait une heure après sa noyade, comme quand ils n'ont pas raconté la vérité aux médecins sur les événements qui ont eu lieu pendant l'ouragan.

Je me rappelle alors que ce n'est pas la première fois que je les vois mentir. Je me souviens du naturel avec lequel Matthew a inventé une excuse quand Blanca nous a sermonnés sur notre sortie clandestine, ou les bobards qu'ils ont vomi à mes parents pour me défendre lorsque je m'étais enfui de la maison.

Ils sont si spontanés quand ils font ça.

— Je t'ai dit que tu pouvais me parler Matt, je poursuis, fébrile.

Ma voix me vient presque comme un râle.

Haru tourne la tête et nous voit, plus loin. J'ai juste le temps d'apercevoir une lueur d'effroi passer dans ses yeux.

— Qu'est-ce que tu peux y faire ?

Il me répond mais cette réponse paraît toute faite.

— C'est ce que t'as dit à Haru la première fois qu'il a essayé de t'aider ?

Je le sens se tendre. Je sais que je m'aventure sur un terrain miné, alors je me tais.

— Tout va bien Rei, reprend-il. C'est pas tout le temps comme ça.

Je ne peux pas. Je ne peux pas le forcer à me dire la vérité. Aujourd'hui, je ne m'en sens pas légitime. Quand nous venions de nous connaître, j'ai de manière éhontée laissé entendre que je n'étais pas le genre de personne à qui on pouvait se confier. De fil en aiguille, je leur ai fait une place dans ma routine, dans mon quotidien. Ces deux garçons sont entrés dans ma vie et je suis entré dans la leur. Et maintenant, ils ont chamboulé une partie de moi. Au point où je me sens capable de perturber ma paix pour eux.

— Sache que je suis là pour toi.

Après une latence qui m'a paru durer des siècles, je le vois timidement hocher la tête. Mais le reste de son attitude, pour le moment du moins, m'implore de ne pas davantage m'aventurer sur ce sujet. Je décide de respecter cette demande.

Lorsque nous sortons ensemble du building et regagnons nos véhicules, je sais que je ne peux plus éviter Haru. La nuit est soudainement noire, seulement adoucie par les lampadaires environnants.

Matthew nous dit au revoir et en profite pour ramener Jade et Faisal. La mère de Blanca vient d'arriver et la prend elle et Ioane. En quelques minutes à peine, je me retrouve seul avec Haru, dans ce parking où le bruit est trop succinct pour me détourner de la lourdeur qu'il y a entre nous.

— Parle-moi.

Je lève les yeux, il se dresse face à moi. Plus grand, plus près, plus sincère qu'il ne l'aura été en cette journée. Mais je ne sais pas quoi dire à cet instant. Je ne peux m'empêcher de reculer d'un pas, et je vois tout de suite que mon geste l'a blessé. Il ne cherche pas à combler la distance que je viens d'instaurer.

— S'il te plaît Rei, parle-moi.

Nous restons comme ça, ma gorge nouée se bat. Mes jambes veulent s'enfuir parce que je n'ai pas de juste milieu : ou je plonge dans la confrontation, ou je la fuis comme la peste.

— J'ai l'impression d'en faire des caisses...

Je me demande s'il m'entend, je ne parle plus qu'à travers un souffle bref.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Que la simple idée qu'il leur arrive quelque chose de mal me met dans tous mes états. Que je n'arrive plus à rationaliser comme avant. Ils ont fait une faille dans ma carapace, à travers ma logique.

— Tu penses aux autres plus qu'à toi-même.

Tous ces mensonges, je sais qu'ils n'étaient pas à but personnel. Il ment pour qu'on ne s'inquiète pas pour lui. Il ment pour que Matthew n'ait pas honte. Il ment car il a failli mourir. Il ment pour me préserver des orages qui grondent en lui.

Et je suis sûr que Matthew fait pareil.

Mais là, c'est face à Haru que je me tiens.

— À chaque fois que je crois te connaître un peu mieux, quelque chose vient pour me prouver le contraire. Y'a tellement de choses que je sais pas sur ce qu'il y a dans ta tête que ça me fait peur, Haru.

Je sais ce qu'il dit, mais je ne sais pas comment il pense. Je sais qu'il aime le basket-ball, la nuit et le skateboard, mais je ne sais pas ce qui le fait vibrer au-delà des étoiles. Je sais ce qu'il fait, mais jamais ce qu'il fera.

Je sais qu'il aime être présent pour ses amis, même quand ces derniers vivent à l'autre bout du pays, mais je ne l'ai jamais entendu demander l'aide de quelqu'un.

Son mystère n'est peut-être plus entier, mais il est encore bien là.

Ses mains tremblent quand elles cherchent les miennes. On fait face à nos propres barrières et je sais que les voir s'abaisser nous terrifie tous les deux. Je pense à ses mots, ceux qui disent que je lui donne le courage de ne plus se cacher. La chaleur de sa peau m'apaise et me tourmente, nous nous rapprochons par instinct et très vite, je sens son souffle sur mon visage.

Il y a de l'éther dans ses yeux.

— Je veux pas que t'aies peur...

Je veux qu'il m'embrasse.

Je veux que pour une fois, ce soit lui qui s'abandonne, qui laisse aller.

Ma main se pose sur son torse et je me redresse. Mes lèvres effleurent les siennes, la fraicheur du soir me donne la chair de poule. Je le sens retenir son souffle.

— Viens.

Mon dos s'appuie contre la voiture quand sa bouche plonge sur moi. Je nous sens trépasser, l'un ancré dans la peau de l'autre. Ses mains remontent à mon visage et ce baiser, je le sens bien plus fort. Ses lèvres reconnaissent les miennes, je me retrouve dans son étreinte, dans sa tendresse. Notre souffle s'accélère quand je me retiens à son col, cherchant un ancrage à travers son toucher.

Je veux que ma présence l'apaise comme la sienne le fait.

Je veux qu'il me partage ses tracas et ses peurs.

Je veux qu'on soit entiers, l'un avec l'autre.

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