Chapitre 6

Mia

Mon client me regarde avec des yeux larmoyants.

- Je suis désolée, m'excuse-je à sa mère. J'ai fait le maximum qui était en mon pouvoir. Mais il y a des preuves apportées contre lui. On a réussi à prendre une peine moindre que celle qui était prévue. Et c'est ce qu'il faut retenir. S'il se conduit bien, il sortira avant. 

La pauvre maman s'écroule sur le banc et pleure. Je salue mon client et lui dit de bien se comporter, je lui indique quoi faire pour les prochains jours en cellule puis je me dirige vers la sortie en remerciant Monsieur le Juge ainsi que mes confrères. 

En sortant, un jeune homme avec une capuche et un masque jusqu'au nez s'approche de moi.

- Je vous avais dit de le faire libérer, me chuchote-t-il alors que j'avance.

- Ce n'est pas moi qui décide. Maintenant tu vas me dire qui tu es. Il s'approche de moi avec une petite lame qu'il pointe contre mon bras droit qui tient ma robe d'avocate.

- Je te le dirais pas pouffiasse. Une chose est sûre c'est que je vais te retrouver et te démolir comme je vais le faire avec la famille de Timéo. 

- Attends toi à ce qu'on te retrouve. Policiers ! Je crie aux deux qui sont juste devant moi. Mais ils n'ont pas le temps de voir de quoi il s'agit que le jeune prend la fuite. 

- Attrapez-le! Il détient une arme blanche sur lui et il menace les avocats aux sorties des audiences.

Les policiers partent à sa poursuite mais sans succès car ils s'arrêtent en bout de rue ne sachant pas par où il s'est échappé.

- Nous allons ouvrir une enquête, il faudrait savoir si votre client n'est pas en contact avec le monde extérieur. 

- Demain j'irai l'interroger. 

- Bien, faites attention à vous et demander un policier avec vous lorsque vous sortez d'audience.

J'hoche la tête et les remercie. Je ne sais pas ce qu'il se trame derrière mon dos, mais ça ne m'inspire pas confiance tout ça. 

Je regarde alors l'état de mon poignet droit. Un filet de sang dégouline et je vois une grosse égratignure sur mon avant-bras. Ah bah le con il a réussi. Je sors et prends le premier taxi direction l'hôpital. J'ai besoin d'une radio et d'une photographie. Les preuves sont toujours mieux à rapportées.

*

Après la radio finit, le médecin entoure d'un bandage mon avant-bras et me conseille de désinfecter la plaie même si elle n'est pas très profonde. Il me propose un café avant que je puisse récupérer mes résultats. Je me dirige dans la salle d'attente où des personnes attendent leur tour pour être consulter. Mon téléphone vibre dans ma poche à cet instant. C'est Pete.

- Je suis passée par chez toi mais tu n'y étais pas. Il se fait tard, je me suis inquiété. Tout va bien?

- Oui tout va bien, c'est gentil de t'inquiéter pour moi. 

- T'es où? Si ça te tente de sortir, je te propose un ciné!

- Mademoiselle, voici les résultats de votre radio de l'avant-bras. M'apporte le médecin.

Je décolle le téléphone de mon oreille, je récupère les résultats, remercie le médecin et quitte l'hôpital.

- Euh, oui ça me tente. Je suis là dans une vingtaine de minutes, je lui réponds.

- Tout va bien Mia ? C'est quoi cette radio?

- Oh rien, t'en fais pas. 

- Ne mens pas s'il te plaît, c'est pas une ville tranquille ici.

- Moi aussi j'ai des secrets Pete. Je ne te dois rien, dis-je en soupirant.

- Très bien, je serai chez toi dans trente minutes.

Je raccroche. Pourquoi il veut savoir autant de chose sur moi si moi il ne me laisse pas le droit de le connaître?

**

Arrivée devant chez moi Pete est déjà là. Toujours vêtu de noir, sa veste en cuir comme à son habitude. 

- Allez, allons-y! Je dis d'une mine fatiguée.

- T'es sûre que ça va Mia ? 

- Oui !

Je mets mon manteau jusqu'à ce que ma manche droite se relève légèrement.

- T'as un bandage. Quel est le con qui t'a fait ça ? Dit-il en serrant la mâchoire.

- J'en sais rien. Allons voir le film.

- Comment ça tu sais pas Mia ? T'es en danger ou quoi? Dis-moi! Il commence à élever la voix.

- Mais c'est quoi cette réaction? T'es sérieux? Pete Loud qui ne dit rien de lui me fait une scène parce que je ne parle pas d'une petite agression? 

- AH tu veux jouer donnant-donnant? Il me répond l'air agacé. 

- Exactement ! Tu es le mec le plus mystérieux que je connaisse. Tu ne laisses personne savoir qui tu es. Tu ne laisses personne te découvrir. Un jour tu finiras par te prendre dans ton propre jeu. Tu as besoin des gens, comme on a besoin de toi Pete !

Il ne dit rien. 

- Pete. Reste loin de moi. C'est le mieux. C'est très gentil de ta part de m'avoir pris sous ton ail, mais tes réactions n'ont aucun sens. Rien ne va avec tes paroles.

- Je ne voulais pas te blesser Mia. 

- J'ai pas envie de foutre mon moral en l'air déjà que c'est compliqué. On ne se connaît pas, on est rien l'un pour l'autre. Tu vis dans un mystère, tu te morfonds dedans. Restes-y. Mais ne m'y mêle pas.

- Très bien. Je ne te ferai pas perdre davantage ton temps. Bonne chance Mia. Ravie d'avoir fait ta connaissance. Désolée d'avoir semé la pagaille. J'essaie seulement de t'aider.

- Tu ne m'aides pas. Tu es étrange avec moi Pete, avoue-le. Tu veux apprendre à me connaître sans ne rien me dire sur toi. 

- Je n'ai pas l'habitude de parler de moi. Je n'ai rien d'heureux à dire sur moi. Et je ne veux pas que ça impacte qui que ce soit Mia. 

- Il faut que tu t'ouvres au monde.

Il regarde alors ses pieds puis revint vers mon visage. 

- Tu ferais mieux de rentrer. Il commence à faire froid. 

Je le regarde une dernière fois puis je rentre dans mon immeuble tout délabré. Je m'enferme dans mon petit appartement. Je regarde à travers ma baie vitrée et je vois que Pete n'a pas bougé. Il fixe, dos à ma vitre, le ciel, les passants. Je ferme le store. Il se tourne à cet instant et me fixe. Le store s'abaisse et je ne le vois plus. 

*

Pete 

Je ne veux pas la briser. L'affecter. Elle a une vie pleine d'ambition. Bien rangée. Elle est saine, pure d'esprit. Je ne peux pas lui infliger ma vie. J'ai voulu la protéger mais elle a raison. Rien n'est cohérent dans ma façon de faire. J'aimerai la connaître davantage et réciproquement. C'est normal. C'est moi, j'ai un problème avec le fait de parler de moi... J'espère qu'elle s'en remettra et qu'elle acceptera de me reparler. Je le souhaite.

*

Mia

Je m'allonge sur mon canapé, une tasse de chocolat avec des bonbons à la main, et je regarde un petit film de Noël. Dans moins d'une semaine je rejoindrai enfin ma famille pour les fêtes. Quel bien cela va me faire du bien. Je ne sais pas ce que cache Pete ni même pourquoi il réagit de la sorte avec moi, mais une seule chose est sûre, c'est que j'allais le découvrir. Ce mec a besoin d'être aidé. Le fait qu'il n'est aucune perspective dans la vie en dit long sur sa "mentalité". Il a dû, par le passé, subir des traumatismes qui lui font - à l'heure actuelle - se dire de profiter de chaque instant sans aucune pression. Le fait qu'il se soit retrouvé à moitié déchiré l'autre soir et que l'un de ses membres du groupe lui ait fait la réflexion prouve encore une fois qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Je décide de me rendre sur son profil Instagram "Pete.Loudy1". Ce que je vois ne me choque en aucun cas. Des photos datant d'il y a trois ans le représentant avec des groupes de femmes, toutes à moitié nue comme se frottant sur lui. Ou une autre de lui qui tire la langue pour avaler de l'alcool qu'une grande blonde à forte poitrine lui verse dessus. Un vrai mec de la nuit. Dire qu'il ne ressemble pas vraiment à ça. Du moins, de ce que j'en ai vu. Pete semble vouloir chasser des problèmes intérieurs, des problèmes passés avec seul moyen : celui de se réfugier dans l'alcool et la fête. Si seulement il avait pu finir son récit du soir au restaurant. Je ne sais pas comment c'est terminé sa relation avec son ex copine dont il avait l'air follement amoureux. Et,ce qui me surprend le plus dans tout ça, c'est que lorsque le serveur nous a apporté nos plats, Pete n'a pas fait mine de reprendre son histoire. Il m'a juste laissé sans rien, sans voix. Et le moment de changer de sujet s'est fait languir. Et alors l'histoire de ses tatouages ne fait qu'en rajouter une couche. Je ne sais à vrai dire, vraiment rien de lui. 

***

Le lendemain soir en sortant du bureau, je ne prends pas la route pour rentrer chez moi mais celle du bar des Lockes. Je sais que le groupe ne se représente pas ce soir. Mais généralement les membres de son groupe s'y trouve.

Je gare ma voiture non loin de l'entrer et je m'engouffre à l'intérieur. Quelques personnes sont présentes mais il n'y a pas énorme foule. Je me précipite vers le bar où le bassiste se tient, appuyé les deux bras sur le comptoir, à moitié cambré. 

- Hey ! Je le salue en m'installant sur un des tabourets libre.

- Oh Mia ! Comment tu vas ? Tu n'es pas avec Pete?

- Oh non, je n'ai plus trop de nouvelles de lui en ce moment. 

- Moi non plus je t'avoue. Ca doit faire deux ou trois soirs qu'il n'est pas venu se représenter avec nous. C'est un peu inquiétant. J'espère qu'il n'a pas fait de conneries. Finit-il en aspirant le tabac de sa cigarette fusillé du regard par le gérant du patron qui se trouve derrière le comptoir.

- Comment ça des conneries ? Je l'interroge.

- Oh, ça c'est propre à lui, s'il ne t'en a pas parlé, je ne peux pas le faire moi-même sachant que je ne sais malheureusement pas tout. Le seul conseil que je peux te donner, c'est évite de t'accrocher à ce type Mia. C'est mon ami, mais... Il n'est pas fréquentable. 

Pas fréquentable? Dit-on vraiment ça d'un ami?

- D'accord, merci pour le conseil.

Il approche alors son visage du mien puis me chuchote :

- Si tu veux je peux te donner son adresse si tu veux aller le voir. Je ne te promets pas qu'il t'ouvrira. 

J'écarquille les yeux. Finalement, pas si répugnant comme ami. Il me dresse un petit papier gribouillé où le numéro de l'appartement et le nom de la rue y sont inscrits.

- Si jamais il t'arrives quoi que ce soit, appelle-moi. J'y ai laissé mon numéro derrière. On ne sait jamais ce qui pourrait lui passer par la tête. Déclare-t-il en levant les yeux au ciel.

A ce même instant, Pete fait son entrer fracassante dans le bar. Il parle fort, il sent l'alcool à plein nez et ne tient même plus droit. Joe le patron du bar sort de derrière son comptoir. Tous les clients s'espacent de devant l'entrée pour pouvoir le laisser passer. Plus aucun bruit n'apparaît. Le bar est silencieux. Seul Joe, ce grand homme baraqué rempli de tatouage avec son torchon blanc de travail à la main et Pete, ce rockeur perdu remplisse l'espace. Les quelques personnes qui sont dans le bar panique, et d'autres prie pour qu'il n'y ait pas de mort ce soir.

- Je t'ai dit que les gens bourrés n'avaient pas leur place dans mon bar, Pete. Tu le sais pourtant. Siffle Joe entre ses dents, rouge de colère.

- Ou..Ais mec... Je sais. Bredouille-t-il. Ses phrases sont incompréhensibles et Joe lâche l'affaire et fait sortir Pete du bar. 
Lorsqu'il rerentre et qu'il ferme les portes, Joe lance d'un ton désolé :

- Les Straters n'ont plus leur place ici. 

Le bassiste du groupe en question soupire derrière moi. 

- Tout ça pour ce vieux con. Déclare-t-il de façon outré. Bon, et bien bon courage Mia. Moi j'abandonne. 

Il dépose un billet sur le comptoir et disparaît du bar. Pete est en train de tout envoyer en fumée.

Je sors dix minutes plus tard du bar et je reste plantée au milieu du trottoir dans ce froid glacial à essayer d'appeler Pete mais il est injoignable. Je décide donc de me rendre jusqu'à ma voiture. La seule option que j'ai, c'est d'aller voir chez lui s'il est au moins rentrer vivant. Sans plus attendre j'actionne sur mon GPS l'adresse donnée plus tôt dans la soirée par son ami et je me dirige jusqu'à là-bas. En une trentaine de minutes je m'y trouve. Je roule au pas devant les immeubles pour m'assurer de ne pas louper le numéro de son bâtiment. Je le trouve enfin. Je gare ma voiture devant et je m'aventure jusqu'à l'entrée. Une famille en sort à cet instant.

- Bonsoir, me dit le père suivit de la mère. Leur petit bébé me fait un petit sourire de sa poussette. La mère me tient la porte et j'entre dans le hall principal. Seulement, je ne sais même pas à quel étage il se trouve. Je regarde alors sur les boites aux lettres qui se trouvent à ma gauche. Le hall est neuf, moderne comparé à mon immeuble miteux. Un immense miroir se tient en face de la porte d'entrée et sur le coté droit un petit couloir se dresse et l'ascenseur s'y cache. Je trouve enfin parmi les vingtaines de boites aux lettres, le nom de "Loud" inscrit sur l'une d'elle : "Loud, 4ème étg" . Sans plus tarder je prends l'ascenseur et me voilà sur le palier de sa porte. Du moins devant l'un de ses portes, car il y en a trois sur le même palier. Je décide de me fier à l'instinct cette fois-ci, aucun nom ne se trouvant collé sur la sonnette. Du moins, la porte du milieu en comporte un, la porte de gauche un nom déchiré et la porte de droite, aucun nom. Je suppose que c'est celle où le nom n'est pas collé, voire, n'a jamais été collé. Vu le mystère que représente Pete, c'est sûr qu'il ne veut pas non plus qu'on découvre la porte de chez lui. J'inspire un grand coup et je tape tout doucement. Sûrement pas assez fort car personne ne vient m'ouvrir. Je décide de sonner trois fois. Des pas surgissent de l'autre côté et le trousseau de clé tourne dans la serrure. Comment vais-je le retrouver? Quelle tête va-t-il faire lorsqu'il m'aura découvert sur le seuil de son chez lui? Va-t-il me prendre pour une folle de le repousser mais de vouloir savoir comment il se porte? Va-t-il me crier après ? Me refermer la porte au nez? Lorsque la porte s'ouvre enfin, une grande femme brune aux cheveux très courts m'ouvre.

- En quoi puis-je vous aider? Elle me demande l'air pressé. Ses yeux bleus clairs me fixent de la tête au pied. Son allure hautain ne plaît guère. 

- Je cherche la porte de Mr Loud. Je réponds aussi sèchement qu'elle.

- Oh, Loud. Le fameux... Pete Loud. Dit-elle presque en soupirant son prénom. Il vit la porte de gauche. Avec le nom déchiré sur la sonnette. Elle fait sautiller ses sourcils puis me lance une autre phrase qui m'irise les poils. Demain c'est mon tour alors ne le fatigue pas trop ce soir, si tu vois ce que je veux dire. Puis dans un gloussement elle referme sa porte. Je reste bouche bée. Elle m'a prit pour l'une de ses conquêtes. A croire qu'il n'est pas si sincère qu'il le prétend. Aucun de ses actes n'est en accord avec ses paroles. C'en est trop pour moi. Je redescends par les escaliers. Aller le voir ne sert à rien, cela ne ferait qu'empirer cette situation. Nous ne sommes rien l'un pour l'autre mais savoir qu'il couche avec des femmes me rend nerveuse. Je ne sais pas si c'est par pure jalousie que je n'ai plus rien à me mettre sous la dent ou bien parce que je ne m'avoue pas qu'au fond il m'attire terriblement. Pete est un sacré mec, il sait qu'il plaît. Il use de ses charmes et feraient tomber qui voudrait à ses pieds, dans son lit. Mais moi je ne cherche pas juste une histoire d'un soir. Je sens qu'il y a plus que son physique qui m'attire mais lui tout entier. Son mystère, son allure, sa légèreté, sa façon de voir la vie. Je ressens le besoin d'être là pour lui sans même qu'il n'ait à me demander. Je commence à m'attacher. Et ce n'est pas bon signe. 

Lorsque je sors du bâtiment, un homme me cogne pour rentrer.

- Eh ! Faites attention! Je m'écris. 

- Mia ? 

Le hall étant encore éteint, je ne peux en déduire que c'est Pete. 

- Pete ?

- Qu'est-ce que tu fais là ? Il grogne.

- J'étais au bar ce soir, je t'ai vu. Tu n'étais pas ton état normal... Je bredouille.

- Oh... C'est gentil de ta part. Tu veux monter pour en discuter ? Il me propose.

- Oh non. Je ne voudrais pas te fatiguer davantage. Demain tu as de la visite. Puis, accompagné d'un petit sourire narquois, je laisse la porte de son bâtiment se fermer derrière moi et je regagne ma voiture. Pete Loud, tu es le connard le plus craquant que je connaisse. 

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