Partie Deux


Un très grand amour, ce sont deux rêves qui se rencontrent et, complices, échappent jusqu'au bout à la réalité.

Romain Gary
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C'est une euphorie particulière, qui s'empare d'absolument tout le bâtiment.

La foule parle, élevant sa voix entre les murs, se chargeant de ne laisser aucune once de silence. Il y a constamment un petit bruit, même minime, pour parvenir aux oreilles du jeune homme.

Et puis, il y a aussi cette odeur. Entêtante et presque déplaisante. Se dégageant de ces multiples bouquets de fleurs, qui ont été utilisés pour décorer les bancs, mais également disséminés à de nombreux endroits. Soi-disant pour sublimer le tout.

Pourtant, à ses yeux, il ne s'agit que d'une folie supplémentaire et totalement injustifiée. Il n'a que faire de la présence de ces roses, de ces bouquets de jasmins, mais aussi de ces fleurs de lys. Il les perçoit toutes blanches, bien qu'on lui ait répété à de multiples reprises qu'elles détiennent chacune leur propre nuance, qui apportent apparemment une harmonie à l'ensemble.

Ça lui est bien égal, que ces fichus pétales soient blanc cassé, rose dentelle ou encore ivoire. Ce ne sont que des fantaisies, qui ne parviennent aucunement à apaiser ce grondement bien trop lourd, celui qui pèse entre ses côtes.

Tout a été pensé de bout en bout, étoffant davantage cette mascarade monstrueuse qui s'opère à l'extérieur de la pièce, tandis qu'il respire laborieusement. Le garçon va probablement y laisser sa peau, avant même d'avoir fait un seul pas. Ce n'est plus de l'angoisse ou de la crainte, à ce stade ci. C'est bien plus fort que ça, continuant petit à petit de prendre en intensité.

Et cela empire un peu plus, à mesure qu'il songe aux dizaines de caisses de champagne, qui attendent d'être débouchées, pour fêter l'heureux événement. Il y a aussi cette pièce montée, le fruit du diable, qu'il va devoir couper avec le sourire.

Mais surtout, et pour son plus grand désespoir, il y a cette femme qui patiente dans sa propre loge. S'imaginant sans doute qu'elle va vivre le moment le plus magique de toute son existence, en épousant un homme incroyable.

Parce que tout a été pensé, pour que cette journée soit époustouflante sur tous les registres, et que rien ne vienne se mettre en travers de leur chemin.

Eijiro va probablement s'écrouler d'un instant à l'autre, suffoquant de plus en plus. Son nœud de cravate l'oppresse décidément bien trop, accentuant cette sensation désagréable et trop piquante. S'il n'était pas surveillé, il l'aurait certainement arraché violemment, tout en tirant sur les deux premiers boutons de sa chemise blanche. Celle qui sublime ce smoking, cousu sur mesure pour lui, afin de marquer l'occasion.

Ce costume, il le déteste au plus haut point. Chaque couture, chaque petit détail aussi infime soit-il, la moindre broderie est à haïr du plus profond de son cœur.

Même la robe adoptée par sa dulcinée, qu'il n'a pourtant pas encore vue, représente un cauchemar atroce et traumatique. Adepte des traditions, et trop heureuse de se révéler durant ce grand jour, elle a tenu à tout simplement se faire désirer, en lui expliquant à quel point il allait adorer le voilage choisi. Que la coupe cintrée ainsi que le buste en coeur lui faisait une silhouette sincèrement à croquer, qui devrait lui ravir le regard.

Mais Eijiro sait pertinemment qu'il va abhorrer l'ensemble, et ce au premier coup d'œil, dès qu'elle entrera dans son champ de vision.

Ce n'est pas de sa faute malheureusement. La jeune femme possède d'ailleurs un minois délicieux et agréable à observer. Des formes voluptueuses, qui constituent un corps magnifique et sans doute réellement plaisant au toucher. Sa peau est douce, veloutée de la plus superbe des façons, avec ce teint légèrement hâlé qui est en accord avec le reste de son physique.

Sa chevelure longue et raide encadre son visage à la perfection, tandis que les nuances brunes se mêlent aux noisettes de ses iris. Elle est un exemple de beauté, prisée par la gent masculine, mais aussi fortement jalousée par les femmes.

En dehors de son anatomie, la demoiselle est également considérablement cultivée, capable de tenir d'importantes conversations sur divers sujets. L'actualité la passionne, et elle aime s'informer, continuer d'apprendre. Pourvue d'une sensibilité notable, elle se montre d'une compagnie très appréciable, qui démontre un grand intérêt pour les activités de son futur mari.

En conclusion, Momo Yaoyorozu est tout bonnement la prétendante parfaite.

Mais Ejiro ne peut s'empêcher d'être parcouru de cet effroyable sentiment de dégoût à son égard, et de répugner ce frisson qui semble adorer se frayer un chemin sur sa peau, lorsqu'il est à ses côtés.

Les six derniers mois, tout n'a été qu'un long calvaire à encaisser de bout en bout, déployant continuellement ses angoisses. Il a pourtant tenté de dissuader son père du bien-fondé de cette idée, à laquelle il n'adhère absolument pas. Cependant, ses actes sont restés vains, le laissant dans un désarroi évident.

Les fiançailles ont bien été officialisées, apportant avec elle ce goût amer et infect, qui s'immisce un peu partout sans parvenir à s'en détacher. Il s'est retrouvé à supporter une situation qui échappait peu à peu à son contrôle, sous son regard impuissant, tout en engendrant une culpabilité atroce envers son compagnon. Celui qui partage ses nuits, et doit accepter de voir l'amour de sa vie se lier à une autre, sans même être en mesure de dire quoi que ce soit à ce sujet.

Quelques bruits interpellent le jeune homme, qui reporte son attention en direction de la porte. Celle-ci s'ouvre tout aussi rapidement, laissant place à une femme mûre, qui sourit tendrement.

Le regard pourvu d'une forme de fierté, elle s'avance jusqu'à lui, et vient réajuster son nœud de cravate instinctivement. Comme ci celui-ci avait besoin de son intervention pour être parfait, et prêt pour l'événement à venir.

« - Tu es absolument magnifique, mon garçon.

- Merci maman, lâche-t-il dans un murmure.

- Je suis terriblement heureuse pour toi. »

Eijiro en a conscience. Il le voit dans ses yeux, tout ce registre qui transparaît complètement, le heurtant en plein cœur. Le jeune homme soupire brièvement, en essayant de ne pas se faire remarquer. Mais la tristesse l'assaille, sans qu'il ne parvienne vraiment à s'en délester. Cette boule oppressante prend de plus en plus de place, et submerge l'entièreté de sa cage thoracique. Elle grossit, écartelant sa chair et ses muscles, lui donnant cette sensation qu'il va imploser de l'intérieur. Progressivement, ce ressenti s'impose dans sa trachée, ralentissant singulièrement ses facultés respiratoires.

Et puis, sans qu'il ne puisse le contrôler, cette impression dérangeante finit par lui causer quelques larmes, qui se mettent à couler sur ses joues. Perlant au bord de ses iris rouges, les noyant considérablement.

Attendrie, sa mère se permet de venir les essuyer dans un geste empli d'amour, confondant certainement cette peine avec de l'appréhension.

« - Je sais ce que c'est. Avant de me marier avec ton père, j'étais moi aussi submergée par l'émotion. C'est un grand changement. »

Incapable de répondre, il se contente de hocher la tête. Le discours de cette femme tranche tellement avec celui que lui a tenu son paternel la veille, prononcé dans un registre moralisateur et persuasif. Eijiro a conscience de ce qui se joue en ce jour, et qu'il offre davantage sa vie pour une transaction marchande, plutôt qu'une potentielle idée de bonheur.

Il est condamné à errer dans un mariage sans valeur, avec une inconnue dont il n'a retenu que le prénom, et rien d'autre.

Parce que ses prunelles n'auront jamais autant de magnificences, que ce vert unique qui constitue celles d'Izuku. Sa peau n'est pas sublimée de ces taches de rousseur, ou par cette fossette adorable, qui apparaît quand il lui sourit. Son rire ne serait aucunement aussi mélodieux et appréciable que celui de son conjoint.

Eijiro donnerait tellement pour l'entendre une nouvelle fois, et être dans son lit avec lui. À redessiner ses courbes avec la pulpe de ses mains, après l'avoir fait soupirer de bonheur, tout en lui chuchotant des mots doux au creux de l'oreille.

Il céderait tout ce qu'il possède sans aucune hésitation, si cela pouvait lui offrir une vie entière avec lui.

Malheureusement il est dans cette pièce, à attendre que la sentence ne s'abatte sur son existence, à la manière d'un fléau inaliénable. Et cette sensation est définitivement trop lourde à supporter, puisqu'il se retrouve pris d'un haut-le-cœur difficilement dissimulable. Sa mère se préoccupe de son état, tandis que Kirishima s'évertue à respirer profondément, pour faire passer cette nausée au moins partiellement.

« - Tout va bien, Eijiro ? s'inquiète-t-elle, toujours avec cette bienveillance omniprésente.

- Je vais prendre le relais, prononce une voix masculine qui vient d'arriver dans la pièce.

- Oh ? Tu es sûr, Katsuki ?

- Oui. Après tout, c'est mon rôle en tant que témoin. »

Patiemment, l'homme qui s'est présenté dans ce rôle raccompagne la mère de famille à l'entrée, avant de refermer juste derrière elle. Cette attitude étonne Eijiro, qui ne l'a que très rarement vu faire usage de tant de gentillesse et parler sur un registre aussi calme.

Pourtant, Katsuki s'applique à ne pas se montrer trop colérique, sans doute pour épargner davantage son ami, qui subit bien assez d'émotions fortes pour aujourd'hui.

« - Merci, Katsuki, de l'avoir fait sortir, articule Eijiro difficilement.

- T'inquiète pas, je me suis dit que tu avais besoin de souffler un peu.

- Comment est-ce que je pourrais ? »

Sincèrement éprouvé, et faisant preuve d'un défaitisme évident, le futur marié se laisse tomber sur l'une des banquettes qui meublent le lieu. Il prend sa tête entre ses mains, ne cherchant plus à dissimuler une once de sa détresse. De toute manière, en présence de Katsuki, cela n'a pas d'importance.

Il est l'un des seuls en ce monde à bien vouloir le comprendre, et à être au courant de sa condition.

Les deux garçons se connaissent depuis le berceau, ou presque, ayant grandi dans des cadres semblables. Ils ont globalement côtoyé les mêmes écoles, et suivent une destinée relativement similaire, bien que Katsuki soit lui formé à devenir le gérant d'une considérable banque. Contrairement à Eijiro, le jeune homme s'est rangé deux ans auparavant, avec la femme qu'il fréquentait depuis déjà quelque temps. C'est une union d'amour, et Kirishima reconnaît aisément que son meilleur ami rayonne auprès de sa conjointe.

Il avait belle allure, durant son propre mariage. Ce blond ténébreux avait revêtu un costume aux finitions aussi rouges que son regard, et a avancé jusqu'à l'autel avec un port de tête fier. Tout dans son attitude témoignait de son bonheur d'être là, à prendre pour épouse Ochaco, qui resplendissait dans sa robe blanche à l'idée de repartir de cette église, avec le nom de famille « Bakugo » plutôt que du sien.

C'est d'ailleurs quand il s'attarde sur la différence planant entre ces deux expériences qu'Eijiro se rend compte que toute sa situation n'a rien de normal.

Katsuki vient s'asseoir à côté de son camarade, réellement soucieux de son état. Il soupire à son tour, et pose une main sur son épaule, dans un geste qui se veut encourageant.

« - Comment tu te sens ?

- Mal ? Coupable ? Affreux ? Et tout un tas d'autres choses dans le même genre. »

Son ami l'observe patiemment, et semble prendre quelques instants pour réfléchir à ce qu'il va pouvoir lui répondre. Mais seul le silence continue d'emplir la pièce, tandis qu'à l'extérieur la foule insiste pour se faire entendre, attendant que les vedettes de l'événement ne donnent le feu vert pour la cérémonie.

Eijiro suffoque, osant à peine penser à Momo qui se prépare joyeusement, pour faire son entrée dans cette chapelle, alors que lui ne rêve que de retrouver la chaleur enivrante d'Izuku. Hier encore, ils étaient ensemble, à partager des instants charnels dans ces draps sombres et réconfortants. Et maintenant, il doit se marier. Quelle affreuse ironie !

Il se sent infect, autant à l'encontre de l'élu de son cœur, que de celle qui doit devenir sa femme. Ils ne méritent pas un tel traitement, ni l'un ni l'autre. Kirishima se donne l'impression d'être l'ordure ici, qui fait souffrir le monde entier par ses choix, et parce qu'il n'a pas réussi à s'élever contre son paternel. Tout ça pour une place dont il ne veut même pas, en haut d'un empire qui l'effraie réellement.

Contrairement à Katsuki, il n'a pas l'étoffe nécessaire pour ce type de rôle.

« - Izuku doit me détester, gémit le garçon en retenant avec peine un sanglot.

- Tu sais très bien qu'il est amoureux de toi. »

Entendre ces mots, et surtout de la part de quelqu'un d'autre, est une sensation quelque peu salvatrice. Kirishima a l'impression de trouver une forme de légitimité à travers ces paroles, qui donnent un poids à cette tendresse qu'il partage avec son compagnon. Parce qu'il n'a pas le droit d'en parler en temps normal, sous peine de graves conséquences, qui pourraient s'abattre de n'importe où et n'importe qui.

Mais Katsuki n'en a que faire, de savoir que son ami se soit épris d'un homme. Au contraire, c'est lui qui est arrivé un soir au domicile d'Eijiro, avec son petit sourire en coin habituel. Fièrement, Bakugo a annoncé être au fait son modeste secret, qui n'était autre que cette relation que le garçon s'appliquait à cacher depuis plusieurs semaines déjà. Ce moment a réellement inquiété Kirishima, qui a rarement connu une angoisse d'une telle intensité.

Il s'imaginait devoir se justifier de manière bancale, où être en proie à des traitements médicamenteux, dans l'optique de le guérir de ce « mal ». Ça n'a pourtant pas été le cas.

Son ami s'est contenté d'approuver, le rassurant quant au fait que son secret était bien gardé avec lui, et lui servant parfois d'alibi pour se rendre chez Izuku avec tranquillité. Katsuki a assisté au développement de ces sentiments et de ce relationnel, ainsi que de la descente aux enfers d'Eijiro.

« - Qu'est-ce que ça change ? Dans une heure je vais sortir d'ici, et je serais au bras de quelqu'un d'autre. Je savais que ça finirait par arriver, et j'ai pas...j'ignorais comment gérer les choses. Il a tellement souffert de tout ceci. »

Kirishima entend la langue de son camarade claquer à son palet, témoignant de son entêtement, et attestant qu'il possède son opinion bien précise sur la question. Pour autant, le fiancé ne voit pas quoi dire de plus, si ce n'est poser des mots sur cette fichue impression dévastatrice, qui s'amuse à le torturer sans discontinuer. Et ce, même si l'expression de son visage renvoie aisément ce qui peut le traverser, sans qu'il n'ait besoin de se prononcer à voix haute sur tout ceci.

« - Je sais que c'est compliqué Eijiro, et...je suis désolé. »

Les termes de son ami lui vont droit au cœur, soulevant tout de même une interrogation de sa part. Il ne comprend pas les raisons de ces paroles, qui lui font hausser un sourcil.

« - Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Tes excuses. Pourquoi ? »

Katsuki rassemble ses mains entre elles, appuyant ses coudes sur ses cuisses, tout en rivant son regard sur le sol. Sa mâchoire se crispe, et il soupire fortement sans chercher à cacher son ressenti. À quoi cela peut-il être utile de toute manière ? Il n'y aucune raison de mentir à Eijiro, ce ne serait pas lui rendre service, que d'agir comme un hypocrite qui se moque bien de cette situation.

« - Je suis désolé, parce que ça m'emmerde de voir ça. T'es mon meilleur ami, et j'aurais préféré être ton témoin pour un mariage qui te rend heureux, plutôt que d'une vaste blague comme celle-là. »

Le jeune homme écoute attentivement, et vient instinctivement porter l'une de ses mains à son cou. Il y trouve le fameux pendentif, qui ne l'a pas quitté une seule fois depuis qu'Izuku l'a accroché là. Tel un talisman auquel il parvient laborieusement à se cramponner, pour ne pas complètement perdre pied.

Momo l'a déjà interrogé quant à l'origine de ce bijou, qui n'a pas l'air très reluisant au premier abord. Sans doute pour son attrait quelque peu féminin, qui l'a incité à se poser quelques questions. Dans la panique, Eijiro a mentionné un objet familial, retrouvé dans une vieille boîte rassemblant des choses similaires, et son intérêt pour celui-ci. Il ignore si sa fiancée l'a cru, mais il ne s'est pas plus attardé sur le sujet pour autant, se contentant d'éluder si cela revenait.

« - Momo n'est pas une mauvaise personne. Elle se plie également à ce qu'on lui demande, tout comme toi. Je sais pas si elle est vraiment amoureuse, ou si elle se fourvoie à cause de la pression que ça engendre.

- J'en sais rien...

- Ce que je veux dire, c'est qu'elle mérite bien mieux et toi aussi. On sait tous les deux que si c'était possible, c'est Izuku qui serait en train de se préparer là-bas, pour te rejoindre dans cette chapelle. »

L'idée arrache de nouvelles larmes à Eijiro, qui se sent encore sous l'émotion. Parce que cette idée, en plus d'être sincèrement absurde et inatteignable, dégorge de ce petit quelque chose qui lui prend au cœur. Très différemment, que ce flot de ressenti négatifs.

Bien au contraire, tout est si doux et réconfortant, dans cette image qui s'impose à lui progressivement. Izuku, debout devant l'autel, dans un smoking rappelant ce vert symbolique qui lui appartient. À son doigt, cette chevalière qu'il lui a offerte il y a quelques mois, s'apprêtant à être escorté d'une alliance.

Dans son thorax, Kirishima peut sentir cette chaleur indéniable, s'accompagnant de cet amour qu'il lui porte. C'est la lumière de son existence, lui faisant comprendre une nouvelle fois que la journée à venir n'est qu'une mascarade injustifiée, qui ne lui procurera jamais autant de joie que ces quelques moments volés à l'histoire.

« - J'ai aucune solution ou quoi que ce soit à t'apporter. J'aimerais seulement que tu prennes soin de toi, et que tu fasses attention à ta vie. T'oublies pas dans tout ça. Je sais que tu veux pas te monter contre ton père, et que tu aurais préféré trouver un moyen pour tout allier de la meilleure des manières. Mais on ne peut pas toujours tout avoir. Parfois il faut sacrifier certaines choses, ou juste faire des choix difficiles. »

Katsuki tente de se montrer encourageant, cela ne fait aucun doute. Malheureusement Eijiro sait que cela ne suffira pas à le sortir de cette combine inaltérable, qui va l'enfermer à tout jamais dans une vie de solitude.

Va-t-il seulement pouvoir retourner voir Izuku après cette cérémonie ? Il l'ignore, et n'a pas été capable d'apporter une quelconque réponse au reporter, qui pleurait sur son épaule la veille, en comprenant qu'ils vivaient certainement leurs derniers instants ensemble. C'était semblable à un déchirement atroce, qui leur vrillait mutuellement les entrailles à grand coup de poignard aiguisé. Transperçant leur chair, sans se soucier des conséquences à venir.

Il ne pouvait rester que la peine et l'amertume, devant cette vie qui refuse de leur accorder le droit de s'aimer librement.

Eijiro se rappelle douloureusement la saveur de leurs derniers baisers, dans l'entrée de l'appartement d'Izuku. Il a plaqué le reporter contre la porte, sans parvenir à cesser de goûter ses lèvres encore et encore, ni même se raisonner à partir. Parce que passer cette porte signifiait dire au revoir à tout ceci.

Ce geste se rapportait indirectement à une rupture, qu'ils ne souhaitaient pas devoir affronter tous les deux. Alors ils ont persisté, peut-être une heure de plus. Juste à se le dire, patiemment, entre deux étreintes enflammées et brusques, pour être certain de conserver ces paroles à l'esprit quoiqu'il puisse advenir.

Izuku a laissé sa colère de côté, celle de voir son amant s'offrir à quelqu'un d'autre, pour prendre ce qu'on lui accordait. Des baisers à en perdre le souffle, des caresses à ne plus savoir qu'en faire, et des mots nécessaires à la traversée de cette épreuve destructrice qui se profilait.

Ils devront sans doute chacun se contenter de souvenirs désormais...

« - Eijiro, tu es attendu. »

La porte s'ouvre, sans cérémonie ni même un bruit, annonçant une arrivée. Comme à son habitude, l'actuel Monsieur Kirishima se montre brusque et rude à l'égard de son fils, qui a déjà suffisamment retardé cette journée.

Il avise sa descendance d'un œil dur, avec une expression témoignant de son agacement. Et Eijiro le sait, et a conscience de ce que peut penser ce père, qui est tellement opposé à sa mère. Celui-ci ne s'encombre pas de ressentis ou de sentiments, toutes ces choses trop superflues qui ne permettent pas de mener une vie décente. À son sens, la réussite dépend du travail et d'un acharnement constant, nécessitant une foule de sacrifices. Sans ça, il est évident que la destinée ne peut se solder que par un échec cuisant, menaçant de faire s'écrouler l'empire qu'il a bâti de ses propres mains.

Alors peu importe ce qui peut bien traverser l'esprit de son fils à cet instant. Tout ce qui compte, c'est ce qu'on attend de lui. Qu'il sorte de cette pièce, et se rende à l'autel, pour retrouver sa dulcinée, qui va devenir son épouse une fois les mots fatidiques prononcés.

« - Je sais. J'arrive. »

Katsuki avise son ami d'un œil, sans doute pour s'assurer que tout aille au mieux pour lui, connaissant pertinemment les rapports houleux qui planent entre les deux hommes Kirishima. Son camarade le réconforte, en hochant positivement la tête, et Bakugo comprend alors qu'il doit rejoindre la salle où se déroule la cérémonie.

Les festivités vont commencer, et il serait probablement dangereux d'éprouver encore la colère de Takao. Ainsi, le blond sort, presque à reculons en espérant que le chef de famille ne va pas davantage malmener son fils. Malheureusement, à peine sa présence effacée, il fronce férocement les sourcils et grogne furieusement son mécontentement.

« - Veux-tu bien cesser ces enfantillages, Eijiro ?! Il est plus que l'heure, et ta future femme se demandait sérieusement si tu n'avais pas juste fui la chapelle ! »

Fuir...quelle douce perspective que d'entendre ce simple mot... Il sonne de manière mélodieuse à ses oreilles, apportant curieusement à Eijiro cette bouffée d'air frais qui lui manquait, pour ne pas s'effondrer à cause de l'absence d'oxygène. S'évader de cette vie qui ne lui correspond pas, et ne lui offre rien de positif. Qui ne cesse de le heurter continuellement, parce qu'il n'est pas le fils docile et doué que son tuteur aurait aimé avoir. Mais l'existence n'est pas aussi simple, et quand bien même il s'enfuirait, où pourrait-il aller ?

« - Je suis désolé père. »

Takao n'ajoute rien, pas une once d'encouragement ou de fierté à l'égard de cet enfant. Parce qu'il semblerait que tout ce qui trouve grâce à ses yeux, ce soit cette entreprise, à qui il a consacré tant de temps et d'acharnement. Tout ce qui lui importe, c'est que cette immense machine ne se perde pas, et que ce travail prospère à travers les années.

Eijiro en a conscience. Il n'est rien de plus qu'un outil supplémentaire, orchestrant la réussite de ce gigantesque empire économique qui s'est construit. Son père peut bien sacrifier son bonheur, si cela implique de faire grandir ce bien florissant.

Il sort à son tour de la pièce, plantant le futur marié là, l'obligeant à comprendre qu'il n'a plus le choix. Il doit se « comporter comme un homme ». C'est ce qu'il ne cesse de lui répéter à chaque sermon prononcé à son encontre.

Alors, après une énième inspiration et contenant ses émotions, le jeune garçon se prépare à lui aussi prendre le même chemin. Faisant abstraction de cette nausée épouvantable, et de ce besoin de retrouver l'amour de sa vie, qui ne sera pas au bout de cette allée qu'il est sur le point de traverser.

Eijiro ignore à quel point il doit forger son mental, pour simplement se contenter de parcourir quelques mètres, tout ça sous les regards de cette famille et des invités qui s'apprêtent à applaudir cette union.

Une mascarade atroce et si bien orchestrée, donnant à tout le monde l'illusion que c'est un moment de joie intense qui se dessine. Mais le paradoxe est immense, entre la blancheur prédominante de cette pièce, accompagnée de cette musique jouée par quelques violonistes, et un pianiste de renom, tranchant avec son propre ressenti.

Son âme dégorge de noirceur, de peine et d'amertume, faisant sans doute tache sur ce tableau qui semble parfait au premier abord. Si quelqu'un devait s'amuser à chercher l'intrus dans cette scène, il ne fait nul doute qu'Eijiro serait la personne à pointer du doigt.

Il déteste devoir faire partie de ce spectacle sordide, qui le débecte profondément.

D'ailleurs, le garçon ignore par quel moyen ses jambes l'ont portée jusqu'à l'autel. Il ne comprend pas non plus de quelle manière il est arrivé à faire abstraction de cette foule qui l'entoure. Certainement parce qu'il ne ressent plus rien, si ce n'est un vide monumental et dévastateur, qui l'engouffre petit à petit.

Les notes de cette mélodie ne l'atteignent pas, tout comme les coups d'œil encourageant lancés par sa mère, assise au premier rang, ne parviennent pas jusqu'à lui. Il voit à peine l'assemblée se lever, attestant de l'apparition de la mariée, qui vient d'arriver au bout du petit chemin blanc, parsemé de pétales de roses.

Le sourire qui orne son visage s'étire mécaniquement. Son corps est complice de cette machination diabolique, et s'assure visiblement de créer les réactions adéquates, afin de dissimuler son dégoût probant.

Et les larmes qui perlent une nouvelle fois à son regard, sont certainement confondues avec l'émotion de découvrir sa future épouse si magnifique. Il est indéniable que Momo est magistrale dans cette robe, dévoilant ses courbes à la perfection. Les manches en dentelles sont finement travaillées, et ornées de petits cristaux scintillants, dans lesquels la lumière se reflète. La jeune femme a tout d'un ange tombé du ciel, et n'importe quel homme serait chanceux de la voir à son bras, pour le reste de son existence.

Quelle ironie, qu'elle soit destinée à devenir l'épouse du seul qui n'aspire pas à cet avenir.

Eijiro ne cherche pas à dissimuler ses larmes, celles qui persistent à couler le long de ses joues. Le monde entier pense qu'il est en admiration devant sa fiancée. Mais il pleure son amour perdu, qui attend bien trop loin de lui, à s'imaginer ce qui se déroule en cet instant.

Il connaît assez Izuku pour soupçonner ses réactions. Kirishima n'en peut plus, de n'avoir que ça à l'esprit. Des images où son compagnon ploie sous la tristesse, et se met à le détester de tout son cœur. Peut-être même s'est-il déjà débarrassé de sa chevalière ? Cette idée le traversant soudainement, une once de panique s'immisce en lui. Il ne veut pas de ça, il refuse de savoir que le journaliste peut se détacher d'un tel bien.

Devant son regard exorbité, la scène se joue au ralenti. Bien loin de voir Momo et sa robe, ainsi que sa famille qui l'encourage, et son père qui se pare d'un sourire hypocrite pour donner l'impression qu'il est fier de son fils. Tout ce que l'homme aperçoit, ce sont les gestes enragés d'Izuku, qui hurle à s'en casser la voix. Qui s'époumone en pleurant de chagrin, devant cet amour qu'il a perdu, et cette promesse qu'Eijiro n'a pas su tenir. Cette bague était un pacte, attestant qu'il devait tout faire pour tenter d'éviter qu'un tel schéma ne se produise. Mais il a lamentablement échoué, et son compagnon doit le haïr du plus profond de son cœur.

Kirishima retient avec difficulté ses sanglots, tandis que Momo se place à sa hauteur, affublée d'un sourire radieux.

Il aimerait repousser autant que possible l'instant où il viendra orner son annulaire de cette alliance symbolique, alors qu'on lui a interdit d'en faire de même avec Izuku. Cette personne qui a partagé tant de ses nuits, depuis bien plus d'un an. Eijiro se rappelle avec précision, la manière dont est né leur amour.

Il l'avait invité à prendre un verre, juste pour bavarder, alors qu'il avait été amusé de ses expressions perdues durant la présentation des projets de l'usine. L'homme avait à l'esprit de se faire un ami, avec lequel discuter de temps à autre, et prévoir quelques soirées comme il pouvait parfois le faire avec Katsuki. Néanmoins, tout a commencé à échapper progressivement à son contrôle, pendant que ce besoin irrépressible de le revoir connaît si fort entre ses côtes.

Eijiro ne pouvait se contenter de ces simples conversations, et s'est rapidement retrouvé pris au dépourvu, quand il s'est aperçu qu'il faisait attention à des détails qui n'auraient pas dû le chambouler. La manière dont les boucles ornent ce visage rayonnant. Ces éclats uniques, qu'il a remarqués dans ses iris. Ce tressaillement qui s'est amusé à le parcourir, alors que le rire cristallin du garçon résonnait.

Petit à petit, des questions d'ordre plus intime se sont ajoutées à l'équation, rendant les choses encore plus difficiles qu'au départ. Il suffoquait, à la simple pensée de connaître la douceur des lèvres d'Izuku sur les siennes, ou quelles parties de son corps seraient réactives à la paume de ses mains. Des interrogations qui l'ont effrayé, jusqu'au moment où il s'est rendu compte que le reporter le fuyait, sans qu'il n'en comprenne les raisons. Dès lors, le besoin irrémédiable de le retrouver a pris le pas sur le reste.

Sans chercher davantage, Eijiro est allé chez lui, et s'est heurté à une attitude inattendue. Devant lui, un Izuku complètement paniqué tournait en rond, sans savoir comment gérer la situation. Sans doute craignait-il les conséquences de ce qui était en train de voir le jour.

Pourtant, cette tension omniprésente a repris le pas sur tout le reste, au moment où Kirishima a saisi le journaliste fermement par les bras, afin de l'empêcher de continuer ses gestuelles. Leurs regards se sont ancrés ensemble, sans qu'ils ne soient capables de s'en détacher, à aucun moment. Le jeune homme s'en souvient comme si cela s'était produit la veille, de ce frisson aussi violent que délicieux, ainsi que de cette sensation qui lui grignotait les entrailles ici et là. Curieusement, il se trouvait si bien, à ressentir la chaleur qui émanait de ce corps puissant contre le sien.

Et cédant à tout le reste, sans plus de réflexion, il s'est risqué à la tentation d'un baiser. Durant un court instant, Eijiro a cru qu'il venait de faire la plus grosse erreur de toute sa vie. Mais quand il a senti Izuku lâcher prise, et l'embrasser en retour, plus rien d'autre n'a compté que cela. Il avait enfin la possibilité d'expérimenter tout ceci, et d'apprécier cette proximité unique, qui ne leur appartenait qu'à eux.

Sensation qu'il n'a jamais éprouvée avec Momo. Peu importe ce qu'elle pouvait dire ou faire, durant les conversations qu'ils ont partagées ensemble dans l'optique d'organiser ce mariage, et de tisser un lien quelconque. Kirishima n'arrivait pas à connaître un engouement, aussi minime soit-il, et n'en avait aucune envie.

Chaque information reçue sonnait comme une infidélité supplémentaire à l'encontre d'Izuku, qui acceptait la réalité dans son coin telle une fatalité inébranlable.

Eijiro a pu se soustraire à l'intimité physique, puisque la jeune femme vient d'une famille assez conservatrice, où on lui a appris à préserver sa pureté avant leur union. Ils ont à peine partagé quelques baisers maladroits, là encore des expériences relevant du cauchemar pour lui. Malgré tout, se faisant passer pour quelqu'un de timide et de relativement peu démonstratif, il a réussi à limiter ces échanges au strict minimum, tout en s'imprégnant de cette sensation horrible. Celle d'avoir bafoué son amant, qui est parvenu à réagir avec détachement quant à tout ceci.

Toujours à l'écoute, Izuku a accueilli les angoisses de son compagnon, sans jamais lui reprocher la tournure des événements.

Oui, réellement, Kirishima se dit aisément qu'il ne le mérite absolument pas dans sa vie, et que ce garçon devrait avoir quelqu'un capable de prendre soin de lui. De lui offrir une existence paisible et magnifique, tout en lui apportant l'amour qui lui revient de droit.

Cependant, bien que le bonheur d'Izuku prime sur tout le reste, il n'est pas certain ironiquement de vouloir savoir qu'une autre personne contribue à tout ceci, à sa place.

L'idée même que quelqu'un embrasse son compagnon, ou le fasse vibrer avec des sentiments si forts, lui est tout bonnement insupportable. Eijiro pourrait sans doute en mourir de tristesse, de ne jamais plus pouvoir poser ses lèvres dans son cou, tout près de son oreille, et de lui murmurer à quel point il peut l'aimer en regardant Izuku se tortiller sous son étreinte, rougissant au possible.

« - Monsieur Kirishima ? »

Surpris, il tourne la tête en direction du prêtre, qui l'appelle avec insistance. Eijiro comprend qu'il s'est égaré dans ses pensées, à se remémorer à celui à qui appartient son cœur. Il ignore depuis combien de temps il a perdu le fil, a seulement écouter d'une oreille ce qui peut bien se produire. Tout ce dont il a conscience, après avoir lancé un coup d'œil aux alentours, c'est de l'agacement probant qui anime les traits du visage de son père. Sa fiancée, face à lui, essaye de ne pas abandonner son sourire, comprenant visiblement que quelque chose cloche. Et puis, à sa droite, Katsuki lui jette une œillade curieuse en fronçant les sourcils, devinant certainement ce qui se passe dans sa tête.

« - Oui...Pardon, je suis là. J'écoute.

- Vous devez répondre à la question qui vous a été posée, Monsieur. »

Déjà ? Cette boule d'angoisse continue de croître, lorsqu'il comprend sans trop de réflexion à quelle question le prêtre fait allusion. La seule et l'unique, celle qui est déterminante pour ce genre de moment. Celle que tous les couples attendent, en somme.

Parce que c'est tout ce qui compte après tout de pouvoir clamer un grand "Oui" au milieu de cette assemblée, attestant du commencement de tout.

Ce n'est cependant pas son cas. Ce mot, aussi simple soit-il, représente une prison des plus atroces et effrayante qu'il puisse connaître. Semblable à des menottes blessantes et indestructibles, l'accrochant de force à une destinée qui n'est pas la sienne, et qui ne lui appartient nullement. Ponctuée d'événements qui ne lui ressemblent pas, et dont il n'a que faire.

Sa place n'est pas ici, pas entre ces murs qui ont l'air de se resserrer sur sa personne, jusqu'à l'étouffer. Parmi ces gens qu'il déteste côtoyer, et qui n'ont jamais rien eut à faire de lui, à part Katsuki. Devant une femme qui n'est rien qu'une inconnue. Ce n'est en rien une existence à laquelle il aspire et dont il souhaite s'encombrer.

« - Monsieur Eijiro Kirishima, voulez-vous prendre Mademoiselle Momo Yaoyorozu comme épouse et promettez-lui de lui rester fidèle, dans le bonheur ou dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour l'aimer tous les jours de votre vie ? »

Non.

C'est tout ce qui lui vient à l'esprit, tandis qu'il s'enlise un peu plus dans sa détresse, se raccrochant à ces nuances vertes qui l'animent. Sa gorge devient sèche, ses pupilles se dilatent, sa respiration s'accélère. Il est même presque certain qu'une goutte de transpiration perle sur son front, ainsi qu'une autre dans sa nuque. La température de la pièce l'étouffe et le brouhaha qui commence à se faufiler dans l'assemblée, lui donne envie de hurler.

Mais qu'est-il en train de faire ? Jouer toute sa vie sur une décision qui ne lui appartient pas, en laissant de côté ce que son cœur souhaite réellement ?

« - Monsieur Kirishima. Vous devez répondre à la question. »

Le ton employé par le prêtre se fait agacé et pressant. Cependant, Eijiro ne voit pas comment réagir. Parce que ses cordes vocales ne coopèrent pas, elles n'agissent pas pour confirmer ce qu'on attend, et lui faire suivre le sens de la marche.

Non. Aujourd'hui, il décide d'aller à contre-courant.

« - Je suis désolé.

- Quoi ? Murmure Momo. Que dis-tu, Eijiro ? »

Il est sincèrement navré pour elle, une fois de plus. Malgré tout, il ne peut pas prétendre devenir son mari, et lui offrir une vie emplie d'un amour totalement vide de sentiments. D'une affection inexistante, alors qu'elle mérite le meilleur de ce monde.

« - Je suis désolé, répète le garçon. Je ne peux pas t'épouser. Je...c'est impossible. »

Takao se redresse durement, se préparant à rejoindre l'autel pour imposer lui-même sa loi et expliquer à son fils comment doivent se dérouler les choses. Eijiro le lit dans son regard, il est en train de lui faire honte et de le décevoir.

Jamais cet homme ne lui a prodigué une once d'amour ou de soutien. Et ce moment en est la preuve ultime. Définitivement, son père fait partie de ceux qu'il déteste le plus en ce monde, le portant pour responsable d'une grande part de ses malheurs.

Mais qu'importe, il a assez perdu de temps désormais, et donné du crédit à ces bêtises.

Alors, sans même offrir la perspective de réagir, Kirishima traverse l'allée en sens inverse, sous les regards désabusés des invités, tandis que la fiancée paraît tourner de l'œil. Il laisse tout en plan, sans réfléchir ni se demander une seule seconde qu'elles seront les conséquences de cet acte, qu'il a effectué avec bien plus de facilité que de prononcer ce « oui ».

Les petits fours peuvent bien moisir, et les caisses de champagne prendre la poussière. Ça lui est bien égal, le devenir de tout ce cinéma pathétique, qui ne présente strictement aucune valeur.

Tout ce dont il est certain, à cet instant bien précis, c'est qu'il veut voir Izuku.

Eijiro passe la porte d'un pas sûr et déterminé. Il entend vaguement la folie qui s'empare de la pièce, et s'imagine sans peine que les rumeurs vont déjà bon train. La nouvelle va s'ébruiter sans le moindre doute, ne lui laissant que peu de temps pour s'éclipser.

Une fois dehors, il inspire profondément tout en tirant violemment sur son nœud de cravate, se débarrassant ainsi de cet instrument de torture. Il en profite pour ouvrir les deux premiers boutons de sa chemise, et passe ses mains tremblantes dans sa chevelure qui étaient pourtant impeccablement brossées.

Un sourire incontrôlable prend place sur ses joues. Il repense à ce qu'il vient de faire, cet acte fou et insensé, guidé par la passion qui le fait vibrer. Ses paumes sont transpirantes, et tout son corps hurle, tandis que cette dose d'adrénaline puissante le traverse.

Eijiro pourrait sûrement se mettre à rire aussi, sans se soucier de passer pour un aliéné ou craindre la réaction des gens. Cependant, tout ne réagit pas encore complètement, et sa voix reste bien terrée dans sa gorge, se faisant largement désirer. Tant pis, les effusions vocales seront pour plus tard.

Et maintenant ? Il n'a pas de voiture pour se rendre chez Izuku, puisque Takao s'est chargé de conduire. Il n'a pas non plus les clés du véhicule prévu pour l'escorte des mariés, jusqu'au lieu de réception. Un taxi peut-être ? Non, Kirishima n'a pas un sou en poche, et ses papiers sont restés dans sa loge. Intérieurement, le jeune homme commence à se maudire d'avoir agi sur un coup de tête. S'il avait pris le temps de contester ceci bien avant, il n'aurait pas eu à en arriver là pour devoir réagir. Tout ça parce qu'il n'a pas eu ce déclic auparavant.

Soudain, alors qu'il frémit férocement de colère dans son coin en grognant sous un arbre, une voiture noire s'arrête à sa hauteur. En une fraction de seconde, Eijiro reconnaît celle de son meilleur ami et témoin, qui attend fermement qu'il ne daigne s'asseoir côté passager.

Et si, au départ, il peine à remettre les pieds sur terre et engager le moindre mouvement, les cris enragés que prononce son père à son encontre un peu plus loin se chargent de l'arracher sauvagement à sa torpeur. Kirishima entre dans le véhicule, pendant que Katsuki démarre en trombe et s'engage sur la route.

Tout en se tortillonnant sur le siège, il observe les lieux ainsi que Takao qui hurle à s'époumoner, pendant que sa femme tente désespérément de le calmer. Lorsqu'ils sortent de son champ de vision, Eijiro se réinstalle correctement, et souffle bruyamment en frottant vigoureusement ses yeux.

« - Comment tu te sens ?

- Je sais pas...j'ai le cœur qui bat à tout rompre, j'ai l'impression qu'il va exploser. Qu'est-ce que je viens de faire ?

- T'as choisi ce que tu voulais pour ta vie, tout simplement. »

Le ton de Katsuki, bien qu'il soit aussi ferme qu'à l'accoutumée, est également pourvu d'une gentillesse sincère. L'homme perçoit ce soutien omniprésent, et cette sollicitude, qui est entièrement la bienvenue à cet instant. Pour autant, il ne se sent pas apte à répondre quoi que ce soit de plus, et se contente de regarder par la fenêtre du véhicule pendant que le conducteur poursuit sa route.

Quelques minutes passent, dans le silence le plus total, avant qu'Eijiro ne soit capable de se redresser. Il sursaute légèrement, quand Bakugo s'adresse une nouvelle fois à lui, brisant ce calme qui tranchait tellement avec l'agitation probante d'il y a encore un petit quart d'heure.

« - Tu comptes faire quoi maintenant ?

- Je sais pas. J'ai pas vraiment réfléchi à la suite des événements.

- Alors tu as foncé sur un coup de tête. Comme toujours finalement. »

Eijiro se renfrogne sur son assise, en grognant comme un enfant. Il croise les bras sur sa poitrine et fronce les sourcils, en maugréant pour lui-même. Cette attitude arrache un petit rire au blond, qui ne peut s'empêcher de ricaner à voir son camarade agir de cette manière.

« - Te vexe pas, idiot. C'est juste...typique de ta part. T'es parti sans rien embarquer ni penser à après. T'avais même pas pris tes papiers. »

Katsuki illustre ses paroles, en attrapant un objet dans sa portière, qu'il lance tout aussi rapidement à Kirishima. Celui-ci le réceptionne, non sans difficultés, et s'aperçoit qu'il s'agit de son portefeuille. En plus de lui avoir offert un moyen de locomotion, il s'est assuré d'aller lui chercher ses affaires, se doutant qu'il ne remettrait pas les pieds sur les lieux de la cérémonie.

« - T'as pensé à tout, murmure Eijiro.

- Disons que c'était par mesure de précaution. »

Katsuki finit par arrêter la voiture, juste devant l'entrée d'un immeuble. Le regard de Kirishima s'écarquille, lorsqu'il comprend où son camarade vient de le déposer. Sa poitrine se déleste d'un poids, en voyant ces portes qu'il a déjà tant traversées par le passé. Pour autant, avant de descendre du véhicule, il prend le temps de s'adresser à son ami de toujours.

« - Merci Katsuki.

- Pas de soucis.

- Pourquoi t'as fait tout ça ?

- C'est mon rôle, je suis ton témoin, lâche le blond sans sourciller. J'ai aucune idée de ce que tu as l'intention de faire. Mais... J'ai l'impression qu'on se reverra pas de sitôt. Je vous souhaite beaucoup de bonheur à tous les deux. »

Eijiro se mord l'intérieur de la joue, en recevant cette confidence qui le touche plus que de raison. Bakugo est pleinement conscient de ce qui se joue, et a probablement raison quant à la tournure des événements. Alors, sans doute en guise de remerciement, Kirishima vient enlacer affectueusement son meilleur ami, qui passe également ses bras autour de lui. Ce n'est pas dans ses habitudes, de faire preuve de telles effusions. Cependant, en l'état actuel des choses, il peut bien faire un effort ou deux.

« - Allez, va retrouver ton fichu Izuku là. Barre-toi et profite de ta liberté, crétin.»

Cette dernière remarque provoque un rire à Eijiro, qui se détache et sort. Il n'attend pas plus longtemps pour s'engouffrer dans le bâtiment, trépignant d'impatience de rejoindre celui pour qui son cœur bat inlassablement. Grimpant les escaliers trois marches par trois marches, il se hâte d'arriver à l'étage de l'appartement d'Izuku. Il ignore tant bien que mal ces pulsations, celles de son muscle cardiaque, qui martèle affreusement sa cage thoracique. Sa tête menace d'exploser à son tour, trop éprouvée par cette tension qui n'a pas cessé un seul instant, durant cette matinée infernale.

Il est complètement essoufflé, à bout de force, mais peu importe. Ça ne l'empêche pas de cogner durement contre la porte, enchaînant les coups sans s'arrêter.

Et, quand celle-ci s'ouvre face à lui, Eijiro se précipite dans la pièce sans même réfléchir. Devant lui se trouve un Izuku surpris, avec les yeux rougis certainement d'avoir trop pleuré, qui ne sait comment réagir autrement que d'entrouvrir la bouche, témoignant de son effarement.

Mais Kirishima ne s'encombre pas de ceci. Il a besoin de cette proximité, il doit lui démontrer qu'il l'a choisi lui et seulement lui. Il est sa priorité, ultime et indéniable. Mais surtout, qu'il s'en veut terriblement d'en être arrivé là, avant de s'opposer férocement à son père.

Ainsi, Eijiro fond sur ses lèvres avec ferveur, refermant d'un coup de pied la porte d'entrée. Il dévore avec passion la bouche de son amant, retrouvant ces saveurs qui lui ont tant manqué, alors qu'ils ont passé la nuit précédente ensemble. Pourtant, se baiser à un goût si différent et puissant, que le jeune homme a la sensation de redécouvrir le reporter. Se laissant aller à sa pulsion, tandis qu'il poursuit son rapprochement, il vient saisir les cuisses de Midoriya afin de le soulever du sol. Celui-ci s'abandonne sans chercher une explication, probablement soulagé de le trouver ici, allant jusqu'à nouer ses jambes autour de la taille de son compagnon, soupirant de bien-être en sentant ce corps chaud contre le sien.

Kirishima avance jusqu'à ce que le dos de son conjoint ne rencontre la surface du mur. Il se permet un peu plus de gestes, et explore légèrement la peau de sa gorge, lui faisant accélérer sa respiration. L'homme aimerait s'arrêter, mais il en profite quelques secondes supplémentaires. Parce qu'il a bien cru qu'ils ne pourraient plus jamais partager des moments similaires.

Après quelques instants, ils se séparent à bout de souffle, posant leur front l'un contre l'autre, dans un silence reposant. Izuku reste dans l'étreinte d'Eijiro, ses bras passés autour de son cou, s'imaginant sans doute dans un rêve. Il finit par chuchoter, comme s'il craignait qu'un volume trop fort ne brise l'idylle.

« - Je ne m'attendais pas à te voir aujourd'hui...

- Je sais.

- Je pensais ne plus jamais te voir...

- Moi non plus.

- Eiji... S'il te plaît, me laisse pas... »

Dans cette phrase résonnent toute sa supplication, et ce besoin irrépressible de le garder auprès de lui. Les yeux d'Izuku se recouvrent de larmes, devant le regard impuissant d'Eijiro, qui s'en veut terriblement. Il se considère comme responsable de cette peine, et se déteste toute son âme d'être la cause de ce carnage. Lui qui ne vibre que pour les rires de l'amour de sa vie, les a fait faner stupidement, tandis qu'il croulait sous la peur des conséquences de ses actes.

Il aurait pourtant dû réfléchir autrement, et se rendre compte que toute cette existence ne vaut strictement rien, si elle n'est pas ponctuée de la présence de cet homme auprès de lui. Après avoir repris le contrôle de son souffle, Kirishima entraîne son compagnon sur le canapé, et essuie patiemment l'eau sur ses joues, lui laissant le temps de s'apaiser. Et puis, comme pour s'assurer que rien n'a changé depuis la veille, le jeune garçon s'égare dans la contemplation du journaliste. Il retrace tous les détails qui le composent, se les remémorant visuellement ainsi qu'au toucher.

La pulpe de ses doigts dessine les traits de son visage, les rendant aussi réels que possible. Ses pouces se posent sur ses pommettes, se perdant dans ces nuées de taches de rousseur, qui se déploient sur tout son épiderme. Sa gestuelle provoque un sourire à Midoriya, amenant avec lui l'apparition de cette fossette tout bonnement adorable, qui lui vrille l'esprit dès qu'il peut la voir.

Et puis, il y a également la douceur de cette peau, de ses lèvres, accompagnée de la beauté de ces iris uniques au monde. Pris d'une pulsion, Eijiro vient l'embrasser une nouvelle fois. Sans artifice ou insister davantage. Mais simplement pour le bonheur de ressentir cette sensation singulière, lorsque cette bouche rencontre la sienne.

« - Je suis sincèrement désolé de t'avoir fait subir tout ceci.

- Eijiro, explique-moi s'il te plaît ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Le mariage ?

- Je suis parti. J'ai laissé tout le monde en plan, et... Katsuki m'a emmené ici. J'ai pas l'intention d'épouser cette femme. J'en ai rien à faire, de l'entreprise, de mon père et de tout ce qu'on peut attendre de moi. C'est toi ma priorité ! »

Izuku l'observe silencieusement, incapable de répondre quoi que ce soit. Les informations peinent à parvenir jusqu'à son esprit, qui est encore totalement dans le flou. Depuis le départ de Kirishima, très tardivement dans la nuit, il n'a rien pu faire d'autre que d'extérioriser sa tristesse et son désespoir. Il venait de dire adieu à celui qui donnait un sens à son existence, ne lui laissant plus qu'une impression de vide infernal, ponctué d'une mélancolie qu'il se préparait à recueillir, ne s'en séparant qu'à sa dernière respiration.

Le garçon n'a pas imaginé un seul instant le retrouver sur son palier, essoufflé et sérieusement épuisé, ni même fuyant sa propre cérémonie de mariage.

« - T'es toute ma vie Izu... Je t'ai fait une promesse, et je compte bien la tenir. Tout le reste n'a strictement aucune importance. Cette chevalière que je t'ai offerte, c'est toujours la preuve de ce que je ressens. Et si tu veux encore de moi auprès de toi, je souhaite me rattraper. »

Il est vrai que cette période a été bien complexe à appréhender pour le couple. Bien que le journaliste saisissait la situation que vivait son conjoint, il avait de plus en plus de mal à réprimer sa colère et son amertume à mesure que le temps s'écoulait, les rapprochant de la date fatidique. De nombreuses disputes ont vu le jour, chose relativement inédite entre ces deux garçons, qui se comprenaient pourtant depuis le commencement.

Cependant, l'angoisse s'était incrustée à la manière d'un joyau empoisonnant une parure complète, noircissant cet amour qui essayait de subsister malgré tout. S'opposant à cette société qui les croit malades au possible, à ces questions de mariage arrangé, ou encore à ce monde qui ne les considère pas à leur juste valeur. Eux qui veulent simplement avoir le droit de s'unir et de vivre au grand jour, comme n'importe qui d'autre.

À de multiples reprises, ils ont traversé des crises d'une violence inouïe, attestant de leur fatigue mutuelle, et d'à quel point ils pouvaient craindre les répercussions de l'avenir sur leur histoire d'amour.

« - Eiji...tu sais à quel point je peux t'aimer. Mais la vie ne change pas, qu'est-ce qui va se passer maintenant ? Tu t'es opposé au mariage et puis ?

- On s'en va.

- Quoi ?

- Partons tous les deux ! »

Eijiro défend sa position avec ferveur, se prononçant comme s'il avait des étoiles dans les yeux. Cette décision lui paraît sans doute être la meilleure de toutes, et une possibilité tout à fait recevable dans ces conditions. Si cette destinée actuelle ne désire pas d'eux, alors il est prêt à en construire une autre ailleurs, ne leur appartenant qu'à eux.

Rien n'est trop beau pour le sourire d'Izuku.

« - Partir ? Mais où ?

- Loin d'ici. N'importe où. J'ai pas besoin de cette vie là. Tout ce qui m'importe c'est toi. Donc si tu le veux, on s'en va. »

Le journaliste suffoque légèrement, sans vraiment savoir comment accueillir cette proposition. Et Kirishima l'entend tout à fait. Après tout, Izuku a travaillé si dur pour construire sa réalité, et rendre fiers ses parents. Il s'est démené autant que nécessaire, afin que le poste qu'a pu lui offrir Shota soit honoré, et que ce modèle ne pense pas avoir investi du temps dans le vide avec son apprenti.

Alors cette réticence est sincèrement cohérente, tout comme cette réaction quelque peu tendue qu'il peut percevoir chez son amant. Cependant, au vu de sa manière de serrer la mâchoire, tout en détournant le regard, il comprend également que son questionnement fait chemin dans son esprit. Midoriya doit certainement peser le pour et le contre, tout en avisant la situation dans son ensemble.

« - Je sais que c'est loin d'être une vie de rêve, que je viens de te proposer. Et crois-moi, si je pouvais faire mieux, j'hésiterais pas une seule seconde. Tu as fait beaucoup ici, et toute ton existence est là. Ton travail, ce que tu as bâti... Mais si tu le souhaites, on reconstruit ça ailleurs. Je sais qu'il faudra toujours être vigilant, et faire attention à ce qui nous entoure. Mais je veux y croire ! Loin de ma famille, ce sera tellement différent ! »

Ces convictions sont clamées fièrement, et sa voix s'élève entre les murs. Bien évidemment, en choisissant de fuir, Eijiro sait pertinemment ce que cela peut amener. Les conséquences continueront de planer au-dessus de leurs têtes, telle une tempête qui tentera de les ébranler à de multiples reprises.

Pour autant, il est prêt à courir ce risque, et à se donner les moyens d'aspirer à un avenir meilleur que celui qu'ils rencontrent à l'heure actuelle. Loin de ce père qui désire contrôler chaque aspect de son existence. C'est possible, il y croit.

« - Tu...tu veux partir où ? »

La voix d'Izuku est tout juste audible. C'est un murmure mélodieux, porteur d'un soupçon d'espoir, faisant vibrer leurs cages thoraciques. Peut-être que ce n'est pas une solution à long terme, et qu'ils rencontreront des problèmes à affronter.

Cependant, l'optique de les traverser ensemble paraît bien plus séduisante, que cette destinée où ils étaient séparés, à pleurer leur amour perdu.

« - Où tu veux. Je m'en fiche complètement, j'ai seulement envie de partir loin d'ici avec toi. Même en pleine campagne, à élever des moutons et tout un tas d'autres animaux, isolés de toute civilisation. Franchement, ça me va aussi.

- Des animaux ? Toi ? »

Sa proposition fait rire Izuku aux éclats, qui retrouve peu à peu ses couleurs habituelles. Auprès d'Eijiro, il rayonne tellement, en portant fièrement cette chevalière qui est le symbole ultime de leur relation. C'est indéniable, ces deux jeunes hommes sont réellement faits pour être ensemble, sans doute jusqu'à leur dernier souffle.

Instinctivement, tout en continuant d'argumenter sur cette idée saugrenue, mais agréable qui semble s'annoncer, le journaliste vient prendre place sur les genoux de son conjoint, un immense sourire sur les lèvres.

Et Kirishima passe ses bras autour de lui, appréciant cette proximité qui le submerge de sensation, depuis le tout premier jour.

« - Hé ! Rigole pas, je suis sûr que je peux être hyper doué dans ce domaine. Je vais t'impressionner.

- J'en doute pas, et puis...s'il faut, je te donnerais quelques cours. J'ai grandi dans ce monde. »

L'optique d'avoir un professeur provoque quelques rougeurs à Eijiro, qui extériorise ce petit grain de bonheur, en souriant à s'en décrocher la mâchoire. Il rapproche un peu plus Izuku de lui, et l'embrasse une nouvelle fois, avant de simplement ronronner doucement en savourant cette chaleur qui se dégage de cette étreinte. Soudainement, son cœur se met à battre à tout rompre, tandis que son regard s'écarquille.

Parce que cette réponse lui laisse penser que son conjoint n'est pas aussi réticent qu'il l'imaginait, devant cette proposition, qui pouvait paraître surprenante et sans fond au premier abord.

« - Izu ?

- Mmh ? marmonne le garçon, les yeux fermés, à apprécier le mouvement de balancier qu'effectue Eijiro avec son corps.

- Tu...ça veut dire que tu acceptes ? »

Izuku ouvre les yeux, patiemment, et avise longuement son petit ami. Celui avec qui il partage tout, sans même sourciller ou s'interroger. Eijiro est son point d'ancrage, et celui vers qui il se tourne inlassablement, chaque fois qu'il en ressent le besoin. Alors, malgré la peur qui s'amuse à démanteler ses entrailles, la réponse lui apparaît cependant comme une évidence. Sans parvenir à le formuler à voix haute, il hoche positivement la tête, tout en passant ses doigts le long du pendentif, qui orne encore le cou de son conjoint.

Le regard d'Eijiro se pare d'un voile particulier, témoignant de cette émotion qui le submerge de toute part. Peu importe la montagne de choses qui demeurent à organiser, ou que cette perspective représente potentiellement une vie parsemée de fuite, afin d'exister le plus paisiblement possible.

Cela devient une destinée qui se dessine à deux, allégeant partiellement ce fardeau qu'est leur quotidien.

« - Oui, je le veux. »

La formulation semble bien choisie, en ce jour qui était normalement une cérémonie. Ils se sourient mutuellement, appréciant ce petit instant, qui sonne comme le déclencheur de tout le reste. Une bénédiction personnelle, qui leur appartient à eux, et seulement à eux.

Alors, c'est tout naturellement que l'enchaînement des événements finit par suivre son cours, afin de mettre en place leur projet. Guidés par l'euphorie et ce désir de créer cet avenir auquel ils aspirent, les deux jeunes hommes plient rapidement bagage, soucieux de ne pas s'éterniser.

Ils n'ont strictement aucune idée d'où leur destin va les mener, ni quel sera le lieu qui accueillera leur futur prochain. Mais cette sensation d'inconnue est étrangement appréciable, certainement parce qu'elle fait écho à quelque chose qui n'existe que pour eux.

Peu importe la route qui se dessine, ils s'engagent à deux sur cette voie, bien décidés à aller au bout. Traversant les embûches main dans la main, conscient qu'ensemble ils sont bien plus forts. Ils ont même l'impression d'être indestructibles, bien qu'ils gardent à l'esprit que ce n'est qu'un ressenti, dont il faut grandement se méfier.

À la tombée de la nuit, sortant de l'immeuble discrètement, les ombres de ces amants à la recherche de leur liberté sont tout juste visibles. Rasant les murs, et prenant la direction de la gare située plus bas dans la ville, Eijiro et Izuku se rendent après leur destinée, qui leur tend les bras.

Les valises sont uniquement ponctuées du strict minimum, et d'un peu d'argent, pour redémarrer une vie bien loin de cet endroit. Kirishima a longuement remercié Katsuki, qui a pris le temps de lui rapporter quelques affaires pour lui venir en aide une seconde fois en cette journée, qui paraît presque interminable.

Sur le quai, avec les billets qui ont pour destination leur libération, ils se retiennent difficilement de rire aux éclats. Malgré la fraîcheur de cette nuit, et l'optique d'un lent voyage dans un wagon inconfortable, l'excitation d'une aventure nouvelle coule dans leurs veines. Et, après avoir minutieusement vérifié aux alentours, pour s'assurer qu'ils sont bien seuls, Eijiro se risque à une folie.

Il vient déposer ses lèvres sur celle d'Izuku, qui apprécie cette effusion en soupirant. C'est la toute première fois qu'ils s'embrassent en dehors de quatre murs. Qu'ils peuvent adorer la délicatesse du vent sur leur peau, et le romantisme d'un tel contact à l'extérieur, sous un ciel étoilé particulièrement beau ! La lune se lève et vient les éclairer comme en plein jour, ravivant davantage l'élégance de cet instant, qui sera sans doute gravé à jamais dans leur esprit.

En ce moment charnière, le couple s'aime presque sans s'en cacher, se délectant de chaque bribe qui leur est offerte. Une fois séparés, Kirishima observe tendrement son compagnon, son affection débordant dans ses iris rouges rubis. Il se rapproche d'Izuku, jusqu'à pouvoir murmurer quelques mots à son oreille, qui le fait rougir spontanément. Tout aussi parlant, que la première fois qu'il lui a dit qu'il était amoureux de lui.

Sans doute en raison de ce qui se produit, et de la nuit qui opère, aux penchants tout bonnement miraculeux.

Et, tandis que le duo monte dans le train, qui vient tout juste d'entrer en gare, leurs palpitants commencent à battre plus fort et à l'unisson. Izuku ne peut s'empêcher de jeter un œil sur cette ville, qu'il a côtoyé quelque temps.

Ses pensées se dirigent vers son mentor, Aïzawa, qui va certainement hausser un sourcil en recevant cette lettre, postée un peu plus tôt, attestant de sa démission. Il pourrait dire qu'il rencontre quelques remords, à l'idée de le décevoir. Mais l'appel de la nouveauté est bien trop captivant pour être ignoré, et semble prendre le pas sur absolument tout le reste.

Ainsi, il s'engouffre dans le compartiment sans même se retourner, et prend place à côté de son conjoint. À l'abri des regards, cachés sous leurs vestes, ils viennent entrelacer leurs doigts. La chaleur de leurs paumes apporte une sensation enivrante à leurs thorax, pendant que le train démarre de nouveau.

Le cliquetis régulier, le capharnaüm des roues sur les rails, accompagnés d'un silence paradoxal autour d'eux. C'est la musique qui se rapportera à ce départ symbolique.

Et jusqu'à leur mort, Izuku s'en souviendra. De ces quelques mots, qui l'ont profondément bouleversé. Lorsqu'Eijiro a déposé un baiser sur sa joue, avant de simplement lui dire.

« - Izuku... Il n'y a toujours eu que toi... »

___________________________

Bonjour bonjour,

Voici donc la seconde et dernière partie de cette histoire. Un bien grand défi que d'écrire sur un nouveau ship, quand on a pas l'habitude d'en changer comme moi ^^

Mais j'ai beaucoup apprécié cette histoire, et j'espère qu'elle ça a pu vous plaire également !

Un grand merci à Amarylice et ouraganjolie pour la bêta lecture, et pour le soutien dans les grands moments de doute 😅 je vous aime d'amour ❤️ et merci à SUNCAAAA qui m'a aidé à mettre tout ça en ordre 🥺❤️

A bientôt sur d'autres récits, des bisous

Onyx ❤️

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