Onyx

La première fois que Sakura vit Saï, elle le détesta immédiatement. Elle détestait son faux sourire. Elle détestait l'absence d'émotions avec laquelle il agissait. Elle détestait qu'il ait tout d'un être humain, mais rien en même temps.

Lors d'une mission, il la laissa tomber, littéralement. Sa haine grandit lui laissant un goût amer sur la langue.

Chaque fois qu'il la regardait, Sakura voulait lui enfoncer ses deux doigts dans les yeux. Il la regardait comme si elle n'était qu'un autre objet sans valeur. Sa colère lui brûla la gorge.

Un jour, sur le chemin de leur mission, elle croisa son regard. Ses deux yeux onyx vides la fixèrent quelques instants. Pendant ces quelques instants, animées par le reflet des siennes, les billes noires prirent vie. Soudainement,cette rage qui la consumait dès qu'il était dans les parages diminua.

Les missions suivantes, Sakura ne lui adressa jamais la parole, sa colère lui tordant les cordes vocales. Elle ne fit que le fixer, yeux dans les yeux, obsédée par cette lueur de vie que ses propres émotions amenaient dans le regard du garçon.

Un matin, sa rage la consuma.

L'herbe était humide, le vent soufflait. Un air de légèreté entourait l'équipe de quatre. Naruto sifflotait, les mains derrière la tête. Le groupe avançait à basse vitesse. Sakura sentait l'énervement monter en elle. Elle savait que ces deux prunelles la fixaient, fixaient son dos avec vide. Ce feu bouillonnant grandit, lui emplit la tête. Sans réfléchir, elle se retourna vers le garçon. Elle croisa son regard vide comme toujours. Sa colère déborda. Une aura meutrière se dégaga d'elle. Naruto sursauta, Yamato se mit en garde. Pourtant, le garçon devant elle ne réagit pas. Sakura le poussa avec force, il la retint par les avant-bras. Elle brûla toute entière. Son cœur se battait contre ce feu la dévorant. Sa gorge fondait, avalée tout rond par ce sentiment sans fin. Elle voulut crier, mais ces yeux noirs l'en empêchèrent. Au fond de cette mer onyx, Sakura distingua avec difficulté une lueur de surprise. Sa rage diminua se réduisant en braises chaudes. Ce ne fut quelques jours plus tard qu'elle réalisa que cette lueur n'avait été qu'un autre reflet de ses propres prunelles.

La quatrième guerre ninja fut déclarée. Leur groupe fut séparé. Elle fit ses adieux à tous ses coéquipiers sauf lui. Il l'inclua dans les siens, ses paroles vides comme ses yeux.

Sans qu'ils ne le sachent, leur univers exploserait au même moment quelques jours plus tard.

Les mains de Sakura étaient imbibées, dégoulinantes du sang des Zetsu. L'adrénaline coursait dans ses veines. Des cris, des bruits de chair déchiquetée emplissaient l'air de leur horreur. Le sol était humide de sang, de sueur, de larmes. Des voix retentissaient, hurlant la perte de leur parent, de leur cousin, de leur enfant. Sakura ne sourcilla même pas, ces hurlements familiers devenus un bruit de fond de son quotidien de médecin. Comme un robot, elle continua de se battre, tranchant et frappant chaque masse blanche.

Perdue dans sa danse macabre, elle ne remarqua pas le silence l'entourant soudainement. Elle ne remarqua pas l'absence de cris, l'absence de ce sentiment défaitiste qui semblait prendre le monde ces derniers jours. Elle ne sortit de sa transe que lorsque des cris joyeux emplirent la vallée de bruit. Ses yeux dévièrent vers ce spectacle que tout le monde acclamait. Tout à coup, son monde chavira et elle cria.

Elle cria si fort que le vent se taisit, que la terre cessa de tourner. Son hurlement aigu rendit sourd tous les autres hurlements de victoire. Elle marcha, courut vers cet amas de corps sanglant, tordu. Leur sang vint lui frapper les pieds. Sa douleur se mourut sur ses lèvres, le mutisme la saisissant. Ses jambes cédèrent sous son poids. Ses genoux s'écrasèrent dans cette mar gore. Ce qu'il restait de ses deux coéquipiers s'écrasa sous elle. L'horreur la frappa. Les larmes dévalèrent ses joues tachant son visage. Elle se laissa tomber. Le sang de Naruto et Sasuke se logea entre ses doigts, dans ses cils, sous ses aisselles. Des bouts de peau se logèrent sous ses ongles, sous ses seins. Des cheveux se cachèrent sous sa langue. L'odeur de brûlé se tapit dans ses narines. Elle pleura. Ses larmes vinrent éclaircir son visage barbouillé du sang de ses amis. Des sanglots silencieux secouèrent son corps. En fond, des milliers de personnes s'exclamaient, riaient. Vaguement, elle entendit des célébrations de fin de guerre.

Un corps s'affala à ses côtés. Elle l'ignora. Des doigts blancs tachés de sang envahirent son champ de vision. Sakura siffla, cracha sur ces mains. Sa colère s'enflamma et se tut rapidement étouffée par la douleur. Épuisée, la fille se tourna vers ce garçon qu'elle haïssait. Des yeux noirs l'attendaient. Des yeux noirs empreints de cette même douleur que Sakura vivait. Une douleur qui ne pouvait pas être reflétée tellement elle était abyssale. Le coeur de la fille se vida de toute sa colère pour ne laisser qu'une tristesse. Une tristesse pour ses amis morts, pour ce garçon à moitié-mort à côté d'elle qui n'avait que les aspects négatifs de la vie humaine.

Quelques semaines plus tard, le reflet de ses prunelles vertes vides lui fit face.

Ce soir-là, Sakura passa des heures à chercher le reflet d'une lueur quelconque dans ces yeux noirs. Seulement aperçut-elle quelque chose lorsque la douleur du deuil l'étouffa, lorsque le garçon en face d'elle se perdait lui aussi dans sa propre souffrance.

Tous les soirs, inlassablement, elle vint chez lui chercher cette lueur dans ces prunelles onyx qui prouvaient qu'ils étaient toujours vivants, toujours humains.

***Merci de la lecture !***

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