Chapitre 42
42.
/!\ Double update, n'oubliez pas de lire le chapitre d'avant /!\
Nos dossiers sont à rendre dans quinze jours, et je me prends encore la tête pour ma lettre de motivation. Princeton est toujours en première place, mais l'Ivy League me paraît de plus en plus hors de portée. Columbia et Harvard sont des noms qui se répètent au sein de la classe, du moins pour ceux qui prévoient de rester aux Etats-Unis pour leurs études supérieures.
Je risque un coup d'œil à Haru au volant de sa voiture. Il ne m'a pas beaucoup parlé de ses projets, et j'en viens à me demander si le basket-ball sera un poids majeur dans sa décision. Je me souviens que les universités de l'Ivy League ne prévoient pas de bourses pour les sportifs, et donc, les chances qu'on se retrouve dans la même fac me semblent minimes.
J'ouvre la bouche avant que nous ne nous garions devant la maison de Matthew et, alors que je pensais avoir le courage de lui poser des questions sur son avenir, mes mots dévient d'eux-mêmes, comme un avertissement :
— Je passe le permis dans trois semaines.
Il bat des cils sur la route, et sans tourner la tête, je vois sa pupille se diriger vers mon visage, mimant un side eye involontaire qui me provoque un sourire exaspéré.
— Merde, ça se rapproche...
Je lui en avais déjà parlé, j'avais commencé les cours de conduite peu avant les vacances d'hiver et même ça, ça me met la boule au ventre. Avant même que nous ne commencions à sortir ensemble, Haru avait proposé de m'apprendre quelques tips en dehors des classes. Je suppose qu'avec toutes les péripéties, ça lui était sorti de la tête. Je ne peux pas lui en vouloir.
— Si tu veux demain après les cours on pourra-
Garés devant la maison de Matthew, nous entendons un fracas. Haru se redresse soudainement, coupé dans sa phrase même si son expression change à peine, devenant simplement plus fermée. Moi, j'ai un instant de flottement car je n'ai pas su interpréter la cause de ce bruit. Mais quelques secondes après le silence, mon cerveau reconstruit l'instant qui aura à peine duré.
Du verre qui éclate.
La position du corps d'Haru, et son mutisme, me fait croire qu'il en est agacé, mais pas franchement étonné.
Il détache sa ceinture et ouvre la portière.
— Reste là.
Je l'interroge des yeux mais cette fois, il me fait faux bond. Je jurerai même qu'il a fait exprès de laisser la playlist tourner. Un sentiment étrange prend possession de moi et quand je le vois entrer dans la maison et refermer la porte derrière lui, quelque chose pèse lourd dans ma poitrine.
Je ne suis jamais allé chez Matthew. Plus le temps passe, plus je prends conscience du fait que son chez-lui est un mystère. Il est souvent celui qui vagabonde de maison en maison, il est même rare que nous nous retrouvions dans son quartier. J'en connais les contours, je reconnais la couleur de ses murs et l'allure simpliste de son petit jardin, mais je n'ai jamais fait un pas au-delà de cette surface.
Je ne connais même pas le nom de sa mère.
Mon corps ne coopère pas avec la demande – l'ordre – d'Haru, je sors de la voiture à mon tour et franchis la distance entre le bas-côté et le porche à pas feutrés. Le silence a persisté après ce simple bruit, je ne les entends même pas lever la voix.
J'ouvre la porte, et le premier son est celui du grincement sur le sol poussiéreux.
La télévision retransmet les actualités du monde, pour la plupart suintant de négativité. Le bruit grésille, perturbant un tableau qui me laisse à la fois dans l'incompréhension, et avec un coup au cœur.
Matthew est à peine discernable devant le sofa crème, à genoux et mains au sol. Son regard est vide et il ramasse passivement des éclats de verre jonchant les carreaux. Un liquide moussant se propage sur le tapis, dont je distingue déjà d'anciennes traces brunâtres. Cette scène n'a duré qu'une seconde, car très vite, ma présence s'est faite remarquer et il a levé la tête vers moi, planté comme un idiot dans son vestibule minuscule.
La maison de Matthew n'est pas comme la mienne, ni comme celle d'Haru, ou celle de Blanca. La mienne me donne l'impression de flotter dans l'espace, aérienne, mais familière. Celle d'Haru malgré le peu d'éléments dû à leur emménagement récent, représente tout de même les couleurs de sa vie, l'éventail de qui il est, lui et sa famille, elle est chaleureuse et singulière.
Celle de Matthew, elle amasse des secrets et du chaos.
Elle n'est pas le genre d'endroit dans lequel on a envie de rester.
— Mon bébé...
Je fronce le nez face à l'odeur d'alcool qui a embaumé les murs, et la voix nasillarde m'attire plus loin dans le salon. C'est là que je vois Haru, aidant une femme à tenir debout et la dirigeant délicatement vers une autre pièce. Elle coopère quelques instants, avant de se montrer plus ferme malgré son état bringuebalant. Je découvre qu'elle est ivre, ses longs cheveux noirs retombant en ondulations négligées dans son dos et sur son visage. Haru la retient mais elle pointe Matthew du doigt.
Elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau.
— Tu es vraiment... tu es mon plus beau trésor, maman est fière de toi...
— Oui, oui maman, lui répond Matthew avec les épaules basses.
Il est honteux de me voir assister à ça.
Haru ne tarde pas à voir que je suis là. Mais il ne peut pas me rejoindre. Je relève juste l'air dérangé qu'il me lance, le genre que je ne vois jamais, sur son visage. Il aide la mère de Matthew à prendre place sur son lit plus loin, dans une chambre. Lorsque je reprends mes esprits, mon premier réflexe est d'accourir aider Matthew.
Haru ne m'en laisse pas le temps, à peine ai-je fait un pas qu'il déboule. Les mains enfin libres, je le sens m'inciter à sortir de la maison. Il n'est pas brusque, mais je sais qu'il n'est pas content du tout.
— Je t'ai dit de rester dans la voiture Rei.
La silhouette de Matthew disparaît et j'ai la sensation de sortir la tête de l'eau.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? lui demandé-je.
— C'est rien, ne t'en mêle pas.
Je le sens plus froid. Automatiquement, j'essaye de tendre le cou pour voir l'intérieur mais encore une fois, Haru m'en empêche.
— Reino, merde !
Je sursaute, et son expression passe de l'agacement à la surprise, avant qu'il n'ouvre la bouche mais que je n'entende pas clairement ce qu'il me dit. Parce qu'il a haussé le ton. Enfin, à peine, c'était bien loin d'être virulent, mais de sa part, ça m'a pris de court.
Je ne suis pas en sucre, et me faire réprimander n'est pas ce qu'il y a de plus rare. Je suis un adolescent après tout, des bêtises, j'en fais. Mais là, tout est lourd et ça me touche.
Ainsi, je recule d'un pas, ne sachant pas quoi faire. Je ne dis rien de plus.
Je tourne les talons sans un mot, et pars les attendre dans la voiture.
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